1 L’observation clinique a montré, depuis déjà plusieurs dizaines d’années, le rôle des psychostimulants dans la sexualité homosexuelle masculine. Ces pratiques prennent actuellement de l’ampleur. Le « chemsex » et le « slam » sont de nouveaux signifiants qui ont gagné le monde de l’addictologie. Ils ont retenu l’intérêt de l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (ofdt) et aussi plus largement des médias. Par exemple, Libération en juin 2017 titrait « Chemsex : chez les gays, un accélérateur de péril » et Le Monde en avril 2018, « Drogues : les ravages du “chemsex” ». S’agit-il d’un nouvel objet d’addiction à ajouter à la liste ?
2 Le chemsex est l’utilisation de produits psychoactifs au service de relations sexuelles qui deviennent tout aussi compulsives. Lorsque « l’usager » finit par s’en plaindre, c’est parce qu’il est tant habitué à un plaisir sexuel décuplé qu’il n’envisage plus de sexualité sans produit et qu’en même temps, l’appétence au produit l’amène à une escalade des doses susceptible de lui être fatale. Quelle est la dynamique du désir, de la jouissance et de l’amour dans cette clinique ?
3 Je parlerai du contexte d’émergence du chemsex, de la dialectique qu’y forment le sexe et la mort, du rôle qu’y joue l’homosexualité, de la dimension transgressive inhérente au désir et aussi de l’aspect ordalique que le sujet considère comme un équivalent orgastique. Je finirai avec des remarques sur les enjeux thérapeutiques.
4 Forgé au sein de la communauté homosexuelle masculine, le signifiant « chemsex » est apparu dans les années 2000. Mais on peut situer des pratiques qui lui correspondent dans les années 1970 où la communauté gay accordait déjà une place importante aux relations sexuelles furtives et plurielles dopées par l’usage de produits, comme le poppers, l’ecstasy ou la cocaïne. Avec encore un peu plus de recul, avoir des relations sexuelles sous psychotropes renvoie à de nombreuses situations homo- et hétérosexuelles, depuis longtemps. Les fêtes dionysiaques ou encore les bacchanales dans l’Antiquité sont-elles les ancêtres des « plans chemsex » ?
5 Le signifiant « chemsex » serait-il alors corrélatif d’un renouvellement des pratiques ? Au milieu des années 2000, le contexte d’usage s’est en tout cas modifié.
6 Tout d’abord, il y a eu l’élargissement du panel des produits et en particulier l’apparition des cathinones qui ont les effets psychostimulants de la mdma et de la cocaïne cumulés. La méphédrone en a été la chef de file jusqu’à son interdiction en 2008 en Angleterre. Puis le besoin de contourner la législation et d’expérimenter d’autres sensations a fait apparaître la 4mec et la 3mmc très utilisées aujourd’hui et aussi la mdpv et l’alpha-pvp, considérées comme les plus puissantes et dangereuses. Les cathinones sont toutes hallucinogènes, psychostimulantes, surtout empathogènes, c’est-à-dire stimulantes pour l’empathie, et entactogènes, c’est-à-dire qu’elles amplifient les effets du contact physique au point de les rapprocher d’une hallucination cénesthésique. En pratique, on peut, bien sûr, leur associer la cocaïne, la kétamine, la méthamphétamine, le ghp/gbl/bv, la mdma, l’alcool, etc.
7 Pour la plupart des usagers qui sollicitent les cliniciens, c’est le sexe qui a été la porte d’entrée vers les produits. L’accoutumance aux cathinones a créé ensuite le sentiment d’être addict au sexe. Et comme il a fallu chercher toujours plus d’effets, ils ont augmenté les doses et diversifié les usages. Le slam, en l’occurrence, consiste à les consommer par voie intraveineuse et ce terme anglais signifiant « claquer » dit bien la brutalité des effets d’extase obtenus. C’est d’ailleurs ce qu’il y a de plus mortel.
8 Dans les années 2000, il y a aussi eu le développement exponentiel des sites de rencontres sur Internet et des applications géolocalisées. En cinq minutes, on peut trouver des partenaires qui cherchent la même expérience, qu’on ne reverra plus et disponibles dans l’instant.
9 Enfin, le chemsex est né dans le sillage laissé par l’épidémie de sida qui a notamment marqué la culture gay des années 1980, car dans un premier temps le chemsex était surtout pratiqué par des hommes séropositifs. À cette époque, la mort par vih était aussi taboue que l’est devenue la mort par overdose : ils parlaient pudiquement de la première en termes d’effets d’une pneumonie, maintenant ils parlent volontiers de la seconde en termes d’arrêt cardiaque [1]. Par ailleurs, il y aurait de plus en plus de jeunes gays séronégatifs qui s’engagent dans ces pratiques.
10 Le chemsex a alerté les pouvoirs publics progressivement à compter des années 2000 où l’on a recensé beaucoup de contaminations par le vih et d’autres infections sexuellement transmissibles et aussi de perte de connaissances sous produits. Il est apparu au premier plan une configuration inédite donnée par la sexualité, la drogue et la prise de risques.
11 L’intérêt de l’ofdt pour les nouveaux usages de drogues a donné lieu en 1999 au dispositif trend (Tendances récentes et nouvelles drogues) consistant à détecter les phénomènes émergents, en milieu festif et urbain, ou dans les structures en type caarud (Centres d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogues). À partir de 2007, les observations sont devenues plus systématiques avec donc un recul de plus de dix ans concernant le chemsex, sans que cela signifie que cette pratique n’existait pas avant. Dans les années 2010, les cliniciens ont fait remonter la difficulté de ces patients à la fois avec leurs consommations et leur sérologie.
12 Dans notre clinique, quelle est la demande des sujets usagers de chemsex ? Ils ne se présentent pas comme des « toxicomanes ». Certes, ce n’est pas leur modèle identificatoire, mais force est d’admettre qu’ils n’ont pas souvent abusé des drogues avant de les avoir expérimentées dans des « plans chemsex ». Ils ont associé la drogue, dont Lacan a pu dire qu’elle permettait de rompre le mariage avec le phallus, à la jouissance sexuelle que je me garderais de qualifier trop rapidement de phallique. Puis l’accoutumance a fait loi, et le sexe est devenu prétexte à l’usage de drogues. Lorsqu’ils viennent nous rencontrer, ils nous disent avoir besoin de plus de produits pour obtenir les mêmes effets, ou même se focaliser sur l’usage de drogues au détriment des relations sexuelles dont ils ne font que se souvenir avec nostalgie. La drogue est devenue cause du désir et c’est surtout avec la mort qu’elle promet une dernière étreinte.
13 Souvent, leur demande n’est d’abord pas d’arrêter. Ils disent vouloir « maîtriser » leur consommation de drogues, ou bien renouer avec la sexualité qu’ils délaissent progressivement. Ils déplorent ne plus concevoir de relations sans drogues mais refuser d’envisager la mort que serait une vie sans désir.
14 Pour cet exposé, je me référerai principalement à deux patients.
15 Pablo, 32 ans, architecte, a commencé à pratiquer le chemsex dans des relations extraconjugales un an plus tôt. Lorsqu’il demande de l’aide, c’est au motif qu’il s’est détruit les cloisons nasales et qu’il craint, à ce prétexte, de passer à l’injection. Entre le moment de l’appel téléphonique et celui où je le reçois, il l’a fait. Il souligne la même contradiction chez ceux qui l’y encouragent depuis longtemps. Ce n’est pas la première fois qu’on lui a dit : « Je te conseille de ne pas essayer, t’en veux ? » Comme auparavant, il a répondu : « Non, peut-être une autre fois », mais ce jour-là, il a demandé de lui-même cinq minutes après. Et il a adoré. Il ajoute ne pas encore avoir essayé avec le produit qu’il préfère en sniff, alors, me prévient-il, il s’injectera encore celui-là. On retrouve là la clinique du paradoxe dont Mario Blaise a montré l’efficience dans le transfert, l’actualisation de la contradiction du désir, dont ils rendent l’Autre responsable.
16 Clément, quant à lui, pharmacien, célibataire, est adepte de chemsex depuis quatre ans, et voudrait reprendre le contrôle de sa consommation parce qu’elle s’est maintenant dissociée du sexe. Il achète ses produits sur Internet, se les injecte sans pouvoir attendre, puis n’a plus envie de contacter qui que ce soit. Avant, il entretenait des relations sexuelles avec des partenaires multiples, des jours durant sous produits, parfois quatre à cinq jours. Maintenant, il passe autant de temps seul chez lui à s’injecter. Et puis, ajoute-t-il, il a épuisé son capital veineux. Ses abcès sont de plus en plus fréquents, ses passages aux urgences aussi.
17 Dans le transfert, ces sujets nous demandent de les protéger de ce qu’ils veulent – Protect me from what I want, comme l’a repris le groupe de rock Placebo dans une chanson –, mais quels sont les enjeux de leur désir inconscient ? Et qu’est-ce que le transfert actualise lorsqu’il vient suppléer au délitement de la relation « amoureuse » aux semblables ?
18 Ces patients prennent des précautions pour s’adresser à des cliniciens au fait de la spécificité de leurs pratiques, aussi, et cela apparaît très vite, parce qu’ils ont trouvé en elles de quoi sortir des affres que leur causait jadis leur homosexualité. Avec les produits, ils se sont assumés homosexuels. La contradiction du désir se joue ici également, aussi libéré qu’il était inhibé et qu’il devrait encore l’être selon eux.
19 Pablo dit avoir subi dans sa jeunesse la culture conservatrice de ses parents et en particulier leur mépris à l’encontre des homosexuels, à l’occasion des événements majeurs qui ont concerné cette communauté : le vih, le pacs, plus récemment le mariage pour tous. Un souvenir-écran de son enfance lui revient aujourd’hui : comme il voulait devenir danseur, il se cachait vêtu des habits de sa mère pour s’entraîner. Un jour, son père l’a surpris et l’a sommé de cesser, car, s’il continuait, il risquait de devenir homosexuel. C’est sous cette forme que son désir lui est apparu comme transgressif.
20 Clément aussi évoque au premier plan le traumatisme subjectif inhérent à la naissance du désir, en termes bien particuliers. Élevé avec son frère aîné par une mère qui trompait leur père en son absence, il s’est demandé à l’adolescence s’il était le fils de son père officiel ou plutôt le fils de l’amant de sa mère, c’est-à-dire de son oncle paternel. Il associe ce doute au rejet qu’il a subi toute son enfance, à la fois de la part de sa mère, de son père, de son oncle et presque de l’ensemble de la famille. À l’inverse de son frère aîné, on ne l’emmenait pas aux repas de famille, ni en vacances, etc. Laissé seul, ce sont ses grands-parents qui se sont surtout occupés de lui.
21 Clément se sent rejeté par le père qu’il rejette tout autant. Et même s’il lui est déjà venu l’idée de demander un test de paternité pour savoir qui de son père ou de son oncle est son père biologique, il préfère continuer à ne pas savoir. On pourrait penser qu’avec le père réel, il rejette aussi la fonction symbolique, mais en identifiant chez son oncle des ressemblances physiques, il se reconnaît du côté de la transgression.
22 Je souligne que la transgression renvoie régulièrement à l’idée de la perversion, alors qu’on a plutôt à souligner que la dimension transgressive est inhérente au désir.
23 En effet, comme le sujet commence sa vie en étant le phallus de l’Autre, il ne se déloge de cette place que lorsqu’il se prend lui-même comme objet d’amour. En s’affranchissant de son statut d’objet de jouissance, il se trouve à la fois soulagé de sa prise d’autonomie et culpabilisé de trahir cet Autre qu’il castre et dont il craint être castré de la même manière, en perdant son amour. C’est le traumatisme subjectif dont il était question à l’instant. Afin d’être puni et soulagé, il fait appel à un tiers, en général son père, dont il craint la punition indépendamment de son attitude autoritaire.
24 Après avoir commencé à avoir des relations sexuelles à l’adolescence avec des filles, Pablo s’est décidé à essayer avec les hommes, sachant d’avance qu’il y trouverait tellement de plaisir, je cite, « qu’aucun retour en arrière ne serait dès lors possible ». Il subvertirait le rejet en excitation.
25 Ce que Pablo préfère aujourd’hui lors de ses relations sous produits est de se regarder en même temps dans un miroir. Il se voit, dit-il, s’approprier son homosexualité, défier le père et réitérer l’expérience spéculaire dont Olievenstein a souligné l’efficience sous drogues lorsque le stade du miroir a été brisé.
26 Pour sa part, Clément a rompu avec sa famille pour donner à son rejet le sens d’un affranchissement et d’une libération de son homosexualité à tout prix sans affects. Comme Pablo, il exploite son fantasme d’exclusion sous la forme d’une sexualité qu’il estime transgressive et libératrice. Il désinhibe artificiellement sa sexualité par la transgression et un défi lancé au père jugé comme ayant failli à sa fonction. Ce défi serait adressé au père avec l’homosexualité, par extension à la société dans son ensemble, avec la prise de drogues.
27 Pour réinventer un père symbolique à chaque fois, force est de franchir toujours un autre seuil dans la transgression. Mais soutenir artificiellement une hypersexualité par des psychostimulants lui évite-t-il aussi d’être à moindre frais affectifs ?
28 Dans la clinique du chemsex, les partenaires sont multiples, anonymes, très peu investis, à quelques exceptions près. À quoi correspond cette conduite de dispersion ? De qui faut-il se rendre indépendant ? Ayant fait de la drogue la cause de son désir, Clément soulage son sentiment pénible de rejet en lui préférant une solitude délibérée. Il multiplie les relations sexuelles collectives et renouvelle à chaque fois ses partenaires. Ce ne sont plus les cathinones qu’il considère comme des adjuvants à l’excitation mais ses partenaires, ce qui lui évite d’aimer et d’être aimé.
29 Que se passe-t-il dans ce contexte où la sexualité est employée à titre défensif ? Après la drogue en sniff, on passe à l’injection. Pablo souligne qu’en quelques mois, il y est parvenu alors que c’est ce qu’il redoutait le plus. Il a même gravi « un échelon », dit-il, en devenant le référent d’un « plan », celui qui slame les autres, car le référent attitré était trop « défoncé ». Force est de souligner que les habitués à la pratique de slam se distinguent des héroïnomanes par exemple qui s’injectent seuls.
30 Dans la pratique du chemsex, l’injection elle-même devient sexuellement connotée, tant ses usagers se satisfont de slamer un partenaire ou de se faire slamer, de pénétrer ou de se faire pénétrer. Ce que Pablo reconnaît, c’est que ce déplacement lui évite de tomber amoureux, ce dont il a déjà eu beaucoup de mal à se défendre. La même démarche est flagrante pour tous ces patients qui finissent par s’adonner à cette pratique seuls de façon autoérotique.
31 Quant à Clément, il considère ses « plans » comme des « antidépresseurs ». Il fait, de l’aspect maniaque qu’il obtient de ses orgies, ce qui colmate un deuil, celui de ses grands-parents, dit-il. En somme, ce sont eux qui ont suppléé au père. D’ailleurs, demande-t-il : a-t-il été désiré ? Était-il destiné à sauver le couple de ses parents dans le cadre des tromperies de sa mère ? Était-il plutôt un accident ? Enfin, a-t-il été aimé à un moment donné ? C’est l’articulation de l’amour et du désir qu’il interroge, ce qu’il parvenait plus ou moins à nouer artificiellement sous produits au début, avant que la drogue ne ravage ses relations.
32 Un autre point important, c’est la prise de risques et son enjeu pour le sujet. Je cite un patient : « Au début de la soirée, tout est propre et nickel. C’est chacun sa seringue et puis très vite on ne sait plus où on a posé le truc, on prend la seringue de l’autre. Les relations sexuelles se font sans protection. » C’est la pratique du bareback aussi avec l’injection. Je cite encore un autre usager : « On avait le matos suffisant pour une soirée, les techniques pour éviter les mélanges, chacun son plateau, mais une fois dans la défonce, on finit par aller chercher les seringues dans le container pour finir les restes du produit. » En étant nombreux à être séropositifs, ils risquent la contamination à chaque instant et, d’ailleurs, plus de la moitié sont devenus positifs à l’hépatite C.
33 Le choix dans ce contexte de ne pas utiliser de préservatif, ni de faire attention à la stérilité de la seringue fait que les risques de contaminer ou se faire contaminer sont présents à la fois dans l’acte sexuel et dans son substitut qu’est l’injection, et ces risques sont pris de plus en plus fréquemment sous l’effet de la modification de l’état de conscience. La peur d’être contaminé ou de contaminer n’a d’égal que le sadomasochisme inconscient et la subversion de l’amour, au profit de sa destruction. Cela se manifeste aussi par la prise aléatoire des traitements antirétroviraux pour les séropositifs, et dans le cadre d’une prep [2] pour les séronégatifs, alors qu’ils savent que la consommation de produits diminue déjà l’efficacité de leurs traitements.
34 Au bout d’un certain temps, c’est comme si le sujet substituait à son appétence à la sensualité et à l’excitation une course frénétique à la jouissance, sexualisée, certes, mais qui l’est de moins en moins au gré de l’enjeu que représentent les prises de risque, de sorte que le Réel de la mort remplace le sexuel. C’est comme s’il se faisait du jeu avec la mort un équivalent orgastique. Est-ce qu’à la jouissance phallique succède la jouissance bien plus pleine et entière qu’est celle de l’Autre, du corps, pulsionnelle ?
35 L’exaltation maniaque que le sujet obtient de surcroît en défiant cette situation de péril interroge l’enjeu ordalique inconscient. Soulignons que la prise de cathinones sous forme d’injections signifie « claquer » et que l’équivocité de ce signifiant en français dit quelque chose des différents aspects qui se mélangent pour le sujet. D’abord « ça claque », puis de cette violence on risque d’en « claquer ». Il y a, à la fois, la puissance des effets recherchés et le risque de la mort qui, en fin de course, catalyse l’enjeu de la pratique. Quel délice de pousser une telle jouissance à son paroxysme, à moins qu’on tienne à la vie et qu’on en vienne à réinterroger son désir.
36 Dans le discours des usagers de chemsex, apparaît la prise de conscience que le corps est arrivé au bout de ses limites, qu’ils ne peuvent aller plus loin, donc qu’il faut s’arrêter ou revenir en arrière pour jouer avec les limites à nouveau. La volonté de maîtrise n’a d’égal que le désir de transgression à l’égard du père.
37 Pablo est passé de la crainte d’être empoisonné par son dealer à la croyance d’être aimé de cet homme pour le compte duquel maintenant il se prostitue. Il vend son corps pour obtenir de la drogue qu’il ne peut plus se payer. Cette configuration entre eux lui permet de se sentir protégé, d’aimer celui qui le maltraite. Voilà une nouvelle façon de nouer la drogue, le sexe et l’amour, sans pâtir de ce dernier. À moins qu’il trouve une issue favorable à ce nouveau dilemme : « rester avec cet homme pour qui l’amour commence à croître ou plutôt rompre pour arrêter la drogue ».
38 Clément ne sort de l’autoérotisme pour avoir des relations sexuelles que par nécessité, lorsqu’il n’a pas de produit ou pas d’argent pour en acheter et qu’il compte sur ses partenaires. Le besoin de drogues, c’est paradoxalement ce qui permet le retour à l’autre. Lorsque le désir est articulé à l’amour, il arrive à faire l’impasse sur l’injection pour lui préférer les cathinones en sniff.
39 Dans la clinique du chemsex, l’enjeu devient peut-être, pour le sujet, d’envisager l’amour comme un danger aussi excitant que l’association du sexe et de la mort.
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