Notes
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[*]
André Sobczak est directeur de la recherche à Audencia Nantes Ecole de management et titulaire de la chaire PME & responsabilité globale.
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[**]
Cécile Cam est doctorante à Audencia Nantes Ecole de management.
Cet article reprend les principales idées du Cahier de la responsabilité globale n° 7 « Labelliser une démarche RSE » édité par Audencia Nantes en 2013 et rédigé par les deux auteurs de cet article. -
[1]
A. Sobczak et N. Minvielle, Responsabilité globale. Manager le développement durable et la responsabilité sociétale des entreprises, Vuibert, 2011.
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[2]
La Banque populaire Atlantique est née il y a dix ans de la fusion de la Banque populaire Bretagne Atlantique et de Banque populaire Anjou Vendée.
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[3]
A. Berthoin Antal et A. Sobczak, « Au-delà de la RSE : la responsabilité globale », Semaine sociale Lamy, supplément n° 1186, octobre 2004.
1Pour structurer leur démarche de responsabilité sociétale [1] et la valoriser auprès de leurs différentes parties prenantes, certaines entreprises s’engagent dans des processus de labellisation en ce domaine. Ces initiatives de labellisation sont encore récentes, ce qui explique que, même si l’élaboration et le contenu des labels de « responsabilité sociale d’entreprise » (RSE) ont fait l’objet de nombreuses analyses, leurs enjeux managériaux ont pour l’instant été peu étudiés.
2Fondée sur une étude approfondie de la labellisation Lucie de la Banque populaire Atlantique, cette recherche exploratoire a pour objectif d’analyser les différentes étapes de ce processus et les apports de la labellisation à la démarche RSE, sa diffusion et son pilotage dans l’entreprise. Pour cela, des entretiens semi-directifs ont été menés avec quinze collaborateurs et dirigeants au sein de la Banque populaire Atlantique, ainsi qu’avec les acteurs externes impliqués, à savoir un représentant du label Lucie et l’auditeur de l’agence de notation extra-financière Vigeo.
3Le cas de la Banque populaire Atlantique [2] est particulièrement intéressant à étudier. D’une part, il s’agit d’une entreprise qui avait déjà engagé de nombreuses actions dans le domaine de la RSE avant de se lancer dans la labellisation Lucie, ce qui nous permet de souligner les apports de ce processus par rapport à une démarche RSE conduite en interne. D’autre part, avec ses 1500 salariés répartis entre le siège et le réseau d’agences, la Banque populaire Atlantique constitue une organisation complexe où la diffusion de la démarche RSE et son suivi présentent des défis importants, ce qui rend particulièrement pertinent d’y évaluer la valeur ajoutée qu’un label peut apporter. Enfin, les démarches RSE dans le secteur bancaire sont souvent regardées avec scepticisme par les parties prenantes, ce qui laisse penser qu’un label peut y apporter une plus grande crédibilité.
Les points forts
Vient ensuite l’audit externe, don’t le bilan permet à l’entreprise de definer un plan d’action pour s’améliorer. Après seulement, le comité de labellisation statue, avec évaluation à dix-huit mois.
Il est essentiel que l’entreprise choisisse un label adapté à sa stratégie et reconnu par ses parties prenantes, ait un calendrier assez serré, s’appuie sur un pilote qui la connaît bien et implique tous les services.
4L’analyse du label Lucie se révèle également très pertinente. Aligné sur la norme internationale ISO 26000, ce label vise moins à évaluer la performance des entreprises dans le domaine de la RSE qu’à créer un processus d’apprentissage pour la RSE [3], en obligeant les entreprises à prendre des engagements de progrès et à en suivre régulièrement le respect. Par ailleurs, il cherche à créer une communauté d’entreprises, favorisant les échanges et actions communes.
5Après avoir présenté le processus de labellisation Lucie et son application concrète au cas de la Banque populaire Atlantique, nous tirerons des enseignements de cette étude de cas sur le management d’une labellisation, et sa mobilisation pour structurer, enrichir et valoriser la démarche RSE de l’entreprise.
Les étapes du processus de labellisation Lucie
6La Banque populaire Atlantique s’est lancée en 2011 dans le processus de labellisation Lucie. Depuis plusieurs années, la banque avait engagé de nombreux projets dans le domaine de la RSE et l’objectif était de structurer ces initiatives, tout en se soumettant à un regard extérieur pour identifier des axes de progrès. Très engagée dans la RSE, la directrice générale de l’époque, qui avait participé à de nombreuses réflexions sur le sujet, connaissait bien les différents processus de labellisation. Le choix de la banque s’est porté sur le label Lucie qui, contrairement à d’autres, ne vise pas seulement à évaluer la performance de l’entreprise à un moment donné, mais cherche à installer un processus d’amélioration continue.
7Le processus de labellisation Lucie comporte cinq étapes qui se déroulent dans un délai compris entre trois et douze mois, en fonction de l’état d’avancement de la démarche RSE dans l’entreprise, de l’existence d’indicateurs de suivi et de la disponibilité des équipes. Dans le cas de la Banque populaire Atlantique, ce processus a duré cinq mois. Il a été piloté par le responsable RSE qui venait d’être nommé.
8Préparation et auto-évaluation. La démarche de labellisation Lucie commence par une formation de deux jours des responsables du projet dans l’entreprise candidate sur l’ISO 26000 et le label lui-même. Dispensée par l’agence Lucie, cette formation pratique permet aux intéressés de découvrir les outils d’évaluation et les différents acteurs de l’écosystème Lucie, composé de l’agence, des évaluateurs accrédités, du comité de labellisation, des consultants partenaires et des entreprises labellisées, membres de la communauté Lucie. A la fin de cette formation, les responsables sont capables de conduire de manière autonome l’auto-évaluation de l’entreprise.
9Au sein de la Banque populaire Atlantique, il a été décidé de former neuf salariés, membres de l’équipe de référents RSE, à la démarche pour tenir compte du grand intérêt des équipes internes pour la RSE et de la nécessité de déployer la démarche dans toutes les parties de la banque. Du coup, des journées de formation ont été spécifiquement organisées pour les référents de la Banque populaire Atlantique, alors que les formations concernent en général des référents de plusieurs entreprises. Une fois la formation réalisée, le référent de l’entreprise réalise une auto-évaluation des pratiques et résultats dans le domaine de la RSE, en s’appuyant sur le référentiel Lucie qui comporte sept engagements déclinés en 28 principes d’action.
10Conformément aux principes énoncés par l’ISO 26000, il convient de commencer par identifier les différentes parties prenantes de l’entreprise et hiérarchiser les enjeux liés à son activité. Il s’agit ensuite d’analyser les pratiques de l’entreprise relatives aux 28 principes d’action, afin de réaliser le rapport d’auto-évaluation. Il est essentiel que le référent s’appuie sur l’ensemble des services concernés pour obtenir une image fidèle des pratiques de l’entreprise. Il doit aussi pouvoir accéder à tous les documents pertinents et en prendre connaissance. Après avoir collecté toutes ces informations, le référent du projet Lucie doit rédiger un rapport, en précisant pour chaque principe les « points d’appui » et les « voies de progrès ».
Un référentiel en 7 engagements et 28 principes
Un référentiel en 7 engagements et 28 principes
11Au sein de la Banque populaire Atlantique, la rédaction du rapport d’auto-évaluation a pris moins de deux mois, un délai très court. Elle a permis de communiquer en interne sur les différents aspects de la RSE et de recenser toutes les actions de la Banque populaire Atlantique dans ce domaine. C’était aussi l’occasion de mesurer la richesse et la diversité de ces actions et de mettre l’accent sur des thématiques qui ne sont pas spontanément associées à la RSE. Enfin, ce processus a permis l’identification par toutes les équipes de l’entreprise du référent du projet, qui venait d’être nommé responsable RSE dans l’entreprise après avoir occupé les rôles de chargé de mission handicap, puis de responsable de la diversité.
12Evaluation sur site par des auditeurs externes. Après avoir réalisé le rapport d’auto-évaluation et éventuellement développé des actions pour améliorer sa performance, l’entreprise se soumet à un audit externe. Cette évaluation sur site porte sur les 28 principes d’action du référentiel utilisés pour le rapport d’auto-évaluation. Elle est réalisée, au choix de l’entreprise candidate, par les auditeurs d’AFNOR Certification ou de l’agence de notation extrafinancière Vigeo, les deux étant accrédités par Lucie.
13Les auditeurs externes commencent par recueillir les informations transmises par l’entreprise et définissent le programme de la visite d’évaluation. En amont et au cours de leur visite sur site, ils réalisent des recherches complémentaires sur chacun des principes d’action, afin de se faire une image plus fidèle des pratiques de l’entreprise et de définir les principes d’action qui la concernent plus particulièrement. Les auditeurs peuvent décider de ne pas intégrer certains principes dans l’évaluation, dès lors que ceux-ci ne correspondent pas au secteur d’activité de l’entreprise auditée.
14Grâce à ces recherches et aux entretiens avec les différentes parties prenantes lors de la visite d’évaluation, les auditeurs déterminent le niveau de « maîtrise de risque » de l’entreprise pour chacun de 28?principes, c’est-à-dire la manière dont l’entreprise candidate a intégré ou non l’enjeu correspondant et développé des actions pertinentes. La grille d’évaluation comporte trois niveaux : (1) l’assurance faible correspond au constat d’une carence, d’une méconnaissance de l’enjeu ou d’une non-compatibilité des pratiques de l’entreprise avec l’énoncé du principe d’action ; (2) l’assurance partielle décrit une compatibilité des pratiques de l’entreprise avec le principe d’action ou une convergence partielle ; (3) l’assurance raisonnable correspond au constat probant de la conformité des pratiques au principe d’action. Le rapport d’évaluation est transmis à l’entreprise.
15L’évaluation initiale de la Banque populaire Atlantique a été réalisée entre la mi-octobre et la fin novembre 2011 par une équipe de trois auditeurs de Vigeo. La composition de cette équipe a permis de réunir des compétences couvrant l’ensemble des engagements du label Lucie ainsi qu’une connaissance du secteur de la banque, qui est soumis à de nombreuses réglementations spécifiques et qui présente des enjeux propres dans le domaine de la RSE.
16Cette évaluation initiale a permis d’interroger les administrateurs de la Banque populaire Atlantique, ses clients, ses fournisseurs, ses associations partenaires, ses collaborateurs, ses élus et des membres de son comité de direction. Un questionnaire a été envoyé à douze agences du réseau, ce qui a permis d’avoir le retour d’environ 100 salariés. En parallèle, des rendez-vous ont été pris dans trois agences pour organiser des rencontres directes avec les équipes.
17Engagements de progrès. Sur la base du rapport, l’entreprise doit prendre des engagements précis permettant d’améliorer ses pratiques et ses résultats, en définissant un plan d’action. L’audit externe a avant tout pour objectif d’aider l’entreprise candidate à identifier des axes de progrès pour pouvoir mener des actions correctives et améliorer ses performances en matière de RSE. En justifiant ses choix, l’entreprise peut évidemment contester le bilan des auditeurs et hiérarchiser différemment ses priorités d’engagement. Elle peut pondérer les axes d’engagement selon l’importance des thématiques pour son secteur d’activité.
18Dans le cas de la Banque populaire Atlantique, sur les 28 principes d’action du label Lucie, 16 ont été jugés conformes à l’ISO 26000. Trois principes liés à l’industrie, la production de biens et le travail des enfants ont été exclus par Vigeo, car ils ne concernaient pas l’activité de la Banque populaire Atlantique, neuf principes ont été jugés partiellement conformes au standard international. Sur ces neuf points, la Banque populaire a donc pris des engagements précis de progrès :
- renforcer la traçabilité des réclamations et développer la formation des directeurs d’agence dans ce domaine ;
- renforcer la diffusion des offres de produits et services liés au développement durable ;
- développer une offre de services à destination des clients fragiles, en partenariat avec des associations comme l’Association pour le droit à l’initiative économique (ADIE) ou le Fonds de développement de l’économie solidaire (FONDES) ;
- former le responsable RSE aux aspects environnementaux du développement durable ;
- identifier les risques sociaux et environnementaux aux plus gros postes d’achats et établir des recommandations auprès des sous-traitants et fournisseurs ;
- dématérialiser la saisie des factures pour assurer le suivi des délais de règlement et alerter les fournisseurs en cas de retard ;
- favoriser le bien-être au travail et signer un accord bien-être au travail avec l’ensemble des organisations syndicales ;
- identifier les obstacles directs et indirects à la féminisation de l’encadrement et prendre les mesures correctives nécessaires ;
- diminuer l’empreinte énergétique de la banque en incitant notamment au covoiturage par la mise en place d’un site de covoiturage et d’une charte de covoiturage.
19Les membres du comité font leur examen selon quatre critères : la pertinence des engagements, leur précision, leur niveau et leur délai de mise en œuvre. Trois cas de figure peuvent se présenter à l’issue de cette analyse :
- Si tous les engagements de progrès pris par l’entreprise emportent l’adhésion de l’ensemble des membres du comité de labellisation, celui-ci attribue immédiatement le label à l’entreprise.
- Si certains engagements de progrès sont jugés insuffisants ou inadaptés par rapport à un ou plusieurs des quatre critères d’analyse, le comité peut demander à l’entreprise candidate de reprendre les engagements concernés, en lui signifiant par écrit les insuffisances constatées et les améliorations ou compléments demandés. A réception des engagements de progrès et des informations complémentaires demandés, le comité statue ou non, dans un délai de soixante-douze heures, sur l’attribution du label en fonction des nouveaux éléments dont il dispose.
- Si les membres du comité découvrent, grâce aux informations fournies, que l’entreprise présente un niveau de performance jugé « faible » sur un principe d’action d’importance élevée pour son secteur d’activité, le label Lucie ne peut être accordé. Le processus est gelé tant que l’entreprise candidate n’a pas pris des mesures qui lui permettent d’atteindre une performance au moins « moyenne » sur ce principe d’action. Le processus peut alors reprendre normalement.
20Suivi et renouvellement. Une évaluation de suivi a lieu au bout de dix-huit mois pour mesurer les progrès réalisés et les résultats obtenus. La labellisation doit, quoi qu’il en soit, être renouvelée tous les trois ans, afin d’assurer l’existence d’un processus d’amélioration continue.
21La visite de suivi de la Banque populaire Atlantique a eu lieu en juin 2013. La procédure de vérification du maintien de la labellisation sera réalisée début 2015.
Management d’une labellisation, premiers enseignements
22L’analyse du processus de labellisation Lucie au sein de la Banque populaire Atlantique permet de mettre en évidence de premiers enseignements sur la manière de manager une labellisation. Fondés sur une étude de cas unique, ces enseignements ont été soumis à la discussion d’acteurs extérieurs à la Banque populaire Atlantique impliqués dans d’autres processus de labellisation. Ils devront néanmoins faire l’objet d’autres recherches pour être confirmés ou infirmés.
Le choix du label
- Privilégier un label adapté à la stratégie de l’entreprise. Face à la diversité des labels dans le domaine de la RSE, il est important que l’entreprise prenne le temps nécessaire pour choisir celui qui correspond le mieux à sa stratégie. Alors que certains référentiels se concentrent sur l’une des dimensions de la RSE, comme ISO 14001 dans le domaine environnemental ou SA 8000 dans le domaine social, d’autres sont fondés sur une approche plus transversale, comme le label Lucie. Par ailleurs, certains labels sont spécifiques à un secteur d’activité comme le label RSE pour les centres d’appels. La Banque populaire Atlantique a décidé de s’inscrire dans la démarche de labellisation Lucie pour illustrer son ambition de développer une démarche réellement globale et transversale. Elle a également voulu profiter de la communauté créée par les entreprises labellisées qui lui permet de promouvoir ses services auprès d’elles.
- Ne pas exclure l’engagement dans plusieurs labels. Malgré l’investissement financier et humain que représente une démarche de labellisation RSE, il peut être pertinent pour des grandes entreprises de s’engager dans plusieurs labels. Soit de commencer par une certification limitée à un aspect de la RSE avant d’en viser une plus transversale, soit de se lancer d’abord dans un label transversal puis d’illustrer un engagement particulier dans une dimension par un label plus spécifique. De même, il peut être utile d’obtenir à la fois un label spécifique au secteur et un label plus généraliste. Dans de telles situations, il est important de réaliser un travail précis de comparaison des différents labels utilisés pour favoriser des synergies dans la collecte des données. Engagée dans de nombreuses initiatives en matière de RSE, la Banque populaire Atlantique n’est pas fermée à l’idée d’obtenir un label plus spécifique sur un champ de la RSE.
- Choisir un label reconnu par les parties prenantes. Au-delà des caractéristiques intrinsèques du label RSE, il est bien entendu essentiel pour l’entreprise que le label soit reconnu par ses parties prenantes. Dans la mesure où il s’agit de la certification d’une entreprise et non pas de produits, la reconnaissance est plus recherchée auprès des partenaires économiques que du grand public. Soulignons le rôle important que les donneurs d’ordre peuvent jouer sur le choix du label par leurs fournisseurs et sous-traitants. De même, l’obtention d’un label donné par plusieurs entreprises du même secteur entraîne souvent une imitation par leurs concurrents. La Banque populaire Atlantique a été la première banque à obtenir le label Lucie. Le choix de celui-ci a cependant été influencé par le fait que plusieurs autres entreprises du Grand Ouest avaient déjà reçu ce label, ce qui renforçait sa légitimité auprès des acteurs économiques du territoire et offrait des possibilités de synergie.
Le calendrier de la labellisation
24? Profiter de la labellisation pour impulser un nouvel élan. La conduite d’un processus de labellisation constitue un excellent moyen pour marquer une nouvelle étape dans la démarche RSE de l’entreprise qui se définit comme un processus d’amélioration continue. D’une part, l’attribution d’un label par un organisme extérieur permet d’afficher auprès des différentes parties prenantes internes et externes l’atteinte d’un certain niveau de maturité de la démarche. D’autre part, le rapport réalisé par les auditeurs met en évidence des axes de progrès permettant à l’entreprise de définir sa feuille de route pour la suite. Le label Lucie semble particulièrement intéressant à cet égard dans la mesure où il se fonde non seulement sur l’atteinte d’un certain niveau de performance en matière de RSE, mais aussi sur les engagements de progrès de l’entreprise.
25Par ailleurs, l’organisation régulière d’une évaluation de suivi après dix-huit mois, puis d’une évaluation de renouvellement tous les trois ans permet de s’assurer de l’amélioration continue des pratiques de l’entreprise. Au sein de la Banque populaire Atlantique, la démarche a coïncidé avec la désignation d’un responsable RSE dont le rôle est de coordonner l’ensemble des activités de la banque en matière de responsabilité globale. Le pilotage d’un tel processus transversal constitue une excellente opportunité pour un responsable RSE nouvellement nommé de travailler avec les différentes parties prenantes internes sur un projet concret et, en cas de succès, de valoriser l’intérêt de son rôle de coordination.
26? Définir un calendrier réaliste, mais ambitieux. Si l’obtention d’un label RSE suppose une certaine maturité de la démarche de responsabilité globale de l’entreprise, le processus de labellisation en tant que tel peut se réaliser dans un délai compris entre six et douze mois. Retenir un calendrier assez serré peut permettre de mieux gérer la motivation des parties prenantes internes impliquées, qui risque de s’affaiblir au fur et à mesure que le processus avance. Par ailleurs, dans le cas du label Lucie, il ne faut pas négliger le fait que l’entreprise doit se soumettre à des évaluations de suivi et de renouvellement. Si le processus de la première labellisation se déroule sur un temps trop long, les équipes internes peuvent facilement avoir l’impression de ne jamais sortir des audits et, surtout, de ne pas avoir assez de temps pour mener des projets de fond.
27Pour autant, il ne faut pas négliger le temps nécessaire à la collecte des nombreuses informations exigées, surtout la première fois. C’est d’autant plus vrai que ces informations sont souvent dispersées au sein de l’entreprise et qu’il faut tenir compte de la disponibilité des différents acteurs concernés. Bien entendu, plus l’entreprise a déjà mis en place des indicateurs de suivi en matière de RSE, plus le délai de préparation de l’évaluation est court. La Banque populaire Atlantique, qui comporte de nombreuses agences sur le territoire et une organisation impliquant de nombreuses parties prenantes, a mis cinq mois pour obtenir le label Lucie.
Le pilotage de la labellisation
28? Désigner un pilote ayant une bonne connaissance de l’entreprise. Pour conduire la démarche, il est important de désigner une personne ayant une bonne connaissance des activités de l’entreprise et de son organisation. Le pilote est en effet le principal interlocuteur de l’organisme de labellisation et de l’équipe en charge de l’évaluation, et doit éventuellement les aider à comprendre les spécificités de l’entreprise et de sa démarche RSE. Par ailleurs, la collecte des informations demandées au cours de la phase de préparation comme pendant l’évaluation suppose de repérer rapidement les différentes équipes concernées, afin d’éviter toute perte de temps et d’énergie. Une bonne connaissance de l’entreprise par le pilote peut enfin lui permettre de mieux expliquer à chaque équipe l’intérêt de la démarche de labellisation et de prendre en considération leurs contraintes dans l’organisation du processus.
29Au sein de la Banque populaire Atlantique, le pilotage de la démarche a été confié au responsable RSE qui venait tout juste être nommé à ce poste, mais qui avait déjà une ancienneté de dix années au sein de la banque. De l’avis de tous, son rôle dans la mise en œuvre du processus de labellisation a été primordial. En effet, son parcours au sein du réseau de la banque, en tant que commercial, ainsi qu’au siège, en tant que responsable des ressources humaines, puis responsable handicap et diversité, lui ont permis de maîtriser le fonctionnement de l’entreprise, de bien connaître ses collaborateurs et d’être reconnu par eux, mais aussi d’appréhender la gestion de projets transverses. Par ailleurs, la compréhension des enjeux liés à Lucie nécessite de bonnes connaissances dans le domaine des ressources humaines que le responsable avait déjà. Cela lui a permis de gagner du temps sur cette thématique.
30? Impliquer tous les services. Par son caractère transversal, une labellisation en matière de RSE implique tous les services de l’entreprise. Il est donc essentiel que l’équipe qui pilote le projet informe tout au long du processus les différentes parties prenantes internes. Dans un premier temps, il s’agit de leur expliquer l’intérêt de la labellisation et sa cohérence avec la stratégie de l’entreprise dans le domaine de la responsabilité globale. Il convient de ne pas sous-estimer cette phase, dans la mesure où plus la labellisation est perçue comme un objectif partagé, plus les différents services de l’entreprise vont s’impliquer dans la mise en œuvre du projet. De même, il faut informer les différentes équipes le plus en amont possible du calendrier de la démarche et des moments auxquels elles seront sollicitées. Par la suite, il est évidemment important de tenir les parties prenantes internes au courant de l’avancement du projet, y compris sur les éventuelles difficultés rencontrées, et de valoriser leur contribution.
31Cette recherche exploratoire met en évidence l’intérêt d’une labellisation pour structurer, enrichir et valoriser une démarche RSE et identifie des facteurs favorisant la mise en œuvre d’un tel processus. Des recherches plus approfondies sont nécessaires pour confirmer ou préciser les premiers enseignements sur le management du processus de labellisation. L’objectif est d’une part de mener une étude longitudinale au sein de la Banque populaire Atlantique, afin de suivre les impacts de moyen et long terme de la labellisation Lucie sur la démarche RSE de l’entreprise, d’autre part de conduire des entretiens dans d’autres entreprises ayant obtenu le même label pour voir si ces premiers enseignements sont généralisables.
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André Sobczak est directeur de la recherche à Audencia Nantes Ecole de management et titulaire de la chaire PME & responsabilité globale.
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Cécile Cam est doctorante à Audencia Nantes Ecole de management.
Cet article reprend les principales idées du Cahier de la responsabilité globale n° 7 « Labelliser une démarche RSE » édité par Audencia Nantes en 2013 et rédigé par les deux auteurs de cet article. -
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A. Sobczak et N. Minvielle, Responsabilité globale. Manager le développement durable et la responsabilité sociétale des entreprises, Vuibert, 2011.
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La Banque populaire Atlantique est née il y a dix ans de la fusion de la Banque populaire Bretagne Atlantique et de Banque populaire Anjou Vendée.
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A. Berthoin Antal et A. Sobczak, « Au-delà de la RSE : la responsabilité globale », Semaine sociale Lamy, supplément n° 1186, octobre 2004.