1La sédation (réduction de l’état de conscience d’un malade induite par des médicaments) est une pratique aujourd’hui validée en soins palliatifs. Initialement considérée comme un effet indésirable éthiquement acceptable de traitements de symptômes pénibles (troubles respiratoires, digestifs, anxieux, douleur rebelle), elle est devenue en une quinzaine d’années un acte thérapeutique à part entière, étendant son indication à la prise en charge d’une souffrance insupportable liée à des symptômes dits réfractaires.
2Acte grave qui prive une personne de sa conscience, de sa capacité de communication, de relation, il a fallu l’encadrer par des recommandations de bonnes pratiques encourageant à un processus décisionnel préliminaire sollicitant des principes éthiques essentiels (autonomie, consentement, intentionnalité, équilibre bienfaisance / non-malfaisance, etc.).
3Le monde médical s’est saisi de cette alternative thérapeutique avec un usage de traitements sédatifs en fin de vie se banalisant, mais avec ambivalence entre réticence devant une conduite perçue comme pseudo-euthanasique et satisfaction d’accéder à une solution en apparence efficace pour soulager des patients en situation de souffrance rebelle.
4Cette pratique semble également apporter des arguments face aux inquiétudes sociétales liées aux représentations de la fin de vie et aux attentes fortes exprimées en direction du corps médical d’une meilleure prise en compte de la souffrance exprimée par les malades.
5Sur le plan politique enfin, la sédation a été une arme dans le débat autour de la nouvelle loi sur la fin de vie, comme alternative face à une volonté d’évoluer vers un droit à l’euthanasie et/ou le suicide assisté. Avec le compromis de faire apparaître de nouveaux droits pour le patient.
6Cette pratique de la sédation et l’évolution de la législation restent source d’un débat permanent tant dans la société, qu’au sein du corps médical en particulier des soins palliatifs. Au-delà des craintes sur le risque de glissement vers des conduites euthanasiques plus ou moins conscientes, la sédation pose un certain nombre de questions sur le plan éthique et philosophique.
7Ainsi, la question des limites s’impose d’elle-même en ce domaine : vie, sommeil, mort ; jouissance / souffrance ; sens du temps qu’il reste, fin de vie, fin de l’existence. Alors comment trouver un équilibre entre bénéfices et risques de la sédation au nom du principe de bienfaisance ?
8Comment la notion de souffrance rebelle se répercute-t-elle dans la relation de soin, dans le dialogue avec le malade, amenant à cette proposition de traitement ? Le fantasme d’une médecine toute puissante, y compris devant toute souffrance, réapparaît-il ici tant du côté médical que du côté du malade et de son entourage ?
9Il semble d’ailleurs intéressant de rapprocher la sédation, d’autres dispositifs comme les directives anticipées, visant à rassurer nos concitoyens sur les conditions de prise en charge de la fin de vie et d’en mesurer les enjeux.
10Du côté des soignants, quelle ambivalence dans l’intentionnalité de cet acte ? Dans sa proportionnalité ? Comment cette pratique est-elle vécue par les soignants ? Qu’éprouvent les médecins lors de ces prescriptions ?
11Enfin, comment continuer à accompagner une personne endormie et faut-il avoir peur que la sédation, comme moyen de soulager, devienne une fin en soi… ?
12En complément de la pédagogie nécessaire en ce domaine, et sans posture dogmatique, nous souhaitons encourager la poursuite de la réflexion sur des pratiques déjà en mouvement, dans une société qui change aussi. En poursuivant le questionnement, le dialogue…