Notes
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Dont le manque de temps pour une prise en charge des personnes âgées à la hauteur des besoins : grandes difficultés, au point de manifester parfois dans la rue !
1Bénévole Jalmalv dans l’association du Morbihan depuis 10 ans, j’ai accompagné des patients en hôpital et actuellement, dans le cadre de conventionnements avec l’HAD et des réseaux de soins du secteur géographique de l’antenne, j’accompagne des patients à domicile. Au titre de l’agrément ministériel de la Fédération Jalmalv obtenu dès 2007, je suis également au nom de Jalmalv 56, investie dans la mission de représentation des usagers (RU). Et, de 2011 jusqu’en mars 2019, j’ai assumé la fonction de coordination d’une antenne de l’association. C’est à ce titre que je me propose de partager les réflexions qui suivent concernant d’une part, l’accompagnement des personnes âgées en Ehpad, de la demande initiale de signature de la convention à sa mise en œuvre et, d’autre part, quelques points de la problématique de l’accompagnement à domicile.
La démarche de conventionnement
La demande
2Dans le cas d’Ehpad non rattaché à un établissement de soins déjà conventionné en référence à la loi de 1999 visant à garantir le droit à l’accès aux soins palliatifs (unités de soins palliatifs et/ou détenteurs de lits identifiés en soins palliatifs), la demande est faite à l’association d’accompagnement, soit par le directeur de l’Ehpad, soit par le médecin coordonnateur des soins, soit encore par le président du conseil d’administration. Il est donc acquis que ces responsables quels qu’ils soient, connaissent l’association et ses missions. Ainsi, il est à noter que plusieurs demandes m’ont parfois été faites directement lors de réunions de Conférences de territoire, instance de démocratie en santé, devenue Conseil territorial de santé depuis la loi de 2016 avec la création de deux commissions, « santé mentale » et « commission de soutien à l’expression des usagers ». En effet, la mission que tout représentant des usagers exerce, si elle s’adresse bien à tous les usagers du système de santé, l’est pour autant bien exercée au nom de l’association agréée dans laquelle le bénévole RU est engagé et dont il/elle porte le badge, en l’occurrence ici Jalmalv. Par contre, il est exceptionnel que l’association soit en mesure de faire elle-même des propositions de conventionnements avec des Ehpad pour l’accompagnement de leurs résidents, non pas que les besoins n’existent pas dans tous les Ehpad et sont même parfois bien repérés et exprimés, mais en raison du nombre insuffisant de bénévoles dont elle dispose pour réaliser cet objectif.
Enjeu d’acceptabilité
3La demande initiale se manifeste, d’une part, parce que le mouvement Jalmalv ou l’association locale sont connus, ainsi que leurs missions dont évidemment celle contenue dans le titre même « Jusqu’à la mort, accompagner la vie ». Et, d’autre part, lorsque les valeurs de l’établissement sont en accord avec celles du mouvement Jalmalv. Ainsi j’illustrerai mon présent propos avec ce qui est écrit dans la présentation du groupe « Les Bruyères Association » (LBA) qui administre plusieurs établissements en France, dont un sur le secteur d’une antenne de Jalmalv 56.
4« Notre métier, notre mission : accueillir, accompagner et veiller sur les personnes âgées.
- Accueillir les personnes âgées dans un environnement confortable où elles puissent vivre libres, en toute sécurité,
- Leur proposer, ainsi qu’à leurs familles, un accompagnement, personnalisé et de qualité, adapté à leurs souhaits et leurs attentes, tel est notre métier,
- Veiller à ce que chacun des résidents devienne un membre essentiel de la résidence, bénéficiant de notre esprit de famille et considéré comme un être unique, adulte, citoyen et respectable, voilà notre mission.
6Le rôle de tous les salariés LBA consiste, avant tout, à faire en sorte que chaque résident « reste lui-même » à son propre regard et aux regards des autres, qu’il soit considéré comme un être humain à part entière, soutenu dans ses capacités à exprimer ses avis, ses envies, ses attentes et à pouvoir participer à ses choix de vie. Pour LBA, vieillir, c’est encore et toujours continuer à se construire, à évoluer et à surtout vivre… Chaque membre des équipes LBA interagit pour une finalité essentielle : contribuer au mieux-être de chacun des résidents ; ainsi, se révèle la dignité de la personne âgée, même en situation de fragilité. Préserver la personnalité des résidents et la faire respecter, voilà l’une de nos missions prioritaires. »
7Les valeurs sont ici très claires : personnalisation, respect, écoute de la personne âgée, qui révèle sans faillir sa dignité intrinsèque… difficile, nous en conviendrons, d’être plus en accord avec les valeurs de Jalmalv. Il est facile, par conséquent, d’honorer et d’accepter sans réserve une telle demande de conventionnement avec cet Ehpad du groupe LBA, puis de mettre en place un partenariat. Ainsi la demande, si elle peut être acceptée – à savoir, seulement quand il y a des ressources humaines disponibles pour les accompagnements, soit immédiatement soit à terme – est alors soigneusement étudiée par le conseil d’administration de l’association et le (la) responsable de l’antenne qui va suivre le dossier. Cette phase d’analyse de la demande permet parfois d’éliminer des sollicitations qui ne seraient pas faites pour de « bonnes » raisons, comme par exemple le souci prioritaire de l’établissement de « marquer des points » pour son évaluation annuelle par les autorités dont il dépend, puisque le conventionnement avec une association d’accompagnants bénévoles n’a là, dans le domaine médico-social, aucun caractère d’obligation légale.
Négociation de la convention : une concertation approfondie
8Afin de décrire les différentes étapes de cette négociation et, à titre de quasi-modèle, je me référerai à l’exemple de l’Ehpad administré par le groupe LBA, cité précédemment. Un premier contact a donc été pris avec la directrice et l’infirmière coordinatrice, suivi d’une visite de l’établissement. La résidence de ce groupe pour personnes âgées dépendantes, située dans un environnement urbain loin du centre-ville, est un établissement de vie de 69 logements et espaces communs répartis sur deux étages. Puis la directrice m’a fait part de ses desiderata, à savoir avant la signature de la convention avec Jalmalv 56, que tous les acteurs de la résidence – personnes âgées résidentes, leurs familles, administrateurs et professionnels soignants et administratifs – aient le même niveau d’information à propos de ce qu’était Jalmalv 56 : valeurs, missions et actions, et surtout rôle des accompagnants bénévoles, et qu’ainsi, aussi bien informés que possible, tous ces acteurs réunis puissent donner leur avis.
9Trois séances de présentation ont ainsi été planifiées sur une semaine à des moments différents de la journée : avant le déjeuner, le goûter et le dîner. Et pour chaque séance, après ma présentation, les participants qui le souhaitaient, résidents, familles, administrateurs et soignants ont pu, sur l’invitation de la directrice, réagir et poser des questions. Les résidents se sont globalement peu exprimés en grand groupe mais ils ont parfois été beaucoup plus diserts individuellement en toute fin de séance. Les familles ont posé des questions et souvent fait un bon accueil à cette future collaboration qui, leur semblait-il, pouvait être de nature à les soulager dans leur rôle d’aidants naturels parfois bien lourd et difficile. Les soignants eux-mêmes ont été favorables à cette future coopération, tout en ne manquant pas d’exprimer très pertinemment, avec une pointe d’amertume, que cet accompagnement d’écoute dont il est question, fait aussi partie de leur fonction et de ce qu’ils ont appris en formation… mais le temps leur manque pour faire mieux…
Signature de la convention et mise en œuvre
10Dans ces excellentes conditions d’interconnaissance de tous les acteurs partenaires et de négociation, la convention a donc pu être signée, avant même que des bénévoles ne puissent intervenir. Les affectations étaient conditionnées au retour prévu de bénévoles en pause et à la fin de la formation initiale pour la promotion en cours. Mais ils étaient déjà tous très intéressés et séduits par l’accueil réservé ici. Par la suite, leur présentation de et dans l’établissement a également été exemplaire : un après-midi autour du goûter avec documentation et visite de la résidence, rencontres et échanges avec les résidents qui le souhaitaient, des familles présentes et des soignants. Et, depuis sa mise en place il y a plus de six mois, l’excellence du partenariat ne se dément pas, ni du côté de la gouvernance de l’établissement comme des soignants, ni de celui des bénévoles concernés qui bénéficient de toute la confiance des professionnels, des résidents et des familles.
Conclusion provisoire à propos des accompagnements Jalmalv en Ehpad : le meilleur ou le pire
11En tant que bénévole Jalmalv et comme ex-coordinatrice d’antenne, au regard même de la fiche de poste de référence élaborée par la commission bénévolat de la Fédération, cette fonction conduit à :
- Répondre aux demandes de conventionnement faites par les établissements sanitaires prioritairement, et ce conformément à la législation en vigueur vis-à-vis des soins palliatifs, et de plus en plus souvent maintenant par les Ehpad, dernière demeure pour des personnes très âgées devenues dépendantes, voire souvent très dépendantes pour des raisons de handicap fonctionnel ou cognitif,
- Mettre en œuvre et pérenniser le partenariat signé et, nous pouvons l’affirmer, ici assez idéalement co-construit.
13Pour les Ehpad au sein desquels, chacun le reconnaîtra, les soignants sont actuellement en grandes difficultés pour différentes raisons [1], les nécessités d’une collaboration avec des associations d’accompagnement, sans jamais se substituer à une quelconque demande de service, sont évidentes. Pour autant, il arrive que dans certains Ehpad et autres établissements ou services de prise en charge de résidents très âgés et très dépendants, les difficultés des soignants soient telles, et l’absence de reconnaissance des accompagnants bénévoles voire leur quasi-ignorance par les équipes, soient telles aussi, que les bénévoles finissent par s’épuiser, se décourager et que parfois plus aucun ne veuille y effectuer d’accompagnement. C’est ainsi que, sans être dénoncées radicalement, des conventions sont parfois mises en standby le temps nécessaire pour parvenir à reconstruire un meilleur partenariat et reconstituer une équipe solide d’accompagnants bénévoles. Que ressentir alors à propos de la situation parfois dramatique de personnes âgées qui vivent dans ces structures ?
14Si ce n’est pas du tout le cas de la situation choisie ici en exemple, elle existe et, en tant que bénévole coordinatrice d’antenne, le constat est : « il pleut toujours où c’est mouillé ! ». En effet, dans le lieu de vie choisi en exemple, où tous les résidents âgés sont respectés, les bénévoles parfaitement reconnus dans leur rôle sont nombreux à souhaiter y être affectés.
15Mais demeure très préoccupante parfois la qualité de vie en établissement de certaines personnes très âgées, et/ou très vulnérables, stigmatisées, souffrant d’isolement et quasiment abandonnées – y compris des accompagnants bénévoles – alors, quel défi à relever pour Jalmalv ?
Répondre aux besoins d’accompagnement des personnes âgées à domicile
16En effet, pour faire bonne mesure, la question reste posée aussi par la coordinatrice que j’ai été, à propos de l’engagement des bénévoles dans l’accompagnement à domicile. Le cadre, ressenti comme beaucoup moins rassurant qu’au sein d’un établissement, fait qu’en général les bénévoles investissent moins ce type d’accompagnements. C’est actuellement vérifié pour l’association dans laquelle je suis bénévole. Or, le souhait des personnes âgées est de pouvoir rester chez elles le plus longtemps possible et, en l’état actuel, les moyens mis à disposition, notamment pour celles qui sont en perte importante d’autonomie, sont largement insuffisants pour offrir des conditions de vie correctes, en évitant que les aidants naturels s’épuisent… Mais les associations d’accompagnement sont-elles prêtes pour relever ce défi de l’accompagnement au domicile des personnes âgées seules et très fragiles qui vont être de plus en plus nombreuses dans les années à venir ? N’y a-t-il pas nécessité de s’y préparer très vite ?
17Il s’agit bien alors :
- d’identifier les freins des bénévoles pour l’accompagnement à domicile, et même pour tout le bénévolat actuellement ;
- de recruter et former, sans faire fi d’une mise en garde de Tanguy Châtel dans son intervention intitulée « Recrutement et engagement des bénévoles » à la journée mondiale de soins palliatifs le 12 octobre 2018 à Paris, à propos des exigences pour l’exercice de la mission, de savoir-être, de savoir-faire et de connaissances pour tous les bénévoles des associations d’accompagnement. « Le bénévolat, disait-il, est pensé de manière élitiste et professionnelle […] il y a eu privilège de la sécurité au détriment de la créativité. […] ne pas se priver de s’assouplir, a-t-il ajouté ! Et réorganisons nos cadres de pensée […] on a des besoins nouveaux […] il faut réintroduire une grande flexibilité […] au risque de la sécurité, peut-être ? Le bénévolat doit changer ; les associations doivent changer ; les fédérations doivent changer. Pour cela, a-t-il ajouté, il nous faut revenir à nos fondamentaux, à nos motivations premières, voire rester les pionniers avec la révolte, l’élan initial. Le mouvement s’est structuré, formalisé, c’est important certes, mais il s’est aussi énormément professionnalisé et la formation est parfois devenue lourde et longue. Ne serait-ce pas là déjà un des principaux freins au recrutement ? Enfin, et pour ne pas être seuls, il y a lieu de mettre en place des partenariats avec d’autres associations ou services investis auprès des personnes âgées et de mutualiser idées, ressources, savoir-faire et savoir-être. »
- et, plus généralement, de faire évoluer les mentalités à propos du vieillissement, de l’acceptation de chacun à vieillir, ce à quoi, accompagnant bénévole nous n’échappons pas ?
En conclusion…
19Certes, pour chacun où qu’il soit, domicile ou établissement, pour que vivent toujours les valeurs de dignité, respect de la vie, solidarité, et que les droits humains fondamentaux soient toujours respectés jusqu’à la fin de sa vie, le défi est considérable, la tâche importante ! Les associations comme Jalmalv disposent déjà du cadre juridique qui permet de jouer ce rôle. Est-ce qu’un cadre légal « renforcé », rendant par exemple leur présence obligatoire (comme pour les USP ou services avec LISP) dans les Ehpad auprès des personnes âgées les plus fragiles, en soutien des soignants les plus en difficulté, serait de nature à faire que la situation s’améliore ? Beaucoup de questions demeurent à différents niveaux mais gageons que nous aurons, ensemble et réunis, à la fois les ressources, les idées, le savoir-faire, et la volonté de réussir ce pari qui ne doit pas rester impossible.
Notes
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Dont le manque de temps pour une prise en charge des personnes âgées à la hauteur des besoins : grandes difficultés, au point de manifester parfois dans la rue !