Couverture de JALMALV_139

Article de revue

Joseph naufragé

Pages 31 à 40

Notes

  • [1]
    Dix ans plus tard, je me souviens parfaitement du prénom et du nom de sa mère, quand j’ai oublié une foule de choses plus ou moins importantes de ma propre vie.
« Il avait un toucher d’une extrême sensibilité et les notes s’envolaient, aussi aériennes que les perles de clarinette de Barney Bigard dans la version de Duke. Colin s’était assis par terre pour écouter, adossé au piano cocktail, et il pleurait de grosses larmes elliptiques et souples qui roulaient sur ses vêtements et filaient dans la poussière. »
L’écume des jours , Boris Vian

1 Il y a dix ans j’étais psychologue en Ehpad. J’ai gardé une mémoire très vive de ce temps passé auprès de chacune des personnes que j’ai rencontrées. Parmi elles, je me souviens de Joseph, musicien de 85 printemps, bel homme échappé des films de Godard et de Truffaut, même gueule, même allure. Une élégance du tonnerre. Je l’ai suivi durant sept mois en psychothérapie, me rendant plusieurs fois par semaine dans son logement. Joseph est mort maintenant et depuis longtemps. Et que reste-t‑il de ces heures avec lui ? Son visage m’apparaît de plus en plus brouillé, ses traits ayant fondu à mesure des années. Voyons, il avait des yeux gris, des yeux de ce gris délavé d’homme âgé, de grandes oreilles plates, des ongles ronds et striés, quelques taches brunes sur les mains et des cheveux clairsemés mais toujours bien peignés. Des détails, de lui il ne me reste que des détails et un paquet de notes précises, prises avec l’application d’une débutante. Alors, dix ans plus tard m’est venue l’idée de porter Joseph au jour d’une autre écriture, celle de l’après-coup, et de tenter de préciser quel a pu être notre travail face à l’imminence de sa mort. Ce qui m’amène à proposer ce témoignage sur l’accompagnement au soir de la vie, vie ici lentement – mais avec tant de violence – grignotée par une démence frontale.

My old flame (Billie Holiday)

2 J’aime d’emblée le tombé de son pantalon, le pli soigneux de son col de chemise, les raies du peigne en corne dans ses cheveux et cette façon obstinée de me tenir la porte, jusqu’à la fin de faire ce geste de me tenir la porte.

3 – Après vous.

4 – Monsieur B. ?

5 – Monsieur B. ! Non mais est-ce que je suis vieux au point de m’appeler Monsieur ?

6 Il fait mine d’en plaisanter et chasse l’idée d’un revers de main comme on retoque la réalité d’une grande claque. Il n’a pas l’air d’y croire de toute façon, à la vieillesse.

7 – Non, non, non. Appelez-moi Jo.

8 – Pourquoi Jo ?

9 – C’est mon nom de scène, de musicien. Jo, les amis m’appelaient Jo.

10 – Vous êtes musicien ? Quel instrument ?

11 – J’ai commencé par l’accordéon.

12 Il se lève, se plante devant la vitrine qui trône au milieu de sa chambre, pointe le doigt sur son petit musée personnel et me fait signe de venir voir.

13 – Là, ma carte de visite, voyez.

14 La carte de visite fonctionne ici comme une image du concept d’« identité narrative » forgé par Paul Ricœur, c’est-à‑dire ce qui de nous demeure et change au fil du temps, matière malléable qui nous permet de nous sentir exister continûment et de partager notre expérience, de nous raconter à un autre. C’est donc une image, la carte de visite, qui engage le dialogue, amorce la rencontre.

15 Je lis la carte, en apprécie le côté suranné ; l’écriture est fine, soignée, tracée en boucles. Le papier est épais, de belle qualité et j’imagine agréable au toucher.

16 – Ah oui. C’est vous. Joseph B., accordéoniste.

17 – L’accordéon ! Mon père en jouait. Il m’a appris, très jeune. Et puis je me suis lancé.

18 Il dit cela les yeux brillants, emplis de fierté, petit garçon lancé dans le pas de son père.

19 – La musique alors… C’est ma vie. Je suis toujours musicien professionnel, là vous me demandez de faire un concert, je le fais. J’ai joué partout, dans le monde entier, d’abord l’accordéon puis le saxophone. J’allais d’une ville à l’autre sans arrêt, avec les copains… Vous jouez d’un instrument ?

20 – Du piano, enfin plus maintenant. Je prends des cours de saxophone cette année mais c’est difficile, le souffle…

21 – Ah oui, ça, le souffle. C’est un truc à prendre.

22 – Pas sûr que je le trouve !

23 – D’abord l’anche, le placement sur l’anche, très important. Une respiration…

24 Il ferme les yeux, sourit. Je m’interroge sur la place que je viens occuper, psychologue ou jeune apprentie face à un maestro ? En ai-je trop dit, qu’importe : je ne vais pas jouer aux rois du silence.

My favorite things (John Coltrane)

25 Joseph s’assombrit, change de registre.

26 – Alors ça y est, c’est ça, les vieux on les met en cage ? Ah pauvre…

27 – Votre accent, vous venez du Sud ?

28 – Oui, j’ai passé toute mon enfance à Cannes. Mes parents venaient de Corse, nés en Corse comme tous ceux avant eux. Ma mère… Des Corses, que des Corses quoi. Mais pas moi. Moi je suis de Cannes, c’est ma ville. Même si je n’y vis plus depuis longtemps. J’irais bien marcher sur la… Comment on dit déjà ? Ah pauvre, pauvre, comment ça se fait que… !

29 – La Croisette ?

30 – Bien sûr la Croisette, je l’avais là, là sur le bout de la langue.

31 Il tire la langue, s’agace, prend sa tête entre ses mains.

32 – Mais ça ne vient pas. Pffit, ça fuit.

33 – Oui. Peut-être ça revient ?

34 – Au bout d’un moment, ça revient, ça peut revenir, ça dépend.

35 – La musique, c’est du jazz alors ?

36 – Le jazz. Toute ma vie le jazz. J’ai joué avec les plus grands.

37 Il détaille des photographies encadrées au mur. Je vois Joseph en noir et blanc, souriant, portant costume, entouré de légendes de la musique. Il est lui-même sacré « un des meilleurs sax’ de sa génération » sur une coupure de presse.

38 – Grapelli. Là. Stéphane Grapelli. Vous connaissez Stéphane Grapelli ?

39 – Oui… De nom.

40 – Il est mort ?

41 Je reçois sa question comme une gifle, il me regarde, il attend, il me faut lui répondre.

42 – Je crois, je crois qu’il est mort.

43 – Mais oui. Bien sûr qu’il est mort. Comment j’ai pu…

44 – On oublie parfois ce qui fait mal.

45 – C’était mon ami. Il était là… Il est mort, ils sont tous morts. Je suis le seul survivant ! Vous avez vu ? En bas j’ai bien remarqué moi, à table ils sont où tous les hommes ? Il n’y a que des femmes ici, ils sont tous morts les hommes ?

46 – C’est vrai il y a davantage de femmes.

47 – Elles vivent plus longtemps.

48 – Oui, en général.

49 – C’est les chiffres hein.

50 – Les statistiques.

51 – Ah, pauvre. La vieillesse est un naufrage, vous savez qui disait ça ?

52 – Aucune idée !

53 – Le général de Gaulle. Il disait : « La vieillesse est un naufrage », cet homme avait déjà tout compris. Tout compris ! Un jour parlant de moi vous direz : j’ai rencontré un naufragé.

54 Je pense au porte-avion, aux radeaux, à la brasse coulée. Je frémis avec lui.

55 – Ça fait peur.

56 – Ah oui. Sans déconner je suis le seul survivant ? Marilyn, vous connaissez Marilyn, Marilyn comment déjà ?

57 – Une Marilyn que vous connaissiez ?

58 – Non ! Mais ! Mais tout le monde la connaît !

59 – Ah ! Marylin Monroe !

60 – Voilà. Elle est morte elle ?

61 – Oui, il y a longtemps.

62 – C’est fou. Tout le monde meurt, ça tombe comme ça, comme… des mouches. Pan !

63 Je m’accroche à une branche, n’importe laquelle ce sera cette phrase de Duras « la mort d’une mouche c’est la mort ». Le réel cogne. Je sens que je me défends, faut que ça cogite. On y va, ensemble, mais à reculons.

64 – Et là, c’est qui ?

65 – Ma mère…

66 C’est une photo de voyage, et sa mère dessus sourit. Il fait beau, elle porte des lunettes de… mouche, comme je les appelle, de grandes lunettes rétro aux verres fumés. Il prononce le prénom et le nom de jeune fille de sa mère, le répète plusieurs fois, le chante d’une façon particulière, triste, mélodieuse, forme de psalmodie. Avec délice d’abord, comme si une bouchée de gâteau ou un morceau de nuage fondait dans sa bouche puis avec douleur quand le son s’achève. Il m’évoque Albert Cohen dans Le livre de ma mère (1954) et cette courte phrase, dichotomie déchirante : « Amour de ma mère, jamais plus. » [1]

67 De jour en jour, Joseph lentement se défait, de plus en plus tout glisse et lui échappe : les noms, les mots, les visages. Des premiers temps de la rencontre où Joseph déployait une « identité narrative » souple et plurielle pour la partager avec moi, nous arrivons à un temps où ses processus de pensée se rigidifient, signe qu’ils s’abîment. De fait, les troubles mnésiques gagnent du terrain, le trouent comme un gruyère.

68 L’équipe l’entoure davantage, prête attention à des petits détails qui peuvent adoucir son quotidien. Par exemple, il y a souvent la radio branchée sur TSF jazz quand j’entre chez lui, les soignants veillent à allumer le poste pour lui.

69 – Du jazz ! Votre vie !

70 – On allait partout vous savez, dans le monde entier… On allait de ville en ville, il y avait des femmes… Des avions… On buvait… Qu’est-ce que c’était… ! C’était ma vie. Et maintenant je suis là. Ah, pauvre.

71 – Vous voyagiez beaucoup. Où êtes-vous allé, quels pays ?

72 – Je… Oh, heu, je… C’est… partout !

73 – Partout alors ! En France, en Europe, en Amérique ?

74 – Oh oui, Amérique ! Tout le temps par ci, par là… Ma femme…

75 – Votre femme ?

76 – Oui. Ma femme. Elle a…

77 Il fait le geste de casser quelque chose entre ses mains.

78 – Elle a quoi ?

79 – Vous savez, quand on… Quel mot ? Vous voyez la photo là ? Notre mariage ! C’est pas ça… Elle est belle. Elle est pfiout… C’est ma femme.

80 – Elle a divorcé n’est-ce pas ?

81 – Oui. Enfin, c’est ma femme.

82 – Qu’est-ce qui s’est passé ? Pourquoi elle… ?

83 Il me souffle cet aveu, sa main courbée en porte-voix, il me le dit comme s’il parlait d’un autre que lui.

84 – Il paraît que j’étais coureur. Les avions… Les femmes…

85 – Ah.

86 – Ouais. Bof.

87 Il secoue la tête, hausse les épaules en faisant la moue comme si cette explication ne lui convenait pas, ne le convainquait qu’à moitié, « coureur » lui, lui vraiment ? Énoncé délié. Souvenir d’un étranger. Je pense : combien de temps s’est écoulé depuis le départ de sa femme, quarante ans ? Et combien de rencontres amoureuses, charnelles, sans doute heureuses, a-t‑il vécues depuis ? Tout cela s’est envolé. Au soir de sa vie, je suis témoin : parmi toutes, ne reste que sa femme.

88 Alors il y a sa mère, et sa femme, et la femme que je suis, assise face à lui. Une femme qui lui rappelle celles qui ont compté. Un témoin avec qui éclairer des traces, cet objet clef avec qui relire notre vie, objet dont parle Michel de M’Uzan dans le travail du trépas (1977).

Autumn leaves (Miles Davis)

89 Joseph sort de moins en moins, reste dans sa chambre, voire garde le lit. Sa chambre donne sur une haie d’arbres touffus, l’horizon est bouché, ce qui le fait râler jusqu’au désespoir.

90 – Je suis complètement seul. Je suis là, ah pauvre, je vis dans le désert, dans le silence le plus total. Ici il n’y a que le silence.

91 Ce silence effroyable, n’est-ce pas le silence qui se fait en lui, qui le creuse à mesure ? Autrefois il vivait de musique, aujourd’hui aucun air ne lui revient. Il me dit :

92 – Vous savez, on ne peut pas être et avoir été.

93 – Et pourtant…

94 Je fais le signe que nous sommes là.

95 Joseph me montre encore souvent les photographies accrochées aux murs mais peu à peu il ne se souvient plus des noms, alors je les lui dis en tâchant de les prononcer ainsi qu’il le faisait, tout en lui donnant l’impression que ces noms venant maintenant de moi continuent à venir de lui.

96 Je pense ici au tiers-narrant dont parle le philosophe Johann Michel (2016), cette fonction de « mandataire », non de « protagoniste » précise-t‑il ; et ce point est essentiel car il s’agit en effet de rester à sa place de simple témoin avec qui éclairer les traces, pas de se prendre pour, ni de chercher à incarner le souvenir. Le transfert nous apprend à se reconnaître ombre de l’objet perdu mais ombre seulement. Mandataire donc qui peut permettre qu’il y ait « une suite éthique à la crise de soi dès lors que la vulnérabilité narrative de soi appelle l’hospitalité de l’autre », un autre qui accueille le récit, le restitue, le transmet. Un tiers-narrant qui s’appuie certes sur les mots mais aussi sur leur musicalité, à l’image des premiers échanges entre le bébé et son environnement. Enfin, le passage ultérieur par l’écriture permet de recréer des mondes absents, engloutis, disparus, en veillant à retrouver leur singulière pulsation et donc, d’une certaine façon, de les rendre à la vie. Il y a là une qualité matricielle de l’écriture, pointée par Freud (1930) : « À l’origine, l’écriture était le langage de l’absent, la maison d’habitation, le substitut du corps maternel, cette toute première demeure dont la nostalgie persiste probablement toujours, où l’on était en sécurité et où l’on se sentait si bien. » Il m’est apparu à la fois singulier et évident, en tout cas bouleversant, que ce travail thérapeutique avec Joseph mobilise mes propres ressources du côté du maternel au moment d’affronter la mort. Cette fonction de raconter notre naissance et notre mort est en fait toujours dévolue à un autre nous rappelle Paul Ricœur car nous ne pouvons raconter nous-mêmes ces passages, ce qui contribue sans doute à renforcer le courant maternel, sa tendresse et sa violence, dans le transfert.

97 – Ça se détraque à l’intérieur, hein.

98 Il pose le doigt sur sa tempe et le fait tourner comme pour dire qu’il est yoyo, maboul, fêlé du bocal. Inutile de nier.

99 – Oui.

100 – Je perds les pédales complètement. Je ne suis pas moi. Je n’ai plus envie de rien, je dors tout le temps. Ah pauvre, je voudrais mourir d’un seul coup, CLAC.

101 En le regardant je pense au nénuphar qui cause la mort de Chloé dans L’écume des jours, aux murs qui rétrécissent et aux rayons de soleil qui se rétractent, je pense à la fleur de lotus qui tue les souvenirs dans le monde d’Ulysse, au pigeon du bout du couloir chez Süskind ou à la trop humaine blatte de Kafka, à toutes ces choses étranges et vénéneuses, obsessives et déchirantes qui lentement nous grignotent, nous dévorent l’âme et le corps.

102 Un des derniers jours je le trouve soucieux, l’air noir, visage fermé, sourcil froncé.

103 – Il y a des travaux partout, ça fait un bruit, ce bruit-là ! Vous entendez d’où ça vient, ce bruit épouvantable ! Tchak tchak boum.

104 Je suis sidérée de constater que ce tchak tchak boum dont il parle, c’est un morceau de jazz qui passe à la radio. Bientôt, tendant l’oreille, ce tchak tchak boum tchak mécanique entêtant implacable devient réel pour moi aussi : ce n’est plus le jazz, il a raison, c’est la mort.

105 Maintenant il perd jusqu’aux usages des choses. Le médecin coordinateur de l’équipe tranche : démence frontale, d’évolution rapide. Il ajoute : rare que ce soit aussi rapide.

106 Dès lors je trouve Joseph chaque fois plus enchevêtré dans des idées, des postures, des actions tristes et insensées. Par exemple, il dépiaute le cuir de sa ceinture, décide d’aller acheter des pommes avec ses clés ou bien il reste perplexe à l’idée que ses ongles repoussent et veut les arracher pour vérifier ou encore touche mes cheveux et me regarde fixement sans se souvenir de mon prénom.

107 Et puis la dernière fois, cela n’arrive jamais, cela arrive pourtant, je le rencontre vers 17 heures assis tout seul sur la terrasse, visage serein, corps reposé tranquille, occupé à regarder la lumière qui lui rappelle son Sud natal, me dit-il. Il tient le pommeau de sa canne et la mèche de ses cheveux se soulève un peu sous un vent léger. C’est une scène de toute beauté.

108 Quelques jours plus tard Joseph est emporté par une infection pulmonaire.

109 On dit que nous mourrons vraiment quand la dernière personne sur terre à se souvenir de nous disparaît à son tour. Dix ans plus tard, branchée sur TSF jazz dans ma cuisine, occupée à éplucher une litanie de carottes, j’entends sa voix.

Références

  • Cohen Albert, Le livre de ma mère, Paris, Gallimard, 1954.
  • De M’Uzan Michel, « Le travail du trépas », De l’art à la mort, Paris, Gallimard, 1977.
  • Duras Marguerite, Écrire, Paris, Gallimard, 1993.
  • Freud Sigmund, Malaise dans la civilisation, Paris, PUF, 1930.
  • Michel Johann, « Le vulnérable et le tiers narrant », Jusqu’à la mort accompagner la vie, Grenoble, PUG, 2016, p. 13-24.
  • Ricœur Paul, Soi-même comme un autre, Paris, Seuil, 1990.
  • Vian Boris, L’écume des jours, Paris, Gallimard, 1947.

Date de mise en ligne : 04/02/2020

https://doi.org/10.3917/jalmalv.139.0031

Notes

  • [1]
    Dix ans plus tard, je me souviens parfaitement du prénom et du nom de sa mère, quand j’ai oublié une foule de choses plus ou moins importantes de ma propre vie.

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