Notes
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Article paru sous le titre : « Orientations of psychotic activity in defensive pathological organizations ». Int. J. Psychoanal. (2014) 95 : 423-440. Traduit de l’anglais par Jean-Michel Quinodoz, relu par Luc Magnenat et par l’auteur. Plusieurs sous-titres et des précisions importantes [passages en italique et entre crochets] ont été apportés par l’auteur à la traduction française.
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En français dans le texte.
1 Les organisations pathologiques sont des structures psychiques défensives qui mettent en jeu des processus de pensée omnipotents hautement organisés. Ces structures sont érigées pour tenter de se défendre contre des angoisses persécutrices et dépressives en évitant les émotions liées au besoin et à la dépendance envers l’objet. Ces structures attaquent toute forme de contact avec autrui et empêchent le Moi de percevoir la réalité interne et externe. Elles utilisent fréquemment des méthodes de dissociation. Celles-ci sont à peine comparables avec celle qu’on considère habituellement comme une activité provenant du Surmoi. L’activité d’une organisation pathologique peut aboutir à une solution claustro-agoraphobique par excès de dépendance envers un objet et pour éviter de se dégager de l’influence d’une organisation coercitive. On pense que les organisations pathologiques surgissent en réponse à des états de rupture par rapport à une dépendance traumatique (rupture de symbiose) ou qu’elles peuvent se développer au cours de l’enfance en réponse à des vécus de privation ou à des conflits chroniques. Ces organisations prétendent offrir au Moi un certain degré d’équilibre psychique mais il s’agit d’un équilibre qui est en soi précaire et autodestructeur parce que fondé sur une coupure par rapport aux expériences de besoins humains, de contact avec l’objet et avec les angoisses quotidiennes. Si l’on ne parvient pas à les maîtriser, leur objectif final réussit à transformer la santé en pensée psychotique, ce qui rend le patient chroniquement malade. Des pseudo-stratégies de gouvernance supplantent alors le fonctionnement du Moi et procurent des formes pathologiques de contenance ; de la sorte, dans la situation clinique, on croit qu’elles occupent la place de parent alors qu’elles fonctionnent de manière perverse et très sadique. Les tentatives effectuées par le Moi et la personnalité non psychotique de l’individu pour se développer d’une manière saine sont mal interprétées comme autant de signaux avant-coureurs d’une catastrophe (répétition insurmontable d’expériences traumatiques antérieures) et sont écartées. En conséquence, il est difficile de traiter des patients qui souffrent sous l’emprise d’une organisation défensive pathologique et cela demande beaucoup de temps. La présence d’une organisation pathologique a été décrite comme résultant de la prédominance d’une relation intérieure en collusion avec une imago infiltrée d’instinct de mort, ce qui implique qu’elle plonge ses racines dans une agressivité destructrice et perverse qui entrave le développement émotionnel (Spillius, 1988, p. 6).
Le narcissisme et le sadisme dans les organisations pathologiques
2 Cet article passe en revue certains des obstacles auxquels ces organisations donnent lieu et leurs implications pour le traitement psychanalytique, en particulier pour soulager la strangulation exercée par l’organisation pathologique sur le fonctionnement du Moi. La façon dont on peut parler avec ce type de patients met au défi la technique psychanalytique de plusieurs points de vue. En cherchant à comprendre la nature de la catastrophe interne d’où provient l’activité de l’organisation pathologique, l’auteur a trouvé que le degré de pathologie narcissique impliquée exerce un impact décisif sur l’intensité et le fonctionnement du sadisme utilisé par l’organisation pathologique pour réduire ou immobiliser le fonctionnement du Moi. Il est important de ne pas généraliser, du fait que les conditions varient selon les individus et qu’elles ne sont jamais statiques bien que leur objectif final soit de posséder le contrôle sur le fonctionnement du Moi ; cependant, l’expérience de l’auteur montre que si le Moi se laisse attirer par la prédominance d’une relation d’objet partiel interne et narcissique, cette tendance influence de manière significative la gravité et l’issue de l’activité d’une organisation pathologique. Par exemple, si on prive un patient gravement narcissique d’une dépendance normale envers un objet ou envers des angoisses associées – par suite d’un retrait dissociatif et d’une identification avec un objet partiel idéalisé narcissique – la pression s’accroît en faveur d’une identification incorporatrice avec l’organisation pathologique et ses lois, les attaques aux liens envers les objets sont plus violentes et la destruction de la pensée non psychotique dure plus longtemps. Comme on l’illustre ici, le contrôle sur le sujet semble se constituer à travers la menace d’annihilation générée par la présence invasive d’une relation narcissique d’objet partiel provenant du passé, dont le patient est devenu dépendant (Williams, 2004, 2010). Toute activité susceptible de compromettre cette dépendance se heurte à des réactions instantanées ayant pour but de renforcer la menace d’annihilation. Ces patients peuvent être ressentis comme froids, psychopathiques et cyniques, paraissant réduits en esclavage sous l’autorité de l’organisation pathologique. Il apparaît clairement que l’activité pathologique décrite ici prend place « en dehors » des paramètres normaux des positions paranoïde schizoïde/position dépressive et des lignes normales du développement : ces patients vivent des angoisses psychotiques extrêmement intenses. Certes, ces organisations peuvent présenter des tendances paranoïdes mais leur activité pathologique doit être distinguée de la paranoïa quant à leur origine bien que les deux conditions puissent interagir. Parfois, la pathologie narcissique est moins marquée, par exemple chez certains patients borderline ou déprimés chez lesquels la relation aux objets internes partiels est davantage conflictuelle et donne lieu à une expression criarde du sadomasochisme ; dans ce cas, le rôle du sadisme dirigé contre le Moi prend souvent la forme d’une intimidation déclamatoire, séductrice et moqueuse, tout le contraire des menaces d’annihilation qui font frissonner rencontrées dans les situations gravement narcissiques. Le but semble le même – le contrôle du Moi – mais dans ce cas le Moi semble à la merci d’une imago d’objet partiel agressif alors qu’il semble y avoir davantage de latitude par rapport au degré d’identification incorporatrice avec l’objet partiel psychotique que ce qu’on rencontre dans la pathologie narcissique sévère. L’auteur a relevé que les patients qui sont proches du pôle narcissique de ce spectre psychopathologique vivent le traitement psychanalytique comme extrêmement difficile à supporter ; par contre, les patients qui se situent du côté du pôle plus ouvertement conflictuel, sadomasochiste, de ce spectre peuvent cependant faire montre d’une plus grande tolérance aux pressions exercées par le transfert et aux tempêtes affectives. Encore une fois, il s’agit d’éviter de généraliser parce que le tableau est souvent mêlé et que le sadisme peut apparaître dans les deux situations : ce que l’on décrit ici représente des tendances par rapport à des classifications strictes. La gravité de l’organisation pathologique peut ne pas apparaître au moment de l’évaluation et peut seulement devenir plus évidente lorsque sa véritable nature surgit en cours d’analyse. Les types d’états mentaux qui donnent lieu au développement de crises en rapport avec ce qui précède ont été décrits antérieurement notamment par Glasser (1986) qui, dans sa théorie du « core complex » qui concerne les problèmes de dépendance et de séparation, a proposé une solution narcissique et une solution sadomasochiste ; il a décrit l’usage de la « simulation » afin d’éviter le développement d’un vrai self. Cependant, l’étude de l’agence psychique créée pour imposer ses solutions – l’organisation pathologique – a été poursuivie par de nombreux psychanalystes britanniques appartenant à l’école des relations d’objet, la majorité d’entre eux provenant du groupe kleinien.
Les organisations pathologiques
3 Les théories de relation d’objet considèrent que nous nous développons dans la mesure où nous internalisons des objets bons : nous sommes moins animés par la recherche de plaisir que par un besoin de relations. Plus nos objets internes sont intégrés et totaux, moins nous risquons de succomber aux troubles émotionnels psychologiques ou mentaux. Cependant, nous le savons bien, les objets internes sont loin d’être totaux ou intégrés. On rencontre le terme d’« objet » chez Freud (voir Freud, 1905, 1915) mais pas dans le sens utilisé ultérieurement par les théoriciens des relations d’objet. Ce terme devient spécifique et central dans l’œuvre de Mélanie Klein sous la forme d’identifications (Klein, 1946, 1997) et sa forme la plus pure pourrait se trouver dans l’œuvre de Fairbairn ; selon cet auteur, les objets internes reflètent une structure psychopathologique qui contraste avec les personnes réelles, extérieures qui génèrent la satisfaction sans être pathologiques au point de ne pas susciter la création d’objets internes. La constitution d’objets internes résulte de la déception, activité psychologique universelle qui détermine des structures psychiques actives ayant un dynamisme qui leur est propre et agissant dans l’inconscient (Fairbairn, 1952) ; ces dernières incluent un « saboteur interne », instance analogue à l’organisation pathologique. Wilfred Bion s’est basé sur les notions d’identification projective et de mécanismes schizoïdes de Klein (1946) ; dans son article sur la différenciation entre partie psychotique et non psychotique de la personnalité, il a décrit un clivage organisé et fragmenté au sein de parties de la personnalité en association avec la réalité interne et externe. Ces parties sont expulsées en utilisant des formes extrêmes d’identification projective : l’engloutissement de leurs objets et le Moi qui survit peuvent déterminer une existence largement hallucinatoire, caractérisée par la prédominance d’une pensée destructrice, de menace d’annihiler et d’entraver les processus d’introjection et de régression. Pour Bion, le contact avec la réalité n’est jamais entièrement perdu chez ces patients et l’objectif clinique est de déceler la personnalité névrotique cachée derrière l’activité psychotique (Bion, 1957). Ce dernier a également fait référence à un « Surmoi destructeur de Moi » en tant qu’imago internalisée psychotique qui attaque les liens entre les objets de même qu’entre les émotions et la raison, dans une tentative pathologique d’éviter la douleur émotionnelle en détruisant le fonctionnement mental. En rapport avec ce qui précède, son concept d’« objet obstructif » définit un objet qui refuse de recevoir l’identification projective – à l’origine la mère-objet – considérée comme un préalable à l’instauration d’un clivage pathologique et d’une identification projective (Bion, 1959, 1962). Herbert Rosenfeld (1950) a étudié très en détail la clinique du clivage et de l’identification projective excessive, des activités qui détruisent le sentiment de self à travers une confusion entre bon et mauvais. Dans le narcissisme, il a déterminé comment une activité projective extrême et persistante peut conduire à un sentiment de grandiosité et d’idéalisation de soi en tant que défense contre la destructivité envers l’objet dont on a besoin, ainsi qu’une idéalisation folle du « mauvais » expulsé qui entraîne une soumission par rapport à une organisation narcissique pathologique (1964, 1971a, 2004). Meltzer (1968), de même que Rosenfeld, décrit un fantasme de « gang narcissique » présent dans le psychisme – une sorte de « mafia intérieure » (expression aussi utilisée par Rosenfeld) – qui exige allégeance au moyen du sadisme et de la séduction. O’Shaughnessy (1981, 1992) a également donné des détails sur les organisations narcissiques défensives qui illustrent l’assujettissement de la personnalité névrotique et l’exigence rigide qui vise à éviter le contact émotionnel. Développant le concept du « Surmoi destructeur de Moi » de Bion, cet auteur établit une distinction entre un Surmoi normal qui est le résultat des relations d’objet précoces et un « Sur-Moi » hautement anormal qui trouve son origine dans l’activité dissociative de l’enfance précoce et tardive. Ce « Sur-Moi » exerce un pouvoir coercitif sur le Moi, il se dissocie des capacités naturelles du Moi telles que la compréhension, la curiosité et le besoin d’objet de sorte qu’il s’oppose à la lutte pour le développement. Récemment, Steiner a élargi notre compréhension du narcissisme pathologique à travers son concept de « retraits psychiques » et de soumission de la pensée non psychotique aux dictats de l’organisation pathologique, en particulier chez les patients borderline (voir aussi Rey, 1994) ; mais il a également observé que ces activités défensives ne sont pas limitées aux individus hautement perturbés, mais qu’elles surviennent chez chacun à des degrés divers (Steiner, 1993). Ce qui précède coïncide avec le point de vue de Bion : nous sommes tous psychotiques dans la mesure où nous sommes capables de perdre notre capacité de penser et le contact vital avec les objets indispensables. Aux USA, Kernberg (2004) a développé le concept de self grandiose idéalisé en tant que caractéristique des troubles du caractère narcissique, un concept qui a des points communs avec la structure de l’organisation pathologique ; de son côté, Searles (1979, 1986) a étudié le comportement psychotique omnipotent chez des patients schizophrènes destiné à assujettir le self infantile ; le but recherché est de tenter d’installer un stade de « pré-ambivalence » à partir duquel les traumatismes précoces de dépendance et de séparation peuvent être abordés et analysés.
Identifier les organisations pathologiques
4 Les organisations pathologiques cherchent à contrôler le sujet en soumettant le Moi à des impératifs psychotiques. L’impact d’une organisation pathologique est confusionnant et kaléidoscopique parce qu’une telle organisation est poussée à agir par une pensée omnisciente et omnipotente, y compris magique, rendant confuse la pensée non psychotique. Ce qui paraît moins discuté dans la littérature sur les organisations pathologiques, c’est qu’elles se substituent aux parents en prenant leur place d’une manière perverse pour légitimer une activité confusionnantes. La déformation, la logique perverse, l’agression sadique et la séduction sont utilisées d’une manière coercitive, souvent brutale, à l’encontre d’un Moi affaibli afin de l’endoctriner, le but étant d’empêcher une séparation fantasmatique traumatique toujours présentée comme imminente. [En d’autres termes l’organisation pathologique procède par lavage de cerveau en faisant croire au Moi que l’angoisse qu’il éprouve ou qu’il va éprouver est identique à l’angoisse infantile de perte d’objet et par conséquent fatale.] L’affect peut être transformé en une menace psychotique qui émet des réponses répugnantes et promeut la dépendance envers une pensée psychotique. En plus de proférer des menaces, les réponses que reçoit le Moi sont des pseudo-explications, des mensonges et des déformations de la réalité qui agissent à la manière d’un contenant : les affects de même que la réalité extérieure sont souvent présentés de manière à apparaître comme exagérées. En cours d’analyse, le patient éprouve fréquemment comme une menace à venir le moment où il se sent compris par l’analyste. Dès lors, la manière dont l’analyste est perçu peut se transformer rapidement et passer d’un objet nécessaire et bénin à un adversaire puissant et irrationnel. Ces réactions thérapeutiques négatives impliquent un brusque détournement des angoisses névrotiques qui, distordues, deviennent une menace psychotique qui détourne le patient et empêche l’émergence du besoin d’un objet en qui avoir confiance : une relation d’objet réaliste peut alors être mal interprétée et considérée comme ingérable au point de désespérer le patient. Des ordres en vue d’une action défensive qui permettrait d’échapper sont fréquemment donnés sous la forme de pensées primitives et binaires, suivant le principe de combattre/fuir. Les vécus de tristesse et de perte d’objet deviennent l’équivalent de la mort du sujet et sont à éviter : le deuil est dévalorisé comme présage d’une autodestruction. D’une manière dangereusement ironique, la tâche de l’organisation psychotique qui, à première vue, vise à maintenir le patient en vie consiste en fait à préconiser l’autodestruction et le suicide : en apparence, la mort n’existe pas mais sa présence est une menace constante.
Tentatives despotiques de contrôler le psychisme non psychotique
5 L’une des caractéristiques de l’organisation pathologique difficile à reconnaître tient à son fonctionnement quasi autonome. Selon l’auteur, le système psychotique fonctionne parallèlement à la pensée non psychotique, en la dirigeant et en s’opposant à elle. Cette action peut créer une confusion bien plus envahissante qu’il n’y paraît dans le discours ou dans le comportement. Par exemple, un patient peut exprimer des sentiments mélangés par rapport à ce qu’a dit le psychanalyste, sentiments mélangés qui s’avèrent la prérogative d’une pensée non psychotique. Lorsque l’organisation pathologique prédomine, les sentiments mélangés ou les doutes ne sont pas tolérés ; seules sont tolérées les certitudes dérivant d’une agressivité mal gérée et de fantasmes sexuels. Ce qui semble être des sentiments mélangés peut souvent refléter une tentative de la pensée non psychotique de coopérer, mais elle y fait obstruction sous l’emprise d’une antipathie provenant de la part psychotique de la personnalité et de systèmes de pensée opposés qui fonctionnent simultanément et entraînent un chaos mental pouvant paralyser le Moi : il peut être difficile de savoir lequel de ces systèmes prédomine, et à quel moment, ce qui requiert d’accorder une grande attention au contre-transfert. La manière dont nous parlons à des patients qui présentent cette forme de pensée a des conséquences hautement significatives. Si, en reprenant l’exemple ci-dessus, nous pensons que nous disposons d’un psychisme qui peut penser, sentir et raisonner – bien que d’une manière conflictuelle (« sentiments mélangés ») – on peut se tromper et considérer comme conflictuelle une pensée psychotique radicale, déconnectée de son origine ; cette dernière élimine les liens aux objets internes et externes et s’autoproclame en tant que ressource supérieure indispensable. Faire appel au meilleur niveau de pensée du patient pour résoudre le dilemme peut mener à une impasse ou à un état de soumission plutôt qu’à un affrontement de l’intimidation qui vise à immobiliser la pensée.
Le contre-transfert du psychanalyste
6 Pour gérer l’intimidation interne qui règne dans le psychisme du patient, l’analyste doit posséder une solide capacité de prendre en compte à la fois la communication non psychotique/névrotique du patient – qui se trouve sabotée – et la communication déformée/psychotique qui détruit la capacité de penser du patient. [Dans ces moments, seul le psychisme plus mature de l’analyste peut stopper l’attaque mortelle portée à son propre psychisme de manière à ce que le patient prenne conscience de la partie saine de son impulsion instinctive et de la manière dont celle-ci a été détruite.] En théorie et en pratique psychanalytique, il existe une tendance à considérer les patients comme des personnalités constituant un tout, des personnes entières ayant des difficultés psychologiques situées dans ce qu’on nomme souvent des « parties » de la personnalité. Décrire un sujet entier chez qui on conçoit la pathologie comme une composante secondaire d’un tout global ne correspond pas à la façon dont je considère personnellement la psychodynamique de la psychose. Selon mon point de vue, le phénomène que j’observe est la conséquence d’un état psychique à fragmentations multiples et d’une lacune dans la personnalité dus à l’activité omnipotente quasi autonome de l’organisation pathologique. Le type de patients décrits dans cet article se rencontre rarement, sinon jamais, en tant que personnalité entière présentant une perception manifeste et cohérente de leur propre personnalité. Ce type de patients déclare se sentir aliéné, persécuté, possédé, surhumain, sans valeur, paralysé, suicidaire ; ils peuvent être pathologiquement dépendants d’un sentiment de grandiosité, de fantasmes sexuels ou d’activités à risques ; ils ne font que rarement l’expérience de se sentir une personne entière ou d’être en possession d’une capacité de pensée fiable. Ils n’entreprennent une analyse qu’en cas de force majeure, lorsque leur vie bascule sous des difficultés écrasantes, parfois pour poursuivre des traitements antérieurs, ou parce qu’ils sentent qu’il leur est impossible de continuer à vivre ainsi par crainte de ce qu’ils pourraient se faire à eux-mêmes. De plus, on observe que leur soumission et leur allégeance au diktat de l’organisation psychotique restent inébranlables. La véritable signification de la maladie du patient n’apparaît clairement que lorsqu’on parvient à démasquer les formes de coercition exercées sur le psychisme non psychotique du patient grâce à la confrontation avec l’analyste. Les tentatives d’intégrer la pensée psychotique au sein d’une façon de penser plus saine risquent d’échouer et, selon mon expérience, peuvent même accroître fortement le risque d’attaques psychotiques. Le travail analytique avec ces patients fait appel à la capacité d’imagination de l’analyste pour établir des liens entre les angoisses névrotiques communiquées par le patient et l’influence déshumanisante provenant de leur « grand patron » psychotique ; il s’agit de « rêver » ces liens avec le patient (Ogden, 2007), un travail de triangulation dont le but est de différencier les peurs humaines de leurs contreparties exagérées, psychotiques. Cela requiert un travail contre-transférentiel d’une complexité considérable qui exige de l’analyste une attitude ouverte aux vécus d’angoisses névrotique et psychotique. Les patients dominés par des organisations pathologiques aboutissent fréquemment à des impasses et à des terminaisons prématurées du traitement ; cela résulte d’un effondrement de la perspective d’une triangulation par suite de l’ascendant exercé par la pensée psychotique, au point que les deux parties s’entremêlent dans une lutte duelle primitive. [Autrement dit, l’organisation pathologique tente d’écraser et de saper la pensée tierce – la triangulation – en séduisant et en contraignant la partie du Moi saine/ non-psychotique, de façon à ce qu’elle s’effondre et régresse au niveau d’une relation duelle primitive, rendant la croissance impossible.] Dans les vignettes qui vont suivre, nous allons illustrer et discuter d’un point de vue technique les manières dont nous pouvons parler à des patients souffrant d’être dominés par des organisations pathologiques.
Premier exemple clinique : M. A
7 Ce qui va suivre fait partie d’une séance avec un patient sous l’emprise d’une organisation narcissique gravement pathologique. Cet homme a été en traitement pendant 13 ans dont 10 ans à raison de cinq séances par semaine sur le divan (il s’est assis en face-à-face au début de l’analyse et par périodes), puis de quatre séances par semaine sur le divan durant les dernières trois années du déménagement de son analyste loin du domicile du patient, ce qui a entraîné des difficultés de déplacement. On aurait pu attribuer à M. A le diagnostic de trouble de la personnalité borderline s’il s’était tout d’abord présenté à une consultation externe en psychiatrie, et il pourrait y avoir une part de vérité dans ce diagnostic imaginaire parce que le fonctionnement de son Moi apparaissait lié à une rage et à une indignation qui interrompaient fréquemment le traitement. Il a fallu cinq ou six ans avant que M. A soit capable de commencer à parler de lui-même. Avant cela, j’ai assisté à des protestations indignées, des justifications et de la haine contre lui-même. Il dénonçait les banques, les compagnies, les gens riches, les gens pauvres, des immigrants, ses parents, ses voisins, quiconque l’offensait, y compris lui-même. Il se sentait grandiose et connaissant tout, comme un être supérieur qui méprisait les faiblesses de l’humanité, se moquant sans pitié des limites des gens, en particulier de son analyste. Il lisait énormément pour stimuler son intellect, mais seulement les auteurs célèbres. Il s’intéressait à Freud et appréciait la psychanalyse en tant que système conceptuel ; néanmoins, il considérait que le traitement psychanalytique, en particulier celui que je pratiquais, était un signe de faiblesse d’esprit, de curiosité malsaine et d’arrogance. Mon patient se voyait lui-même comme un génie ou un demi-dieu, possédant une infinité de dons et de talents. Pourtant, occasionnellement, il se ressentait aussi comme un imbécile stupide et sot.
8 Il était le quatrième de six enfants, né dans une famille catholique de classe moyenne avec une mère s’occupant du ménage, déprimée et en retrait, et un père maître d’école dominateur. Le père venait d’une famille nombreuse et plusieurs membres de sa parenté vivaient dans le voisinage. Le patient avait le souvenir d’une maison envahie par des adultes et des enfants qui saccageaient les alentours, se bousculaient les uns les autres dans une atmosphère d’excitation et de compétition malsaine. Autrement dit, une vie dont la routine quotidienne était chaotique du point de vue du patient, mais sociable et amicale du point de vue de son père. Mon patient se sentait souvent comme un chien de spectacle qui essayait de concurrencer les démonstrations effectuées par des chiens plus grands que lui. Il ne se sentait pas proche de sa mère bien qu’il éprouvât de la nostalgie envers elle. Quant à son père, il le sentait indisponible, distant et aguicheur. Lorsque le patient atteignit l’âge de 7 ans, son père fut atteint successivement de deux attaques cérébrales graves et décéda après avoir été hospitalisé. La famille n’a jamais parlé de cet événement ; il semble qu’on ne lui ait jamais dit non plus ce qui était arrivé et il n’avait pas été réconforté. Isolé dans une maison surpeuplée, il se retira dans un monde interne privé, soutenu par des sentiments croissants de supériorité et de mépris envers autrui, convaincu de contrôler le monde dans lequel il vivait, ainsi que sa mère inefficace et déprimée. Il me raconta qu’après la mort de son père il n’eut plus jamais confiance dans les gens et pourtant, dans le même temps, il « prenait en charge » sa mère, ce qui signifiait pour lui examiner son humeur pour savoir comment attirer son attention. Il se racontait des histoires qui se passaient dans un monde d’aventures imaginaires avec des soldats, des armées, des exploits militaires et des batailles. Il commença à collectionner des effets militaires du Troisième Reich, dont il idéalisait les leaders. La famille s’effondra, sa mère déprimée devint incapable de faire face et cinq des six enfants furent envoyés en internat. Le patient comptait parmi eux et, durant les années suivantes, jusqu’à l’âge de 18 ans, il a été brutalisé sans pitié. Sur la base de l’adage « si tu ne peux pas les battre, rejoins-les » il adopta des manières brutales, une manière de les circonvenir. Il me rapporta que depuis l’âge de 6 ans, et peut-être même plus tôt, une voix dans sa tête dirigeait ses actions. Celle-ci ordonnait ce qu’il devait faire pour impressionner et se faire bien voir des autres, uniquement pour dire que lorsqu’il parlait aux gens ceux-ci le haïssaient et se moquaient de lui et traitaient ses dires de stupidités. Lorsqu’il se retirait et s’isolait, la voix condamnait son incapacité à se socialiser, l’obligeant à mener une vie d’humiliation s’il ne changeait pas son comportement. Devenu adulte, il occupa des emplois irréguliers, peu exigeants, où il se sentait toujours incompétent, alors qu’il estimait qu’aucun emploi n’était suffisamment bon pour lui. À l’âge d’une vingtaine d’années, il rencontra une jeune femme timide et agréable qu’il épousa plus tard, et le mariage a duré raisonnablement en dépit des difficultés qu’il rencontrait.
9 L’organisation pathologique de M. A réagissait avec violence lorsqu’il essayait de s’adresser à moi : M. A se soumettait au point de vue de celle-ci et hurlait contre moi et contre lui-même. Ces événements apparaissaient soudainement, comme une guerre totale qui se terminait par un silence glacial de sa part accompagné occasionnellement de sarcasmes et de mépris. Depuis le début, l’analyse avait été rapidement mise en accusation dans le but de la mépriser et de la charger de honte, et cela se terminait par un silence hostile. Après dix-huit mois de cris et de silences que je ne parvenais pas à modifier, car toutes mes tentatives de rompre les silences réactivaient les cris, je lui déclarais que ce comportement nous rendait tous les deux malades et que le travail analytique devenait impossible. Aussi, s’il ne devenait pas capable de contrôler ses tirades, nous devrions penser à arrêter l’analyse. Cependant, il pourrait néanmoins tenter de rester calme et d’attendre d’avoir quelque chose à dire s’il se sentait contraint de crier : dans ce cas nous pourrions continuer l’analyse. S’il ne parvenait pas à s’empêcher de crier pendant les séances, il devrait quitter la séance et revenir le lendemain ; alors nous pourrions essayer de continuer à nouveau. Je sais que c’est une approche de travail inusitée que de demander au patient de ne pas dire ce qui lui vient l’esprit ; mais, à ma surprise, il accepta et cela parut apporter un certain soulagement. Les choses changèrent un peu dans la mesure où il est devenu davantage capable de parler sans se lancer dans une tirade. Son mépris glacial persista mais, à deux occasions seulement, il eut besoin de sortir de la séance après s’être remis à hurler. La diminution des cris lui permit de prendre mieux conscience de la complexité de ses réponses : il lui devint possible de s’interroger sur les motifs de ses rages au moment où il se fâchait au lieu de succomber immédiatement à une montée d’indignation qui empêchait de discuter de sa colère. Une capacité à distinguer entre plainte et tyrannie commença à émerger : bien que limité, un espace apparut dans lequel il était possible d’observer ses difficultés et d’en parler occasionnellement, conjointement à une capacité accrue de ne pas reculer immédiatement lorsqu’il était assiégé par l’organisation pathologique. La vignette suivante n’appartient pas au début de l’analyse mais à une séance située plusieurs années plus tard, lorsque M. A devint davantage capable de me parler de ses besoins et de ses sentiments, et après avoir pris conscience qu’il s’opposait de manière répétée à ses besoins, à ses désirs et à ses sentiments.
10 M. A : Bonjour.
11 Analyste : Bonjour. [2-3 minutes de pause].
12 M. A : [sur un ton plat] Je ne sais pas ce qui se passe aujourd’hui. Je ne suis pas sûr d’être capable de parler. On est en train de me dire que je n’ai rien à dire, vous devez vous ennuyer de m’entendre année après année. Je suis fatigué de ma manière de faire ce que je fais depuis si longtemps. Rien n’a changé. [Le ton devient de plus en plus agité.] Je suis si stupide.
13 A : Quelque chose s’est passé : il semble que vous connaissiez déjà avant la séance ce que je ressens à votre sujet de sorte que l’explication de vos difficultés devient si évidente que ce n’est pas la peine d’en discuter : vous êtes stupide …
14 M. A : Je SUIS stupide [colère]. Vous ne le voyez pas ? [Pause] Je pense que ça doit avoir affaire avec la dernière séance, je m’étais senti mieux après que nous ayons parlé, ensuite très triste. Le week-end a été difficile. Lorsque nous avons dit que je me sens très désespéré par rapport à ma mère incapable d’accepter quoi que ce soit que je lui dise, cela a pris sens. C’était terrible. C’était quelque chose comme être toujours seul, l’attendre et elle n’est jamais là. Mon père non plus n’était jamais disponible. Je me souviens comme il était dur de parler avec elle alors qu’elle semblait vide, elle me frappait pour me chasser comme si j’avais la peste et je continuai à tourner autour d’elle pendant des années comme robot. Je me suis senti triste hier après-midi, et la nuit dernière j’ai eu un rêve horrible. J’étais dans une maison pareille à celle dans laquelle nous vivions lorsque j’étais jeune. Le téléphone a sonné et l’appel venait d’un homme appartenant à une compagnie qui m’emploie de temps à autre. Je ne comprenais pas mais il lisait quelque chose au sujet de sa compagnie qui avait fait faillite, et je ne serai pas payé : maintenant, le contrat entre nous devenait inutile et je ne pourrais plus revenir en arrière. Dans le rêve, je paniquais : je pensais que nous allions nous retrouver à la rue. Je me réveillais terrifié et je me rassurais auprès de Jane [son épouse] mais elle déclara que tout était en ordre, que c’était juste un mauvais rêve. Je ne pouvais pas émerger de ce qui se passait, même après lui en avoir parlé et j’ai dû lui téléphoner ce matin. [Pause.] On me dit qu’on ne veut pas entendre cela, combien de fois on me l’a déjà répété auparavant … mais ces choses SONT ainsi. Si je perds mon travail nous allons tout perdre. [Pause.] Je devrais arrêter cette psychanalyse et épargner l’argent. Je la suis depuis trop longtemps. Jane travaille dur … nous ne profitons jamais de l’argent que nous gagnons ni d’avoir du temps ensemble. [Le ton devient froidement méprisant.] N’est-ce pas raisonnable de vouloir arrêter un traitement après tellement de temps ?
15 A : Je pense que ce qui se passe a pour but de faire monter en spirale le manque de contrôle à l’intérieur de vous et entre nous de manière à éviter de reconnaître les signaux d’alarme et de déclencher la haine de soi. Cette histoire de catastrophe qui nous est si familière vise à nous faire croire, vous et Moi, que tout est vrai, immédiatement. Je suspecte que cela arrive au moment où nous nous apprêtions à penser à la chose la plus importante dont vous m’aviez parlé hier : hier, vous vous êtes senti mieux et ensuite très triste. Vous avez éprouvé de la compassion pour le petit garçon perdu et en détresse, incapable de parler à sa mère, un garçon en manque d’aide et de compréhension, et seulement ensuite vous avez éprouvé des sentiments de tristesse et senti que vous, et lui, étiez stupide et inutile. Et aussi que j’étais fâché contre vous parce que vous vous sentiez apparemment ennuyeux et que vos véritables sentiments s’étaient perdus.
16 M. A [fâché] : Les choses SONT terribles. Vous ne répondez pas à la question que j’ai posée. Le travail est devenu difficile et pas seulement dans ce pays. Qu’est-ce qui EST faux dans mon désir d’arrêter ? C’est que je ne peux pas continuer ainsi pendant des années. Nous n’obtiendrons rien de plus ! Pouvez-vous voir cela ?
17 A : Je pense que l’enfant en vous – on pourrait nommer ainsi vos plus profonds besoins – cet enfant doit être tué parce que vous éprouvez des besoins et désirez recevoir de l’aide de ma part. Si vous avez besoin de moi, quelqu’un est présent mais vous pouvez le perdre ; naturellement c’est ce qui vous effraye. Vous n’êtes pas censé prendre ce risque, c’est pourquoi vous devez rompre avec moi, rompre avec vous-même et avec quiconque. Partir et se retirer. Alors vous serez en sécurité en vous-même et l’histoire continue.
18 M. A : Je sais cela [Il crie brièvement, mais ensuite il parle d’une manière plus décousue, plus désespérée que ne le rapporte ma retranscription.] Je ne peux pas TOLÉRER cela ! Je ne peux pas le faire. C’est sans espoir. J’en suis malade. Vous ne m’écoutez pas. Pour qui vous prenez-vous ? Vous m’imposez votre point de vue et je reste dans l’ignorance … vous vous appelez analyste ? Je pense vraiment que je devrais arrêter. [Il est fâché, en larmes et enragé, puis il tombe en silence pendant 10 minutes. Je pense que c’est en partie pour se conformer à notre accord d’éviter de succomber au besoin de crier. Je sens qu’il tente de rester présent, bien qu’en même temps il se montre méprisant sous la pression de rester coupé et en lutte avec quelque chose qui le bouleverse.]
19 J’ai parlé à Jane. Elle a dit que bien que la situation soit difficile, les chances que je perde mon travail et que les choses tournent de manière désastreuse sont probablement très faibles. Son travail est sûr. Je ne sais pas que penser.
20 A : Il est difficile de savoir que penser [courte pause.]
21 M. A : Oh, c’est sans espoir. Aujourd’hui, c’est sans espoir. Lorsque vous ne me parlez pas, je me sens sans espoir et ça me rend furieux. Pour l’amour de Dieu ! Pourquoi devrais-je réagir contre de telles stupidités ?
22 A : Vous souhaitez davantage qu’une réponse, ainsi ce que je dis vous semble signifier un refus de répondre ou peut-être l’évidence de mon incapacité de répondre, comme une mère déprimée, indisponible. Vous essayez de m’atteindre pour cesser de vous sentir isoler ; vous vous sentez momentanément mieux, ensuite vous devenez soudain anxieux comme si cela ne devait mener nulle part parce qu’on vous dit de sentir que je ne réponds pas, de la même manière que vous avez ressenti si souvent la même chose avec votre mère. Alors la colère surgit comme si je vous avais abandonné [pause].
23 M. A : Je vois. C’est comme si c’était ma mère. Ce n’était pas comme ça lorsque cela arrivait. C’était réel.
24 Je pense que cette vignette illustre les intentions de l’organisation pathologique de M. A. Il est contraint de se déconnecter et de se retirer dans un monde narcissique sous la pression d’ordres impitoyables, surtout lorsqu’il éprouve le besoin d’être compris et secouru de manière humaine, une situation qui était bien pire au début de l’analyse où il était essentiellement réduit à crier ou à garder le silence. Sa rage envers moi et autrui ne renfermait aucun espoir de changement pour lui et envers ses objets : c’était le résultat d’un ordre de détruire les liens avec les objets et sa rage était le moyen d’y parvenir. Lorsqu’il est devenu davantage capable d’établir une distinction entre, d’un côté, chercher à s’isoler et, d’un autre côté, ressentir des besoins et des préoccupations plus légitimes, il a pu commencer à parler un peu de sa terreur d’être considéré comme un criminel lorsqu’il se plaignait ouvertement – un criminel qui voudrait détruire pour toujours les liens fragiles avec les objets qui le maintiennent en vie. L’origine névrotique de l’angoisse de se ruiner lui-même a commencé à pouvoir être pensée, en même temps que les tempêtes internes déclenchées par l’organisation pathologique qui cherchait à empêcher que penser se réalise.
Deuxième exemple clinique : M. B
25 M. B, un patient dont je supervise le cas et qui est en analyse sur le divan quatre fois par semaine, paraît être à première vue un individu plus ouvertement psychotique. Il est l’aîné de deux enfants d’un père maniaco-dépressif et d’une mère déprimée et confuse ; ses parents ne semblaient pas présenter des intentions malveillantes mais, submergé par leurs perturbations pathologiques personnelles, il est devenu un homme excentrique, préoccupé par lui-même et il a fini par présenter des symptômes psychotiques. Âgé d’une vingtaine d’années, il avait tenté de se suicider par overdose et il fut hospitalisé durant une longue période au cours de laquelle il reçut un traitement psychiatrique et psychothérapeutique. Encore fragile à sa sortie de l’hôpital, il avait entrepris une analyse et, après plusieurs mois d’angoisse et de confusion extrême, il avait commencé à s’installer dans la routine. L’équipe hospitalière avait été préoccupée de sa suicidalité ; mais son consultant hospitalier avait confiance dans le fait que, si on ne le laissait pas seul trop longtemps, s’il était suivi par l’unité psychiatrique extra-hospitalière et si on lui offrait la compréhension psychanalytique dont il avait besoin, il serait peu probable qu’il se suicide. M. B est un écrivain de talent dont le travail avait été perturbé pendant des années par sa maladie, immobilisé qu’il était par la violence de son auto-dévaluation. Ce qui va suivre est un bref extrait d’une séance située tôt dans son analyse qui illustre son niveau élevé d’angoisse et de répugnance envers lui-même. Les intervalles signalés entre les phrases parlées sont hautement significatifs et constituent autant d’interruptions chargées de confusion ; il possédait une façon particulière de s’arrêter après chaque affirmation puis de retrouver le courage de continuer à parler.
26 M. B : Il y a tellement … je ne sais pas par où commencer … la chose est … tout a commencé … arrivé à rien … j’ai ressenti … [Furieux] … c’est trop … [Commence à sangloter] … je ne peux plus supporter d’être avec Julie [petite amie] … [Regarde d’un côté, crie en direction du plancher] ARRÊTE ESPÈCE DE STUPIDE, FOUTU IDIOT, ARRÊTE VA TE FAIRE FOUTRE … VA TE FAIRE FOUTRE, STUPIDE [Très agité].
27 A : Vous êtes très fâché et il vous est difficile de me parler. Vous me dites ce que vous alliez lui dire, combien c’est difficile de vivre ensemble.
28 M. B [regarde de nouveau d’un côté, crie] : VA-T’EN ! … VA TE FAIRE FOUTRE ! … Je lui ai dit … je lui ai dit … à propos de l’époque où je me sentais heureux … avec Carole … plus rien n’a été comme cela ni avant ni après … Julie m’a dit qu’elle n’a jamais été heureuse de sa vie … je lui ai dit que j’étais désolé … je suis allé à la maison de mes parents … vous voyez, je n’ai rien … elle s’en va et j’aimerais qu’elle revienne … c’est difficile … [Il hurle : « je suis un foutu pathétique ! ! Va te faire foutre ! ! ! »] Elle s’en va … j’aimerais qu’elle revienne … tout est de la merde … rien ne marche … [Murmure quelque chose qui ressemble à « espèce de bâtard enculé ! »] … J’étais dans la chambre de mon frère … il n’y avait pas d’autre chambre … le tableau de Carole était là … je me rapprochais … même lorsqu’il fait sombre la lumière luit sur la surface de la peinture … je me rapprochais … j’ai vu sa signature … j’ai vu la date … il y a 10 ans … [il pleure] … disons je n’ai rien fait … rien … je n’ai pas d’imagination … les gens produisent des choses … je n’ai rien produit … [Regarde de côté.] VA TE FAIRE FOUTRE ESPÈCE D’ENCULÉ ! LAISSE-MOI SEUL, VA FAIRE FOUTRE ! !
29 A : Vous êtes fâché et vous éprouvez des sentiments mélangés au sujet de Julie, de Carole, de vos parents, mais je pense qu’il y a quelque chose de tyrannique tout proche, quelque chose qui est sans compassion pour la douleur que vous ressentez.
30 M. B : Je sais que c’est la … je sais ce … [Pause.] La chose et que je ne veux pas être seul … Moi et être seul … [Sanglotant] … ESPÈCE DE FOUTU IDIOT !
31 La façon dont M. B parle, malgré la violence verbale intrusive et le sadomasochisme, est davantage liée à un objet que ne l’est l’expérience intérieure de
32 M. A. De son côté, M. B est aussi visiblement hors de lui et fâché, mais ses sentiments par rapport à ses pertes et à la souffrance sont davantage palpables et il peut les exprimer de manière un peu plus ouverte. Les aspects psychotiques pseudo-schizophréniques qui avaient diminué au cours des deux dernières années, semblent être liés à une figure interne intrusive qui le rend furieux de cette interférence et le rend fou. Le but de cette dernière est de le forcer à se mettre en retrait, mais son autorité n’est pas aussi grande que la figure tyrannique qui déclenche le détachement si froid et si inhumain de M. A. En ce qui concerne M. B, il est déprimé, plein de haine et profondément déçu par ce qui lui est arrivé. Son organisation pathologique à prédominance sadomasochiste paraît avoir pour but, entre autres choses, d’épargner aux objets l’impact de sa haine pour éviter de s’isoler. Par contraste, l’organisation pathologique de M. A promeut activement l’isolement, fabriquant un espoir d’une intense qualité délirante. Quant à M. B, il épargne ses objets par crainte de se perdre lui-même dans un monde narcissique ; il manifeste également une tendance à l’idéalisation, à la falsification et au masochisme.
33 Voici une autre brève vignette clinique tirée d’une séance de M. B située trois ans après le début de son analyse.
34 M. B : J’ai été contrarié toute la journée. Je ne peux me souvenir de rien. Ma mémoire est en pièces. Je hais cela. Je vais plus mal. Je sens que je suis en train de glisser vers la dépression. Plus rien ne fait sens. Je me sens perdu. Ne pas me rappeler les choses, c’est vraiment m’enfoncer. [Pause.] Jeudi dernier a été un désastre. Lorsque c’est arrivé, je n’ai pas pu écrire un seul mot. C’était comme si je n’avais jamais rien écrit auparavant. J’ai oublié tout ce à quoi j’avais pensé antérieurement. Quelqu’un que je connais m’a dit que j’étais distrait depuis des semaines. Je sens que je suis comme quelqu’un qui s’éloigne de toutes choses. Je ne peux plus supporter cela. Autant que possible j’essaye de faire ainsi : penser à un complot, préparer, esquisser des choses, toutes choses supposées accroître ma propre capacité à faire les choses sacrément justes : mais pourquoi ça ne marche pas ?
35 A : Quelque chose en vous veut à tout prix détruire votre potentiel et vos réalisations.
36 M. B : Je ne veux pas tout détruire. A : Naturellement vous ne voulez pas, mais quelque chose en vous tente de le faire. Qu’est-ce qui arrive, pensez-vous ?
37 M. B : Peu importe ce que je fais, tout est déjoué, chaque chose tourne mal, et ensuite je sens comme si je m’en allais.[Longue pause.] J’avais peut-être dans l’idée qu’il suffisait que je fasse que les choses aillent mieux, mais en retour on s’en moque et on sabote tout.
38 A : Vous voulez dire conclure un accord selon lequel vous ne réussirez jamais, que tout ce qui grandit en vous doit être interrompu ?
39 M. B [fâché] : Putain que c’est frustrant. Terrible. Je n’ai aucune pensée qui ait du sens, je ne peux même pas rassembler une phrase, je suis incapable de comprendre ces putains de choses. [Longue pause.] J’ai écouté hier un morceau de musique qui m’a ému : un simple passage musical et j’ai commencé à écrire une idée, c’était bien et soudain tout est devenu vide. C’était une idée qui aurait dû se développer et aller de l’avant, mais elle a disparu comme si elle avait été volée.
40 A : Dès que vous commencez avoir du plaisir de vivre quelque chose, c’est comme si vous la sentiez se perdre, elle vous est retirée, mais en réalité je pense c’est que vous ne vous autorisez pas le droit de prendre plaisir en quoi que ce soit. Spécialement lorsque le plaisir est sensuel. [Longue pause.]
41 M. B : Cela ne s’est jamais passé autrement. Papa voulait savoir quel était le but final, comment chaque chose devait réussir mais il n’y avait ni but ni quoi que ce soit qui prenne sens, tout cela était dans son esprit. Je tentais de suivre quelque chose qui ne procurait pas de sens. Cela ne marchait jamais lorsque j’essayais d’aller là où il pensait que je devais être. Je ne sais pas ce qu’on attendait de moi. Rien ne faisait sens.
42 A : Lorsque vous écrivez tout ça prend sens pour vous. Mais ce qui ne fait pas sens pour vous c’est la manière dont cela est détruit.
43 M. B : Je hais la manière dont les choses se contaminent. Ma mère avait toujours des idées à double sens. Elle pensait que le sexe était attirant, dégoûtant, un soir elle avait essayé de dire à mon frère quelque chose à ce sujet, c’était de ne pas s’engager avec des filles lorsque mon frère à peine adolescent commençait juste à sortir. Elle transmettait à mon frère le message qu’il y avait quelque chose de dégoûtant au sujet des filles et à son propre sujet. J’ai vu rouge ! Mais je ne parviens pas à agir de mon propre chef. Je ne pouvais pas résister à ma mère lorsqu’elle était comme ça avec Moi, mais pour une quelconque raison j’ai réagi contre elle lorsqu’elle a parlé ainsi à mon frère. Je ne suis pas fier de l’avoir attrapée par le collet et de l’avoir avertie de ne plus jamais dire quelque chose de pareil — j’aimerais me souvenir maintenant ce qu’elle a vraiment dit. Elle ne l’a jamais reproduit. Et, ce soir-là, j’ai cassé une chaise en mille morceaux. Je n’en suis pas fier non plus. [Pause.] Je haïssais ma mère. Tellement de foutues choses, la manière dont mon père se conduisait, sa folie, les efforts constants de ma mère pour comprendre le double sens dans chaque chose. Combien c’est difficile de travailler cela. Je hais tout ça.
44 Les deux vignettes de M. B montrent que son retrait est une tentative de contrôler son agressivité envers sa mère et son père dans le but de ne pas les détruire – son pire fantasme. Sa rage n’était pas du genre évident et sans pitié comme celle de M. A, mais davantage une colère dirigée contre les objets avec une teinte d’amertume qui venait de son désir que son père puisse changer son comportement impossible et que sa mère montre davantage d’amour. La rage de M. B envers son père était tempérée par le fait de savoir que celui-ci n’était pas ouvertement cruel, bien que ce père le rendît fou avec ses exigences centrées sur ses propres préoccupations. Le tourment que son père lui infligeait consistait en une idéalisation intrusive de son fils et dans les idées qu’il lui imposait. M. B se sentait méconnu, frustré, furieux et finalement désespéré de ne pas pouvoir trouver de solution. Ce qui a entraîné une confusion significative par rapport à ses pulsions sexuelles envers ses deux parents. M. A avait également besoin de protéger ses objets (de son self « criminel » et des actes de vengeance qui, imaginait-il, s’ensuivraient), mais il était parvenu à éliminer tout contact humain : jusqu’à présent, peu ou pas de signes d’une vie sexuelle se sont manifestés au cours de l’analyse de M. A.
Conclusion
45 La discussion de l’analyse de ces deux patients vise à illustrer certaines activités propres aux organisations pathologiques internes et, dans les cas ci-dessus, celles-ci suivent deux lignes différentes qui correspondent à deux formes différentes de psychopathologie sous-jacente. De plus, il a été important de découvrir la manière dont on peut parler de ces activités et les différencier des angoisses non psychotiques. M. A est aux prises avec une organisation narcissique grave pour laquelle l’anéantissement du besoin d’objet est au premier plan ; cette organisation suscite une terreur omnipotente de l’isolement avec pour conséquence une rage paranoïde et narcissique, de sorte que le contact avec de bons objets internes se réduit, ce qui l’expose d’autant plus à la toute-puissance d’une organisation perverse, psychotique et narcissique. Le sadisme de M. A semble être une activité secondaire, un moyen pour lui de réduire, en fantasme, l’angoisse psychotique, tandis que le but primaire est l’élimination du contact avec l’objet et de l’émotion en excès. Il n’est pas facile d’amener une personne dont la pensée a été usurpée à vivre une expérience de triangulation. Cela demande à l’analyste d’accepter des ruptures psychotiques discordantes et dérangeantes sans se laisser submerger par elles ou envahir par leur impact émotionnel ; en même temps, il s’agit d’imaginer comment utiliser les moments de fonctionnement névrotique à partir desquels on peut permettre à des réactions extrêmes d’évoluer. Si de telles expériences peuvent être vécues en fantasme dans le psychisme de l’analyste, il devient alors possible de discuter de manière convaincante avec le patient de ce qui le fait se sentir fou. Avec M. A, il a été utile de parler simultanément en termes de besoins non psychotiques et de tentatives de les contrecarrer psychologiquement en se référant aux objectifs poursuivis par une activité de l’organisation pathologique qui échappe au contrôle conscient du patient. Compte tenu de l’activité des fantasmes contre-transférentiels décrits ci-dessus, l’analyste a pu utiliser sa curiosité interprétative « orientée phénoménologiquement » pour accéder à la personnalité non psychotique de M. A. Ce sont les interprétations portant sur les craintes du patient en rapport avec sa haine qui ont semblé enflammer l’organisation pathologique, nettement plus que les tentatives pour établir des liens entre les événements – les tentatives du patient d’exprimer un besoin, suivies d’une violente opposition psychotique. Ces craintes possédaient une haute valence émotionnelle et étaient rapidement distordues par l’organisation pathologique sous forme d’une condamnation psychotique du patient envers moi. [L’organisation défensive créait des distorsions et m’attribuait cette action destructrice, l’analyste, afin de s’interposer davantage entre le patient et moi.] Lorsqu’on a tenté de créer une perspective triangulaire dans laquelle le psychisme non psychotique du patient pouvait s’identifier en se montrant curieux et impartial envers les événements psychotiques, le patient a pris davantage conscience du degré d’absurdité et d’irrationalité généré par la virulence de l’organisation pathologique ; il en a été parfois ému. Il a davantage ressenti ses peurs de rejet, sa rage narcissique et son effondrement dépressif qui, imaginait-il, surviendrait s’il acceptait de ressentir les besoins et les pertes. Au cours de ce processus, on a observé une légère diminution des réactions imposées par les condamnations de l’organisation pathologique, ce qui selon moi résultait d’un accroissement de l’investissement psychique de la réalité des relations d’objet. La demande qui avait été faite antérieurement à M. A d’arrêter de crier était fondée sur une idée semblable : plutôt qu’avoir posé une exigence qui aurait pu être confondue avec l’autoritarisme de l’organisation pathologique, je me suis adressé à son psychisme non psychotique, sur un pied d’égalité, en lui demandant de prendre en considération les conditions nécessaires à permettre le bon déroulement de l’analyse : se remettre à crier annulerait ces conditions. [Je cherchais à m’adresser ainsi d’une manière « démocratique » à une personne qui pensait aussi raisonnablement que moi-même, afin d’atteindre la partie non-psychotique de son psychisme capable de penser en dehors de conditions contraignantes.] M’adresser en langage ordinaire à son psychisme non psychotique m’a permis d’accroître suffisamment son intérêt et sa préoccupation pour lui-même pour qu’il accepte de me laisser faire, même s’il estimait cela difficile. À aucun moment il ne m’a adressé le reproche de le lui avoir demandé, ce que j’ai pris comme étant particulièrement significatif chez une personne depuis toujours adonnée à des reproches compulsifs. Il est probable que l’espoir promis par l’accès à la triangulation lui a permis d’avoir confiance dans le processus et, d’une manière implicite, d’éviter de succomber à l’oppression psychotique et de nous mettre, moi et la psychanalyse, au bénéfice du doute. Peu à peu, j’ai pu apprendre que M. A hallucinait un passé criminel et qu’il avait toujours été sur le point d’être soupçonné par les autorités d’avoir tué quelqu’un, d’être condamné à perpétuité, humilié et couvert de honte. Sa « raison d’être » [2] était devenue une lutte contre la menace d’être découvert en éliminant son côté humain et celui d’autrui. Après plusieurs années d’efforts douloureux pour parvenir à différencier la pensée non psychotique des buts de l’organisation pathologique, l’aspect suicidaire et la soumission à un objet partiel psychotique de M. A a pu se mettre à la disposition du travail analytique.
46 M. B souffre essentiellement d’un état dépressif avec quelques traits narcissiques parmi lesquels une haine non résolue envers les objets indispensables et aimés ; cette haine a donné naissance à un contrôle sadique des objets, à un retrait par rapport à autrui et par rapport à ses propres besoins, sans toutefois anéantir complètement le contact avec l’objet et les émotions comme dans le cas de M. A. Lorsqu’il a été possible de s’occuper des peurs de M. B, en particulier dans le registre de ses tendances masochistes, la tolérance à son agressivité s’est accrue, sa dépression a diminué et il a recommencé à écrire. Il a pris conscience de la manière dont son développement sexuel avait été entravé par son échec à gérer ses sentiments agressifs. À un certain moment, M. B a raconté que les interruptions de son discours (qui ont fini par céder, comme on peut l’observer dans la seconde vignette) ressemblaient à ses peurs à l’égard du sexe : exprimer des phrases entières et pleines de sens était « trop excitant ». Par une curieuse ironie, M. B se présentait d’une manière beaucoup plus désorganisée et psychotique que M. A qui semblait davantage contrôlé, capable de se contenir par lui-même et de prendre ouvertement en charge sa propre existence. En réalité, M. A a succombé à la pensée psychotique bien davantage que M. B, un fait qui n’est devenu clair que lorsqu’est apparue la véritable nature de la crise des relations d’objet ainsi que l’activité de l’organisation pathologique qui lui correspondait.
47 Cet article suggère que la tâche principale de l’analyste avec de tels patients vise à rendre intelligible la communication en établissant une distinction – dans le transfert et le contre-transfert – entre les appels non psychotiques de patient incapable de parler pour lui-même et les distorsions systématiques, psychotiques, visant à déformer ses appels en les présentant comme autant de catastrophes à venir. Il s’agit d’une tâche exigeante, en particulier lorsqu’on est confronté à de graves perturbations narcissiques, et compte tenu des pressions sur le Moi pour qu’il s’identifie au point de vue psychotique de l’organisation pathologique. Lorsque le comportement plus dépressif ou le sadomasochisme sont davantage élaborés du point de vue émotionnel, le travail du transfert et du contre-transfert s’en trouve moins entravé. Cet article suggère également que ce qui peut être utile techniquement pour l’analyste consiste à acquérir en soi une compréhension aussi complète que possible des différentes manières du patient de communiquer, psychotiques et non psychotiques, et de transmettre cette compréhension de manière à ce que le psychisme non psychotique du patient la reçoive dans un esprit de curiosité et de préoccupation. En procurant des expériences de triangulation à la partie saine du patient qui se sent fou ou qui vit avec quelqu’un de fou, et en vivant leur impact sur les relations avec l’analyste, il devient possible de créer un espace ouvert qui permet une investigation conjuguée des vécus clivés du patient. [« Polarized splittings » désigne en anglais un type particulier de clivage visant à tenir le traumatisme hors de la conscience.] Avec le temps, il devient même possible pour le patient d’observer progressivement la nature de l’investissement qu’il ou elle a effectué dans sa vision délirante des relations et des émotions, et de poursuivre ainsi un processus douloureux de dégagement par rapport à la pseudo-protection offerte par l’organisation pathologique.
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Mots-clés éditeurs : organisation pathologique, narcissisme, angoisses psychotiques, sadisme
Mise en ligne 01/08/2016
https://doi.org/10.3917/lapsy.151.0097Notes
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[1]
Article paru sous le titre : « Orientations of psychotic activity in defensive pathological organizations ». Int. J. Psychoanal. (2014) 95 : 423-440. Traduit de l’anglais par Jean-Michel Quinodoz, relu par Luc Magnenat et par l’auteur. Plusieurs sous-titres et des précisions importantes [passages en italique et entre crochets] ont été apportés par l’auteur à la traduction française.
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[2]
En français dans le texte.