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Article de revue

La direction par les objectifs, et après ?

Pages 83 à 91

Notes

  • [*]
    ÉRIC DELAVALLÉE est l’auteur de plusieurs ouvrages sur le management dont Le manager idéal n’existe pas ! paru récemment aux Editions d’organisation, décembre 2004.
  • [1]
    Nous renvoyons le lecteur intéressé à l’ouvrage de Peter Drucker, La Pratique de la direction des entreprises, Editions d’organisation, 1957, et, en particulier, à son célèbre chapitre « Direction par objectifs et auto-contrôle ». Pour une présentation détaillée du management par les objectifs, on peut aussi consulter l’ouvrage de Pierre Morin, L’Art du manager, Editions d’organisation, 1997.
  • [2]
    La standardisation par les résultats est un des cinq modes de coordination permettant de contrebalancer la division du travail. Les quatre autres sont l’ajustement mutuel, la supervision directe, la standardisation par les procédés et la standardisation par les qualifications.
  • [3]
    Philippe d’Iribarne, La Logique de l’honneur, Seuil, 1989.
  • [4]
    Michel Crozier, Le Phénomène bureaucratique, Seuil, 1964.
  • [5]
    Ken Blanchard et Michael O’Connor, Managing by Values. How to Put Your Values into Action for Extraordinary Results, Berrett-Koeh-ler Publishers, 1997.
  • [6]
    Guy Le Boterf, De la compétence. Essai sur un attracteur étrange, Editions d’organisation, 1994.
  • [7]
    Les conséquences organisationnelles de ces évolutions managériales sont très bien analysées par Michel Crémadez, Organisations et stratégie, Dunod, 2004.
  • [8]
    Une zone d’incertitude est une des zones qui ne sont pas précisément définies et délimitées au sein de l’entreprise. Celui qui maîtrise, même partiellement, une zone d’incertitude importante pour le fonctionnement de l’entreprise est en quelque sorte irremplaçable. Il réussit à créer une dépendance des autres à son égard. Face cachée des sources formelles de pouvoir, les zones d’incertitude prennent souvent appui sur des informations « non officielles », qui ne passent pas par les canaux traditionnels, ou sur des compétences « implicites » dont les titulaires refusent toute formalisation, qui ne figurent donc pas dans les référentiels, qu’on acquiert par la pratique, pas en formation.
  • [9]
    La bureaucratie professionnelle est un type d’organisation que l’on trouve souvent dans les universités, les hôpitaux, les organismes à but non lucratif, les entreprises artisanales… On y recrute des spécialistes, formés et socialisés, à qui on laisse une latitude considérable dans le contrôle de leur propre travail. Ils travaillent de manière relativement indépendante les uns des autres tout en restant très proches des clients qu’ils servent. Henry Mintzberg, Structure et dynamique des organisations, Editions d’organisation, 1982.
  • [10]
    Pour permettre une adaptation à des sous-environnements spécifiques, il faut différencier une structure en unités particulières (directions, départements, services…). Pour que, malgré tout, chaque unité soit guidée vers un but commun, il faut mettre en place des mécanismes d’intégration spécifiques (rattachement hiérarchique, comités, procédures…) contrebalançant la différenciation. En conséquence, plus la différenciation est forte, plus l’intégration doit l’être. Paul Lawrence et Jay Lorsch, Adapter les structures de l’entreprise, Editions d’organisation, 1989.

1Dans un contexte d’instabilité et d’évolution de la nature du travail, où il est devenu difficile de formaliser les résultats attendus, la pratique du management par les objectifs devient compliquée, voire contre-productive. Deux modes alternatifs existent : l’un, par les valeurs, permet de prescrire des normes de comportement ; l’autre, par les compétences, cherche à valoriser les capacités possédées par les individus. Mais la plupart des organisations recourent plutôt à un cocktail dans lequel les ingrédients varient selon les caractéristiques de la situation.

2Manager, c’est transformer du travail en performance. Si on peut difficilement être performant sans travailler, on peut très bien travailler, même beaucoup, sans être performant. Travail et performance ne sont pas synonymes. Il n’y a pas de lien mécanique entre la quantité de travail produite et la performance obtenue. Les départements les plus performants ne sont pas forcément ceux où l’on travaille le plus. Certains travaillent durement pour un résultat médiocre, le travail produit étant d’une faible utilité en regard de l’énergie dépensée. Par exemple, les rapports en tout genre que les destinataires ne lisent pas sont légion. Les réunions où chacun se doit d’être, qui s’éternisent mais n’aboutissent pas, ne sont pas exceptionnelles. Certains rituels bureaucratiques demandent du temps et de l’énergie pour seulement « faire tourner la machine administrative ».

3Aujourd’hui, on ne parle plus beaucoup du management par les objectifs. On parle plus facilement du management de la performance. Un joli pléonasme ! En effet, on ne manage pas la performance, le management désignant le processus qui produit la performance. Les raisons pour lesquelles on parle moins du management par les objectifs ne sont pas que sémantiques. Il est parfois tellement entré dans les mœurs qu’il est devenu « le » management. Quand on parle de management, qu’on oppose souvent à bureaucratie, on parle en fait implicitement de management par les objectifs. Manager, dit-on couramment, c’est fixer des objectifs, suivre la réalisation du travail, évaluer les résultats obtenus et, le cas échéant, récompenser les performances produites. Il est donc difficilement imaginable de manager sans objectifs, la fixation des objectifs étant la première des étapes du cycle de management.

4Pourtant, le management par les objectifs est l’objet de nombreuses critiques, voire de profondes remises en cause, en particulier de la part de ceux qui le pratiquent, c’est-à-dire les managers. Il est né à la fin des années 50 dans un contexte particulier, celui de la décentralisation des grandes entreprises américaines. Aujourd’hui, le contexte a changé. Est-il encore adapté au contexte actuel ? Si ce n’est pas le cas, existe-t-il des alternatives ? Si oui, quelles sont-elles ? Voici quelques-unes des questions auxquelles nous nous proposons d’apporter des éléments de réponse.

Des objectifs pour tout le monde

5Le MPO [1] est fondé sur deux convictions principales : (1) tout manager, du directeur général à l’agent de maîtrise, doit avoir des objectifs clairement définis ; (2) ces objectifs doivent découler des buts de l’entreprise.

6Pourquoi ces deux convictions ? Mais d’abord, qu’est-ce qu’un objectif ? La question n’est pas superflue, car la notion d’objectif est tellement galvaudée qu’on finit par ne plus savoir ce qu’elle recouvre réellement. Un objectif, c’est un but rendu opérationnel. L’objectif convertit le but en cible à atteindre. La notion d’objectif est au cœur du management. Selon le MPO, il ne peut pas y avoir de management sans objectifs. Pourquoi ? Si manager c’est transformer du travail en performance, pour manager, il faut pouvoir mesurer les performances, c’est-à-dire rapporter les résultats obtenus aux objectifs fixés en début de période. On n’est pas performant dans l’absolu. Est performant celui qui produit des résultats à la hauteur des objectifs qui lui ont été fixés. Parler de la performance d’un de ses collaborateurs exige de lui avoir fixé des objectifs d’une part, d’être capable d’évaluer ses résultats d’autre part.

7Un ou plusieurs objectifs sont donc indispensables pour mesurer la performance. La notion d’objectif est simple, mais souvent mal comprise. En fait, un objectif n’est rien d’autre qu’une action visant à réduire un écart entre un état présent constaté et un état futur souhaité. Un écart entre deux situations, l’une étant préférable à l’autre. Ce n’est pas une intention, une finalité ou un but. Ce n’est pas non plus une activité, une mission… encore moins un projet ou un programme. L’objectif énonce le ou les résultats attendus, précise l’échéance ou le délai. En prenant connaissance d’un objectif ou après avoir fixé un objectif, le manager et ses collaborateurs doivent a minima pouvoir répondre aux deux questions suivantes : (1) à quoi verrons-nous qu’il est ou qu’il n’est pas atteint ? (2) à quelle échéance ? En conséquence, contrairement à ce qu’on trouve dans certains formulaires d’entretien annuel, un objectif permanent n’a pas de sens. Une mission peut être permanente, un objectif ne peut pas l’être.

8Les objectifs fixés aux managers ne tombent pas du ciel. Ils doivent être déclinés à partir des buts de l’entreprise telle une cascade. En effet, les managers ne sont pas automatiquement guidés vers un but commun, en particulier à cause de la division du travail, force centrifuge qui déchire l’entreprise et la transforme en une confédération désordonnée. Pour éviter cela, il faut que les managers voient l’entreprise comme un tout et puissent replacer ce qu’on attend d’eux dans un ensemble cohérent. Un bon moyen de guider les efforts des managers vers un but commun est de leur fixer des objectifs traduisant la contribution qu’ils doivent fournir au succès du groupe plus important dont ils font partie. Tout manager appartient en effet à deux « pyramides » : celle composée de ses « pairs » (les managers du même niveau que le sien) et de son propre responsable hiérarchique d’une part, celle qu’il constitue avec l’équipe dont il a la responsabilité d’autre part. Le manager est une partie de la base de la première, le sommet de la seconde. Les membres de ces deux « pyramides » ont accès à des informations différentes et ont donc une représentation différente des mêmes réalités. Lui seul a accès aux deux.

9Son rôle consiste ainsi, non pas à uniformiser ces deux visions du monde, mais à les rendre cohérentes. Comment ? Au sein de la pyramide de « rang supérieur », il exprime le point de vue de ses collaborateurs le plus clairement possible, mais aussi les contraintes avec lesquelles ils doivent composer pour faire leur travail, les obstacles qu’ils doivent surmonter. Avec son équipe, il doit rendre intelligibles les messages « d’en haut », s’assurer que ses collaborateurs en aient connaissance, qu’ils les entendent. Il n’est pas forcément question qu’ils « adhèrent » à ces messages, mais au moins qu’ils les intègrent dans leur travail, qu’ils en tiennent compte, qu’ils ne fassent pas comme s’ils n’existaient pas. Ce faisant, la déclinaison des objectifs dans le cadre de processus à la fois « top down » et « bottom up » est un moyen pertinent de coordonner le travail préalablement divisé. C’est un mode de coordination que Henry Mintzberg nomme standardisation par les résultats [2].

Des évolutions irréversibles

10En France, on a longtemps considéré que les limites du MPO étaient d’abord culturelles. Contrairement aux Etats-Unis, la relation hiérarchique repose moins sur la logique contractuelle que sur celle de l’honneur chère à Philippe d’Iribarne [3]. L’honneur est un préjugé, prescrivant des devoirs et permettant de défendre des privilèges, lié au rang que l’on tient en société ou dans l’entreprise. On comprend aisément les problèmes posés par ce trait culturel en matière de MPO où collaborateur et manager s’engagent contractuelle-ment. Le premier sur des contributions, le second sur des rétributions. Dans les années 60 déjà, Michel Crozier [4] avait bien montré notre difficulté à résoudre des problèmes dans le cadre d’une relation de face à face, expliquant ainsi notre préférence pour la règle, un intermédiaire bien commode dans les relations interpersonnelles. Le MPO a longtemps été présenté comme une « machine de guerre » contre la bureaucratie. C’est sans doute une des raisons pour lesquelles il est resté à la porte de certaines grandes entreprises françaises. Cependant, ces limites culturelles existent depuis le départ. Elles sont plutôt moins importantes aujourd’hui qu’elles ne l’étaient il y a quarante ans. Ce n’est donc pas elles qui pourraient présentement conduire à la remise en cause du MPO. Les raisons de celle-ci sont à chercher ailleurs.

11Mondialisation des échanges, accroissement de la concurrence, sophistication des technologies, comportements plus volatiles et moins fidèles… Pour toutes ces raisons et bien d’autres encore, les environnements économiques, techniques, commerciaux et sociaux sont plus complexes. La variété croissante des situations, l’accroissement de l’incertitude et de l’instabilité sont les principales expressions de cette complexité. Ces trois facteurs ne sont pas indépendants les uns des autres. Au contraire, ils se renforcent mutuellement. Ils impactent l’entreprise et, par là même, la situation de travail de nombre de managers en son sein. Beaucoup ont perdu en visibilité. Le changement est devenu la règle et, parfois, seules les évolutions démographiques restent prévisibles.

12A la question « pourquoi rencontrez-vous des difficultés pour fixer des objectifs à vos collaborateurs ? », les réponses les plus fréquentes sont : (1) « on n’a pas suffisamment d’information » ; (2) « ça change tout le temps ». Pour s’adapter à ces évolutions, certaines entreprises ont cherché à diminuer le temps de cycle du MPO. L’entretien annuel n’a plus lieu une fois par an, mais deux. On ne fixe plus des objectifs annuels, mais semestriels. Et puis, quand le semestre est encore trop long, on passe au trimestre, etc. Au bout du compte, les managers se plaignent de passer leur temps à fixer des objectifs, évaluer des résultats, faire du reporting… Ils passent leurs journées dans leur bureau à remplir des tableaux de bord et n’ont plus le temps d’être sur le terrain auprès de leurs collaborateurs.

13Une autre évolution d’importance concerne la nature du travail. Nous sommes de plus en plus nombreux à être des « travailleurs du savoir », selon la belle expression de Peter Drucker. On produit de moins en moins de biens, on traite de plus en plus d’informations… tout ceci rend le travail d’un nombre croissant de salariés beaucoup plus immatériel. Or, moins la production est tangible, plus la fixation d’objectifs est compliquée. Le MPO fonctionne très bien chez les commerciaux. A cause de leur appât du gain, avance-t-on souvent. En fait, surtout grâce à la nature des objectifs commerciaux, souvent liés à la réalisation d’un montant de chiffre d’affaires et donc avant tout quantitatifs. De tout temps, il est moins heureux chez les fonctionnels, comme les gestionnaires des ressources humaines, par exemple. Leur performance ne peut pas, ou de manière très imparfaite, se mesurer en termes quantitatifs. En outre, leurs objectifs sont souvent difficilement déclinables à partir des buts de l’entreprise, en tout cas pas de manière immédiate. Les velléités de certaines entreprises de mieux préciser leur politique de GRH n’ont pas complètement compensé cette difficulté.

14Ces évolutions irréversibles compliquent la pratique du MPO. Au-delà d’un certain seuil, elles le rendent même impossible, voire contre-productif. C’est le cas de longue date des chercheurs, par exemple. Comment formaliser la contribution d’un chercheur ? Peut-on lui fixer des objectifs ? Est-ce même souhaitable ? Compte tenu de la nature de son travail, de l’incertitude de ce qu’il va potentiellement trouver, cela a-t-il un sens ? Un quelconque objectif ne risque-t-il pas de brider sa créativité ? Les chercheurs sont des « poissons pilotes ». Dans le futur, de plus en plus de salariés se trouveront dans une situation comparable à la leur. Le MPO sera plus difficile. On ne pourra plus lui « tordre le cou » en essayant de faire entrer la réalité dans les cases des formulaires. Compte tenu des caractéristiques du travail, il sera inadapté, obsolète. Y a-t-il des alternatives au MPO ? Pour les imaginer, il faut revenir sur l’évolution des types de management et, ce faisant, replacer le MPO dans une perspective historique.

De l’imposition de règles à la fixation d’objectifs

15Les leviers actionnés pour transformer le travail en performance, la finalité du management, ont évolué au fil du temps. On commence à parler de management par les objectifs dans les années 50 quand on rencontre des difficultés à prescrire l’exécution du travail. Avant, on manageait par les règles. On transformait le travail en performance en contraignant les comportements par des consignes, modes opératoires… Bref, par des règles en tout genre. C’était l’organisation qui faisait la performance. Le but du jeu consistait à trouver la « bonne » organisation. C’était l’objectif du bureau des méthodes. Le manager n’était là que pour contrôler l’application des règles. Puis, faute de pouvoir prescrire les comportements, on a formalisé les résultats à atteindre en fixant des objectifs. On est alors passé du management par les règles au management par les objectifs.

16Le MPO est né aux Etats-Unis au moment où les grandes entreprises, du fait de leur taille et de la diversité de leur activité, ont cherché à se décentraliser. C’est en observant le management de la General Motors, alors dirigée par Alfred Sloan, que Peter Drucker remarque l’expression « management by objectives ». C’est quelque temps après en accompagnant la décentralisation de la General Electric qu’il peaufinera son approche du MPO. Pourquoi décentralise-t-on une organisation ? Pour donner la possibilité aux unités qui la composent d’adopter des stratégies spécifiques adaptées à un sous-environnement particulier.

17On formalise les résultats à atteindre sans prescrire les comportements. On considère ainsi que l’unité décentralisée est la mieux placée pour savoir comment résoudre les problèmes auxquels elle est confrontée. Dans le management par les règles, on considère au contraire que le bureau des méthodes est mieux placé que les opérateurs pour savoir comment résoudre les problèmes rencontrés par ces derniers. Le bureau des méthodes détermine des modes opératoires qu’on demande aux opérateurs d’appliquer. Le manager vérifie qu’ils se comportent bien comme ils doivent se comporter. Son rôle est centré sur le contrôle plus que sur l’animation.

Les quatre formes du management

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Les quatre formes du management

18Le passage du management par les règles au MPO est en fait déjà lié à un problème d’incertitude. Une incertitude qui permet encore de formaliser les résultats, mais plus de prescrire les comportements dans des modes opératoires ou des procédures. Que se passe-t-il quand l’incertitude, l’instabilité et l’immatérialité sont telles qu’on ne peut plus formaliser les résultats ? Peut-on encore manager ? Oui, deux possibilités existent. On peut manager par les valeurs ou manager par les compétences (voir figure « Les quatre formes du management », page précédente).

Le management par les valeurs

19On confond souvent valeurs et croyances. Elles ne sont pourtant pas de même nature. Les premières concernent le bien et le mal, les secondes le vrai et le faux. Déterminer les valeurs d’une entreprise, c’est donc définir ce qui, de son point de vue, est bien ou mal, ce qu’on est autorisé à faire ou ne pas faire. Mais une valeur est générale. Elle ne dit rien de très opérationnel. C’est pourquoi les valeurs sont souvent déclinées en normes de comportement qui, elles, indiquent comment se comporter dans telle ou telle situation particulière. Les normes de comportement précisent, opérationnalisent les valeurs.

20Par exemple, « l’équité » est une valeur qui, dans le domaine de la rémunération, peut se décliner en « rémunérer ses collaborateurs en fonction de leur contribution ». Cette norme de comportement guide les managers au moment de l’attribution des augmentations individuelles ou des bonus. A priori, on ne les oriente pas vers le « saupoudrage » qui consiste à attribuer le même montant de bonus à tout le monde quelle que soit sa contribution. Une telle pratique est plus égalitaire qu’équitable. On leur recommande au contraire de différencier les montants d’augmentation en fonction du niveau des contributions.

21A travers les normes, les valeurs prescrivent les comportements. Mais cette prescription est informelle. C’est ce qui différencie les valeurs des règles dont la prescription est formelle. Manager par les valeurs, c’est donc utiliser les normes de comportement pour transformer du travail en performance. On ne formalise pas les résultats à atteindre, comme dans le MPO, mais on prescrit les comportements. Est performant, non pas celui qui produit des résultats à la hauteur des objectifs fixés, mais celui dont les comportements sont cohérents avec les valeurs retenues. Le management par les valeurs est particulièrement adapté aux univers où les cultures de métiers sont fortes. C’est le cas des journalistes, par exemple. Dans une rédaction, on trouve fréquemment une charte éditoriale. Ce n’est pas un hasard. On fixe des objectifs aux journalistes, mais de manière informelle, au cas par cas. Pour chaque article à écrire, le journaliste connaît le thème, l’angle, le nombre de signes et les moyens dont il dispose, notamment en termes de temps. Mais le rédacteur en chef n’utilisera pas ou peu les objectifs pour évaluer sa performance. Il aura plutôt recours à la charte, même de manière implicite. La norme utilisée pour évaluer la performance sera d’abord comportementale.

22Certaines entreprises élaborent une charte de valeurs puis déclinent chacune d’elles en normes de comportement (ou laissent le soin aux managers d’identifier les normes de comportement pertinentes au niveau de leur service voire de chacun de leurs collaborateurs). Les normes de comportement sont alors utilisées comme critères d’évaluation et d’appréciation de la performance. Par exemple, une entreprise de service a retenu cinq valeurs : l’innovation, le sens du résultat, l’engagement, le respect des différences et l’équité. Au moment de l’entretien annuel, chaque salarié, en concertation avec son responsable hiérarchique direct, choisit une valeur sur laquelle il doit progresser, sur laquelle il doit faire évoluer ses comportements. Le progrès à réaliser est ensuite traduit en actions assorties d’indicateurs permettant une évaluation en fin d’année.

23Le management par les valeurs souffre d’un travers important : les chartes sont souvent perçues comme des gadgets. Personne ne se retrouve dans la poignée de valeurs, étrangement semblables d’une entreprise à l’autre, définies trop rapidement par le comité de direction lors de son dernier séminaire « au vert ». En fait, toutes les valeurs ne se valent pas. On en distingue couramment deux catégories. D’une part, les valeurs pratiquées, issues de la culture, partagées au sein de l’entreprise, résultant d’une histoire et transmises dans le temps. Ces valeurs sont implicites et, ce faisant, structurent le comportement des salariés sans que souvent ils s’en rendent compte. D’autre part, les valeurs déclarées, issues elles d’un discours et non de la culture, qui indiquent la direction dans laquelle cette dernière doit évoluer. Les premières sont pratiquées par le corps social, les secondes sont déclarées par la direction générale. Pour qu’une charte ne soit pas perçue comme un gadget, il faut qu’elle contienne un mix des deux types de valeurs, c’est-à-dire quelques valeurs pratiquées positives (qui constituent le noyau dur de la charte, son socle, ce sur quoi l’entreprise s’appuie et se repose) et des valeurs déclarées, sélectionnées au regard de la stratégie de l’entreprise, qui ouvrent de nouvelles perspectives, qui éclairent un nouveau chemin.

24Le management par les valeurs ne peut pas se réduire à l’élaboration d’une charte. Celle-ci doit nécessairement être relayée par des pratiques managériales et organisationnelles pour permettre une évolution des comportements, pour transformer du travail en performance. C’est un processus que Ken Blanchard et Michael O’Connor [5] définissent en trois étapes : (1) clarification des valeurs ; (2) communication des valeurs ; (3) alignement des comportements quotidiens aux valeurs. Ils attirent notre attention sur l’importance de l’alignement ; alignement obtenu par l’intermédiaire de pratiques individuelles, mais aussi organisationnelles.

Le management par les compétences

25Le management par les compétences est une autre alternative au management par les objectifs. Il se pratique dans des situations où les résultats à atteindre ne sont pas formalisés d’une part, les comportements à adopter ne sont pas prescrits d’autre part. Cela correspond en général à des situations de très forte incertitude. Mais le management par les compétences, tel que décrit ici, ne doit pas être confondu avec la gestion des compétences, en vogue depuis une vingtaine d’années déjà. La gestion des compétences, qu’elle soit prévisionnelle ou pas, vise à réduire l’écart entre les compétences requises par les postes de travail et les compétences possédées par leurs titulaires. Dans cette optique, la gestion des compétences est une déclinaison de ce que nous avons appelé le management par les règles. On formalise les résultats à atteindre, on prescrit les comportements à adopter dans des définitions de poste, puis on en déduit les compétences requises pour atteindre les résultats et adopter les comportements attendus.

Des combinaisons différentes selon les situations

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Des combinaisons différentes selon les situations

26Qu’est-ce qu’une compétence ? Là non plus, la question n’est pas superflue. Les définitions sont multiples. Certaines entreprises ont adopté le fameux triptyque savoir, savoir-faire et savoir-être. Guy Le Boterf [6] la définit, lui, comme une capacité à agir, c’est-à-dire une capacité à faire quelque chose, à prendre une décision, à résoudre un problème… Il distingue ainsi la compétence des ressources mobilisées lors de sa mise en œuvre. De ce point de vue, les savoirs, savoir-faire et savoir-être sont plutôt des ressources que des compétences à proprement parler. La compétence, c’est une capacité à mobiliser une combinaison spécifique de ressources pour agir de manière particulière dans un contexte donné. Par exemple, pour être capable de remettre en route une installation industrielle (la compétence) le plus rapidement possible (le contexte), un opérateur doit connaître le mode opératoire (savoir), savoir interpréter les paramètres (savoir faire), être rigoureux et faire preuve de dextérité (savoir être). La distinction entre compétence et ressources permet de bien spécifier la contextualisation de la compétence, de préciser qu’il ne suffit pas de posséder des connaissances, fussent-elles pratiques, pour être compétent. Une personne peut être compétente pour faire quelque chose dans un contexte particulier et ne pas l’être dans un autre.

27Le management par les compétences n’est pas centré sur les compétences requises par les postes de travail comme l’est la gestion des compétences, mais sur les compétences possédées par les individus. La gestion des compétences part des postes de travail ; le management par les compétences, de leurs titulaires. Les deux logiques sont diamétralement opposées. Dans un univers incertain, les résultats et les comportements n’étant pas formalisables, on ne connaît pas les compétences requises. Le management par les compétences cherche à valoriser - dans le sens d’« augmenter la valeur » - les compétences possédées par les individus. Seules les ressources humaines sont susceptibles d’être développées, d’être valorisées. Les ressources financières ou techniques peuvent être plus ou moins bien utilisées, mais elles ne donneront jamais un résultat supérieur à leur somme. Quand un manager manage par les compétences, il se pose les questions suivantes : quelles sont les compétences possédées par mes collaborateurs ? à partir de ces compétences, quelles performances peuvent-ils obtenir ? comment combiner leurs compétences pour produire une performance collective qu’aucun d’eux ne pourrait obtenir tout seul ? Valoriser des compétences, c’est les identifier, les développer et les combiner les unes aux autres.

28Dans le management par les compétences, le manager est d’abord un « coach », pour reprendre une terminologie à la mode. Le « coach » de ses collaborateurs, mais aussi d’une équipe. En effet, manager par les compétences, c’est aussi, et peut-être surtout, animer une équipe au sens de lui donner une âme. Une équipe ne se réduit pas aux individus qui la composent. Ce n’est pas une collection d’individus. L’animation a pour fonction de transformer une addition d’individus en un groupe vivant et vivable, transformer des compétences individuelles en performance collective. Les compétences individuelles sont des unités de base entre lesquelles existent de multiples combinaisons pour produire des performances collectives.

29Manager par les compétences, c’est construire des équipes permettant de maximiser le potentiel de combinatoire des compétences individuelles. On ne compose pas une équipe en recherchant la combinaison optimale de compétences permettant d’atteindre un objectif prédéterminé comme dans le management par les objectifs. On se met en quête de combinaisons inédites en se focalisant plus sur le potentiel d’utilisation future de chacune des compétences individuelles que sur l’ampleur de leur utilisation actuelle [7].

30On trouve cette forme de management dans la recherche par exemple, domaine qui souffre souvent d’un manque important de management. Les managers y sont fréquemment adeptes du laisser-faire. Ils sont en position de responsabilité hiérarchique, mais ne managent pas vraiment. Leur comportement s’explique moins par leurs dispositions personnelles que par la situation dans laquelle ils se trouvent. Ils n’ont pas suffisamment de leviers pour manager et, quand ils en ont, ces derniers ne sont pas adaptés au contexte dans lequel ils se trouvent. Quand on cherche, il est difficile de savoir a priori ce qu’on va trouver, en particulier quand il s’agit de recherche fondamentale. Les résultats à atteindre ne sont guère formalisables au-delà de quelques grandes lignes directrices. Les comportements sont peu prescriptibles en dehors des quelques protocoles. Quand un manager manage des chercheurs, en général, il ne peut pas manager autrement que par les compétences. En particulier, il cherche à créer des collectifs de travail en combinant des compétences qui ne l’avaient pas été jusque-là. Il est maintenant bien connu que c’est au carrefour des « sentiers battus » que se niche l’innovation.

31La compétence permet à celui qui la possède de contrôler ce que les sociologues des organisations appellent une zone d’incertitude, synonyme de pouvoir [8]. Tel Janus, le visage de la compétence a deux faces : adaptation, initiative et inventivité d’un côté, pouvoir de l’autre. Manager par les compétences exige une attitude différente de la part du manager face à la question du pouvoir. Il ne peut plus nier le pouvoir de ses collaborateurs ni chercher à les en déposséder par tous les moyens possibles et imaginables.

32Son management passe moins par la limitation des degrés de liberté que par la capacité à exploiter la dynamique qui en résulte. Le manager donne la possibilité à ses collaborateurs d’accroître leur pouvoir à travers le développement et l’utilisation de leurs compétences. Le manager valorise le pouvoir de ses collaborateurs et, ce faisant, inscrit la relation de pouvoir non pas dans un jeu à somme nulle (ce que l’un gagne, l’autre le perd), mais dans un jeu à somme non nulle (in fine, les deux parties sont gagnantes). Sans quoi le manager résistera, voire s’opposera, au management par les compétences, estimant que le développement des compétences de ses collaborateurs se traduit pour lui par une perte de pouvoir. Il faut que la mobilisation des compétences de ses collaborateurs lui permette de produire des performances qu’il n’obtiendrait pas autrement, performances reconnues et valorisées par sa propre hiérarchie.

En réalité, des systèmes contingents

33Le management par les valeurs et le management par les compétences sont des formes en émergence, en construction, donc beaucoup moins stabilisées que le management par les règles ou le management par les objectifs. Les pratiques varient d’une entreprise à l’autre, et sont encore souvent au stade expérimental. A l’état pur, ces deux formes sont relativement rares. Il est d’ailleurs vraisemblable qu’elles resteront assez confidentielles. On trouve, et on trouvera, le management par les compétences dans des univers extrêmement complexes (recherche, haute technologie…) et le management par les valeurs dans ce que Henry Mintzberg nomme les bureaucraties professionnelles [9].

34En dehors de ces contextes particuliers, ni le management par les valeurs ni le management par les compétences ne remplacent, à eux seuls, le management par les objectifs. Il semble que la plupart des entreprises en quête d’alternatives au management par les objectifs cherchent plutôt à empiler ces différentes formes de management. Les unes sur les autres, elles forment des systèmes hybrides, issus de couches de sédimentation successives, ayant l’apparence de véritables « mille-feuilles ». Ces entreprises ont d’ailleurs pour le moment du mal à nommer ces systèmes de management autrement qu’en accolant les sigles les uns aux autres : management par les objectifs et les valeurs (MPOV) ou encore management par les objectifs et les compétences (MPOC). Ici, la logique n’est plus substitutive, mais additive. On ne remplace pas, on ajoute. Au regard du nombre d’entreprises tentées par l’aventure, cette troisième alternative semble adaptée à un bien plus grand nombre de contextes que les deux premières.

35Et cela n’est pas étonnant ! Dans la « vraie vie », chaque manager manage en fait tout à la fois par les règles, par les objectifs, par les compétences et par les valeurs. Les différences entre managers ne sont pas des différences de nature, mais de degré. La plupart du temps, ils recourent à plusieurs formes de management. Mais, en fonction de la situation managériale dans laquelle ils se trouvent, ils n’utilisent pas tous le même « cocktail » de formes de management d’une part, n’accordent pas tous le même poids à chacune d’elles d’autre part. En production, dans les ateliers, les chefs d’équipe managent beaucoup par les règles, un peu moins par les objectifs et les compétences, pas du tout par les valeurs. Avec les vendeurs, les objectifs priment sur tout le reste. Dans les laboratoires du département de R&D, les chefs de projet utilisent d’abord les compétences, éventuellement les valeurs. Dans la « vraie vie », les différentes formes de management ne sont pas exclusives les unes des autres. Au contraire, elles se complètent.

36Ces systèmes de management « mille-feuilles » peuvent être de véritables alternatives au MPO. A une condition ! Qu’ils laissent la possibilité aux managers de concocter leur propre « cocktail » en fonction des caractéristiques de la situation dans laquelle ils se trouvent. Beaucoup de règles en production, beaucoup d’objectifs dans le secteur commercial… Sinon, attention ! La sédimentation comporte en elle-même le risque d’une régression, une régression bureaucratique liée au fait de vouloir appliquer un modèle de management uniforme à tous les managers. Les systèmes de management « mille-feuilles » sont riches. Parfois trop ! Les managers peuvent facilement « crouler » sous le poids d’une instrumentalisation excessive conduisant à une bureaucratisation de la relation managériale, à l’opposé de l’effet recherché.

37Le mieux est l’ennemi du bien. On connaît les inconvénients des systèmes « couteau suisse » qui poursuivent simultanément plusieurs objectifs parfois contradictoires entre eux. Ce qui est le cas des différentes formes de management. Elles sont complémentaires, mais en même temps antagonistes, notamment parce qu’elles ne s’inscrivent pas dans le même référent temporel. Par exemple, compte tenu de l’accélération du temps, le management par les objectifs tire la relation managériale vers le court terme, voire le très court terme. Au contraire, la sophistication des technologies, la complexification des situations de travail… inscrivent le management par les compétences dans un horizon de temps beaucoup plus long.

Une question d’équilibre

38On objectera à juste titre que, pour des raisons de faisabilité et surtout d’équité, il ne peut pas y avoir, au sein de la même entreprise, autant de systèmes de management que de managers. C’est évident ! En même temps, on connaît le risque d’une uniformisation abusive. Il s’agit alors d’une question d’équilibre entre le standard et le spécifique. On peut réutiliser ici les principes bien connus de différenciation et d’intégration élaborés par Paul Lawrence et Jay Lorsch à propos des structures [10]. Les différentes formes de management mises à disposition des managers par les systèmes « mille-feuilles » offrent des possibilités de différenciation. Il faut alors définir un certain nombre de principes communs, limitant l’autonomie et l’initiative des managers, mais garantissant cohérence et équité.

39Par exemple, au sein de cette entreprise industrielle, les managers évaluent la performance de chacun de leurs collaborateurs à partir de la même échelle : performance exceptionnelle, satisfaisante, insuffisante et très insuffisante. Des règles communes permettent d’attribuer les augmentations individuelles en fonction du niveau de performance obtenue. En revanche, aucune règle ne précise la manière dont ils doivent évaluer cette dernière. Ils utilisent tous le même support, mais certains mettent l’accent sur la tenue du poste, d’autres sur l’obtention de résultats quantitatifs, sur l’acquisition et le développement des compétences ou encore sur des comportements associés à des valeurs prédéfinies. Le plus souvent, les managers utilisent plusieurs critères, appréhendant ainsi la performance de leurs collaborateurs de manière multidimensionnelle. Mais les « cocktails » de critères et le poids accordés à chacun d’eux varient d’un manager à l’autre.

40Il appartient à chaque entreprise de trouver le juste équilibre entre différenciation et intégration en fonction de sa culture. En la matière, il n’y a pas de règles universelles. Il n’y a que des cas particuliers. Mais une chose est certaine ! Le management de demain sera contingent ou ne sera pas. Il ne s’agit pas de faire entrer tous les managers dans un même moule. Il s’agit au contraire de leur offrir la possibilité de mieux prendre en considération la diversité des situations auxquelles ils doivent faire face. Pour cela, il faut arrêter de chercher le système « idéal » et de vouloir l’appliquer uniformément à tout le monde. Il faut au contraire accepter et reconnaître la diversité de la « vraie vie » et donner la possibilité à ceux qui la vivent d’y faire face. C’est moins un problème d’outils que d’état d’esprit ! Les obstacles sont plus culturels qu’instrumentaux.


Date de mise en ligne : 22/03/2013.

https://doi.org/10.3917/emr.117.0083

Notes

  • [*]
    ÉRIC DELAVALLÉE est l’auteur de plusieurs ouvrages sur le management dont Le manager idéal n’existe pas ! paru récemment aux Editions d’organisation, décembre 2004.
  • [1]
    Nous renvoyons le lecteur intéressé à l’ouvrage de Peter Drucker, La Pratique de la direction des entreprises, Editions d’organisation, 1957, et, en particulier, à son célèbre chapitre « Direction par objectifs et auto-contrôle ». Pour une présentation détaillée du management par les objectifs, on peut aussi consulter l’ouvrage de Pierre Morin, L’Art du manager, Editions d’organisation, 1997.
  • [2]
    La standardisation par les résultats est un des cinq modes de coordination permettant de contrebalancer la division du travail. Les quatre autres sont l’ajustement mutuel, la supervision directe, la standardisation par les procédés et la standardisation par les qualifications.
  • [3]
    Philippe d’Iribarne, La Logique de l’honneur, Seuil, 1989.
  • [4]
    Michel Crozier, Le Phénomène bureaucratique, Seuil, 1964.
  • [5]
    Ken Blanchard et Michael O’Connor, Managing by Values. How to Put Your Values into Action for Extraordinary Results, Berrett-Koeh-ler Publishers, 1997.
  • [6]
    Guy Le Boterf, De la compétence. Essai sur un attracteur étrange, Editions d’organisation, 1994.
  • [7]
    Les conséquences organisationnelles de ces évolutions managériales sont très bien analysées par Michel Crémadez, Organisations et stratégie, Dunod, 2004.
  • [8]
    Une zone d’incertitude est une des zones qui ne sont pas précisément définies et délimitées au sein de l’entreprise. Celui qui maîtrise, même partiellement, une zone d’incertitude importante pour le fonctionnement de l’entreprise est en quelque sorte irremplaçable. Il réussit à créer une dépendance des autres à son égard. Face cachée des sources formelles de pouvoir, les zones d’incertitude prennent souvent appui sur des informations « non officielles », qui ne passent pas par les canaux traditionnels, ou sur des compétences « implicites » dont les titulaires refusent toute formalisation, qui ne figurent donc pas dans les référentiels, qu’on acquiert par la pratique, pas en formation.
  • [9]
    La bureaucratie professionnelle est un type d’organisation que l’on trouve souvent dans les universités, les hôpitaux, les organismes à but non lucratif, les entreprises artisanales… On y recrute des spécialistes, formés et socialisés, à qui on laisse une latitude considérable dans le contrôle de leur propre travail. Ils travaillent de manière relativement indépendante les uns des autres tout en restant très proches des clients qu’ils servent. Henry Mintzberg, Structure et dynamique des organisations, Editions d’organisation, 1982.
  • [10]
    Pour permettre une adaptation à des sous-environnements spécifiques, il faut différencier une structure en unités particulières (directions, départements, services…). Pour que, malgré tout, chaque unité soit guidée vers un but commun, il faut mettre en place des mécanismes d’intégration spécifiques (rattachement hiérarchique, comités, procédures…) contrebalançant la différenciation. En conséquence, plus la différenciation est forte, plus l’intégration doit l’être. Paul Lawrence et Jay Lorsch, Adapter les structures de l’entreprise, Editions d’organisation, 1989.
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