Notes
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[1]
Le thème de l’enseignement des faits religieux a davantage été étudié selon des perspectives historiques, philosophiques et curriculaires. Les démarches microsociologiques et les méthodes ethnographiques (de Beaudrap, 2010 ; Petit, 2018) reposant sur l’observation directe des situations et des activités d’apprentissage ne sont pas dominantes dans le champ.
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[2]
Ce travail est par ailleurs engagé dans les milieux pénitentiaires (Béraud, de Galembert, Rostaing, 2016), militaires et hospitaliers (Bertossi, 2016).
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[3]
L’aménagement étudié ici a été observé à Paris, dans deux lycées, et dans plusieurs collèges de l’agglomération urbaine de Strasbourg (Vivarelli, 2014).
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[4]
Du fait de l’influence grandissante des idéologies et des thématiques d’extrême droite dans le débat politique national, ou encore de l’inquiétude ressentie face au terrorisme et à la présence de groupes musulmans radicaux, la question du port de signes religieux s’est étendue de manière exponentielle sur la période, des élèves musulmanes à leurs parents, de leurs parents aux accompagnatrices scolaires, de l’enseignement secondaire à l’enseignement supérieur, de l’école à l’entreprise…
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[5]
Cf. notamment, les rapports Debré (2003), Baroin (2003), Stasi (2003), Obin (2004).
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[6]
On recensait en 2010 sur l’ensemble du territoire, 11 établissements confessionnels musulmans, dont 2 sous contrat, scolarisant 1100 élèves (Poucet, 2019). En 2016, on recense cette fois 49 établissements, dont 5 sous contrat, scolarisant 5000 élèves (Goulet et Reichardt, 2016).
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[7]
Monsieur Bescot, 61 ans, proviseur du LP Molière.
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[8]
Marie, 24 ans, étudiante en 5e année de géographie à l’université. Elle travaille dans l’établissement depuis deux ans.
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[9]
Mme Luchot, 55 ans, CPE du LP Molière.
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[10]
Les relations pédagogiques fondées sur la négociation sont caractéristiques des modes de scolarité contemporains, notamment dans les milieux populaires (Périer, 2010).
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[11]
Il s’agissait de Marie et de Stéphane (28 ans, étudiant poursuivant un doctorat en littérature, il travaille dans l’établissement depuis la rentrée de septembre mais il avait déjà exercé dans plus collèges et lycées). Nous avions tous trois échangé à plusieurs reprises, lors de nos services, sur les difficultés posées par l’aménagement du port du voile.
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[12]
Amina portait un voile noué avec soin, qui couvrait ses cheveux du front à la nuque, ainsi que ses oreilles, s’apparentant objectivement à un voile islamique.
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[13]
La CPE s’est opposée à cette sanction mais elle ne m’a à aucun moment demandé de ne plus intervenir auprès des autres élèves. Je devais après cela continuer à leur demander de retirer leur casquette, leur bonnet, ou leur voile.
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[14]
Entretien réalisé avec madame Saint-Michel, 44 ans, proviseure du LT Rousseau situé dans le Xe arrondissement. L’établissement ne connaît pas une ségrégation aussi intense en matière de sélection des publics mais il accueille lui aussi une part importante d’élèves de groupes socioprofessionnels et ethnoreligieux minoritaires parmi ses effectifs.
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[15]
Entretien réalisé avec Monique, 52 ans, enseignante de mathématiques au LP Molière.
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[16]
Entretien réalisé avec Éric, 36 ans, enseignant de biotechnologie au LP Molière.
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[17]
La domination est entendue comme la capacité d’exercer une emprise sur des personnes et sur un territoire (Simmel, 1908), de priver ou limiter l’accès aux ressources (économiques, sociales, matérielles et symboliques) des individus et des groupes (Weber, 1922), ou encore comme le pouvoir de faire naître des résistances (Foucault, 1975).
1Alors que les thématiques de la laïcité et du religieux à l’école occupent une place de plus en plus grande dans le débat social, en tant qu’important foyer de préoccupations et d’inquiétudes (Portier, 2016), une lecture attentive des travaux de recherche consacrés à ces questions permet de réaliser deux constats majeurs. Le premier est celui de l’indigence du champ sur un domaine : les études sur l’organisation empirique de la laïcité, les arbitrages et les pratiques quotidiennes des acteurs, sont encore trop peu nombreuses. Il en est de même quant à l’intervention, l’organisation et la régulation du religieux dans l’école, qu’il soit question des représentations (Béraud et Willaime, 2009), des pratiques (Zotian,
22012), des discours (Farhat, 2019) ou de l’enseignement des faits religieux [1]. Le second constat tient en un paradoxe : pourtant décrites comme la source d’une conflictualité aiguë, sinon d’une crise du sens de l’action éducative, les activités relatives à la délimitation des frontières symboliques et matérielles de la laïcité ne s’accompagnent pas dans tous les environnements scolaires de désordres ni de contestations, bien au contraire.
3Ce travail, qui présente les résultats d’une recherche ethnographique menée entre 2010 et 2015 dans des collèges et lycées d’Île-de-France, vise à contribuer à la construction d’une microsociologie de la laïcité scolaire, consacrée à l’organisation quotidienne, aux pratiques et aux systèmes de signification qui les sous-tendent, soit aux formes effectives de la laïcité dans les établissements scolaires [2]. Il s’appuie pour cela sur les matériaux issus d’une observation participante ancrée dans l’expérience professionnelle des surveillants de l’enseignement secondaire. Afin d’appréhender les enjeux liés à la gestion du port de signes religieux, cet article s’intéresse à un aménagement particulier du dispositif réglementaire de la laïcité, observé dans plusieurs établissements et académies [3] : l’autorisation pour les élèves d’ôter leur signe religieux ostentatoire dans l’enceinte de l’école, après en avoir franchi les portes. Les situations étudiées rendent compte d’une ouverture locale, verticale et volontaire de l’espace scolaire laïque, inscrite dans un processus d’adaptation de l’école, opéré par ses personnels (proviseurs, CPE et enseignants) en direction des élèves. En tant qu’instrument de gestion, ces dispositifs informels interrogent quant à l’identification par les acteurs institutionnels d’un besoin éducatif, mobilisant les catégories du politique, du religieux et du pédagogique. Parce qu’ils sont réalisés sans demande ni pression, des usagers comme des autorités académiques, ces aménagements donnent à voir des réalités plus complexes, où l’intervention du religieux dans l’activité scolaire se révèle susceptible de constituer un espace de rencontre et de convergence pour les acteurs.
Constructions et définitions des frontières de l’espace scolaire laïque
De l’interdiction juridique du port de signes religieux ostentatoires…
4L’interdiction du port par les élèves de signes religieux ostensibles dans l’école publique, établie par la loi du 15 mars 2004, trouve sa genèse dans une polémique de grande ampleur qui secoua et divisa la société française dans les années 1980, avant de s’installer durablement dans le débat social et scolaire, continuant aujourd’hui encore de produire ses effets [4]. Cette Affaire du voile, dénommée ainsi en référence à l’Affaire Dreyfus, éclate alors que le principal d’un collège de Creil exclut trois élèves qui avaient refusé de retirer, en classe, le voile qu’elles portaient noué sous le menton. L’exposition et la tornade médiatiques sont telles que le ministre de l’Éducation nationale de l’époque, M. Lionel Jospin, saisit le Conseil d’État. Rappelant le droit existant, celui-ci rend un avis qui laissera insatisfait une partie du corps politique et de l’opinion publique, dans lequel il stipule que le port de signes religieux s’inscrit dans les principes de la laïcité dès lors qu’il se fait « dans le respect du pluralisme et de la liberté d’autrui et sans porté atteinte aux activités d’enseignement, au contenu des programmes et à l’obligation d’assiduité » (CE, Avis du 27 novembre 1989). La circulaire Jospin, reprenant les principes énoncés dans cette décision, insiste sur la nécessité d’établir un dialogue avec les élèves et leurs familles avant toute mesure d’exclusion et d’accroître l’exigence de neutralité envers les enseignants (circulaire du 12 décembre 1989). Une nouvelle circulaire, réalisée par son successeur, M. François Bayrou, atteste des difficultés posées et perçues quant à la gestion du voile dans le courant des années 1990. Cette nouvelle circulaire ne sembla pourtant pas régler les différends et les affaires continuèrent à se succéder, divisant la presse autant que la juridiction administrative qui rendait des décisions parfois contradictoires (Crépon, 2008) : au cours de l’année scolaire 1994-1995, trente exclusions d’élèves voilées furent confirmées, quarante-quatre furent annulées.
5La discussion autour des signes religieux connut un nouveau souffle au début des années 2000, au lendemain des attentats du 11 septembre qui bouleversèrent l’opinion publique française et exacerbèrent une crainte à l’égard de l’influence des idéologies et des entrepreneurs d’un islam radical sur le territoire national. Cette inquiétude se donne à voir dans la succession de commandes publiques, de rapports et de commissions chargées de procéder à un état des lieux de la laïcité et d’évaluer la nature de la menace qui pèse sur la société [5]. C’est dans ce contexte que le président de la République crée en 2003 une commission sur la laïcité, présidée par M. Bernard Stasi. Suivant certaines des recommandations formulées par la commission, comme celle d’interdire les signes religieux qui témoignent ostensiblement d’une appartenance religieuse, la loi est adoptée par une écrasante majorité des députés (494 voix contre 36) et promulguée le 15 mars 2004. Dans son rapport annuel pour l’année 2014-2015, l’Observatoire de laïcité revient sur la mise en œuvre, apparemment couronnée de succès, de son application. Pour l’année 2004-2005, on recensait six-cent-trente-neuf signes religieux, soit une diminution de moitié par rapport à l’année précédente : quatre-vingt-seize élèves ont volontairement quitté leur établissement, quarante-sept ont été exclus, et parmi eux vingt-huit ont engagé un recours auprès des tribunaux administratifs. Selon ce même rapport, en 2005-2006, on ne recensait plus que trois recours et seulement deux pour l’année suivante. Enfin, le Gouvernement dit n’avoir connaissance d’aucun recours formé depuis la rentrée 2008-2009 (Rapport annuel de l’Observatoire de la laïcité, 2014, p. 64).
6L’absence de recours contre des décisions d’exclusion éclaire sur la dimension contestataire et juridique du fait scolaire, néanmoins elle ne dit rien de sa dimension pratique, ni du reste. En effet, comment ce fait social et scolaire qui mobilisa tous les niveaux de l’État (exécutifs, législatifs et judiciaires) pendant plus d’une décennie, aurait-il pu se désintégrer si rapidement ? Le développement d’écoles confessionnelles musulmanes sur la même période semble avoir pu contribuer à ce phénomène, mais seulement de manière marginale. Malgré son succès et sa progression, cette offre, très limitée par le manque de soutiens et de financements publics, reste minoritaire dans le champ de l’enseignement privé et décorrélée de l’importance démographique et symbolique de l’Islam en France (Bourget, 2019) [6]. Dès lors, comment cette loi a-t-elle été comprise, appropriée, mise en œuvre, régulée et négociée au niveau local, dans les établissements, et en quelle mesure ces adaptations ont-elles participé à cette pacification soudaine de l’activité scolaire ?
Méthodologie de l’enquête
… À son aménagement dans et par l’institution locale
7M. Bescot, proviseur nouvellement nommé à la direction du LP Molière, met en place de sa propre initiative un aménagement de l’application de la loi du 15 mars 2004 en autorisant les élèves à retirer leur voile et à le remettre dans l’établissement, aux moments des entrées et des sorties :
« Il y a deux, trois élèves qui portent le voile, on leur tolère, je leur tolère le fait d’ajuster leur voile devant la vitre de la loge de la concierge, […]. Donc la loi n’est pas tout à fait respectée. […]. Mais moi je pense que ce n’est pas très grave et je ne me vois pas les forcer à mettre leur voile sur le trottoir. Il y a quelque chose d’humiliant qui ne me paraît pas nécessaire […] Disons que tout ce qui se rapporte à l’islam fait peur, il suffit d’allumer sa télé pour le voir. Mais moi je considère que ce n’est pas fondé. Ici tout se passe très bien. Il y a des problèmes, c’est sûr, mais qui n’ont rien à voir avec la religion [7]. »
9Le proviseur inscrit explicitement sa démarche dans le cadre d’une réaction au caractère « humiliant » de la loi, et plus généralement à l’hostilité témoignée à l’encontre de l’Islam et des jeunes musulmans dans la société française. L’aménagement local concernait aussi deux enseignantes que je voyais entrer dans l’établissement coiffées d’un voile, qu’elles retiraient parfois à l’intérieur de la salle des professeurs, après avoir traversé le hall d’entrée et l’escalier menant au couloir de l’administration. En entretien, le proviseur m’expliqua qu’il fut sollicité par « des enseignants » apparemment dérangés par cette pratique et qu’il échangea avec les deux enseignantes concernées pour leur rappeler qu’elles étaient autorisées à retirer leur voile dans l’enceinte, mais qu’il serait préférable de le faire avant d’entrer en salle des professeurs. Si les aménagements des dispositions de la loi du 15 mars 2004 en faveur des élèves sont encouragés par l’Observatoire de la laïcité, pour permettre une application « empreinte de souplesse et de discernement » (Rapport annuel de l’Observatoire de la laïcité, op. cit., p. 76), les aménagements en faveur des enseignants sont quant à eux contraires au sens de la loi de 2004 et aux dispositions réglementaires du devoir de neutralité religieuse des personnels (circulaire du 18 mai 2004).
Détermination et maintien des frontières matérielles de la laïcité dans les établissements
Le rôle central des surveillants
10Je découvre l’existence de cet aménagement lors de la rentrée de septembre, tandis que je suis en poste aux portes de l’établissement. Alors que je lui demande de se découvrir la tête avant d’entrer dans le lycée, une élève fait mine de vouloir tout de même franchir la porte. Je tends mon bras pour lui barrer la route et lui demande à nouveau de bien vouloir retirer son voile. Surprise par ma réaction, l’élève a un mouvement de recul : « C’est bon, je vais l’enlever ! », me dit-elle. Je lui explique alors que je ne doute pas de sa bonne foi mais qu’il lui faut le retirer avant de passer les grilles, comme le veut le règlement. Sans que j’en comprenne les raisons, la jeune fille élève soudainement le ton : « Ça va ! Laisse-moi rentrer, je vais l’enlever j’t’ai dit ! ». Marie [8], une collègue surveillante qui se trouvait à proximité, s’approche de moi : « C’est bon Benjamin, tu peux la laisser rentrer, elle a le droit. Elle ne peut pas rentrer dans les couloirs avec mais elle peut l’enlever derrière la grille… [S’adressant à l’élève sur le ton de l’ironie] Hein Waïba ? Derrière la grille, ça ne veut pas dire dans les couloirs… Pas comme hier quoi ! ». « T’inquiète ! », répond Waïba, avec la même ironie, « Hier c’était pas moi, c’était ma sœur jumelle ». Une fois l’élève entrée, ma collègue m’explique que le nouveau proviseur a fait passer une consigne aux surveillants la semaine précédente, par l’intermédiaire de la CPE, madame Luchot [9], autorisant les élèves portant un voile à le retirer dans le hall d’entrée du lycée. Je lui demande alors quelle est la limite clairement fixée : « Non il n’y a pas de limite précise », m’explique-t-elle, « Je ne sais pas, entre la grille et la cour on va dire… Enfin, la CPE nous avait dit “après les grilles”. » La nouvelle consigne transmise oralement aux surveillants portait sur le contrôle des voiles et ne fut pas justifiée par des considérations relatives à l’application ou l’apprentissage de la laïcité. Il s’agissait de faire retirer les voiles après que les élèves avaient franchi la porte d’entrée et non plus avant, comme cela nous avait été demandé l’année précédente. Le contrôle des couvre-chefs faisait déjà partie des tâches qui nous étaient formellement attribuées et rappelées par la CPE, toujours de manière orale, lors de nos rares échanges. Le contrôle des voiles, à l’intérieur comme à l’extérieur de l’établissement, s’inscrivait ainsi dans une forme de continuité plus qu’il ne représentait une transformation de nos tâches ni de nos pratiques.
11Les jours et les semaines passant, je finis par constater, avec deux de mes collègues, les difficultés posées par la gestion quotidienne des couvre-chefs et des voiles. Nous n’émettions à l’égard de cet aménagement aucune contestation d’ordre idéologique ou politique, ni même réglementaire, cependant nous nous sentions parfois dépassées par la charge de travail induite par lui. À chaque récréation, à chaque temps d’interclasse, des élèves s’empressaient de remettre leur casquette, leur bonnet ou leur voile en sortant de cours. Nous devions ainsi continuellement jouer avec eux au jeu du chat et de la souris, dans la cour comme dans les couloirs, et consacrer beaucoup de temps et d’énergie à ces activités de contrôle. Dès qu’ils nous voyaient, les élèves enlevaient rapidement leur couvre-chef, quel qu’il soit, puis prétendaient par la suite n’en avoir jamais eu, ou alors couraient dans la direction opposée à la nôtre, craignant d’être encore sermonnés. La tâche se compliquait davantage avec les élèves retardataires. Arrivant dans l’établissement en dehors des heures d’ouvertures, aucun surveillant n’était présent à l’entrée pour faire appliquer la règle. Il arrivait ainsi fréquemment de voir une élève retardataire traverser le hall d’entrée au pas de course, la tête encore couverte. Lorsqu’ils s’en apercevaient, les surveillants se contentaient la plupart du temps d’essayer d’interpeller l’élève par la fenêtre de leur bureau, situé entre le hall d’entrée et la cour de récréation. Dans la plupart des cas, les élèves retiraient leur voile en traversant la cour, mais il arrivait aussi qu’elles fassent mine de n’avoir rien entendu ou qu’elles n’aient pas pu entendre ce que disait le surveillant, en raison du casque audio porté sur leurs oreilles. Enfin, la plus grande contrainte posée par la régulation du port de signes religieux tenait aux négociations [10] auxquelles il fallait se livrer pour obtenir de certains élèves qu’ils coopèrent. Si ces derniers finissaient par se plier à la règle, il était difficile d’échapper à de longues discussions pendant lesquelles ils demandaient un traitement de faveur, sinon quelques minutes supplémentaires avant de s’exécuter. Ces négociations entre surveillants et élèves n’étaient d’ailleurs pas propres à la gestion du port de signes religieux. Qu’il s’agisse de les faire monter en cours, de les faire se ranger en ligne et dans un calme relatif devant la cantine ou sortir leur carnet de correspondance pour vérifier qu’un mot a bien été signé par les parents, nous devions passer plusieurs minutes à négocier. Les effectifs de surveillants étant réduits, le temps consacré à ces atermoiements nous empêchait de réaliser d’autres activités, notamment celles de surveillance de la cour ou des couloirs pendant les récréations, qui sont aussi des temps privilégiés pour créer et entretenir des liens avec les élèves. De plus, en raison de la sensibilité de certain.e.s élèves au ton et au langage que nous employions, ces négociations ritualisées nous demandaient également de la retenue et de la patience : d’un instant à l’autre, un ou une élève pouvait se braquer et mettre un terme à l’échange, estimant qu’on lui avait « manqué de respect ».
Des ordres scolaires dissonants
12Quelques semaines après la rentrée de septembre, nous décidions, avec deux collègues [11] de ne plus respecter l’accommodement mis en place. Nous étions fatigués de devoir chaque jour reprendre des élèves qui gardaient ou remettaient leur voile bien après avoir traversé le hall, dès qu’ils étaient hors de notre vue. Les cas de voile n’étaient pas nombreux, une dizaine tout au plus, mais nous devions réitérer nos demandes plusieurs fois par jour pour une même élève. Nous finîmes donc par décider de faire retirer les signes religieux avant de franchir les portes, pour des raisons pratiques, comme il nous été déjà demandé de le faire pour les casquettes et les bonnets. Quelques élèves se plaignirent, nous demandant pourquoi elles n’avaient plus le droit de se découvrir à l’intérieur du lycée. Je leur expliquais alors que cette règle ne pouvait s’appliquer que si les élèves respectaient leur part de l’engagement, et dès lors que cet engagement n’était pas tenu, il faudrait retirer leur voile avant d’entrer. À ma grande surprise, les élèves se plièrent à l’exercice. Nous ne fûmes jamais informés de plaintes formulées auprès de la CPE, du proviseur ou des enseignants, et nous pûmes continuer à fonctionner ainsi. Si j’avais décidé de ne plus respecter l’aménagement du port de signes religieux, pour des raisons pratiques, je continuais à veiller à l’application de la règle dans l’établissement. Je faisais toutefois preuve, ainsi que me collèges surveillants, d’une certaine souplesse dans son application. En hiver, il est courant que des élèves utilisent leurs châles ou de grandes écharpes en les plaçant sur la partie arrière de la tête. Il est alors impossible, sans aller les questionner sur ce point, chose que nous ne faisions pas, de distinguer le signe extériorisant une croyance religieuse du simple élément esthétique. Les écharpes ne nous semblaient pas entrer dans le cadre de la loi de 2004 et nous estimions par ailleurs que les activités de contrôle occupaient une place déjà conséquente dans nos activités quotidiennes.
13Ces interventions, plus ou moins nombreuses selon les jours, se déroulaient sans difficulté. Les élèves, qui connaissaient et reconnaissaient la règle, acceptaient de se découvrir la tête. Ces interventions étaient, en de rares cas seulement, potentiellement sources de tensions et pouvaient déboucher, comme toute activité de contrôle, sur un échange contrarié. J’en fis la désagréable expérience en cours d’année. Je fus conduit, tant les rappels à l’ordre avaient été nombreux, à sanctionner Amina, une élève de 16 ans inscrite en seconde année de BEP. Contrairement à ses camarades, elle ne faisait ce matin-là aucun effort de dissimulation. Elle portait dans la cour, pendant la récréation du matin, un voile qui lui couvrait entièrement les cheveux et les oreilles [12]. Je lui avais déjà fait la remarque plusieurs fois et elle avait jusqu’alors accepté de tenir compte de mes interventions. Ce matin-là, pour des raisons qui me sont étrangères, Amina s’entête et me dit qu’elle ne retirerait pas son voile. Prenant son refus pour une contestation directe et non justifiée de mon autorité, je décide de ne plus passer l’éponge. Je lui annonce que je compte lui donner deux heures de retenue. Amina, qui se met à pleurer, me prévient : « Tu peux me coller, je la ferai pas ! Je m’en fous ! » Voyant la situation m’échapper, je décide de l’envoyer chez la CPE, pensant qu’elle serait à même de lui rappeler le règlement et ma légitimité à le faire appliquer. En me présentant à son bureau quelques minutes plus tard, après avoir pris le temps de trouver et de prévenir un collègue de mon absence, je m’aperçois que l’élève a déjà été reçue et entendue. Tandis que je m’apprête à exposer ma version des faits, la CPE me coupe la parole et se tourne vers la jeune fille en larme : « Ne t’inquiète pas Amina… Tu n’as rien fait de mal… Il n’y a pas de raison que tu sois collée. » Sur ce, madame Luchot congédie Amina, manifestement soulagée de ce revirement de situation. Elle venait d’annuler la sanction sans avoir pris la peine de m’entendre. Pour s’être frontalement et publiquement opposée à mon autorité et pour avoir enfreint à de multiples reprises une règle inscrite dans le règlement intérieur, une sanction, même symbolique, me semblait alors justifiée. Contrariée par mon insistance, la CPE finit par me répondre : « Je préfère ça à une élève qui ne fait rien ou qui fait le bordel ! Elle est tranquille en classe, elle se tient bien, c’est ce qui compte ! » Le cours de la discussion prit ensuite une tournure plus houleuse. L’argument avancé par la CPE me parut d’autant moins recevable qu’il révélait une forme de jugement misérabiliste, que je savais répandue parmi les représentations et les discours enseignants de cet établissement. Celle-ci consistai à justifier, sur la base des lourds et nombreux handicaps attribués aux élèves du LP Molière (sociaux, cognitifs, culturels, scolaires…), de leur « anormalité », un traitement différentiel exemptant les moins indisciplinés d’entre eux du respect de certaines règles. Perdant mon sang-froid, je reproche à ma supérieure hiérarchique de faire preuve de favoritisme à l’égard de cette élève [13], et de sélectionner parmi les principes fondateurs de l’école ceux qui lui semblent dignes d’intérêt. Sa réaction fut immédiate. La CPE hurla : « Allez voir le proviseur, il pense la même chose que moi ! Allez-y ! Et puis ça suffit ! Je n’ai pas l’intention de parler de ça avec vous ! Sortez d’ici ! » Cet incident, qui eut pour effet de détériorer de manière définitive nos rapports professionnels, mit en lumière la coexistence d’ordres et de sous-ordres scolaires dissonants, produits par la confrontation des « logiques d’acteurs pris dans la trame de rapports d’interdépendance qui sont autant de rapports de force statutaires, identitaires et symboliques » (Périer, op. cit., p. 11). Le proviseur, la CPE et les surveillants développaient, sur la base de leurs interprétations personnelles du droit pour les uns, et des contraintes professionnelles pour les autres, des systèmes normatifs distincts, parfois concurrents, permettant d’expliquer la visibilité de certains signes religieux dans le lycée.
L’aménagement de l’espace laïque au service de la lutte contre les inégalités
La diminution locale de la contrainte normative
14Cet incident me permit plus encore de prendre conscience du rapport particulier de certains personnels à l’égard de la contrainte normative, disciplinaire et pédagogique. Je pus constater l’importance des attributs socio-identitaires minorisés dans la description des publics d’élèves et dans la justification de certaines pratiques professionnelles : « […] ils ont vu leurs grands-pères arriver en France et être parqués dans des bidonvilles, ils ont vu leurs pères faire les boulots d’OS dans les usines et avoir peu d’évolution. Et ils constatent que pour eux la situation à la limite elle est pire » […] (Proviseur du LP Molière). Ces représentations imprègnent également le discours de la proviseure du lycée technologique (LT) Rousseau, qui avait elle aussi aménagé l’application de la loi, mais pour des motifs différents :
« Il y a quand même un petit problème avec les grands frères. Donc c’est vrai que la dernière négociation c’est un bandeau noir, sur la tête, qui est assez large. Je sais que derrière il y a le frère qui ne veut pas qu’elle se découvre. Dans le précédent établissement j’ai vécu ça beaucoup plus fortement puisqu’il y en a qui attendaient vraiment d’être à l’intérieur parce que les grands frères les observaient dehors. […] En fait, elles attendent la première marche, au niveau de la porte cochère. […]. On passe deux semaines à faire ça [rappeler la règle]. On est très présentes, la proviseure-adjointe et moi, pour le dire. Mais ça se résout sans difficulté [14]. »
16On observe en premier lieu que ces deux chefs d’établissement considèrent la gestion du port de signes religieux dans l’école comme n’étant la source d’aucune difficulté particulière. Ensuite, tous deux exploitent le dispositif réglementaire de la laïcité comme un outil de gestion de l’action scolaire visant à favoriser l’expérience des élèves et à les préserver de certaines contraintes extérieures. Enfin, ils fondent ces aménagements sur la considération des particularismes, des handicaps socio-culturels attribués à leurs élèves, ainsi que sur leur qualité de victime : victime de discrimination en raison de leur appartenance à des groupes ethniques et socioprofessionnels minorisés (proviseur du LP Molière) et victime de pressions du fait de leur appartenance ethnique et genrée, en tant que filles arabo-musulmanes soumises au contrôle de la fratrie (proviseure du LT Rousseau). Autrement dit, ces deux aménagements de l’ordre scolaire témoignent d’une pratique professionnelle qui se veut bienveillante, en ce sens qu’elle entend porter sur autrui un regard « compréhensif, sans jugement, en souhaitant qu’il se sente bien et en y veillant » (Gueguen, 2015, p. 7) ; qui se fonde sur les attributs disqualifiés attribués aux publics vers qui l’action est dirigée, sur leur qualité de victime ; qui légitime et organise diminution de la contrainte normative, en l’occurrence disciplinaire. Les fins poursuivies par les personnels sont variées et ne visent pas uniquement, ni prioritairement, la satisfaction du bien-être des élèves. Cependant, l’amélioration de l’expérience quotidienne des élèves, à travers l’accueil, les traitements et les jugements qui leurs sont réservés, reste une référence commune (mineure ou majeure) mobilisée par l’ensemble des acteurs qui développent les logiques d’action étudiées.
Des dominants face à l’ordre de la domination
17Ces représentations de type misérabiliste, appréhendant les cultures populaires et leurs publics par leurs manques et leur distance à la culture légitime (Millet, Thin, 2005), sont aussi parfois centrales dans la construction de l’agir professionnel d’autres acteurs, enseignants et surveillants :
« Tu sais, déjà s’ils savent écrire c’est bien. Je veux dire écrire en format SMS, en phonétique quoi, sans grammaire, sans orthographe, sans rien. Tu imagines bien que je ne vais pas corriger les fautes d’orthographe ou de conjugaison dans leurs copies, sinon ils ont tous zéro, tous ! Quand j’y pense je me dis que c’est dingue, parce que ça ne se passerait jamais comme ça dans un lycée normal, mais on a pas le choix [15]. »
« J’ai compris en arrivant ici que tout le discours de base de l’école, sur l’égalité des chances, la méritocratie, ça ne marche pas ici ! En fait, on n’est pas là pour qu’ils deviennent de bons élèves. […]. On leur fait passer le temps et la société se donne bonne conscience en se disant ‘‘tout le monde a accès à l’école’’, ‘‘tout le monde a accès à un diplôme’’, mais quand tu regardes derrière c’est pas joli [16]. »
20Ces représentations peuvent, ainsi organisées, constituer le socle socio-cognitif d’une posture éducative. Cette posture, qui s’incarne dans les aménagements étudiés et dans une diversité de pratiques professionnelles, peut s’analyser dans le cadre d’une stratégie de réaction des membres des groupes dominants à un ordre ou à un état de la « domination symbolique » (Bourdieu, 1999). D’un genre particulier, cette réaction n’est pas suscitée par l’expérience de la disqualification mais au contraire par celle de la domination [17], de son exercice. En effet, parmi les personnels évoluant dans ces environnements de la relégation, où les difficultés des publics et les phénomènes ségrégatifs sont les plus importants, certains reconnaissent être conscients de l’existence d’inégalités et de discriminations dans l’école, comme dans le reste de la société, qui contrarient et compromettent l’expérience scolaire de ces élèves issus de milieux populaires et de groupes ethniques perçus comme minorisés (arabes, musulmans, africains, issus de l’immigration…). C’est pourquoi, ces réalités qui entrent en contradiction profonde avec les valeurs qui fondent leurs identités et leurs engagements professionnels peuvent être la source d’une tension importante.
21Le sentiment de responsabilité est d’autant plus grand que ces acteurs occupent une position de domination face à des élèves dont ils déterminent en partie la réussite ou l’échec, à travers la notation, les décisions d’orientation et les jugements qu’ils émettent ou n’émettent pas. Parmi eux, plusieurs s’interrogent sur leur participation, même passive, à la reproduction des inégalités sociales par l’école. Parce qu’ils se représentent leurs élèves comme étant particulièrement défavorisés, victimes de déterminismes socio-culturels qui les privent de toute perspective d’ascension sociale, ces acteurs ont ainsi parfois tendance à survaloriser l’engagement de leurs élèves, et ce faisant, à réduire leurs exigences disciplinaires ou pédagogiques à leur égard. En se conformant aux attentes légitimes en matière de discipline et de travail, c’est-à-dire en évaluant les élèves du LP Molière comme ils le feraient avec des élèves normaux, ces personnels peuvent avoir le sentiment d’aggraver leur situation. L’application des normes curriculaires et réglementaires les conduirait à sanctionner les élèves pour leur non-maîtrise des codes de la culture scolaire, des attentes relatives au métier d’élève, selon un principe de double peine, la présence dans le LP Molière étant en elle-même perçue comme l’expression d’inégalités systémiques et structurelles. Dans cette perspective, la stratégie de réaction visant à réduire la contrainte normative et pédagogique remplit plusieurs fonctions, permettant aux personnels d’exprimer une forme de solidarité à l’égard des élèves, de se désolidariser d’un système qui conduit à leur relégation ou de tenter d’en diminuer les effets stigmatisant, de réduire les contraintes et la charge de travail occasionnées par un degré d’exigence supérieur, ou encore de tenter d’œuvrer au maintien d’une paix scolaire dans un environnement considéré comme sensible et instable.
Conclusion
22Ces différents résultats permettent d’approcher les procédures et les processus empiriques de détermination de l’ordre laïque, de ses frontières matérielles et symboliques, dans l’école. Réalisées au sein et à la rencontre d’une multitude d’espaces, géographiques et relationnels, ces activités font intervenir sous des rapports d’interdépendance, de connivence et de dissonance, l’ensemble des acteurs. Les surveillants, en raison de leurs missions et de leur présence en des lieux clés (aux portes des écoles, dans la cour et les bâtiments), occupent une fonction centrale dans le dispositif. Tandis que l’élaboration de l’aménagement de l’espace laïque est la prérogative exclusive des personnels de direction, sa mise en œuvre quotidienne revient presque entièrement aux surveillants : en charge des activités de contrôle, à l’exception des salles de classe placées sous la responsabilité des enseignants, ils se voient confier la responsabilité de rendre effectives et de veiller au maintien des frontières matérielles du dispositif. Élaborés dans l’horizontalité des relations pédagogiques et dans un effort de valorisation des identités d’élèves, ces aménagements semblent s’inscrire dans ce mouvement plus vastede reconfiguration des scolarités à travers lequel l’école tente de se rendre plus accessible à ses publics (Pirone, 2018). Confrontés aux défaillances et aux limites du système scolaire, à un ordre de la domination qui remettent en cause le sens de leur engagement professionnel, ces acteurs sont amenés à réagir, ce faisant, à questionner et repenser le sens de l’articulation entre les espaces de la laïcité, de la citoyenneté et de la religiosité dans l’école.
Bibliographie
Références
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Mots-clés éditeurs : Pratiques professionnelles, Signe religieux, École, Inégalités scolaires, Faits religieux, Laïcité
Mise en ligne 08/02/2021
https://doi.org/10.3917/nresi.088.0257Notes
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[1]
Le thème de l’enseignement des faits religieux a davantage été étudié selon des perspectives historiques, philosophiques et curriculaires. Les démarches microsociologiques et les méthodes ethnographiques (de Beaudrap, 2010 ; Petit, 2018) reposant sur l’observation directe des situations et des activités d’apprentissage ne sont pas dominantes dans le champ.
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[2]
Ce travail est par ailleurs engagé dans les milieux pénitentiaires (Béraud, de Galembert, Rostaing, 2016), militaires et hospitaliers (Bertossi, 2016).
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[3]
L’aménagement étudié ici a été observé à Paris, dans deux lycées, et dans plusieurs collèges de l’agglomération urbaine de Strasbourg (Vivarelli, 2014).
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[4]
Du fait de l’influence grandissante des idéologies et des thématiques d’extrême droite dans le débat politique national, ou encore de l’inquiétude ressentie face au terrorisme et à la présence de groupes musulmans radicaux, la question du port de signes religieux s’est étendue de manière exponentielle sur la période, des élèves musulmanes à leurs parents, de leurs parents aux accompagnatrices scolaires, de l’enseignement secondaire à l’enseignement supérieur, de l’école à l’entreprise…
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[5]
Cf. notamment, les rapports Debré (2003), Baroin (2003), Stasi (2003), Obin (2004).
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[6]
On recensait en 2010 sur l’ensemble du territoire, 11 établissements confessionnels musulmans, dont 2 sous contrat, scolarisant 1100 élèves (Poucet, 2019). En 2016, on recense cette fois 49 établissements, dont 5 sous contrat, scolarisant 5000 élèves (Goulet et Reichardt, 2016).
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[7]
Monsieur Bescot, 61 ans, proviseur du LP Molière.
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[8]
Marie, 24 ans, étudiante en 5e année de géographie à l’université. Elle travaille dans l’établissement depuis deux ans.
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[9]
Mme Luchot, 55 ans, CPE du LP Molière.
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[10]
Les relations pédagogiques fondées sur la négociation sont caractéristiques des modes de scolarité contemporains, notamment dans les milieux populaires (Périer, 2010).
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[11]
Il s’agissait de Marie et de Stéphane (28 ans, étudiant poursuivant un doctorat en littérature, il travaille dans l’établissement depuis la rentrée de septembre mais il avait déjà exercé dans plus collèges et lycées). Nous avions tous trois échangé à plusieurs reprises, lors de nos services, sur les difficultés posées par l’aménagement du port du voile.
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[12]
Amina portait un voile noué avec soin, qui couvrait ses cheveux du front à la nuque, ainsi que ses oreilles, s’apparentant objectivement à un voile islamique.
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[13]
La CPE s’est opposée à cette sanction mais elle ne m’a à aucun moment demandé de ne plus intervenir auprès des autres élèves. Je devais après cela continuer à leur demander de retirer leur casquette, leur bonnet, ou leur voile.
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[14]
Entretien réalisé avec madame Saint-Michel, 44 ans, proviseure du LT Rousseau situé dans le Xe arrondissement. L’établissement ne connaît pas une ségrégation aussi intense en matière de sélection des publics mais il accueille lui aussi une part importante d’élèves de groupes socioprofessionnels et ethnoreligieux minoritaires parmi ses effectifs.
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[15]
Entretien réalisé avec Monique, 52 ans, enseignante de mathématiques au LP Molière.
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[16]
Entretien réalisé avec Éric, 36 ans, enseignant de biotechnologie au LP Molière.
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[17]
La domination est entendue comme la capacité d’exercer une emprise sur des personnes et sur un territoire (Simmel, 1908), de priver ou limiter l’accès aux ressources (économiques, sociales, matérielles et symboliques) des individus et des groupes (Weber, 1922), ou encore comme le pouvoir de faire naître des résistances (Foucault, 1975).