Notes
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Lesbian Gay Bisexual Transgender Queer, sigle utilisé pour définir les personnes non strictement hétérosexuelles.
1La psychanalyse est une discipline en mouvement depuis sa naissance et c’est dans ce mouvement que nous souhaitons nous inscrire : ce mouvement nourrit nos réflexions, notre pratique clinique change, nos théories évoluent.
2Les articles parus dans The International Journal of Psychoanalysis au cours de l’année 2016 nous paraissent témoigner de certains de ces changements dans nos pratiques et nos environnements ; nos choix de traductions en témoignent, comme toujours marqués par nos subjectivités au sein du comité éditorial.
3La place nous manque pour traduire et publier l’importante controverse parue dans le numéro du mois de juin 2016 et introduite par Rachel Blass (2016) sur l’apport de la psychanalyse dans la clinique contemporaine. Son titre est évocateur en soi : « La nature de la pensée et de la pratique psychanalytique (par exemple par rapport à la sexualité) est-elle déterminée par des développements extra-analytiques, sociaux et culturels ? » Cette discussion entre deux collègues formateurs d’horizons différents (Atlanta et Buenos Aires), leurs réponses et répliques respectives, a suscité le débat au sein de notre groupe, et c’est dans le but de mettre à nouveau l’accent sur notre fonctionnement que je souhaite ici en rapporter quelques traits.
4Robert Paul (2016abc), anthropologue de formation, insiste sur l’avènement dans la culture occidentale actuelle d’une sexualité caractérisée par le recours au plaisir immédiat et expose son modèle d’un « double héritage » : génétique-reproducteur ou culturel-non reproducteur. À l’opposé de ce qui avait été vécu par les contemporains de Freud (alors que ce dernier, en 1905, s’est distancié d’une finalité reproductrice comme garante de la normalité dans Trois essais sur la théorie sexuelle), Paul pointe une sexualité détachée des contingences de la reproduction et de la nécessité de fonder une famille structurée par les différences des sexes et des générations, dans un système social devenu horizontal, attentif au seul bien-être des individus. Cet auteur conçoit la psychanalyse comme une pratique hautement individuelle, quelle que soit l’orientation sexuelle du sujet et prend une position ouverte face à la place sociale et à la souffrance vécue par les personnes LGBTQ [1].
5Jorge Ahumada (2016abc), pour sa part, soutient une position critique à partir, non seulement de l’évolution violente de la société qui l’entoure, mais surtout à partir de sa pratique clinique avec les enfants autistes et des jeunes en souffrance narcissique. Il note combien la fréquence des séances s’est réduite en 40 ans, passant de quatre à trois, puis à une séance hebdomadaire. Il affirme se fonder sur une conception de la sexualité psychosexuelle, plus métapsychologique que celle de son contradicteur, et décrit des patients narcissiques qu’il qualifie d’« autistoïdes », formatés par une société dominée par l’accès prématuré et illimité aux médias électroniques, pour lesquels la lecture, le délai à la satisfaction n’a plus cours. Ces exposés entre psychanalystes formateurs, témoins d’un demi-siècle de notre temps, pourraient paraître passéistes ou vains, s’ils ne traduisaient un questionnement partagé par un grand nombre de collègues. Il est frappant de constater qu’au fil de leurs répliques (Ahumada JL 2016c ; Paul RB 2016c), les positions respectives des deux intervenants se font moins tranchées et contribuent à traduire la complexité du débat et surtout du travail du psychanalyste dans notre monde actuel, dans un conflit relatif entre pratique et théorie qui nous concerne tous.
6C’est le mérite de The International Journal of Psychoanalysis d’en débattre au travers de ces controverses dont Dana Birksted-Breen (2016) nous assure qu’elles vont se poursuivre dans les prochains numéros.
7C’est aussi dans le but de poursuivre ce débat et de témoigner de sa complexité que nous avons choisi de traduire des articles qui traitent de thèmes proches des difficultés de nos pratiques et des contradictions douloureuses de notre monde. Nous avons ainsi retenu les réflexions concernant la psychosomatique, la honte, les multiples problèmes posés par la migration, les homosexualités, ainsi que la lecture renouvelée d’un texte princeps de Winnicott. Nous avons également repris, pour une mise au point, le sujet de la neuropsychanalyse, qui a fait débat dans de précédents numéros, ainsi qu’un article sur la « bi-ocularité » qui permettra au lecteur de procéder à une mise en perspective de cette notion, déjà développée avec ses variations dans L’Année Psychanalytique Internationale 2016.
Bibliographie
Bibliographie
- Ahumada J.L. (2016a) Is the nature of psychoanalytic thinking and practice (e.g., in regard to sexuality) determined by extra-analytic, social and cultural developments ? Insight under siege : psychoanalysis in the “autistoïd age”. Int. J. Psychoanal. 97 : 883-895.
- Ahumada J.L. (2016b). Response to Robert A. Paul. Int. J. Psychoanal. 97 : 897-907.
- Ahumada J.L. (2016c) Rejoinder to Robert A. Paul’s response. Int. J. Psychoanal. 97 : 917-918. (2016) Introduction to « Is the nature of psychoanalytic thinking and practice (e.g., in regard to sexuality) determined by extra-analytic, social and cultural developments ? » Int J Psychoanal 97 : 811-821. (2016) Editorial. Int. J. Psychoanal. 97 : 811-821. (2016a) Is the nature of psychoanalytic thinking and practice (e.g., in regard to sexuality) determined by extra-analytic, social and cultural developments ? Sexuality : Biological fact or cultural construction ? The view from dual inheritance theory Int. J. Psychoanal. 97 : 867-881.
- Paul R.A. (2016b) Response to Jorge L. Ahumada. Int. J. Psychoanal. : 97 : 909-913.
- Paul R.A. (2016c) Rejoinder to Jorge L. Ahumada’s response. Int. J. Psychoanal. 97 : 915-916.
Notes
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[1]
Lesbian Gay Bisexual Transgender Queer, sigle utilisé pour définir les personnes non strictement hétérosexuelles.