Fruit de la collaboration féconde entre une
anthropologue et un archéologue, cet ouvrage analyse la sculpture la
plus emblématique de l’art ibérique, la Dame d’Elche. Celle-ci fait
partie de ces objets « dotés d’une certaine étrangeté » que les
scientifiques ne parviennent pas à dissiper (p. 142). Le livre nous
aide à comprendre, d’une part, que les objets ne sont pas étranges
de manière intrinsèque et, d’autre part, que la « fabrique de
l’étrangeté », qui correspond rarement à une intention, n’est le
plus souvent qu’une conséquence : c’est soit la démarche
scientifique qui doit faire face, avec plus ou moins de succès, à
des incertitudes, soit les personnes entrant en relation avec
l’artefact (physiquement, émotionnellement ou à travers d’autres
formes de manipulation et d’appropriation) qui contribuent à lui
donner une épaisseur.
Penchons-nous, tout d’abord, sur la
terminologie scientifique et ses hésitations. Au moment de la
découverte de la statue, le 4 août 1897, les archéologues commencent
à peine à se questionner sur l’existence d’un art ibérique. Pedro
Ibarra, l’historien d’Elche qui mit le buste au jour, l’identifie à
Apollon, ce qui montre « l’ambiance hellénocentrique » (p. 51) qui
régnait alors dans ce milieu ; de même, l’archéologue français
Pierre Paris, qui organisa son achat pour le musée du Louvre
quelques jours plus tard, parle de « notre Gréco-Espagnole » et de
ce « Buste espagnol de style gréco-asiatique » (pp. 23-25 et 161)
– l’Asie étant évoquée pour souligner des influences phéniciennes…