Couverture de LECO_019

Article de revue

Note du Trésor sur la fraude et l'évasion fiscales

Pages 63 à 71

Notes

  • [1]
    Concept juridique anglo-saxon instaurant une double propriété de biens, transférés par un constituant (settlor) à un administrateur (trustee), qui doit les gérer au bénéfice d'un bénéficiaire (beneficiary). En français, on emploie le terme de fiducie (NDT).
  • [2]
    Cette autorisation d'amortissement complémentaire avait pour but de favoriser l'investissement dans l'exploitation de ressources naturelles limitées et non renouvelables (NDT).
English version

1Le ministre des Finances

2Washington

3Mon cher Président,

4Année après année, l'enquête sur les rentrées de l'impôt sur le revenu révèle le combat toujours plus acharné des individus fortunés et des entreprises pour ne pas payer leur juste part des dépenses de leur gouvernement. Bien que le Juge Holmes ait dit que "les impôts sont le prix à payer pour une société civilisée", trop de citoyens veulent la civilisation au rabais. Nous éliminons, un par un, les procédés de fraude et d'évasion fiscale, ainsi que les failles de la législation, mais chaque fois que nous en supprimons une, il semble que nous fassions augmenter le recours aux combines restantes. Les ventes entre mari et femme ne sont plus en vogue depuis le procès Mitchell ; les textes votés après l'enquête du sous-comité Pecora ont largement stoppé l'évasion fiscale par le biais de sociétés d'investissement ; et le trust [1] éducatif regroupant tous les tableaux détenus chez un particulier a reçu trop de publicité dans l'affaire Mellon pour que l'on continue à en recommander l'usage. Mais nous avons encore beaucoup trop de cas de ce que j'appellerai la fraude morale - c'est-à-dire la mise en échec des impôts par des moyens douteux qui n'ont pas d'objectif ni d'utilité réels pour les affaires, et auxquels un homme vraiment honnête n'aurait pas recours pour réduire ses impôts.

5Votre gouvernement s'est distingué en exigeant un niveau plus élevé de moralité dans les relations commerciales. Nous avons besoin d'un niveau plus élevé de moralité dans les rapports du citoyen avec son gouvernement.

6Pour illustrer ce que j'avance, je vais donner la liste de quelques-uns des procédés qui ont fait que les rentrées fiscales de 1937 ont été inférieures à ce qu'elles auraient dû être, avec les noms des contribuables qui les ont utilisés. Nous ne faisons que commencer le contrôle des 5 500 000 déclarations pour 1936, mais les premières vérifications ont révélé ces faits, dont je crois qu'il faut que vous soyez informé sans délai.

1. La création de multiples trusts pour la famille et les personnes à charge

7Séparer en deux le revenu, entre mari et femme, réduit l'impôt sans modifier les ressources familiales. Le répartir entre de nombreux trusts permet de réaliser une économie plus importante, tout en laissant l'argent, en réalité, entre les mêmes mains. Ainsi, M. Louis Blaustein, de Baltimore, a constitué 64 trusts différents en faveur de sa femme et de ses trois enfants. De cette façon, les bénéficiaires ont réalisé un gain d'impôt de 485 257 dollars dans l'année.

8MM. Charles E. Merrill et Edwin C. Lynch, Lynch et Compagnie, 40 Wall Street, New York, ont 40 trusts et 23 holdings personnelles. Ils exploitent également de nombreux comptes de courtage numérotés, et ce n'est qu'à la fin de l'année qu'ils révèlent au profit de qui ces comptes ont fonctionné. De cette façon, d'innombrables transactions sont effectuées entre les divers trusts et sociétés, qui n'ont aucune conséquence sur les profits de Merrill & Lynch, mais sont conçues pour réduire dans de fortes proportions le montant de leurs impôts. Grenville Clark, de la firme Root, Clark, Buckner & Ballantine, et sa femme ont 16 trusts. Il existe sans aucun doute bien d'autres exemples du même type, qui seront révélés par notre vérification des déclarations de 1936.

2. Les holdings personnelles à l'étranger organisées aux Bahamas, à Panama et à Terre-Neuve, où les impôts sont faibles et les lois sur les sociétés peu contraignantes

9Rien qu'aux Bahamas, les Américains ont constitué 64 sociétés de la sorte ces deux dernières années, et 22 de plus ces six derniers mois. Panama et Terre-Neuve semblent être des terrains encore plus fertiles depuis que leurs législations sur les sociétés rendent plus difficile d'établir qui sont les véritables actionnaires. En outre, les actionnaires ont recours à toutes sortes de manoeuvres pour empêcher que l'on obtienne des informations sur leurs compagnies. Ainsi, Mme Dorothy Whitney Elmhirst a commencé par créer sa holding personnelle dans l'île de Guernesey, puis elle l'a déplacée au Panama. Et ses comptes sont tenus à Terre-Neuve. George Westinghouse Jr. a une compagnie de 3 millions de dollars aux Bahamas et, pour empêcher le fisc de le rattraper, il change de domicile chaque année, d'un village à un autre. Une année, il envoie sa déclaration depuis Saanichton, dans l'île de Vancouver, en Colombie-Britannique ; l'année suivante, depuis Seabold, dans l'Etat de Washington. Les services fiscaux ayant réussi à avoir accès aux registres de l'International Corporation Company à New York, qui se charge de constituer des sociétés aux Bahamas et au Panama, il les fait désormais organiser par sa filiale parisienne, International Corporation Company SA, hors de portée de nos enquêtes.

10Wallace Grove, de la General Investment Corporation, a deux sociétés aux Bahamas, avec un capital insignifiant. La SEC enquête sur son entreprise, General Investment Corporation, qui a déclaré une perte de 67 millions de dollars entre 1932 et 1936, sur un capital de 77 millions. Il semble que Grove ait quitté le pays.

11L'une des transactions révélées par l'enquête était la vente du métro de Buenos Aires, sur laquelle un certain Philip De Ronde a touché une commission de 250 000 dollars. De Ronde a fait verser cette commission à sa société aux Bahamas et nous met au défi de récupérer un quelconque impôt dessus. Il a eu l'impudence de proposer de payer 1 700 dollars à titre transactionnel pour les 33 000 dollars d'impôts qu'il nous doit.

12Un autre indice de l'importance que peut prendre ce courant d'évasion fiscale nous est donné par le cas de Jules S. Bache, de New York. Personnellement, M. Bache n'a pas de revenu imposable pour 1936. Mais nous avons découvert que lui, ses deux filles et des trusts dont elles sont les bénéficiaires possèdent la Wenonah Development Company, une société par actions canadienne qui a perçu 1 606 000 dollars de dividendes d'origine américaine. Nous n'avons encore enregistré aucune déclaration pour cette compagnie. Il est intéressant de noter que, de plus, M. Bache a déduit 89 400 dollars de ses revenus personnels au titre d'intérêts pour un emprunt auprès de sa société holding personnelle.

13Le cas le plus flagrant, dans la même veine, est peut-être celui de Jacob Schick, ex-lieutenant-colonel de l'armée des Etats-Unis. Il possédait la totalité des actions de la Schick Dry Shaver Company, dans le Connecticut. Le 18 décembre 1935, il est devenu sujet britannique par naturalisation au Canada. Il touchait une pension militaire et il a demandé au ministre de la Guerre s'il pouvait continuer à la percevoir. Le ministre l'a informé le 5 février 1936 qu'il n'y avait plus droit, et lui a ordonné de rembourser les sommes perçues après le 18 décembre. Le 24 décembre 1935, six jours après sa naturalisation, Schick a constitué aux Bahamas la société Schick Industries et lui a transféré ses actions de la compagnie du Connecticut. Il a ainsi tourné les dispositions légales qui prévoient une taxe de 25 % sur les transferts de titres à des compagnies étrangères. Il possède le capital de trois autres sociétés bahamiennes, dont l'objet n'apparaît pas encore clairement. Le Service de renseignements enquête sur le cas du colonel Schick, en vue de le poursuivre pour fraude.

3. Compagnies d'assurances aux Bahamas

14Un agent d'assurances new-yorkais a fait créer deux compagnies aux Bahamas dans le seul but de permettre aux contribuables potentiels de déduire frauduleusement des intérêts grâce à un astucieux mécanisme d'émission de polices d'assurance sur la vie d'un montant substantiel. Les Américains qui entraient dans la combine étaient censés payer une forte prime unique pour leur police, mais ils empruntaient immédiatement la quasi-totalité de la somme. Le but caché était, pour le soi-disant assuré, d'obtenir une forte déduction pour les intérêts de son emprunt, bien qu'il n'en ait pas payé en réalité. C'est ainsi que six de nos concitoyens, MM. Richard E. Dwight, Henry W. Lowe, Jacob Schwab, Lawrence Marx, George Thoms et le Dr Winfield Ayres ont cherché à soustraire au fisc près de 550 000 dollars d'impôts sur le revenu dans les années 1932 à 1936. La fraude a été découverte par le Service de renseignements et tous ces contribuables ont proposé de régler la totalité des impôts dus, augmentés des intérêts. M. Dwight est un associé de la firme d'avocats Hughes, Schurman & Dwight, 100 Broadway, à New York.

4. Sociétés holdings personnelles aux Etats-Unis

15Les taux d'imposition des holdings personnelles ont été réduits en 1936 et ne sont plus assez élevés pour décourager l'utilisation de telles sociétés comme un bon moyen d'éviter les tranches supérieures de l'impôt sur le revenu. Les holdings personnelles que nous avons examinées auraient dû payer 81,7 % d'impôts en plus sur les bénéfices de 1936, si les taux n'avaient pas été réduits. Ainsi, la société holding possédée par feu M. Charles Hayden n'a rien distribué de ses bénéfices en 1936, ce qui a permis à son unique propriétaire d'éviter de payer 322 958 dollars d'impôts. Celles de M. et Mme Alfred P. Sloan ont distribué une partie de leurs gains. Mais l'usage de sociétés a permis d'économiser 791 054 dollars d'impôts aux Sloan en 1936. M. et Mme Roy W. Howard ont utilisé la formule de la holding personnelle pour accroître leurs investissements dans la presse. En 1936, leur holding personnelle a déclaré plus de 500 000 dollars de bénéfice net, mais le total des impôts payé par le couple était inférieur à 60 000 dollars. Si la société holding personnelle n'existait pas, ils auraient dû régler plus de 200 000 dollars d'impôts supplémentaires. La Schaefer Brewing Company, de Brooklyn, une société d'exploitation possédée par deux frères et leurs épouses, a indiqué que son bénéfice net était passé de 1 050 204 dollars en 1935 à 1 825 460 dollars en 1936, mais n'a distribué que 300 000 dollars de dividendes en 1936, contre 500 000 en 1935. Si les dividendes avaient progressé au même rythme que le bénéfice, le Trésor aurait encaissé 246 073 dollars d'impôts supplémentaires

16Un autre procédé très prisé est de créer un grand nombre de holdings personnelles dans le but de réduire l'impôt et de rendre plus difficile le contrôle par le Trésor des transactions entre ces sociétés. J'ai déjà cité les 23 holdings personnelles de MM. Charles E. Merrill et Edwin C. Lynch. Selon notre dernier rapport d'enquête (pour l'année 1933), M. William Randolph Hearst avait des intérêts dans quelque 96 compagnies, dispersées dans l'ensemble des Etats-Unis et en Angleterre. Nous n'avons pas encore réussi à établir le nombre de sociétés qu'il utilise actuellement, car leurs déclarations sont enregistrées aux quatre coins du pays, et c'est un travail considérable que d'essayer de s'y retrouver dans les complexes transactions entre elles.

5. Yachts et maisons de campagne en société à responsabilité limitée

17C'est Rene Corporation, l'une de ses holdings personnelles, qui est propriétaire du yacht de M. Alfred P. Sloan, ainsi que de 3 millions de dollars en titres. M. Sloan loue son bateau auprès de sa société, qui utilise le revenu des titres pour payer les salaires du capitaine et de l'équipage, les frais de fonctionnement et l'amortissement du yacht. Aucun de ces postes ne serait déductible si M. Sloan possédait personnellement le bateau. Nombre de riches contribuables organisent de la même façon le fonctionnement de leur maison de campagne. La valeur de leur propriété et les économies ainsi réalisées sont de :

18

  • Alfred I.Du Pont (décédé)
    - Valeur de la maison de campagne : 10 3951 US$
    - Economie d'impôt : 59 000 US$
  • M. et Mme Myron C.Taylor
    - Valeur de la maison de campagne : 1 000 000 US$
    - Economie d'impôt : 59000US$
  • Wm H. Crocker et sa famille
    - Valeur de la maison de campagne : 750 000 US$
    - Economie d'impôt : 40 000 US$
  • Wilhemina Du Pont-Ross
    - Valeur de la maison de campagne : 421 000 US$
    - Economie d'impôt : 80 000 US$
  • Harvey D.Gibson
    - Valeur de la maison de campagne : 978 000 US$
    - Economie d'impôt : 20 000US$
  • Jacob Aron
    - Valeur de la maison de campagne : 1 166 457 US$
    - Economie d'impôt : 20 000US$
  • M. et Mme Henry Ittelson
    - Valeur de la maison de campagne : 565 000 US$
    - Economie d'impôt : 30 000US$

19Mme Ross a perfectionné la formule en faisant payer par la holding propriétaire de sa maison de campagne un salaire à son mari pour la gérer. Elle lui fournit donc son argent de poche, et obtient une déduction fiscale pour entretenir son mari.

6. Déductions pour paiement d'intérêts autres que professionnels, pertes, etc.

20Des contribuables obtiennent encore de fortes déductions pour des intérêts sur des prêts que leur consentent leurs sociétés holdings personnelles ou leurs trusts familiaux. J'ai déjà mentionné la déduction de 89 400 dollars obtenue par M. Jules S. Bache grâce au prêt que lui a accordé sa société canadienne. Mme Nathan L. Miller, veuve de l'ex-gouverneur Miller, a bénéficié d'une déduction de 35 639 dollars sur sa déclaration de 1936 pour un prêt que lui a accordé son mari en tant qu'administrateur d'un trust au bénéfice de leurs sept filles.

7. Pourcentage de réduction

21C'est peut-être le meilleur exemple de la façon dont le droit fiscal permet encore de voler le Trésor public des Etats-Unis en toute légalité. Depuis 1928, les grandes compagnies minières et pétrolières sont autorisées à réduire leur bénéfice imposable brut de 5 % à 27,5 % au titre de la dépréciation de leurs mines ou de leurs puits, et ce, même si ces biens sont complètement amortis  [2].

22Ainsi, en 1936, La Homestake Mining Company a déduit 2 922 722 dollars en application de cette disposition légale, alors qu'elle a déjà récupéré intégralement le coût de ses immobilisations. La somme déduite était un cadeau pur et simple des Etats-Unis à ce contribuable, et nous avons perdu dans cette affaire 818 517 dollars. De même, nos pertes ont été de 584 955 dollars (en 1935) pour la Gulf Production Company de Pittsburgh, 413 009 dollars (en 1935) et 557 487 dollars (en 1936) pour la Texas Gulf Sulphur Company, 512 452 dollars (en 1935) pour la Shell Oil Company, 272 041 dollars (en 1934) et 267 091 dollars (en 1935) pour la Sun Oil Company, 202 244 dollars (en 1934) pour la Stanolind Oil & Gas Company, 152 025 dollars (en 1935) pour l'Amerada Petroleum Corporation.

23J'avais préconisé en 1934 que cette disposition soit abrogée, mais rien n'a été fait, probablement sous la forte pression des grandes compagnies minières et pétrolières, qui en tirent un profit considérable aux dépens des autres contribuables.

8. Partage du revenu entre mari et femme, en particulier dans les huit Etats qui admettent la communauté de biens entre époux

24Il existe une autre forme légale de fraude fiscale aux dépens des 40 Etats dont la législation ne reconnaît pas la communauté de biens entre époux. Un New-Yorkais ayant un salaire de 100 000 dollars paie environ 32 525 dollars d'impôt fédéral sur le revenu. Un Californien ayant le même revenu peut en affecter la moitié à sa femme, et n'a plus à payer que 18 626 dollars. La perte de rentrées fiscales due au refus des membres des Congrès des Etats admettant la communauté de biens entre époux de permettre que leurs citoyens soient imposés sur la même base que ceux des 40 autres états s'élève à plusieurs millions. L'existence de cette discrimination légale a poussé à la constitution de sociétés entre maris, femmes et enfants dans les autres Etats. Ainsi, à la fin de 1935, Granberry & Company, une firme de courtage de New York, a pris comme associés les quatre enfants mineurs (deux garçons et deux filles) de C. K. Reynolds, l'un des associés. L'économie d'impôt réalisée par M. Reynolds a été de 55 000 dollars en 1936.

9. Accroissement des achats, par les citoyens fortunés, de titres exemptés d'impôt

25Les dernières statistiques dont nous disposons montrent que nos concitoyens les plus riches détiennent d'énormes quantités de titres émis par l'Etat et les municipalités. Nos informations sont très incomplètes, car ces individus ne déclarent pas tout ce qu'ils possèdent vraiment, mais notre dernier pointage nous montre que John D. Rockefeller Jr possède plus de 32 millions de dollars en bons d'Etat et municipaux, Frederick W. Vanderbilt, 28 700 000 dollars, H. Sylvia Wilks, 31 895 000 dollars, Mary G. Thomson, 17 778 000 dollars, feu E. H. R. Green, 14 254 000 dollars. Les déclarations que nous avons réussi à contrôler pour 1936 indiquent une augmentation progressive de la détention de ce type de titres.

26L'une des constatations les plus décourageantes faite lors de notre enquête est que des juristes de haut vol conseillent leurs clients dans l'utilisation des moyens les plus retors de frauder le fisc, et qu'ils en font eux-mêmes un usage intensif. MM. Dwight et Clark, avocats new-yorkais de premier plan, ont été cités plus haut. Parmi les cabinets new-yorkais ayant créé pour leurs clients des sociétés au Panama, aux Bahamas ou à Terre-Neuve, on trouve Sullivan & Cromwell, Palmer & Searles, White, Sims & Houston, ainsi que Davis, Polk, Warwell, Gardiner & Reed.

27Le procès Morsman, récemment jugé par la Sixième Circonscription, en est l'illustration, et montre la longue lutte que mène le fisc pour découvrir les fraudeurs et récupérer ce qu'ils doivent. Un dénommé Morsman voulait, en 1929, vendre deux paquets d'actions avec un bénéfice confortable. Conseillé par son frère, avocat, il s'est transféré les actions à lui-même, en tant qu'administrateur, pour accumuler à son profit, pendant cinq ans, les dividendes, qu'il s'est ensuite distribués à lui-même. Il était donc non seulement constituant et gestionnaire, mais également l'unique bénéficiaire. Ayant vendu les actions la semaine suivante avec une plus-value, il a prétendu que c'était le trust, et non lui, qui était imposable. La Cour vient - huit ans plus tard - de trancher en faveur du fisc, et nous pouvons récupérer l'impôt, avec les intérêts. Mais il s'est quand même trouvé un juge qui n'était pas d'accord pour, derrière le masque légal de Morsman l'administrateur, voir Morsman l'unique bénéficiaire.

28En conclusion, je ferai deux observations, sur la base des éléments dont je dispose. Premièrement, les exemples que j'ai donnés nous ont été fournis par le contrôle rapide d'un nombre relativement faible de déclarations. La plupart des déclarations des grandes sociétés n'ont pas encore été enregistrées. La vérification générale pour 1936 ne fait que commencer. A mon grand regret, j'ai bien peur que les cas résumés ci-dessus soient représentatifs d'un grand nombre d'autres, qu'un contrôle attentif permettra de révéler. Deuxièmement, le salarié moyen et le petit commerçant n'ont pas recours à de tels procédés. La grande masse de nos 5 500 000 déclarations sont faites honnêtement. Le fait que les soi-disant leaders du monde des affaires fraudent le fisc ou y échappent est non seulement préjudiciable aux rentrées fiscales, mais il l'est aussi pour ceux qui se livrent à ces actes. Il ajoute à la charge fiscale des autres membres de la communauté, qui en portent déjà leur part bien qu'ils aient moins de moyens. La réussite de notre système fiscal dépend autant d'une bonne administration par le Trésor public que de déclarations complètement honnêtes par les contribuables. Et nous sommes en droit d'attendre des gens haut placés une moralité plus élevée que celle dévoilée par les déclarations de 1936.

29Bien à vous

30Henry Morgenthau Jr.

3121 mai 1937

32Traduction de Marc Mousli

Notes

  • [1]
    Concept juridique anglo-saxon instaurant une double propriété de biens, transférés par un constituant (settlor) à un administrateur (trustee), qui doit les gérer au bénéfice d'un bénéficiaire (beneficiary). En français, on emploie le terme de fiducie (NDT).
  • [2]
    Cette autorisation d'amortissement complémentaire avait pour but de favoriser l'investissement dans l'exploitation de ressources naturelles limitées et non renouvelables (NDT).

Domaines

Sciences Humaines et Sociales

Sciences, techniques et médecine

Droit et Administration

bb.footer.alt.logo.cairn

Cairn.info, plateforme de référence pour les publications scientifiques francophones, vise à favoriser la découverte d’une recherche de qualité tout en cultivant l’indépendance et la diversité des acteurs de l’écosystème du savoir.

Retrouvez Cairn.info sur

Avec le soutien de

18.97.14.89

Accès institutions

Rechercher

Toutes les institutions