Notes
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[1]
La ville autonome de Buenos Aires (Ciudad Autónoma de Buenos Aires ou CABA) est la capitale politique de la République argentine, mais aussi son principal centre économique et démographique. Lors du dernier recensement disponible, en 2010, 2,89 millions de personnes habitaient cet espace de 200 km². L’agglomération (conurbano) a depuis longtemps franchi les limites de la ville autonome et, aujourd’hui, le Grand Buenos Aires (Gran Buenos Aires), principale aire urbaine du pays, compte près de 13,59 millions d’habitant.e.s.
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[2]
Cet article présente les premiers résultats de recherches doctorales en cours, sous la direction de Sébastien Velut, alors que l’analyse complète des données recueillies n’est pas encore achevée. Il soumet donc des hypothèses à la discussion scientifique plus qu’il n’entend apporter de réponse définitive. Le travail de terrain a été réalisé lors de trois séjours à Buenos Aires, deux de trois mois et un de six mois. La thèse s’appuie également sur un travail quantitatif, notamment l’analyse des délivrances de permis de construire, des statistiques socio-économiques de l’INDEC et des données disponibles sur les prix de l’immobilier.
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[3]
Toutes les illustrations sont de l’auteur.
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[4]
Terme signifiant à la fois le tracé, celui de l’ex-autoroute urbaine n° 3, et la trace laissée par ce projet inachevé dans la trame urbaine, nettement délimitée par l’architecture, comme par les pratiques quotidiennes d’évitement mises en place par les riverain.e.s.
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[5]
Malheureusement, les dernières statistiques disponibles remontent à 2010, et il n’est donc pour l’instant pas possible de confirmer cette évolution pour les dernières années.
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[6]
L’importance de lieu de scolarisation des enfants dans le choix résidentiel était une des hypothèses de départ, mais rien n’a permis de la confirmer. Malheureusement, il n’a pour l’instant pas été possible d’étudier en détail le rôle des enfants dans les formes de l’habiter. Un des prolongements de cette recherche sera de « s’interroger sur les interrelations entre les enfants et les parents » (Authier, Lehman-Frisch, 2012).
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[7]
Un « pôle gastronomique » se développe à Villa Urquiza, mais les habitant.e.s interrogé.e.s ne disent pas fréquenter ces bars et restaurants davantage que ceux d’autres quartiers. Ce qui s’observe nettement, c’est une tendance à l’uniformisation de l’offre commerciale, avec une diffusion des « commerces branchés » sur le modèle de ceux de Palermo.
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[8]
L’essentiel de mon terrain a été réalisé en 2017 et 2018, alors que l’économie argentine connaissait une crise importante, caractérisée notamment par une inflation forte et une fragilisation des classes moyennes. Dans ce contexte, le lieu des achats était choisi, pour la majorité, selon des considérations purement économiques. La plupart des enquêté.e.s ont déclaré aller moins régulièrement au supermarché et privilégier les commerces de produits agricoles locaux ou les commerces de demi-gros.
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[9]
L’évolution de l’offre commerciale, en particulier des commerces alimentaires, bars et restaurants, est difficile à relier aux évolutions immobilières du quartier : pendant les séjours de terrain, nombre de commerces ont fermé, mais sans doute davantage en raison du contexte macro-économique.
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[10]
Du fait de l’instabilité économique argentine, en particulier des fluctuations de sa monnaie, le recours au crédit immobilier est demeuré longtemps peu diffusé voire, durant certaines périodes, impossible. Au cours de la dernière décennie, son usage s’est répandu au sein de la classe moyenne, grâce à plusieurs initiatives du gouvernement national : d’abord le programme PRO.CRE.AR lancé en 2012 puis, à partir de 2016, les prêts immobiliers libellés en UVA.
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[11]
Dans ce second cas, il arrive que le bien initial vendu soit la maison individuelle à la place de laquelle a été construit l’immeuble. C’est une des modalités de participation des habitant.e.s à ces opérations immobilières. La seconde est le regroupement d’économies, dans un réseau d’interconnaissance, qui permet d’entreprendre la construction d’un immeuble. Ces projets sont parfois liés à la volonté de loger ses enfants près de soi, néanmoins la motivation la plus constante reste la sécurisation de l’épargne dans l’immobilier.
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[12]
En espagnol « es un barrio bien “barrio”, tranquilo y familiar ; verde y con mucho aire ».
1. Introduction
1Villa Urquiza et Villa del Parque sont deux barrios (quartiers) de la périphérie de la ville autonome de Buenos Aires [1], lotis au mitan du vingtième siècle. Le découpage administratif de Buenos Aires délimite 48 quartiers, dont les limites ne coïncident toutefois pas parfaitement avec celles, plus labiles, que les habitant.e.s mobilisent. Ces dernières s’appuient souvent sur des discontinuités dans la trame et les paysages urbains actuels, davantage que sur le découpage officiel. Au-delà de ses dimensions physiques, le quartier existe à travers les pratiques et les représentations de ses usagers (Authier, Bacqué, & Guérin-Pace, 2007 ; Michel, 2018). Ainsi, à Buenos Aires le terme de barrio ne renvoie pas seulement à une portion d’espace urbain : « le mot constitue un support d'une puissante mythologie spatiale » (Levy, Lussault, 2013), qui associe à un paysage urbain un ensemble de pratiques, en particulier des relations sociales fortes, articulées autour de la proximité résidentielle. Villa Urquiza et Villa del Parque, comme beaucoup d’autres barrios, furent longtemps caractérisés par leur vie sociale et économique locale, ainsi que par leur morphologie où prédominaient de façon quasi absolue les maisons individuelles, ce qui en fait aujourd’hui encore, aux yeux de beaucoup de portègnes, des exemples paradigmatiques de ces espaces résidentiels occupés principalement par les classes moyennes.
2Toutefois, depuis le milieu des années 2000, ces espaces connaissent une intense activité immobilière, qui a modifié radicalement leur physionomie : les immeubles d’habitation constituent à présent de larges portions de leurs paysages. L’objectif de cet article est d’étudier la manière dont les évolutions architecturales de ces espaces sont intimement liées aux mutations de la production de l’espace (Lefebvre, 2000). La disparition des maisons individuelles du fait de la construction d’immeubles met en lumière l’impossibilité croissante pour les habitant.e.s d’avoir un rôle dominant dans la production de l’espace. Pour étayer cette analyse, l’article mobilise les notions d’habiter et d’appropriation, afin d’élucider les interactions entre les dimensions matérielles de cette verticalisation, les pratiques des habitant.e.s et leurs représentations. Ces dernier·e·s mobilisent avant tout la fonction résidentielle de leur quartier, sans plus être à même de construire une vie sociale dense ancrée dans ce lieu. Les lieux de sociabilité, mais aussi les espaces du travail, se sont déplacés à l’extérieur du quartier, et les espaces pratiqués quotidiennement dépassent le cadre du barrio : l’habiter tend à se structurer autour d’un espace archipélagique, tandis que, réciproquement, l’appropriation du quartier décroît, ce dernier ne constituant souvent plus que le lieu où l’on loge.
3Si ces phénomènes sont présents dans de nombreux espaces métropolitains, l’intensité et la rapidité des transformations observables dans ces deux quartiers en font d’excellents terrains d’étude.
4Dans cet article sont présentés les résultats d’enquêtes qualitatives (Morange, Schmoll, & Toureille, 2016 ; Paillé & Mucchielli, 2012 ; Sardan, 2008). La principale matière des pages qui suivent est tirée d’entretiens semi-directifs qui ont été conduits avec une cinquantaine d’habitant.e.s (Kaufmann, 2011). Il s’agit d’entretiens longs, de deux heures environ, réalisés avec des adultes installés dans ces quartiers depuis au moins un an. Ce groupe n’a pas été constitué pour être représentatif de la population du quartier, mais plutôt pour offrir la diversité de profils la plus large possible. Ainsi, le nombre d’entretiens réalisés auprès de vingtenaires est légèrement plus important que leur part dans la population – bien que la majorité des enquêté.e.s aient plus de 45 ans. Un équilibre entre les genres était souhaité, mais les femmes demeurent légèrement plus nombreuses. Ces entretiens ont permis de documenter à la fois les trajectoires résidentielles des personnes interrogées, mais aussi leurs pratiques urbaines quotidiennes et leurs discours sur leur lieu de vie. Des observations urbaines ont également été conduites, notamment sur les usages des espaces publics. À cela s’est ajoutée la participation à des groupes de voisin.e.s – se réunissant physiquement ou échangeant sur les réseaux sociaux – formés autour de questions politiques, culturelles ou urbaines [2].
5Dans un premier temps, nous montrerons que la verticalisation, transformation radicale du cadre bâti dans ces quartiers, ne va pas de pair avec une gentrification et une éviction des populations installées comme dans d’autres quartiers de Buenos Aires.
6Néanmoins, ces changements morphologiques vont de pair avec une modification des pratiques spatiales, également favorisée par le fait que ces quartiers deviennent, du fait de la métropolisation et des nouvelles infrastructures de transport, des espaces péricentraux de la capitale. Ainsi, à travers leur nouvelle insertion dans les circulations métropolitaines, ils favorisent une mutation des déplacements quotidiens et l’habiter se structure désormais autour de vastes systèmes de mobilités – et non pas autour du quartier.
7Enfin, si les habitant.e.s n’organisent plus uniquement leur vie au sein de ces quartiers, il faut souligner que ce sont bien les transformations matérielles de l’espace, conséquentes au boom immobilier, qui limitent leur appropriation du quartier lui-même : la nouvelle prédominance des immeubles ainsi que les mutations des espaces publics limitent et contraignent leurs pratiques spatiales. Cependant, on observe la persistance des représentations du barrio dans l’imaginaire des habitant.e.s interrogé.e.s. Ces représentations, qui participent de manière paradoxale à la verticalisation – notamment parce qu’elles sont diffusé.e.s par les acteurs de l’immobilier – ne trouvent plus de traduction dans la matérialité des quartiers, du fait des nouvelles modalités de production de l’urbain.
2. Métropolisation et verticalisation de deux quartiers du péricentre de Buenos Aires
8La genèse et l’évolution de Villa Urquiza et de Villa del Parque sont liées à leur position par rapport au centre de Buenos Aires, et sur des axes de transport importants (voir Carte 1 [3]). Les deux quartiers se sont organisés autour de leurs gares respectives – General Urquiza sur la ligne de chemin de fer General Bartolomé Mitre pour Villa Urquiza et Villa del Parque sur la ligne San Martín – inaugurées en 1889 et 1907, alors que l’espace alentour était encore peu artificialisé (Cutolo, 1998 ; Pino, 1987).
Localisation des quartiers étudiés et évolution des prix fonciers dans la ville autonome de Buenos Aires, entre 2005 et 2014
Localisation des quartiers étudiés et évolution des prix fonciers dans la ville autonome de Buenos Aires, entre 2005 et 2014
10Dans ces quartiers, au départ lotis presque intégralement de maisons individuelles, plus ou moins cossues selon les secteurs, de premiers immeubles d’habitation furent construits dans les années 1970 et 1980, dans les pâtés de maisons entourant les gares ou bordant les grandes artères commerciales. Cette première verticalisation ne produisit pas un paysage urbain uniformément vertical, les immeubles étant alors pour la plupart isolés. Ces décennies furent néanmoins marquées par une transformation majeure pour Villa Urquiza : à partir de 1978, près de 800 logements furent vidés de leurs occupant·e·s, en prévision du percement de l’autoroute urbaine n° 3. Les démolitions commencèrent, mais l’ensemble du projet fut stoppé dès 1982. De nombreuses maisons intactes ou partiellement détruites furent alors occupées de façon informelle, tandis que des constructions, plus ou moins pérennes, s’élevaient sur les terrains vagues, formant un ensemble urbain en rupture avec son environnement, surnommé la traza [4] (Gesualdi, 2013). En 2009, le gouvernement de Mauricio Macri permit la vente de ces terrains à des promoteurs, entraînant de nouvelles expulsions et la construction de logements haut de gamme. Ces transformations de Villa Urquiza sont les mieux documentées, et la dernière étape, impliquant un déplacement de population pour des raisons économiques, présente de profondes similitudes avec la gentrification (Glass, 1964 ; Ley, 1997 ; Smith, 1979, 1987). Cette mutation, autour de la traza, concerne une portion très réduite de l’espace, en comparaison de l’ampleur de la gentrification dans le quartier de Palermo (Schwartzmann, 2009) ou de celle qui se développe aujourd’hui entre les quartiers de San Telmo, la Boca et Barracas.
11La transformation de la morphologie de Villa Urquiza s’étend à présent bien au-delà de cette zone, selon des modalités différentes. En 2016, Villa Urquiza fut le quartier où on dénombra le plus de démolitions de maisons, préalables à l’édification d’immeubles. L’agence d’informations immobilières Reporte Inmobiliario y comptabilise plus de 400 édifices élevés depuis 2005, avec un rythme très fluctuant, selon la croissance de l’économie argentine. Ces constructions se sont concentrées autour de nœuds du réseau de transport. A Villa Urquiza, il s’agit de la station de métro Juan Manuel de Rosas, ouverte en 2013 et actuel terminus de la ligne B, qui permet l’interconnexion avec la ligne de chemin de fer General Bartolomé Mitre. En ce qui concerne Villa del Parque, la polarisation, moins marquée, se fait autour de l’arrêt « villa del Parque » du Tren San Martin. La ligne G, dont les travaux devaient débuter en 2011, devrait à terme relier Villa del Parque à Retiro et une accélération de la production immobilière s’observe d’ores et déjà.
12La verticalisation rapide de pâtés de maisons entiers a donc radicalement transformé le paysage urbain. Sur la photographie n° 1, prise au nord de la station de métro Juan Manuel de Rosas, on constate que les maisons individuelles sont désormais résiduelles dans la trame urbaine et, à l’arrière-plan, on distingue nettement la verticalisation autour de la station de métro. La photographie n° 2, prise à deux rues de cette dernière, montre l’uniformité du paysage urbain vertical, désormais continu en direction du centre. Néanmoins, des traces du paysage ancien subsistent, comme le montre la photographie n° 3, prise à l’intersection de Pacheco et Olazázal, au niveau de l’épicentre de la verticalisation.
Les maisons individuelles deviennent minoritaires dans le paysage
Les maisons individuelles deviennent minoritaires dans le paysage
Les immeubles d'habitation forment un paysage continu en direction du centre
Les immeubles d'habitation forment un paysage continu en direction du centre
La transformation n'est pas complète et des traces de la morphologie ancienne subsistent
La transformation n'est pas complète et des traces de la morphologie ancienne subsistent
16Malgré l’importance du boom immobilier, on ne peut pas parler ici de gentrification car la hausse des prix du foncier (voir Carte 1) demeure faible – en comparaison à celle des autres quartiers de la ville autonome de Buenos Aires – et parce qu’aucun phénomène d’éviction massive n’a pu être mis en évidence. Néanmoins, tant les entretiens que les statistiques publiques disponibles fournissent de nombreux indices d’une homogénéisation du profil social des habitant.e.s, processus particulièrement marqué dans les espaces de la verticalisation [5]. Cette homogénéisation du profil social des habitant.e.s à l’échelle du quartier n’est pas un cas isolé à Buenos Aires. C’est une tendance ancienne, déjà identifiée par Torres en 1993, qui s’est encore accentuée au cours de la décennie 1990 et des décennies suivantes (Cosacov et al., 2018). Ici, elle s’est opérée sur la longue durée, à travers la vente par les habitant.e.s les moins aisé.e.s de leurs biens immobiliers, dont la valeur était devenue très importante par rapport à leurs revenus, mais aussi par les départs des ménages les plus aisés.
17Néanmoins, l’un des premiers résultats du travail d’enquête est la mise en évidence d’une grande stabilité résidentielle des personnes interrogées installées dans ces quartiers avant le boom immobilier. Souvent, cette stabilité au sein du quartier est intergénérationnelle, avec parfois des trajectoires complexes avant un retour près du domicile parental. Ici, comme dans le cas de Caballito analysé par Natalia Cosacov (2014), cette stabilité résidentielle se justifie à la fois par un accès facilité au logement (que la propriété soit héritée ou que les réseaux locaux permettent d’être mieux informé.e de l’offre disponible au sein du quartier) et par une volonté de maintenir des relations familiales quotidiennes, qui permettent notamment aux mères d’accéder plus facilement à l’emploi lorsque le soin des enfants peut être confié en partie à la génération précédente. Les trajectoires résidentielles des personnes qui se sont installées dans ces quartiers depuis le boom immobilier des années 2000, sans avoir de lien familial avec le quartier, sont également courtes : elles trouvent leurs origines dans les quartiers voisins, en particulier Belgrano et Palermo. Il s’agit, pour les cas documentés lors de l’enquête, de jeunes adultes qui ont fait le choix d’acheter ici afin de pouvoir accéder à des superficies plus importantes que dans leurs quartiers d’origine. Leurs profils socio-professionnels sont généralement très semblables à ceux des personnes installées plus anciennement.
18De nombreux travaux portent sur les transformations des pratiques urbaines et des régimes d’appropriation des espaces urbains dans un contexte de gentrification (Clerval, 2013 ; Martinet, 2016). Ici, étudier ces évolutions durant un processus de transformation urbaine sans véritable gentrification nous intéresse tout particulièrement. Ce cadre nous permet en effet de mettre en lumière que les mutations de la production de l’espace liées au boom immobilier, même sans éviction massive des habitant.e.s, limitent de manière très nette l’appropriation du quartier, à mesure que les formes de l’habiter se recomposent.
3. La métropolisation étend l’espace pratiqué par les habitant.e.s et transforme leurs manières d’habiter le barrio
19Pour saisir les relations que leurs habitant.e.s entretiennent avec ces espaces, la notion « d’habiter » est particulièrement utile. Elle est « fondamentalement une question de pratiques, associées aux représentations, valeurs, symboles, imaginaires qui ont pour référent les lieux géographiques » (Stock, 2004). Popularisée en géographie notamment par les travaux de Mathis Stock et par l’ouvrage de Michel Lussault, Chris Younès et Thierry Paquot (2007), la notion d’habiter est entrée dans les sciences sociales notamment grâce au deuxième tome de L’Invention du quotidien (Certeau, Giard & Mayol, 1994), sous-titré « habiter, cuisiner ». Elle est donc dès le départ ancrée dans la quotidienneté de la vie sociale et dans les pratiques. Construire l’analyse à partir de « l’habiter » permet de saisir à travers une approche anthropologique les faits sociaux qui se reproduisent dans et avec l’espace (Segaud, 2010).
20Lors des entretiens, l’habiter a été documenté à la fois par les pratiques quotidiennes – d’achats et de loisirs notamment – mais aussi par les mobilités. Il ressort très nettement que les mobilités quotidiennes dans la métropole se font plus nombreuses et sinueuses. La quasi-totalité des habitant.e.s occupent un emploi dans les quartiers centraux de Buenos Aires. Si les trajets domicile-travail sont très similaires entre les hommes et les femmes, les mobilités quotidiennes n’en varient pas moins très fortement. Notamment, dans les ménages dont les enfants vont à l’école, ce sont presque systématiquement les femmes qui prennent en charge les trajets. Or ces trajets sont souvent importants, puisque les stratégies de scolarisation ne sont que faiblement corrélées aux choix résidentiels [6]. Plus encore que les écoles, les lieux de sociabilité et de divertissement sont situés tout autant en dehors du quartier qu’en son sein [7], notamment dans les zones de Palermo, Villa Crespo, Almagro, Boedo, en fonction des pratiques. De tous les espaces fréquentés quotidiennement, seuls les commerces alimentaires [8] et les gymnases se trouvent presque toujours à proximité directe du domicile [9]. Il faut souligner que, sauf deux exceptions, toutes les personnes interrogées déploient leurs activités au sein de la CABA, et en direction de son centre.
21Les pratiques déployées dans les quartiers sont donc très limitées et les espaces publics y sont peu fréquentés, à l’exception, pour certaines personnes, des grands parcs adjacents (Agronomía et General Paz). La sociabilité de voisinage est inexistante pour la quasi-totalité des enquêté.e.s. Même pour les personnes dont la trajectoire résidentielle est stable depuis plusieurs décennies, le quartier n’est plus le support principal des liens sociaux, bien qu’il ressorte des entretiens qu’il l’était auparavant. Cela s’explique à la fois par des trajectoires résidentielles d’ami.e.s ou de parents vers le conurbano – surtout depuis les années 1990, à la fois vers des quartiers fermés aisés (Thuillier, 2000, 2006) et vers des espaces périurbains plus anciens – et par l’importance des liens noués autour des espaces de travail, eux-mêmes situés hors du quartier.
22Les espaces pratiqués au quotidien ne tracent donc pas une cartographie articulée par la proximité au logement, mais bien plutôt des archipels complexes de lieux, structurés par les pratiques différenciées des habitant.e.s. Ainsi, il semble que le processus de métropolisation (Ghorra-Gobin, 2015) – qui se caractérise à Buenos Aires notamment par un bouleversement de l’ordre politique (Carré, 2013 ; Prévôt-Schapira, 2001) et par la restructuration des systèmes productifs et de planification à l’échelle régionale (Massin, 2017) – concerne également les mobilités quotidiennes et, plus encore, la manière d’habiter la ville. Les archipels de lieux que les entretiens permettent de reconstruire ne coïncident par véritablement avec la ville archipel qu’étudie Adrián Gorelik (2013), mais on retrouve au niveau de la géographie individuelle des logiques à l’œuvre au niveau métropolitain. La logique centre-périphérie ne semble plus pertinente pour comprendre les pratiques, qui articulent un réseau polycentrique, dans lequel l’espace résidentiel peut être marginalisé : il se réduit pour la plupart au logement lui-même, qui est parfois peu pratiqué en dehors du temps de sommeil. En plus de la définition fonctionnelle des différents pôles et de leur dissémination dans l’espace urbain, il faut souligner leur mobilité : près de la moitié des personnes interrogées insistent en effet sur la forte variation, intra ou interannuelle, des espaces fréquentés. Dans le contexte des entretiens, marqué par la crise économique, ces changements sont liés soit à une perte d’emploi, soit à des ajustements dans le mode de vie entrepris afin d’économiser.
23Mais ce vaste maillage, qui dans la plupart des cas couvre l’ensemble des zones nord et centre de la ville de Buenos Aires, n’est pas qu’un signe de l’extension de l’espace pratiqué. Il marque aussi une désagrégation des liens matériels et symboliques entre les habitant.e.s et les espaces pratiqués, signant ainsi une forme de dissolution de l’habiter. En effet, si une courte majorité d’enquêté.e.s formulent un sentiment d’appartenance au quartier, une dizaine seulement considèrent qu’habiter ailleurs serait difficile. Pour la plupart, l’espace de référence est la ville autonome de Buenos Aires ou, plus rarement, le grand Buenos Aires. Ces discours sur le sentiment d’appartenance et l’espace du quotidien sont pour la plupart accompagnés de la formulation directe ou indirecte d’un sentiment de dépossession.
4. La verticalisation limite l’appropriation du barrio par ses habitant.e.s
24L’habiter n’est pas qu’une question de pratiques. Comme le note Thierry Paquot (2005), « l’habitat déborde le logement », il suppose la capacité des habitant.e.s à transformer l’espace dans sa matérialité et à le mettre en adéquation avec des représentations personnelles de l’espace désirable. Autrement dit, il s’agit autant de s’approprier l’espace physiquement, par un régime légal d’occupation et des pratiques, que de se le représenter comme sien, de l’intégrer à un ensemble de représentations qui permette l’action. Il s’agit donc maintenant d’analyser comment les pratiques et représentations interagissent avec les logiques économiques et patrimoniales qui sont à l'origine des transformations morphologiques précédemment décrites. Pour ce faire, il faut joindre à la notion « d'habiter » celle « d’appropriation ». L’appropriation de l’espace a été théorisée notamment par Fabrice Ripoll et Vincent Veschambre (Gravari-Barbas & Veschambre, 2005 ; Ripoll, 2005 ; Ripoll & Veschambre, 2005). Elle nous permet ici de penser la manière dont l'habiter est déterminé par les rapports économiques et sociaux, qui se reproduisent notamment en se cristallisant dans une dimension spatiale.
25La frénésie de construction dans le quartier n’a pas entraîné de véritable gentrification. Toutefois, ce boom immobilier, en lien avec des évolutions macroéconomiques argentines et mondiales, participe de la redéfinition à la fois des acteurs de la production du bâti et du rapport des propriétaires avec leur logement.
26Les travaux sur le « rôle croissant des marchés financiers dans le fonctionnement économique, politique et social des territoires » (French, Leyshon & Wainwright, 2011) ne manquent pas. À Buenos Aires, cette tendance globale a été renforcée par le forte croissance du PIB national (autour de 9 % entre 2003 et 2007 puis, après une période de baisse, de 10 % en 2010 et 6 % en 2011), liée en particulier aux revenus de l’exportation du soja, qui a généré d’importants excédents financiers. Ces investissements sont à la fois le fait d’acteurs économiques puissants, comme le groupe IRSA (Socoloff, 2015) mais aussi de larges secteurs de la classe moyenne argentine. En effet, dans un contexte d'instabilité économique et de contrôle des changes, l'immobilier est devenu la valeur refuge qui draine l'épargne des classes moyennes (Baer & Kauw, 2016), dans un pays où le marché immobilier est dollarisé depuis quatre décennies (Gaggero & Nemiña, 2018). Ainsi, nombre d'appartements livrés servent uniquement de placements sûrs, de réserves de valeur, et ne sont en réalité pas destinés au logement. À Buenos Aires, d’après les données du recensement de 2010, on dénombre 341 000 logements vacants, qui représentent 11 % de l’ensemble des logements du Gran Buenos Aires, la proportion de logements vides augmentant dans les espaces centraux(García Pérez, 2014). La faiblesse des impôts sur l'immobilier et la hausse des prix du marché rendent cela possible puisque le fait de maintenir un logement vide ne représente pas, dans ces conditions, une perte économique. Ces tendances ont favorisé une transformation des acteurs dominants dans la production immobilière de ces quartiers.
27Les entretiens réalisés avec des architectes et promoteurs indiquent que certain.e.s habitant.e.s participent pleinement à la production des immeubles, mais ces cas restent largement minoritaires. Les modalités de l’accession à la propriété des personnes interrogées sont très variables : héritage du bien immobilier en question, vente d’un autre bien pour financer l’achat, aide financière familiale, obtention d’un prêt immobilier ou investissement des économies – plusieurs de ces modalités se combinant souvent. Parmi les personnes qui se sont installées depuis le boom immobilier dans ces quartiers, deux cas de figure prédominent nettement : le recours au crédit [10] et l’achat après la vente d’un autre bien [11]. Pour l’essentiel, les projets de construction sont initiés et financés par des promoteurs et des investisseurs argentins n’habitant pas le quartier. Il s’agit d’une évolution radicale dans la production de l’espace, pour des quartiers initialement produits par la construction individuelle de maisons familiales, qui imprimait dans le paysage les choix faits pour l’habitat et dont l’architecture matérialisait notamment différentes modalités d’articulation entre l’espace privé et l’espace public – selon l’espace offert à la verdure entre la rue et la maison, les dimensions des ouvertures de la façade sur la rue ou le type de barrière installée par exemple.
28Ainsi, si la verticalisation restreint le rôle des habitant.e.s dans la production de leur logement, elle réduit aussi l’appropriation de l’espace public. En effet, la limite entre espace public et espace privé, que les jardins et barrières des maisons ne figeaient pas systématiquement, est maintenant très nette. Elle passe par les halls d’entrée et les couloirs, rejetant la rue loin de l’espace privé et la transformant en un espace sur lequel on n’a pas prise. Matériellement, cela se traduit aussi par le fait que l’entretien des trottoirs ou des arbres est assuré par des entreprises privées mandatées par les syndics ou par la municipalité. Ce recul de l’intervention dans la matérialité de l’espace de la rue s’accompagne d’une occupation moindre de cet espace, ramené à sa fonction de transit. Les personnes présentes dans ces quartiers avant les années 2000 mentionnent toutes la disparition de la sociabilité dans la rue, que ce soit celle des enfants ou celles des personnes âgées, qui y installaient leurs chaises pour converser. Le recul de la pratique des espaces publics est évidemment une conséquence directe de la verticalisation : des rues bordées d’immeubles de sept étages et plus sont rarement ensoleillées et la circulation automobile y est dense. Restent les places, où les pratiques sont très variables, et plus ou moins contrôlées selon leur situation. Dans les places les plus proches des espaces verticalisés, comme la Plaza Echeverría à Villa Urquiza ou la Plaza Aristobulo del Valle à Villa del Parque, les pratiques, assez restreintes et normées, sont principalement le fait des enfants et des personnes qui les accompagnent, tandis qu’un nombre croissant d’activités récurrentes sont organisées sur ces places par la municipalité. Sur les plus petites places, davantage excentrées, les pratiques sont plus variées et les riverain.e.s semblent s’attarder davantage. Bien que ces places soient effectivement occupées par des habitant.e.s, il faut noter que seulement une dizaine de personnes interrogées ont dit les fréquenter, de façon peu régulière.
29Sans faire une analyse des « rapports complexes qui s’opèrent entre architecture et habitation » comme le propose Mathias Rollot (2016), mais en se concentrant sur les modalités de production des immeubles, comme sur les pratiques des habitants dans les immeubles et les espaces alentour, il apparaît donc que l’espace habité se restreint au logement, mais aussi que la capacité des habitant.e.s à transformer l’espace dans sa matérialité est contrainte par ce nouveau régime de production de l’espace. Ceci peut expliquer, au moins partiellement, l’écart existant entre les imaginaires urbains des habitant.e.s et leurs expériences quotidiennes.
30Dans tous les entretiens, ces quartiers sont d’abord définis comme de « véritables quartiers », « tranquilles et familiaux », mais aussi comme étant « verts et très aérés » [12]. Or, les rues sont encombrées de véhicules et les arbres disparaissent sous les immeubles, tandis que l’analyse des pratiques effectives montre que les formes de sociabilité associées au « véritable quartier portègne » sont absentes.
31Ainsi, les représentations renvoient à un mode d’habiter qui ne correspond plus ni au cadre bâti, ni aux pratiques. Toutefois, cet écart doit être relativisé en considérant également les expériences urbaines hors de ces quartiers : ils sont plus « verts », plus « tranquilles » et plus « barrio » que le centre historique ou que les quartiers qui l’entourent. Ainsi, la définition de ces espaces se fait par la généralisation de formes qui deviennent minoritaires, mais demeurent la caractéristique de l’ensemble car elles sont ce qui distingue ces quartiers des autres espaces de Buenos Aires fréquentés régulièrement par ces habitant.e.s. Elles le dotent, aux yeux de leurs habitant.e.s, d’une « physionomie propre » (Rhein, Blidon, Fleury, Guérin-Pace & Humain-Lamoure, 2008).
32Paradoxalement, ces représentations sont des facteurs de la verticalisation, et ce à double titre : elles semblent favoriser la mise en place de trajectoires résidentielles depuis le centre vers ces quartiers – qui soutiennent la construction – mais aussi conduire à la mise en vente des maisons, condition sine qua non de la verticalisation. Dans les discours des personnes installées dans les immeubles, la volonté de vivre dans des quartiers moins denses et plus arborés que les espaces plus centraux accompagnent souvent les motifs économiques. La présence appuyée des arbres et des espaces verts sur les documents promotionnels – à travers des vues d’architecte ou des photomontages – confirme qu’il s’agit vraisemblablement d’un des facteurs de l’attractivité du quartier, mobilisé et renforcé par les acteurs de l’immobilier. Les trajectoires résidentielles de sortie de Villa Urquiza, elles, sont souvent motivées, pour les personnes rencontrées, par la disparition effective de cette qualité qui continue d’être prêtée au quartier : face à l’avancée des immeubles et de leur ombre, elles cherchent à vendre leur maison, qui est alors remplacée par un immeuble, et vont s’installer dans un espace plus « vert » et « aéré ». On pourrait parler d’une forme d’aliénation de ces représentations du quartier désirable, qui ne s’expriment ni dans les pratiques ni dans le bâti. En effet, comme l’explique Christine Chivallon (2010), en reprenant la théorisation de la production de l’espace d’Henri Lefebvre, il faut « dissocier entre les représentations, celles qui ont le pouvoir de s’insérer dans des « textures spatiales », donc d’être « dominantes » et celles qui, [sont] privées de cette capacité ». Or ce qui frappe ici, c’est l’impossibilité pour ces représentations et pour les habitant.e.s qui les portent d’influer sur la dimension matérielle de l’espace. Cela s’explique à la fois par leurs conditions de vie, qui imposent un certain système de mobilités quotidiennes, et par la financiarisation de la production de l’espace urbain. Plus encore, d’autres acteurs, désormais dominants dans la production de l’urbain, mobilisent ces représentations contre les éléments matériels auxquelles elles se rattachent, en utilisant l’image de la maison pour vendre l’immeuble qui la remplace.
5. Conclusion – Une nette marginalisation des habitant.e.s dans la production de l’espace
33Villa Urquiza et Villa del Parque semblent aujourd’hui bien éloignées de la figure du barrio, quartier de maisons basses structurées par des relations sociales et économiques locales fortes. Le processus de verticalisation en cours ne représente pas seulement une transformation de leur physionomie et une reconfiguration des relations de voisinage : il conditionne en profondeur les formes de l’habiter et les modalités d’appropriation de ces espaces. Il s’accompagne d’une forme de marginalisation des habitant.e.s dans la production de l’espace, quand bien même il n’entraîne pas leur éviction massive.
34L’étude de ces deux quartiers montre combien la métropolisation des pratiques spatiales quotidiennes et les mutations de la production de la ville, qui se matérialisent ici par la verticalisation, limitent l’appropriation de l’espace par ses habitant.e.s. Néanmoins, cette figure du quartier produit par ses habitant.e.s – et leurs relations – demeure vivace dans l’imaginaire urbain du barrio, toujours largement partagé et valorisé.
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Mots-clés éditeurs : habiter, représentations, Buenos Aires, financiarisation, pratiques, verticalisation, logement, métropolisation, appropriation
Date de mise en ligne : 18/06/2019
https://doi.org/10.3917/lig.902.0104Notes
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[1]
La ville autonome de Buenos Aires (Ciudad Autónoma de Buenos Aires ou CABA) est la capitale politique de la République argentine, mais aussi son principal centre économique et démographique. Lors du dernier recensement disponible, en 2010, 2,89 millions de personnes habitaient cet espace de 200 km². L’agglomération (conurbano) a depuis longtemps franchi les limites de la ville autonome et, aujourd’hui, le Grand Buenos Aires (Gran Buenos Aires), principale aire urbaine du pays, compte près de 13,59 millions d’habitant.e.s.
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[2]
Cet article présente les premiers résultats de recherches doctorales en cours, sous la direction de Sébastien Velut, alors que l’analyse complète des données recueillies n’est pas encore achevée. Il soumet donc des hypothèses à la discussion scientifique plus qu’il n’entend apporter de réponse définitive. Le travail de terrain a été réalisé lors de trois séjours à Buenos Aires, deux de trois mois et un de six mois. La thèse s’appuie également sur un travail quantitatif, notamment l’analyse des délivrances de permis de construire, des statistiques socio-économiques de l’INDEC et des données disponibles sur les prix de l’immobilier.
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[3]
Toutes les illustrations sont de l’auteur.
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[4]
Terme signifiant à la fois le tracé, celui de l’ex-autoroute urbaine n° 3, et la trace laissée par ce projet inachevé dans la trame urbaine, nettement délimitée par l’architecture, comme par les pratiques quotidiennes d’évitement mises en place par les riverain.e.s.
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[5]
Malheureusement, les dernières statistiques disponibles remontent à 2010, et il n’est donc pour l’instant pas possible de confirmer cette évolution pour les dernières années.
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[6]
L’importance de lieu de scolarisation des enfants dans le choix résidentiel était une des hypothèses de départ, mais rien n’a permis de la confirmer. Malheureusement, il n’a pour l’instant pas été possible d’étudier en détail le rôle des enfants dans les formes de l’habiter. Un des prolongements de cette recherche sera de « s’interroger sur les interrelations entre les enfants et les parents » (Authier, Lehman-Frisch, 2012).
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[7]
Un « pôle gastronomique » se développe à Villa Urquiza, mais les habitant.e.s interrogé.e.s ne disent pas fréquenter ces bars et restaurants davantage que ceux d’autres quartiers. Ce qui s’observe nettement, c’est une tendance à l’uniformisation de l’offre commerciale, avec une diffusion des « commerces branchés » sur le modèle de ceux de Palermo.
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[8]
L’essentiel de mon terrain a été réalisé en 2017 et 2018, alors que l’économie argentine connaissait une crise importante, caractérisée notamment par une inflation forte et une fragilisation des classes moyennes. Dans ce contexte, le lieu des achats était choisi, pour la majorité, selon des considérations purement économiques. La plupart des enquêté.e.s ont déclaré aller moins régulièrement au supermarché et privilégier les commerces de produits agricoles locaux ou les commerces de demi-gros.
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[9]
L’évolution de l’offre commerciale, en particulier des commerces alimentaires, bars et restaurants, est difficile à relier aux évolutions immobilières du quartier : pendant les séjours de terrain, nombre de commerces ont fermé, mais sans doute davantage en raison du contexte macro-économique.
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[10]
Du fait de l’instabilité économique argentine, en particulier des fluctuations de sa monnaie, le recours au crédit immobilier est demeuré longtemps peu diffusé voire, durant certaines périodes, impossible. Au cours de la dernière décennie, son usage s’est répandu au sein de la classe moyenne, grâce à plusieurs initiatives du gouvernement national : d’abord le programme PRO.CRE.AR lancé en 2012 puis, à partir de 2016, les prêts immobiliers libellés en UVA.
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[11]
Dans ce second cas, il arrive que le bien initial vendu soit la maison individuelle à la place de laquelle a été construit l’immeuble. C’est une des modalités de participation des habitant.e.s à ces opérations immobilières. La seconde est le regroupement d’économies, dans un réseau d’interconnaissance, qui permet d’entreprendre la construction d’un immeuble. Ces projets sont parfois liés à la volonté de loger ses enfants près de soi, néanmoins la motivation la plus constante reste la sécurisation de l’épargne dans l’immobilier.
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[12]
En espagnol « es un barrio bien “barrio”, tranquilo y familiar ; verde y con mucho aire ».