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Article de revue

Médiation animale, parcours moteur et enfants avec autisme : quels impacts sur les interactions sociales

Pages 125 à 129

1 L’autisme est aujourd’hui défini comme une triade de dysfonctionnements (Wing & Gould, 1979) qui apparaît avant l’âge de trois ans et qui est caractérisée par une altération des interactions sociales (troubles du contact visuel, incapacité à établir des relations avec ses pairs, manque de réciprocité sociale, absence de théorie de l’esprit), de la communication verbale et non verbale (perturbation ou absence totale du langage, absence de jeu, de « faire semblant » ou d’imitation), enfin par des comportements répétitifs, restreints et stéréotypés (répétition de la même action, champs d’intérêts limités, attachement à la constance de l’environnement).

2 Dans le cadre de l’accompagnement des enfants avec autisme, plusieurs approches éducatives sont proposées. Notre étude s’intéresse à deux d’entre elles : l’activité physique adaptée et la médiation animale.

3 Le sport, comme toute activité physique, constitue un outil privilégié au regard des prises en charge traditionnelles conduisant à l’amélioration des symptômes. En effet, si l’on se réfère aux travaux scientifiques, l’exercice physique, activité sociale par excellence, serait un moyen pour lutter contre de nombreux types de comportements inappropriés associés à l’autisme (Rose & Soper, 1994) ; il permettrait le développement des apprentissages cognitifs mais aussi sociaux des enfants autistes (Boursier, 1996) tels que la communication et les interactions sociales.

4 Le parcours moteur, lors de cette étude, a été préféré aux autres activités sportives pour les nombreux avantages qu’il présente : la possibilité de s’adapter à l’enfant, les sollicitations sensorielles et corporelles, l’acquisition ou l’affirmation de la motricité globale et fine, l’apprentissage par essai et erreur, l’aspect ludique de l’activité et enfin la faculté d’y intégrer un chien.

5 De plus selon les spécialistes de l’activité physique adaptée (par exemple Bui-Xuan & Brunet, 1999 ; Boursier, 2001), le parcours moteur permettrait aux personnes de s’engager dans des actions élémentaires de la motricité en sollicitant du désir chez les pratiquants et en leur permettant de s’ouvrir au monde extérieur (ainsi à travers l’entraide lors de passages délicats).

6 Depuis la découverte de « la thérapie facilitée par l’animal » par Levinson (1962) de nombreux auteurs (entre autres : Belin, 2000 ; Montagner, 2002) s’accordent sur le fait que les animaux ont un impact positif auprès de personnes en situation de handicap.

7 Lorsque l’on se réfère à la littérature, les auteurs mentionnent souvent le rôle « structurant et médiateur » ainsi que le support « social » (Furman, 1989) des animaux dans la vie des enfants. Pour l’enfant, l’animal semble ainsi constituer un bon outil éducatif, pédagogique et social, du fait de la fascination et la curiosité naturelle qu’il suscite. Le chien en particulier puisqu’il apparaît comme l’animal favori des enfants (Bagley & Gonsman, 2005). Par son comportement, le chien semble être un partenaire de déverrouillage émotionnel, affectif et relationnel pour les enfants autistes (Montagner, 2002). Ses actions répétitives et relativement aisées à décrypter pour l’homme paraissent plus accessibles (Leguillon, 2002) et permettraient ainsi une augmentation des comportements pro-sociaux pour notre population d’étude.

8 Le chien, en tant qu’animal de compagnie, aurait une capacité à faciliter les interactions, ce qui lui permettrait de devenir un élément moteur de socialisation et d’intégration supplémentaire par rapport à l’activité physique. C’est pourquoi notre programme a souhaité allier les deux approches : l’activité physique via la médiation animale.

Méthode

9 Notre échantillon est composé de cinq enfants d’une dizaine d’années, diagnostiqués autistes.

Outils méthodologiques

10 Trois outils méthodologiques ont été utilisés lors de cette étude :

11

  • l’échelle d’Évaluation fonctionnelle des comportements (EFC) qui a pour but d’évaluer les 13 grandes fonctions susceptibles d’être déficientes (communication, attention, imitation, etc.). Cette échelle est composée de 104 items cotés de 0 à 4 selon l’absence, la présence du comportement, ainsi que son intensité et sa fréquence ;
  • l’échelle d’Évaluation du comportement autistique (ECA) qui permet d’évaluer le comportement de l’enfant à partir d’observations directes. La cotation doit être effectuée par des personnes connaissant bien l’enfant, c’est pourquoi, nous avons choisi pour cette étude de la faire remplir par les parents. Elle est composée de 29 items cotés selon la fréquence d’apparition du comportement de 0 (jamais) à 4 (toujours) ;
  • la vidéo, grâce à deux caméras : l’une en plan fixe et l’autre en plan mobile pour une analyse éthologique.

Déroulement des séances

12 Les séances se sont déroulées dans une salle d’une collectivité territoriale.

13 Les enfants ont été divisés en deux groupes. Le premier groupe comprenait trois enfants et le second, deux enfants. Le programme s’est déroulé sur trois mois, à raison d’une heure par semaine comprenant 45 minutes de pratique réelle à travers différents ateliers (atelier d’équilibre, atelier de communication, atelier d’agilité, etc.) et 15 minutes de retour au calme où les enfants étaient invités à partager leurs impressions autour d’un goûter.

14 Deux chiens dressés (un malinois et un bearded collie) ont participé au programme. Les enfants pouvaient ainsi choisir celui avec lequel ils souhaitaient participer au parcours moteur.

15 Les évaluations ont été effectuées lors de la première et de la dernière séance, afin d’évaluer les progressions de l’enfant durant le programme. De façon à permettre un jugement objectif des enfants, une psychologue était également présente durant ces deux séances clefs. Les comportements observés étaient scrupuleusement notés, soit lors de la séance, soit lors de la lecture différée grâce aux vidéos. Ce support visuel, qui permettait une exploration plus poussée de la nature même des interactions, a mis en évidence une variété d’interactions entre les enfants et les chiens qui aurait été difficilement perceptible par un autre moyen.

Synthèse

16 Notre étude, qui propose une action adjuvante aux approches éducatives classiques, suggère que la présence et la participation d’un chien lors de séances d’activités physiques adaptées permet d’améliorer les interactions sociales, la communication verbale et non verbale chez les enfants avec autisme.

17 Malgré l’absence de groupe contrôle – notre recherche se base sur des études de cas –, nos résultats combinés à ceux obtenus par les parents révèlent une augmentation des interactions multimodales (tactile, visuelle, etc.) aussi bien avec les éducateurs canins et les divers intervenants (psychologue, caméraman) qu’avec les chiens.

18 Les interactions constatées sont, cependant, d’ordres différents selon les enfants, dans leurs rapports avec les chiens ou les intervenants. Si certains se situent principalement dans la relation enfant/ chien d’autres, en revanche, utilisent davantage l’animal comme « objet transitionnel » (Winicott, 1969) afin de communiquer avec l’adulte. Ainsi, le chien permettrait d’établir un lien et de le prolonger, voire de le transférer vers des êtres humains (Katcher, 2000) pour quatre des cinq enfants de l’étude.

19 Ce développement des capacités à interagir semble également se répercuter dans la vie quotidienne si on se réfère aux résultats de l’échelle ECA que nous ont fait parvenir les parents ainsi qu’à leurs ressentis, exprimés lors d’entretiens. Il paraît cependant nécessaire de prendre un certain recul quant aux résultats obtenus car les changements ne sont pas toujours observables et quantifiables par les outils standardisés que nous avons choisis.

20 Dans tous les cas, un constat commun a néanmoins pu être observé chez les cinq enfants : le plaisir de participer à cette activité, comme nous l’a montré leur investissement de plus en plus important au fil des séances (notamment dans la réalisation des parcours moteurs), ainsi qu’une augmentation des interactions sociales et de la communication.

21 Si le comportement de l’un des enfants a semblé hermétique face à l’animal, la présence des chiens a été pour les quatre autres une réelle source de motivation et d’engagement dans l’activité physique.

22 Ainsi, en nous appuyant sur les résultats de notre étude, semble-t-il probable que ce programme ait été bénéfique pour les enfants, notamment dans le domaine des interactions sociales et de la communication. Il serait intéressant de poursuivre cette recherche auprès d’un nombre plus conséquent d’enfants, en utilisant d’autres outils méthodologiques, permettant d’affiner les résultats. Notre objectif est en tout cas de développer ce programme pour qu’un plus grand nombre d’enfants avec autisme puissent en bénéficier.

Bibliographie

Bibliographie

  • BAGLEY (D.) and GONSMAN (V.), Pet Attachment and Personality Type, Department of Social Science, Mount Aloysius College, Anthrozoos, Pennsylvania, USA, Vol.18 (1), 2005.
  • BELIN (B.), Animaux au secours du handicap, L’Harmattan, Paris, 2000.
  • BOURSIER (C.), « Stratégies pédagogiques en éducation physique adaptées aux enfants autistes », Les cahiers du CTNERHI, Handicaps et inadaptations, janvier 1996, n° 69-70, 1996, 75-89.
  • BUI-XUAN (G.) et BRUNET (F.), Handicap mental, troubles psychiques et sport, Coédition FFSA-AFRAPS, 2e édition revue et augmentée, Clermont-Ferrand, 1999.
  • FURMAN (W.), “The development of children’s social networks” in D. BELLE, Ed., Children’s social networks and social supports, Wiley, NY, 1989.
  • KATCHER (A.), “The future of education and research on the human-animal bond and animal- assisted therapy“, Part B: “Animal- assisted therapy and the study of human animal relationships: Discipline or bondage? Context or transitional object?“ Handbook on animal assisted therapy: Theoretical foundations for guidelines and practice, F. A, ed., Academic Press, San Diego, 2000.
  • LEGUILLON (L.), La relation enfant-chien : fondements, répercussions, facteurs d’influence extérieurs, Thèse Méd.Vét., Nantes, n° 95, 2002.
  • LEVINSON (B.M.), “The dog as ‘co therapist.’“, Mental Hygiene, 46, 1962, 59 65.
  • SOWA (M.) and MEULENBROEK (R.), Effects of physical exercise on Autism Spectrum Disorders: méta analysis, 2012.
  • MONTAGNER (H.), L’enfant et l’animal. Les émotions qui libèrent l’intelligence, Éditions Odile Jacob, Paris, 2002.
  • ROSE (G.) and SOPER (H.), “Vigorous, aerobic exercise versus general motor training activities: Effects on maladaptive and stereotypic behaviors of adults with both autism and mental retardation”, Journal of Autism and Developmental Disorders, 24, 1994.
  • WING (L.) and GOULD (J.), Severe impairments of social interaction and associated abnormalities in children: epidemiology and classifi cation, 1979.
  • WINNICOTT (D.), Transitional objects and transitional phenomena in essential paperson object relations, Buckley P., ed., New York University Press, New York, 1986.

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