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Article de revue

Le Rite Français Philosophique dernier rite Au Sein Du G∴O∴D∴F∴

Pages 28 à 39

Notes

  • [1]
    Manuscrit Cooke, circa 1410 (trad. A. Crépin), Travaux de la Loge de Recherches Villard de Honnecourt (GLNF), Paris, 1983.
  • [2]
    Manuscrit Wilkinson, 1727 (trad. G. Pasquier), Travaux de la Loge de Recherches Villard de Honnecourt (GLNF), Paris, 1984.
  • [3]
    Van Brabant et al., Introduction au Rite Moderne, in Annuaire de la Grande Loge Régulière de Belgique, 1983
  • [4]
    T. Koelliker, Symbolisme et nombre d’Or, éd. Champs-Elysées, Paris, 1957.
  • [5]
    La Maçonnerie Disséquée, 1730 (trad. G. Pasquier), Travaux de la Loge de Recherches Villard de Honnecourt (GLNF), Paris, 1984.
  • [6]
    Anonyme, Le Sceau Rompu ou la loge ouverte aux profanes par un franc-maçon, A Cosmopolis, 1745 (facsimilé, Les Rouyat éd., Ventabren en Provence, 1974).
  • [7]
    Le Rite Français Philosophique selon les textes de la loge Tolérance (1970-1985), Cercle Léon Trace, éd. interne (1er et 2ème grades), Paris, 2010.

Peut-on encore, au XXIesiècle, confectionner un nouveau rite maçonnique ? L’entreprise semble présomptueuse. Pourtant, une loge du Grand Orient de France l’a fait : c’est le Rite Français Philosophique, né dans la loge Tolérance. En janvier 2002, le conseil de l’Ordre l’a reconnu. Déjà, une dizaine de loges le pratiquent. Histoire et descriptif.

Illustration Jean-Pie Robillot

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Illustration Jean-Pie Robillot

1L’ensemble des rituels des trois grades symboliques, connu aujourd’hui sous l’appellation de Rite Français Philosophique, a été conçu et réalisé au sein de la loge Tolérance, du Grand Orient de France, fondée à Paris en 1950. Estimant que les rituels officiels étaient appauvris sur le plan symbolique, par suite d’un excès de simplifications, une idée habitait l’esprit des frères de cette loge : travailler selon un rituel qui leur serait particulier

2Au cours de l’année 1969-70, il fut décidé officiellement de donner corps à cette aspiration. Les frères pensaient régler rapidement la question par un plan simple : première année : grade d’Apprenti ; deuxième année : grade de Compagnon ; troisième année : grade de Maître.

3En fait, le chantier a duré… trente-trois ans, jusqu’à l’adoption de l’ensemble par le Conseil de l’Ordre du GODF en 2002. Bien que l’essentiel des textes ait été rédigé vers 1985, les causes du retard avant sa reconnaissance officielle ont été la manie si répandue des ajouts, des retraits, des éternelles corrections, des ajustements théoriques. Puis les idées ont évolué au fur et à mesure de l’acquisition des connaissances. Ajoutez à cela des périodes d’abandon, puis de reprise du sujet, une négligence naturelle et l’on arrive bien à trente-trois ans.

4Il faut également situer l’origine de cette démarche dans le climat psychologique qui suivit les événements de Mai 1968. Après la contestation de la société sur la place publique et les interrogations qu’elle a suscitées, commence dans certaines loges, et dans la loge Tolérance en particulier, une réflexion approfondie sur le phénomène maçonnique et une nouvelle prise en compte du symbole et du rite.

5La question générale à l’étude des loges pour cette année 1969-70 va impulser cette réflexion. Le sujet était : «Philosophie marxiste et franc-maçonnerie. La philosophie marxiste a une influence capitale dans l’évolution de la pensée contemporaine; c’est pourquoi elle ne peut laisser indifférents les francs-maçons. Question : quels sont les aspects de la pensée marxiste qui sont éventuellement compatibles et incompatibles avec l’idéal maçonnique ?».

L’idée de travailler selon un rite qui leur serait particulier a cheminé longtemps dans l’esprit des frères de la loge Tolérance. Mai 1968, avec ses remises en question, n’y a pas été étranger

6Il peut sembler surprenant qu’un sujet à caractère politique ait pu avoir une incidence sur le démarrage d’une étude centrée sur le symbolisme. En fait, l’approche de la maçonnerie a posé plus de difficultés que celle du marxisme… Le sujet a engendré une réflexion sur la finalité de l’Ordre et sur le sens de l’appartenance de chacun.

7Au cours des débats s’est dégagée la prise de conscience que le rituel, dont au départ l’utilité réelle en loge ne semblait pas évidente à quelques-uns, pouvait être le support pour pérenniser le projet de la maçonnerie. Il devint clair que, si la manière de pratiquer le rituel révèle l’état d’esprit d’une loge, son contenu devait révéler la finalité de la maçonnerie à laquelle on adhère.

8Dès lors, le rituel ne sera plus regardé comme un concentré de vestiges archéologiques, sorte de cordon ombilical qui nous relierait au passé de l’Ordre mais, au contraire, comme le support indispensable de la maçonnerie, tout au moins celle du Grand Orient de France, pour rappeler de manière allégorique sa proposition d’émancipation de la personne humaine et d’une société plus juste et plus éclairée.

9Au cours des débats que suscitait l’étude de la question générale, il est apparu que les symboles sur lesquels prendrait appui l’élaboration du rituel et dont il est lui-même porteur devaient servir à l’expression de l’idée directrice recherchée, définie alors comme l’idée de construction.

10Si l’on considère la maçonnerie comme une transposition philosophique et symbolique de l’art de bâtir, l’idée de construction est, par voie de conséquence, son idée-force. C’est sur ce principe que devait s’élaborer le rituel mis en chantier. L’idée de construction résume et condense en elle-même l’idée de projet sociétal inscrit dans l’article premier de la Constitution du Grand Orient de France et l’idée de projet individuel évoqué dans l’article V de cette même Constitution.

De façon somme toute classique, l’idée de bâtir, avec sa déclinaison individuelle et collective, est devenue le fil rouge dans l’élaboration du R∴F∴P∴

11Le thème recherché étant fixé, restait à imaginer la forme qui permettrait de développer cette idée. Elle trouvera sa source dans les documents de la Grande Loge de Londres, en particulier dans le livre des Constitutions de 1723, livre fondateur de la franc-maçonnerie spéculative, dont les rédacteurs portaient un grand intérêt à la géométrie. Peut-être faudrait-il trouver dans cet intérêt le souci d’insérer volontairement la “nouvelle“ maçonnerie en gestation dans l’histoire du métier.

12Dans cette tentative, le manuscrit Cooke (circa 1410) semble avoir servi de document de base pour la rédaction de ce que d’aucuns ont considéré comme une supercherie historique. La géométrie, magnifiée dans le manuscrit médiéval [1], pouvait apparaître comme un heureux trait d’union entre deux mondes qui se croisent sans pour autant se rencontrer : celui du métier, qui pratique la géométrie avec ses mains, et celui de la spéculation, qui peut la regarder comme un jeu de l’esprit.

13On ajoutera que Jean-Théophile Désaguliers, dont on devine le rôle important dans la rédaction de la première version des Constitutions, pouvait, comme propagateur et expérimentateur des travaux d’Isaac Newton sur la lumière et l’optique, regarder la géométrie comme un véritable outil de démonstration scientifique.

14Deux symboles compatibles avec cette vision font leur apparition dans le corpus symbolique et rituel de cette première Grande Loge : la lettre G et le pavé mosaïque. Dans le manuscrit Wilkinson (1727), la lettre G symbolise la géométrie [2]. C’est son symbole premier. De même pour le pavé mosaïque : à l’origine, il symbolise un outil qui sert au maître pour tracer ses plans.

15Il est alors apparu évident que l’idée de géométrie était l’outil naturel qui permettrait d’élaborer et d’illustrer dans le rituel l’idée de construction, considérée comme la pierre de fondation du système en gestation.

Au grade d’Apprenti, la loge n’est pas située dans le temple de Salomon mais dehors, devant le porche, sans les colonnes J et B

16Comme dans le Rite Français, sur un plan théorique, la loge symbolique du Rite Français Philosophique est située hors du temple de Salomon [3]. Elle est placée devant le porche, face au temple (fig. 1). Il s’ensuit, à nos yeux, que cette loge se tiendra symboliquement sans les colonnes J et B et qu’elle sera constituée de trois chantiers : Est, Sud et Nord.

Fig. 1

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Fig. 1

17La mise en forme du thème de la construction s’est donc développée à partir du pavé mosaïque. Puisqu’il sert au maître pour tracer ses plans, deux pavés ou deux carrés accolés sont pris en considération : un carré blanc et un carré noir formant rectangle de rapport 2 sur 1.

18Cet ensemble de deux carrés, maille élémentaire du quadrillage, est pris pour tapis de loge du grade d’Apprenti.

Fig. 2

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Fig. 2

19Le tapis de loge prend ici une fonction dynamique. A l’ouverture de la loge au grade d’Apprenti, trois pierres (fig. 2) y sont déposées à des emplacements privilégiés. Ainsi, la pierre brute est posée à l’angle nord-ouest par un Apprenti ; la pierre cubique à pointe au sud par un Compagnon ; la pierre gravée à l’angle nord-est par un Maître. Le tapis de loge sert ainsi à la fois de référent spatial pour la déambulation en loge, qui suit la course apparente du soleil et à la démarche initiatique (fig.3), orientée symboliquement en sens inverse (de l’ombre à la lumière).

20Ces trois emplacements correspondent aux trois moments particuliers du solstice d’été, jour pris en référence pour son ensoleillement le plus long de l’année. Pour faire simple, disons que le point nord-est correspond au lever du soleil, le point nord-ouest à celui du coucher, celui du sud, symboliquement à midi plein

Fig. 3

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Fig. 3

21La pose séquencée de ces trois pierres exprime une progression dans la formation du maçon, qui va du grade d’Apprenti à celui de Maître. Passer d’une pierre à l’autre suggère un cheminement progressif, une marche vers la lumière, regardée comme une construction de soi et rappelée à chaque ouverture de loge.

22La pierre a des propriétés transposables à l’homme et tout le discours de la cérémonie de réception au grade d’Apprenti est construit comme un jeu de balancier entre la pratique opérative et sa transposition symbolique et philosophique. Cette cérémonie se déroule symboliquement au solstice d’hiver, en pratique les premiers jours du mois de janvier. Elle est semblable à celle pratiquée au Rite Français, mais elle est centrée sur l’idée de découverte des éléments. Il y a une idée de passage de la pierre inerte enfouie dans la carrière, qui ne connaît ni pluie, ni vent ni soleil, à la pierre utile à la réalisation d’un projet qui se veut à la fois personnel et commun.

23Les trois voyages rituels sont liés à l’idée d’acquisition de potentialités pour la vie maçonnique à venir. Ainsi, le candidat acquiert le levier au premier voyage, s’ajoute le maillet au second, le ciseau au troisième. Cette triade d’outils primaires, utilisée pour extraire, soulever, déplacer, frapper et trancher, est appelée Force.

24La cérémonie de réception n’est pas l’initiation au sens où elle est entendue communément. Elle n’est pas regardée comme une transformation brusque, mort symbolique et re-naissance, conduisant le récipiendaire dans un cheminement linéaire avec passage renouvelé à l’enfance, l’adolescence, puis la maturité. Elle est vue ici comme une arborescence.

25Le candidat à la maçonnerie est un individu adulte déjà engagé dans une action humaine et poursuivant plusieurs vies : familiale, professionnelle, intellectuelle, sociale, politique… Aussi son entrée dans le monde maçonnique correspond-elle, dans la réalité, à la greffe d’une vie supplémentaire.

26Or cette dernière, assidûment vécue et bien comprise, est censée enrichir progressivement toutes les autres. L’initiation est alors vue comme un processus lent de transformation intérieure dépendant essentiellement du degré d’implication de chacun dans sa propre vie maçonnique.

27La cérémonie se présente donc comme une simulation, un condensé de cette vie à venir. Il s’ensuit qu’à son terme une scène la synthétise : celle du gisant. Le candidat est conduit devant le visage d’un frère allongé sur le sol de la loge. Il lui est demandé de le reconnaître. Comment cela est-il possible ?

28En fait, ce visage est symboliquement le sien. Mais il n’est plus celui du postulant que reflétait le miroir du cabinet de réflexion. Transformé au point de ne plus se reconnaître, le candidat regardera le gisant comme un visage étranger. L’initié est devenu une autre personne.

29Après le serment sur le livre des Constitutions de 1723, ouvert à la page The Charges of a Free-Mason, et sur l’article premier de la Constitution du GODF, le candidat est fait maçon sous le principe de liberté absolue de conscience par le Vénérable Maître, glaive flamboyant et maillet en main.

Toute la symbolique du grade de Compagnon est centrée sur l’itinérance. Sa formation résultera de ses rencontres avec les autres, de sa prise de conscience du monde et du travail qu’il aura partagé

30La loge de Compagnons se tient dans le porche du temple de Salomon, entre les colonnes traditionnelles J et B.

31Le tapis de loge du grade, constitué d’un rectangle jaune et d’une bordure bleue se veut une représentation symbolique et abstraite de la terre. Lors de l’ouverture de la loge, la pose séquencée des trois pierres sur le tapis de loge est remplacée par celle de trois triades d’outils symboliques (fig. 4). Après le grade de l’Apprenti, regardé comme celui de l’intérieur, le grade de Compagnon devient celui de l’extérieur. Toute la symbolique du grade de Compagnon est centrée sur l’itinérance. Le Compagnon est un Voyageant. Il se doit de parcourir le monde pour le découvrir, le comprendre et le penser. Toute sa formation résultera de sa rencontre avec les autres, de sa prise de conscience du monde et du travail qu’il aura partagé.

32Toute la cérémonie de passage au grade de Compagnon, qui se déroule symboliquement au solstice d’été, en pratique dans le courant du mois de juin, repose sur trois points : la montée progressive vers le porche, qui symbolise l’acquisition du savoir et qu’accompagnent les trois triades d’outils symboliques (fig. 5) ; le tracé géométrique de l’étoile et la transmission de la lettre G ; le passage du porche et l’entrée dans la loge de Compagnons.

Fig. 4

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Fig. 4

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Fig. 5

Fig. 6

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Fig. 6

33Le tracé de l’étoile est réalisé sur une reproduction cartonnée du tapis de loge, auquel le rapport 2/1 de ses dimensions confère des propriétés géométriques particulières [4]. Ce tracé fait appel à la géométrie du nombre d’or. L’emplacement de l’étoile obtenue sur cette reproduction correspond symboliquement à celui de l’Apprenti dans la loge (fig. 6).

34L’insertion de la lettre G au cœur de l’étoile est aussi une étape importante de la cérémonie. Elle s’effectue au cours du cinquième voyage et s’inspire du texte de la divulgation de Samuel Prichard [5].

35L’étoile flamboyante et la lettre G ne sont pas à découvrir ni à contempler, elles sont à gagner. Elles représentent des niveaux de conscience à acquérir par le savoir et la connaissance. Le ternaire force-sagesse-beauté est constitué par les trois triades d’outils. La triade Force correspond à celle du grade d’Apprenti (levier, maillet, ciseau). La triade Sagesse est constituée au cours des deux premiers voyages : elle est composée des outils de la mesure (équerre, règle, compas). La triade Beauté est constituée au cours du troisième et du quatrième voyage : ce sont les outils de la construction (niveau, perpendiculaire, truelle).

36L’itinérance symbolique du compagnon est pratiquement vécue par une série de visites de loges à effectuer par le promu sous la conduite du 1er Surveillant. Le but est de découvrir le monde maçonnique à travers les loges, les rites et les obédiences. Pour cette raison, il lui est remis un diplôme à faire viser lors des visites. C’est seulement après l’accomplissement de ces voyages que le Compagnon pourra prétendre à la maîtrise.

Pas plus que la loge au grade d’Apprenti, celle au grade de Maître ne se situe dans le temple de Salomon. Elle se tient symboliquement sur un tertre, qui rappelle le monticule sous lequel Hiram avait été une première fois inhumé

37Une fois encore, la loge ne se situe pas dans le temple de Salomon. Il n’y a donc pas de Debir ni de Hikal. La loge de Maîtres se tient symboliquement sur un tertre pour rappeler que c’est sur un lieu élevé6 que le corps d’Hiram fut découvert, reconnu, puis relevé.

38Ce tertre est représenté par un tapis de loge en forme de rectangle noir parsemé de quatre-vingt et une larmes d’argent sur neuf rangs avec, au centre, une tête de mort et des ossements croisés. Une équerre et un compas ouvert à 90° sont représentés aux extrémités du tapis. La loge de Maîtres est rassemblée autour de ce tertre symbolique.

39A l’ouverture de la loge, une branche d’acacia est déposée sur le tapis afin qu’elle y prenne racine (fig. 7).

40La cérémonie d’élévation à la maîtrise se déroule symboliquement à l’équinoxe descendant. Comme dans les autres rites, la cérémonie est centrée sur la légende d’Hiram. Au cours de la cérémonie, cette légende est narrée, essentiellement par l’Orateur. Un tableau posé sur le sol symbolise le temple de Salomon dans lequel s’est déroulé le drame.

41Les trois Compagnons, placés autour de ce tapis représentant le temple, sont munis d’un levier, d’une règle et d’un maillet. Ils occupent les places correspondant aux trois portes : Est, Sud et Ouest. Après le meurtre symbolique à la porte ouest, le corps est placé au centre de la loge, sur un linceul noir lui aussi parsemé de larmes d’argent.

Fig. 7

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Fig. 7

42Trois fois trois loges sont sollicitées pour la seconde partie du drame. 1) Trois loges de recherche, dont le but est la découverte de l’endroit rendu suspect par la terre fraîchement remuée. Cet endroit est marqué d’une branche d’Acacia qui doit servir de repère. 2) Trois loges de reconnaissance, dont le but est la reconnaissance du corps supposé être celui du maître Hiram. 3) Enfin, trois loges d’élévation, dont le but est de relever rituellement le corps et la communication des mots de substitution.

Au Rite Français Philosophique, le grade de Maître est regardé comme celui de l’écriture, car le Maître sera dépositaire d’un mode de communication nouveau par rapport à celui « qui ne sait ni lire ni écrire ».

43Si la légende d’Hiram constitue ici, comme dans les autres rites et à quelques nuances près dans l’expression, le cœur de la cérémonie, elle n’est pas l’unique thème développé. L’accent est mis aussi sur l’écriture. Le grade de Maître est considéré comme celui de l’écriture.

44L’alphabet maçonnique, apparu vers 1745 [6] et relativement oublié aujourd’hui, est regardé dans ce rite comme un symbole spécifique du grade de Maître. Après les deux grades manuels des métiers de la pierre, où le franc-maçon ne sait ni lire ni écrire, celui de Maître apparaît comme un grade intellectuel dépositaire d’un autre mode de communication et de mise en mémoire.

45C’est ce qui est enseigné au récipiendaire lors de la présentation de la planche à graver qui contient la clé de cet alphabet. L’écriture sert aux Maîtres pour graver les règles et les lois qui régissent la vie dans le temple.

46Cela conduit à évoquer l’idée de responsabilité du Maître au sein de la franc-maçonnerie et de l’Obédience, qui peut se décliner dans l’engagement, l’exemplarité et la transmission. La Maîtrise octroie des droits mais elle impose aussi des responsabilités. Le maçon, dès son accession à la maîtrise, devient responsable de la franc-maçonnerie à transmettre à celui qui vient des ténèbres et qui aspire à la lumière.

Si les rituels des grades bleus du R∴F∴P∴ reprennent des symboles utilisés par d’autres rites, il s’efforce de les présenter sous un autre éclairage

47L’ensemble de ces rituels des grades bleus s’inscrit dans une philosophie laïque, non par déconstruction progressive ou ajustements circonstanciels de rituels originaux à caractère religieux, mais laïque dans sa propre élaboration. Sorte d’architecture de base dans laquelle le maçon, quelles que soient ses motivations intimes, peut librement entrer et trouver sa place en vue d’élaborer son cheminement philosophique personnel.

48En réalité, il ne fait que reprendre des symboles utilisés ou des idées véhiculées par la maçonnerie du Grand Orient de France, mais il les présente sous un autre éclairage qui peut leur donner, à nos yeux, un relief différent.

49Les décors utilisés sont ceux du Rite Français : sautoir, cordon, et tablier de Maître bordé de bleu et marqué M∴B∴.

50La diffusion du Rite Français Philosophique au sein de l’Obédience s’est faite jusqu’ici au hasard de la pérégrination de frères qui, à l’occasion de leur séjour ou passage dans les Orients parisiens, le côtoient, l’apprécient et éprouvent l’envie de le partager. Une dizaine de loges travaillent à ce rite. Actuellement, il n’y a pas de hauts grades dans le Rite Français Philosophique.

51Le Rite Français Philosophique [7] n’est pas traditionnel au sens où généralement nous l’entendons. Il se revendique davantage d’une autre tradition, celle que nous inspire une pensée de Paul Valéry, qui la regarde non comme un besoin d’imiter ce que les autres ont fait dans le passé, mais celui de retrouver l’état d’esprit qui leur a permis de faire ce qu’ils ont fait.

52Et nous avons la faiblesse de penser qu’il apporte, à sa manière et à son niveau, une contribution à l’enrichissement général de l’entier corpus symbolique et rituel dont l’Obédience est dépositaire.

53L’ensemble de ces rituels des trois grades, après avis de la Commission du maçonnisme, a été adopté par le Conseil de l’Ordre du Grand Orient de France lors des séances plénières des 25 et 26 janvier 2002.

Notes

  • [1]
    Manuscrit Cooke, circa 1410 (trad. A. Crépin), Travaux de la Loge de Recherches Villard de Honnecourt (GLNF), Paris, 1983.
  • [2]
    Manuscrit Wilkinson, 1727 (trad. G. Pasquier), Travaux de la Loge de Recherches Villard de Honnecourt (GLNF), Paris, 1984.
  • [3]
    Van Brabant et al., Introduction au Rite Moderne, in Annuaire de la Grande Loge Régulière de Belgique, 1983
  • [4]
    T. Koelliker, Symbolisme et nombre d’Or, éd. Champs-Elysées, Paris, 1957.
  • [5]
    La Maçonnerie Disséquée, 1730 (trad. G. Pasquier), Travaux de la Loge de Recherches Villard de Honnecourt (GLNF), Paris, 1984.
  • [6]
    Anonyme, Le Sceau Rompu ou la loge ouverte aux profanes par un franc-maçon, A Cosmopolis, 1745 (facsimilé, Les Rouyat éd., Ventabren en Provence, 1974).
  • [7]
    Le Rite Français Philosophique selon les textes de la loge Tolérance (1970-1985), Cercle Léon Trace, éd. interne (1er et 2ème grades), Paris, 2010.
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