1L’enseignement de la géographie de la France dans notre pays est au cœur d’une série de paradoxes. Cet enseignement est prévu à tous les niveaux de l’institution scolaire et universitaire, du cours préparatoire aux masters, dans tous les concours de recrutement des professeurs, dans une partie des classes préparatoires aux grandes écoles, il paraît un élément essentiel de la construction d’un sentiment national, d’une identité territoriale, il est censé apporter un ensemble de références spatiales et paysagères mobilisables pour l’étude d’autres territoires ; il est enrichi par des recherches universitaires de pointe sur les dynamiques spatiales, le jeu des acteurs, les politiques d’aménagement, les recompositions territoriales, les enjeux paysagers ou environnementaux. Mais, dans les faits, cet enseignement est souvent négligé ou assumé selon des problématiques très classiques, et il ne semble guère intéresser les élèves, alors même que tous les exercices montrent que le territoire de notre pays est mal connu.
2Ces paradoxes ne sont pas nouveaux, mais ils ont pris des formes différentes depuis deux siècles selon les approches privilégiées à chaque époque, en fonction des paradigmes géographiques dominants, des contextes géopolitiques et sociaux, des choix pédagogiques, des sources et outils disponibles. Et c’est peut-être une des difficultés majeures pour les enseignants et les élèves que la juxtaposition dans les programmes, les manuels et les cours de problématiques, de notions, de démarches très diverses, plus ou moins bien conciliables entre elles ; ou encore l’hésitation de plus en plus grande sur l’importance à accorder au niveau national par rapport au niveau régional et au niveau européen, dans une Union en construction ; ou aussi le désintérêt lié à la prolifération non hiérarchisée d’images et d’informations sur la France dans tous les médias.
3Ce sont ces paradoxes et difficultés que veulent préciser et analyser les textes rassemblés ici. Rémy Knafou pointe d’abord la question du sens accordé à l’enseignement du territoire français à des jeunes, appelés à y vivre ensemble comme citoyens. Un sens qui a fortement évolué dans les programmes de l’école élémentaire de la fin du xviiie à la fin du xxe siècle, d’après Jean-Pierre Chevalier. Deux questions récurrentes sont la place des régions et celles des données naturelles, analysées sur le long terme par Christine Vergnolle-Mainar et Gérard Hugonie, et d’une autre manière par Martine Cabon à propos de la géographie de la France dans les concours de recrutement depuis 1940, agrégations et CAPES. Les ressources documentaires et pédagogiques sur la géographie de la France se sont multipliées, comme le montrent Sylvain Genevois et Caroline Jouneau-Sion, Christian Nace et Jean-Philippe Raud-Dugal, au risque d’exposer les élèves, les étudiants et les enseignants à une surcharge d’informations mal contrôlées, redondantes ou contradictoires.
4D’autres difficultés, comme l’articulation entre le territoire national et l’Union européenne ou les nouveaux territoires, comme la représentation graphique des territoires, n’ont pu être présentées ici. Mais elles sont évoquées par des textes brefs résumant les échanges lors des ateliers des journées d’études tenues à Paris les 16 et 17 janvier 2008, que l’on trouvera sur les sites Internet du CNFG et de l’IUFM de Paris.
5Puissent ces quelques analyses et propositions contribuer à renouveler et approfondir l’approche géographique de notre pays par les écoliers, collégiens, lycéens et étudiants, appelés à y vivre ensemble comme citoyens.