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Article de revue

La politique agricole commune face à la question climatique : l’Accord de Paris change-t-il la donne ?

Pages 169 à 185

Notes

  • [1]
    Pour ce qui concerne cet article : Règlement « horizontal » (RH) : Règl. UE n° 1306/2013 du Parlement européen et du Conseil, 17 déc. 2013, relatif au financement, à la gestion et au suivi de la politique agricole commune et abrogeant les règlements (CEE) n° 352/78, (CE) n° 65/94, (CE) n° 2799/98, (CE) n° 814/2000, (CE) n° 1200/2005 et (UE) n° 485/2008 du Conseil, JO, n° L. 347/549, 20 déc. ; Règlement « paiements directs » (RPD) : Règl. UE n° 1307/2013 du Parlement européen et du Conseil, 17 déc. 2013, établissant les règles relatives aux paiements directs en faveur des agriculteurs au titre des régimes de soutien relevant de la politique agricole commune et abrogeant le règlement (CE) n° 637/2008 du Conseil et le règlement (CE) n° 73/2009 du Conseil, JO, n° L. 347/608, 20 déc. ; Règlement « développement rural » (RDR) : Règl. UE n° 1305/2013 du Parlement européen et du Conseil, 17 déc. 2013, relatif au soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) et abrogeant le règlement (CE) n° 1698/2005 du Conseil, JO, n° L. 347/487, 20 déc.
  • [2]
    RAC, Agriculture et GES : état des lieux et perspectives, sept. 2010 (http://www.rac-f.org/Agriculture-et-gaz-a-effet-de,1836).
  • [3]
    V. Factsheet, EU Agriculture and Climate Change, sept. 2015 (https://ec.europa.eu/agriculture/climate-change_fr). Notons qu’il existe de grandes variations d’un pays à l’autre.
  • [4]
    Selon et Euractiv, Agriculture and climate change: the role of the new CAP, 25-29 janv. 2016 (http://www.euractiv.com/section/all/special_report/agriculture-and-climate-change-the-role-of-the-new-cap/), « L’agriculture pourrait contribuer de manière importante à la lutte contre le changement climatique en jouant un rôle de siphon et en stockant du carbone dans la matière organique du sol et la biomasse… Les technologies de l’information pourraient aider les agriculteurs à réduire les émissions de GES de l’UE. Les drones sont l’une des technologies les plus prometteuses, car ils permettent par exemple de pulvériser des pesticides de manière plus efficace et ciblée. » V. aussi Factsheet, EU, 2015, op. cit.
  • [5]
    Euractiv, 2016, op. cit. : « Près d’un tiers des terres cultivées dans le monde est utilisé pour l’alimentation animale. Rien que dans l’UE, 45 % de la production de blé est utilisée pour nourrir les animaux. »
  • [6]
    « EU forests, for example, absorb the equivalent of nearly 10% of total EU greenhouse gas emissions each year. Land use and forestry – which include our use of soils, trees, plants, biomass and timber – can thus contribute to a robust climate policy » (https://ec.europa.eu/clima/policies/forests_fr).
  • [7]
    L’Accord de Paris a été ratifié en juin 2017 par 148 pays sur 197 Parties à la Convention (V. http://unfccc.int/portal_francophone/accord_de_paris/items/10081.php). L’UE l’a ratifié le 5 octobre 2016 (Décision (UE) 2016/1841 du Conseil du 5 octobre 2016 relative à la conclusion, au nom de l’UE, de l’Accord de Paris adopté au titre de la CCNUCC) et l’Accord est entré en vigueur le 4 novembre 2016. V. : http://eur-lex.europa.eu/content/paris-agreement/paris-agreement.html?locale=fr.
  • [8]
    Accord de Paris, art. 2.1.
  • [9]
  • [10]
    V. art. 4.1.
  • [11]
    V. art. 4. L’Accord de Paris fait écho à ces dispositions : V. art. 5.1.
  • [12]
    V. art. 4- Engagements 2.
  • [13]
    Sur la communication et l’actualisation des contributions, V. art. 4.1 et 7.9.
  • [14]
  • [15]
    En France par exemple pour les Pays et Territoires français d’Outre-Mer.
  • [16]
    « All greenhouse gases not controlled by the Montreal. »
  • [17]
    COP 17, 28 nov.-11 déc. 2011.
  • [18]
    SBSTA, Decision 2/CP.17.
  • [19]
    FCCC/SBSTA/2014/2.
  • [20]
    Bonn, 4-15 juin 2014.
  • [21]
    Sur les différents travaux « agricoles » du SBSTA :
    http://unfccc.int/land_use_and_climate_change/agriculture/items/8793.php. Sur la COP 23 : https://cop23.com.fj/about-cop-23/about-cop23/. Notons le point 5 Issues relating to agriculture à l’Agenda for the SBSTA 46 session Bonn, Germany, 8-18 mai 2017.
  • [22]
    Considérants (1) et (3), Règlement (CE) n° 74/2009 du Conseil du 19 janvier 2009 portant modification du règlement (CE) n° 1698/2005 concernant le soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader), JO L 30, 31 janv. 2009. Règlement 1698/2005, art. 16 bis et ANNEXE II proposant une « liste indicative des types d’opérations et des effets potentiels liés aux priorités notamment pour l’adaptation aux changements climatiques et leur atténuation. Pour la France, V. Programme de développement rural hexagonal, TOME 2, point 5.1.4, p. 335.
  • [23]
    Dans le droit dérivé européen concernant la PAC, la question climatique était jusqu’alors marginale ou anecdotique. V. l’article utilisé dans cette partie : L. Bodiguel, « Lutter contre le changement climatique : le nouveau leitmotiv de la politique agricole commune », Revue de l’UE, juil.-août 2014, n° 580, p. 414-426.
  • [24]
    I. Doussan, C. Hermon, Production agricole et droit de l’environnement, Lexis Nexis, 2012, p. 813-273 ; L. Bodiguel, « Une conditionnalité en bonne santé ! », Revue de Droit Rural, 2009, déc. 2009, n° 378, p. 17-23 ; Fiches conditionnalité : https://www1.telepac.agriculture.gouv.fr/telepac/html/public/aide/conditionnalite-2016.html.
  • [25]
    RH, art. 93 et 94. Comme dans le Règlement 73/2009, art. 4 et 6.
  • [26]
    RH, art. 93.
  • [27]
    Annexe II du RH.
  • [28]
    RPD, Considérant (26).
  • [29]
    RPD, art. 33.
  • [30]
    Des conditions spéciales pour les agriculteurs situés sur une zone Natura 2000 et les agriculteurs biologiques.
  • [31]
    RPD, art. 30.
  • [32]
    RPD, art. 31.
  • [33]
    RPD, art. 32.
  • [34]
    V. « Contexte de la proposition », RPD, p. 3 et 8. V. aussi RDR, art. 29-3.
  • [35]
    V. RDR, art. 31 et art. 34.
  • [36]
    Annexe V du RDR. Certains dispositifs de soutien agricole mentionnés à l’annexe V ne font pas explicitement référence au changement climatique et pour autant peuvent jouer un rôle : art. 23, 24, 29-8, 30, 31 et 35-3. Certains dispositifs d’aide ne font pas partie de la liste de l’annexe V du RDR, mais la diminution des GES ne peut pas être totalement exclue de leur champ d’action : RDR, art. 2q, 2r, 18-1d), 19, 20, 21, 36-2f).
  • [37]
    RDR, art. 22, 26, 27.
  • [38]
    Sur durée, v. RDR, art. 29-5 et 35-2.
  • [39]
    RDR, art. 29-2 et 35-1.
  • [40]
    Les auteurs s’accordent pour dire que l’UE promeut ainsi un instrument juridique particulier : le contrat. Toutefois, le RDR ne se réfère pas à la notion de contrat, mais d’engagement. D’autres formes juridiques d’acte sont donc compatibles avec la formulation européenne. En droit français, v. le débat général sur les mesures agri-environnementales : notamment J.-Fr. Struillou, « Nature juridique des mesures agri-environnementales : adhésion volontaire à un statut ou situation contractuelle ? », RD rur., nov. 1999, n° 277, p. 510-518.
  • [41]
    Ces engagements sont détaillés dans les plans de développement ruraux des État membres. Autres conditions : v. RDR, art. 29-3, 35-2 et 35-1. Sur les différents PDR, v. http://enrd.ec.europa.eu/home-page_en; nombre PDR et contenu : http://agriculture.gouv.fr/feader-la-politique-de-developpement-rural-de-lunion-europeenne-sur-la-programmation-2014-2020.
  • [42]
    COM (2010) 672, p. 3 ; art. 110 RH et 4 RDR ; V. aussi le premier des objectifs de la PAC : « accroître la productivité de l’agriculture » (art. 39, TFUE, version consol. 26 oct. 2012, JO 2012/C 326/01).
  • [43]
    V. note précédente.
  • [44]
    Application à l’agriculture du droit communautaire de la concurrence : RDR, art. 88.
  • [45]
    Ladite « Boite verte » de l’OMC, v. Accord agricole, notamment Annexe II, http://www.wto.org/french/docs_f/legal_f/legal_f.htm. Sur ce sujet, v. M. Cardwell, « European Union Agricultural Policy and Practice: The New Challenge of Climate Change », Environmental Law Review 13 (2011), 271-295 ; M. Cardwell, F. Smith, « Renegotiation Of The Wto Agreement On Agriculture: Accommodating The New Big Issues », International and Comparative Law Quarterly, Volume 62, Issue 04, October 2013, 865-898.
  • [46]
    RDR, Considérant (28) et art. 29-8 et 35-3.
  • [47]
    Sur les PSE, v. Actes du colloque « L’agriculture et les paiements pour services environnementaux : quels questionnements juridiques ? », IODE, Rennes, 25-26 oct. 2012, PUR, à paraitre déc. 2017.
  • [48]
    COM (2010) 672, p. 3.
  • [49]
    COM (2010) 672, p. 3 ; RDR, art. 4.
  • [50]
    V. PDRH version 7, p. 190 sur les BCAE. V. aussi I. Doussan, C. Hermon (2012), op. cit., 267-270.
  • [51]
    Voir évaluation 2015 de la PAC sur : https://ec.europa.eu/agriculture/evaluation_fr.
  • [52]
    L. Bodiguel, « Demander, adhérer ou se soumettre ou Du caractère polymorphe du "vouloir" en agriculture », Revue de droit rural, janv. 2016, p. 11-15.
  • [53]
    Sur cette notion, v. A. Langlais, « Les paiements pour services environnementaux, une nouvelle forme d’équité environnementale pour les agriculteurs ? Réflexions juridiques », Environnement et développement durable, 1er janv. 2013, p. 32-41 ; I. Doussan, « Les services écologiques : un nouveau concept pour le droit de l’environnement », in La responsabilité environnementale, C. Cans (dir.), Dalloz, 2009, p. 125 ; I. Doussan, C. Hermon (2012), op. cit., p. 277-282.
  • [54]
    V. L. Bodiguel, « Les alternatives aux pesticides au prisme du droit de l’exploitation agricole », in Ph. Billet (dir.), Les alternatives aux pesticides, L’Harmattan, à paraitre décembre 2017.
  • [55]
    D’autres modèles agronomiques pourraient être envisagés : agriculture biologique, durable…
  • [56]
    Art. L. 311-1 C. rur. pêch. mar.
  • [57]
    Art. 4, Règl. 1307/2013.
  • [58]
    L’agro-écologie est portée par des mouvements sociaux : Via Campesina (http://viacampesina.org/fr/) ; fondation Pierre Rabhi (http://www.fondationpierrerabhi.org/l-agroecologie.php). Pour une brève approche historique, N. Schaller, L’agroécologie : des définitions variées, des principes communs, Centre d’Études et de Prospective, Ministère de l’agriculture, 2013, Analyse n° 59, p. 1.
  • [59]
    V. aussi l’ouvrage de référence de M. Altieri, L’Agroecologie : bases scientifiques d’une agriculture alternative, Éditions Debard, Paris, 1986, 237 p.
  • [60]
    Rapport présenté à la 16ème session du Conseil des droits de l’homme de l’ONU [A/HRC/16/49], 8 mars 2011 ; V. http://www.srfood.org/images/stories/pdf/officialreports/20110308_a-hrc-16-49_agroecology_fr.pdf.
  • [61]
    Pour lui, l’agro-écologie repose sur cinq grands principes : la diversification (cultures et élevages) ; le recyclage ; la protection du sol (apport de matière organique) ; la limitation des pertes d’eau, de sol, d’énergie lumineuse et de diversité génétique ; la recherche de synergies entre les êtres vivants afin d’améliorer la fertilité et de lutter contre les nuisibles. V. Entretien avec M. Altieri : https://www.letemps.ch/sciences/2015/06/15/lagroecologie-seul-chemin-viable.
  • [62]
    http://agriculture.gouv.fr/agriculture-et-foret/projet-agro-ecologique ; M. Guillou (dir.), « Le projet agro-écologique : Vers des agricultures doublement performantes pour concilier compétitivité et respect de l’environnement », proposition au Ministre de l’Agriculture, mai 2013. p. 4, 6 et 87. V. aussi Rapport INRA pour le CGSP, H. Guyomard (dir.), Vers des agricultures à hautes performances (4 vol.), 2013.

1Avec la réforme de la Politique agricole commune (PAC) de 2013-2014 [1], l’Union européenne (UE) affiche la lutte contre le changement climatique et l’adaptation à ce changement au rang des objectifs principaux. Elle semble avoir finalement pris la mesure de la responsabilité de l’agriculture dans l’augmentation des gaz à effet de serre (GES).

2Vu la situation, il était sans doute temps : s’appuyant sur le quatrième rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIECC), le réseau action climat rappelle que 13,5% des émissions mondiales de GES serait d’origine agricole et que si « on combine les émissions directes de l’agriculture à celles du changement d’affectation des sols et de la déforestation qui lui sont souvent liées (17,4% des émissions mondiales), on arrive à la première source mondiale d’émission de GES. » [2]

3Au sein de l’Union européenne (UE), malgré une chute de 24% depuis 1990, l’agriculture reste responsable d’environ 10% des émissions européennes de GES. Elle génère plus particulièrement 40% des émissions de méthane ou CH4 (digestion animale et fumier) et 95% de la pollution par ammoniac (oxyde nitreux ou protoxyde d’azote, issu des engrais azotés minéraux ou biologiques) [3].

4La consommation de viande constitue donc la cause principale des émissions de GES agricole. Même si des efforts peuvent être réalisés au stade de la production pour baisser les taux de chargement et les intrants utilisés sur les surfaces agricoles destinées à l’alimentation du bétail [4], l’augmentation de la consommation mondiale de viande – que certains fixent à 76% d’ici 2050 [5] – risque d’aggraver le problème ; d’autant plus que la destruction de puits de carbone (arrachage des forêts [6] ; destruction de zones humides), notamment au bénéfice de la production agricole (alimentaire ou non), empêche de compenser ces émissions.

5Dans ce contexte, pour être efficace, la PAC doit influer sur l’ensemble des facteurs d’émission de GES : modalités d’élevage, conduite des cultures pour l’alimentation du bétail, protection et développement des puits de carbone (cultures et forêts).

6La réforme de 2013 est-elle suffisante à cet égard ? Permet-elle l’objectif ambitieux du récent Accord de Paris du 22 avril 2016 [7] qui souhaite « renforcer la riposte mondiale à la menace des changements climatiques en contenant l’élévation de la température moyenne de la planète et renforcer les capacités d’adaptation aux effets néfastes des changements climatiques. » ? Comment la PAC pourrait être modifiée pour mieux répondre à ces objectifs climatiques ?

7Pour répondre à ces questions, nous chercherons à comprendre en quoi l’agriculture est impliquée dans les discussions de la Conférence des Parties de la Convention-Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC) (I) et si l’actuel dispositif climatique de la PAC est à la hauteur de l’engagement international (II). Sur ces bases, nous envisagerons les voies de mutation de la PAC (III).

I – L’agriculture dans l’Accord de Paris

8À première vue, l’Accord de Paris semble laisser de côté l’agriculture. Les considérants et dispositions donnent plutôt à penser que l’agriculture constitue une sorte de secteur protégé : « Reconnaissant la priorité fondamentale consistant à protéger la sécurité alimentaire et à venir à bout de la faim, et la vulnérabilité particulière des systèmes de production alimentaire aux effets néfastes des changements climatiques. » La même idée est portée par l’article-cœur de l’Accord selon lequel l’action internationale ne doit pas menacer la production alimentaire [8]. Cette protection serait motivée, d’une part, par la fonction de l’agriculture – produire des aliments pour tous – et par la fragilité des systèmes de production même lorsqu’ils génèrent des émissions de GES. Dans ce contexte, on peut se demander si l’agriculture ne bénéficie pas d’un régime d’exception qui permettrait de l’exclure du champ des secteurs économiques concernés par l’Accord et de l’obligation de prévoir des mesures d’atténuation et d’adaptation du et au changement climatique.

9Une lecture plus approfondie de l’Accord de Paris et de la CCNUCC [9] ne milite pas en faveur de cette interprétation :

10D’une part, la CCNUCC range l’agriculture parmi les secteurs impliqués tant dans la politique d’atténuation que dans celle d’adaptation. L’article 4 dispose que toutes les Parties encouragent et soutiennent par leur coopération la mise au point, l’application et la diffusion de technologies, pratiques et procédés qui permettent de maîtriser, de réduire ou de prévenir les émissions anthropiques des GES non réglementés par le Protocole de Montréal dans tous les secteurs pertinents, y compris l’agriculture et les forêts. Les Parties s’engagent aussi à mettre au point des plans appropriés et intégrés pour les ressources en eau et l’agriculture.

11D’autre part, l’Accord de Paris promeut le maintien et le développement des puits de carbone dans le secteur forestier et agricole. L’agriculture peut y contribuer à double titre : en ne détruisant pas les zones constitutives de puits de carbone (forêt et zones humides en premier lieu) – mais aussi en développant des pratiques agricoles qui transforment le sol et les cultures en puits de carbone [10]. L’Accord de Paris se place ainsi directement sous le toit et dans le prolongement de la CCNUCC qui, dès 1992, avait mis les puits et réservoirs de GES à l’honneur [11].

12En outre, dans le prolongement de l’article 4.2 de la CCUNCC [12] et de l’Accord de Paris [13], les contributions nationales prévoient nombre de mesures concernant l’agriculture et la forêt. 142 pays ont enregistré une contribution à ce jour [14]. Les pays membres de l’UE ont déposé une contribution commune (en date du 5 octobre 2016 généralement) et certains pays, comme la France, ont ajouté un « complément » [15]. Après avoir rappelé que l’UE et ses États membres se sont engagés à réduire leur GES d’au moins 40% en 2030 par rapport à 1990, la contribution européenne circonscrit les gaz concernés [16] – dont les deux principaux émis par la production agricole (CH4 et N2O) – et précise les secteurs économiques qui doivent contribuer à l’effort collectif. L’agriculture, la forêt et les autres usages fonciers en font partie. Des précisions sont apportées quant aux domaines, pratiques et usages particulièrement visés. Fort logiquement, on y trouve la fermentation entérique et la gestion des épandages, les fertilisants et la gestion des sols agricoles, la gestion des cultures et des prairies, ainsi que la gestion forestière, la reforestation et le boisement. La généralité du propos frappe dans cette contribution : la liste n’est qu’indicative et il n’existe pas d’autres précisions que les gaz, secteurs et pratiques. En découle une interprétation téléologique du texte : ce qui compte, c’est l’objectif de réduction et toute mesure, toute innovation, qui peut y contribuer dans le champ concerné est opportune. En ressort aussi une grande autonomie des États membres dans le choix des mesures et du niveau d’action, sous réserve de respecter les engagements de coopération et les domaines de compétence de l’UE. Autrement dit, dans le domaine agricole et forestier, la compétence et l’action climatique seront partagées entre les États et l’UE.

13Enfin, il faut savoir que la Conférence des Parties réunie à Durban en 2011 [17] a décidé que la question agricole devait être mise à l’ordre du jour du Subsidiary Body for Scientific and Technological Advice (SBSTA) [18]. Cette décision a notamment abouti à un rapport [19] lors de la COP 40 [20] qui traite essentiellement des modalités d’adaptation de l’agriculture au changement climatique et requiert un approfondissement sur les systèmes d’alerte en cas de situation climatique extrême (sécheresse, inondations, glissements de terrain, tempêtes, érosion des sols et intrusion d’eau salée), sur la vulnérabilité des systèmes agricoles en lien avec le changement climatique, sur les mesures d’adaptation et sur l’évaluation des pratiques agricoles propres à améliorer la productivité de manière durable, la sécurité alimentaire et la résilience. Ce travail sera prolongé notamment lors du SBSTA 44 (mai 2016) et est à l’agenda de la COP23 à Bonn (6-17 novembre 2017) [21].

14Au regard de ces derniers développements, il est clair que l’agriculture n’est pas une exception ou ne bénéficie d’aucun cadre dérogatoire à l’engagement climatique des Parties à l’Accord de Paris. Les dispositions qui pouvaient y faire penser doivent donc plutôt s’analyser comme un principe de prudence : ne pas détruire la faculté de produire des aliments pour tous par le développement de nouveaux procédés ou de cultures concurrentes au nom de la diminution des émissions de GES, car la sécurité alimentaire ne pourrait plus être assurée. Ce principe relève d’ailleurs d’un considérant plus général de l’Accord de Paris selon lequel « les Parties peuvent être touchées non seulement par les changements climatiques, mais aussi par les effets des mesures de riposte à ces changements. »

15L’Accord de Paris propose donc un défi au secteur agricole et aux politiques agricoles, qui peut être illustré de la manière suivante :

figure im1

16Face à ce défi, la PAC est-elle déjà armée ?

II – La politique agricole commune actuelle : du « climat »… inter alia

17Pour l’essentiel, la PAC est un distributeur d’euros. Son budget annuel est d’environ 59 milliards d’euros, soit environ 38% du EU Budget. L’enjeu des orientations de la PAC n’est donc pas négligeable. Or, en 2013, poursuivant le processus engagé en 2009 [22], le législateur européen a innové en insérant la question climatique à tous les étages du système d’aides publiques agricoles (aides aux revenus et au développement rural) [23].

18Comment cette PAC fonctionne-t-elle et agit-elle en faveur du climat ?

A – La « PAC 2013 » : un système au service de l’enjeu climatique

19La PAC 2013 constitue un véritable système politique et juridique fondé sur deux types de comportements que les autorités européennes incitent à adopter : un « comportement standard » motivé par des aides de base et un « comportement volontaire » promu par des aides complémentaires. Á des fins d’efficacité, l’ensemble est encadré par des dispositifs de conseil et de contrôle.

figure im2

20Si les exploitants agricoles restent libres de demander ou non les aides de la PAC, dès lors qu’ils en demandent, ils sont contraints au respect de règles et de pratiques que l’on peut qualifier de socle minimum commun ou de « comportement standard ». Ce socle est composé de deux éléments : la « conditionnalité » et le « verdissement ».

21La conditionnalité des aides de la PAC relie le bénéfice des aides de la PAC au respect de « normes-seuil » imposées par l’autorité publique [24]. On y trouve des « exigences réglementaires en matière de gestion (ERMG) prévues par la législation de l’Union et des normes relatives aux bonnes conditions agricoles et environnementales des terres (BCAE) » [25]. Parmi celles-ci, la question climatique est omniprésente [26]. Sont par exemple visés le stockage du carbone (couverture minimale des sols), la lutte contre les émissions de GES agricole au travers des règles de protection de l’eau (bandes tampons le long des cours d’eau) et d’entretien des éléments de paysage (maintien des haies et des arbres) [27].

22Le « verdissement » ou greening ou « écologisation » du premier pilier de la PAC constitue l’innovation principale de la réforme proposée par la Commission en 2010. Ces « nouveaux » paiements directs aux « pratiques agricoles bénéfiques pour le climat et l’environnement » [28] (dits « paiements verts ») représentent au minimum 30% du plafond national annuel de chaque État membre [29]. Pour y avoir droit, les agriculteurs pétitionnaires [30] doivent « effectuer trois cultures différentes sur leurs terres arables » [31], « maintenir les prairies permanentes existantes de leurs exploitations » [32], et « disposer d’une surface d’intérêt écologique sur leur surface agricole. » [33] L’enjeu climatique est ainsi bien pris en considération par l’exigence de pratiques spécifiques, favorables au stockage du carbone et indirectement à la diminution de l’usage d’intrants de synthèse.

23Parallèlement au comportement standard, l’UE promeut un comportement volontaire, incite à « aller au-delà des normes » [34], c’est-à-dire au-delà des règles de conditionnalité et de « verdissement » [35].

24Le volontariat climatique se décompose notamment en une série de mesures « présentant un intérêt particulier aux fins (…) de la transition vers une économie à faibles émissions de CO2 et résiliente face au changement climatique dans les secteurs agricole et alimentaire et dans le secteur de la foresterie » [36]. On y trouve par exemple, des « investissements améliorant la résilience et la valeur environnementale des écosystèmes forestiers » qui « renforcent le caractère d’utilité publique des forêts ou des surfaces boisées de la zone concernée ou le potentiel d’atténuation du changement climatique des écosystèmes » [37].

25Toutefois, le volontariat climatique prend principalement appui sur deux mesures jumelles : les paiements « agroenvironnementaux et climatiques » (PAEC) et ceux pour les « services forestiers, environnementaux et climatiques » (SFEC) [38]. Diverses conditions préludent à l’octroi de ces aides [39], le point essentiel résidant dans le respect d’engagements « agroenvironnementaux et climatiques » [40] pour les PAEC et d’engagements « forestiers et environnementaux » pour les SFEC [41], tous soumis aux règles de la conditionnalité.

26Le système « PAC 2013 » combine ainsi récompense (l’aide) et respect des normes (conditionnalité ; verdissement). Théoriquement, il semble constituer un levier solide de sensibilisation et de mobilisation dans la lutte contre les GES d’origine agricole. Toutefois, il n’est pas sans faille et sans contradiction…

B – Les limites de la PAC 2013 : le climat parmi tant d’autres

27Quatre limites peuvent être successivement énoncées :

28Premièrement, l’enjeu climatique est particulièrement mis en avant dans les discours et les objectifs mais le modèle économique dans lequel il doit trouver une expression s’appuie toujours sur le triptyque croissance/productivité/compétitivité [42]. Or, même si elle est souhaitée « plus intelligente et durable » [43], cette logique de compétitivité internationale risque de ne pas toujours être compatible avec l’enjeu climatique. Il faut aussi souligner que la force juridique et pratique de l’objectif climatique de la PAC est limitée par le droit communautaire de la concurrence [44] et le droit de l’organisation mondiale du commerce (OMC) [45], qui, s’ils autorisent des aides environnementales, ne les permettent qu’à titre exceptionnel, dans le cadre de programmes institués, et pour des montants limités aux « coûts supplémentaires et pertes de revenus résultant des engagements contractés » [46] ; en d’autres termes, la rémunération du service climatique ou environnemental est en principe interdite par la loi [47]. Par conséquent, le renouveau climatique de la PAC est concurrencé non seulement par le paradigme économique sous-tendant la pensée de l’UE mais aussi par ses corollaires : les règles générales du commerce et de la concurrence.

29Deuxièmement, si le climat fait désormais partie du discours et des orientations de la PAC, il n’est que l’un des « bénéfices que les Européens sont en droit d’attendre d’une politique publique » [48], au même rang que la sécurité alimentaire, l’environnement, l’équilibre social et territorial, le renforcement de la compétitivité et de l’innovation [49]. L’enjeu climatique vient donc en concurrence avec d’autres enjeux tout aussi importants ; d’autant plus qu’ils participent souvent de la même enveloppe budgétaire. La force de cette éventuelle compétition entre les différents objectifs affichés doit être observée du point de vue pratique, mesure par mesure, en fonction des choix effectués pour la mise en œuvre de la réforme. Le climat est également en compétition avec d’autres problématiques environnementales, tout aussi importantes, qui bénéficient d’une antériorité (eau, zones humides, biodiversité…). Il en résulte une sorte de confusion politique et juridique. Pour éviter cette concurrence, la PAC suggère des mesures à effets environnementaux et climatiques multiples et simultanés, ce qui est loin d’être évident en pratique.

30Troisièmement, les intitulés des dispositifs de la PAC 2013 dissimulent parfois des mesures déjà utilisées par le passé pour d’autres objectifs environnementaux ; certaines pratiques promues au titre de la lutte contre les émissions de GES d’origine agricole ont déjà été proposées et utilisées (BCAE, rotation, prairies permanentes ; MAE…) [50]. De ce fait l’apport de la réforme 2013 n’est pas évident [51].

31Enfin, le volontariat climatique est à la fois la force, parce qu’il induit une certaine motivation, même opportuniste, et la faiblesse du système, puisqu’il exige le consentement [52]. Or, les aides ne rémunérant pas le service environnemental [53] mais essentiellement les surcoûts, l’importance de l’enjeu climatique peut ne pas être suffisamment perçue par les attributaires des aides au développement rural enserrés dans des logiques pragmatiques à court terme, ce qui pourrait les conduire à ne pas s’engager. En outre, dans le domaine des aides du second pilier, la peur des sanctions pourrait jouer contre l’envie de consentir. La clef réside donc dans le caractère suffisamment attractif des aides, autant que dans la détermination ou la motivation des exploitants.

32Vu les failles du système, il apparait nécessaire d’envisager une nouvelle mutation de la PAC pour renforcer l’impact de cette politique dans le domaine climatique.

III – Les voies du changement pour la politique agricole commune

33Pour répondre aux objectifs de l’Accord de Paris, comme d’ailleurs pour atteindre d’autres objectifs environnementaux, différentes voies de réforme de la PAC peuvent être empruntées. Elles peuvent être rassemblées autour de deux idées : continuer à intégrer ; opter pour la radicalité.

A – La continuité : l’intégration

34La première voie revient à systématiser le processus d’intégration en verdissant progressivement les deux piliers de la PAC, mais sans toucher à la structure du système 2013.

35La PAC 2013 a fait passer des éléments qui faisaient partie pour l’essentiel du second pilier dans le premier avec les pratiques agricoles bénéfiques pour le climat et l’environnement. En d’autres termes, il s’agissait d’un transfert du « comportement volontaire » souhaité par l’UE vers le « comportement standard », sans toutefois sanctionner les exploitants agricoles puisque ces pratiques n’ont pas été intégrées dans la conditionnalité mais ont fait l’objet d’un paiement spécifique complémentaire au paiement de base. Dans cette logique, l’idée pourrait être de faire passer tout ou partie des pratiques agricoles bénéfiques pour le climat et l’environnement dans le champ des BCAE et parallèlement d’intégrer de nouvelles pratiques écologiques dans les paiements verts, par exemple liées à la baisse des intrants ou à la réduction des émissions de GES. Le comportement standard des exploitants agricoles en sortirait renforcé : la conditionnalité deviendrait plus exigeante et les nouveaux paiements verts annonceraient les futures normes-seuils de l’UE. L’ensemble devra bien sûr être accompagné par des mesures de conseil adaptées.

36Les anciennes mesures structurelles, devenues aides au développement rural, ont toujours souffert d’un budget relativement faible qui a conduit, selon les époques, à un éparpillement des dépenses publiques ou à un rétrécissement des actions, l’inefficacité du dispositif étant souvent dénoncée. Par conséquent, le législateur européen pourrait poursuivre le mouvement de transfert budgétaire progressif du premier vers le second pilier de manière à rendre les mesures volontaires, climatiques notamment, plus incitatives. Ce premier mouvement pourrait être accompagné par un reformatage des dispositifs de manière à plus prendre en compte l’exploitation dans son ensemble, autrement dit à adopter une approche plus systémique. On pourrait ainsi avoir des dispositifs par type d’exploitation en fonction des choix agronomiques : « agriculture biologique », « agro-écologie », etc. – ce qui supposerait des définitions claires des systèmes et laisserait aux autorités locales des marges de manœuvre sur la mise en œuvre, ouvrant ainsi la voie à l’innovation. Cette évolution peut être pensée en complément de la première ou de façon alternative en fonction des effets sur le développement des exploitations agricoles.

37Ces mutations peuvent être représentées de la manière suivante :

figure im3

38Ces évolutions « douces » seront-elles suffisantes ? On peut en douter vu l’urgence climatique. Il faudrait peut-être suivre un chemin plus radical.

B – La rupture

39Pour rompre avec le système de la PAC 2013, deux chemins peuvent être expérimentés.

40À l’évidence, la rupture pourrait venir de la disparition du premier pilier au profit du second, conformément à l’esprit « système » que nous avons précédemment exposé. Il ne subsisterait alors qu’un seul pilier. Un tel changement ne se fera pas au seul bénéfice du climat mais de l’ensemble des enjeux environnementaux.

41La PAC pourrait alors être schématisée de la manière suivante :

figure im4

42Il existe cependant une autre façon d’envisager un changement radical de la PAC. Complément ou substitut de l’intégration environnementale, l’idée pourrait être de toucher au cœur de la PAC, à ce qui en provoque l’application [54] : tel qu’il résulte de la notion juridique d’activité agricole. Il s’agit donc d’agir sur la définition d’activité agricole afin d’y intégrer une dimension climatique et environnementale incontournable et de réserver le régime juridique spécial agricole et ses bénéfices à ceux qui pratiquent l’agriculture conformément à ce nouveau modèle juridique.

43Cette dimension peut être formalisée et imposée suivant au moins deux techniques. La première consisterait à rendre indissociable l’exercice d’une activité agricole de comportements favorables à la lutte contre le changement climatique ou à l’adaptation de l’agriculture au changement climatique. La seconde associerait l’agriculture à un modèle agronomique spécifique, adapté aux enjeux climatiques, par exemple l’agro-écologie [55].

44Concrètement, quelles pourraient être les formules employées ?

45Pour le savoir, nous suggérons de s’appuyer sur les deux façons de définir l’activité agricole que nous connaissons à ce jour : soit une formule générale faisant appel à l’idée de cycle biologique (Code rural français ou italien par exemple) ; soit une liste positive fermée (UE par exemple). Ainsi, en France, l’activité agricole correspond à la « maîtrise et l’exploitation d’un cycle biologique de caractère végétal ou animal et constituant une ou plusieurs étapes nécessaires au déroulement de ce cycle » [56] et au sein de l’UE, elle renvoie à « la production, l’élevage ou la culture de produits agricoles, y compris la récolte, la traite, l’élevage et la détention d’animaux à des fins agricoles » [57].

46Quatre options se présenteraient alors :

47- Première option : l’activité agricole correspond à la maîtrise et l’exploitation totales ou partielles d’un cycle biologique de caractère végétal ou animal, et concourt obligatoirement à la diminution et au remplacement des traitements phytosanitaires conventionnels, au maintien des infrastructures vertes des exploitations, à la diminution des émissions de GES et à l’amélioration de la qualité des eaux.

48- Seconde option, l’activité agricole correspond à la maîtrise et l’exploitation totales ou partielles d’un cycle biologique de caractère végétal ou animal, suivant des méthodes agro-écologiques.

49- Troisième option : l’activité agricole est composée de la production, l’élevage ou la culture de produits agricoles, y compris la récolte, la traite, l’élevage et la détention d’animaux à des fins agricoles, dès lors qu’elle concourt à la diminution et au remplacement des traitements phytosanitaires conventionnels, au maintien des infrastructures vertes des exploitations, à la diminution des émissions de GES et à l’amélioration de la qualité des eaux.

50- Quatrième option : l’activité agricole est composée de la production, l’élevage ou la culture de produits agricoles, y compris la récolte, la traite, l’élevage et la détention d’animaux à des fins agricoles, réalisés suivant les méthodes agro-écologiques.

51La référence à la pratique agro-écologique pose la question de son contenu car entre les mouvements militants [58], son expert le plus renommé [59] ou les institutions [60], les conceptions sont nettement différentes, voire opposées. Ainsi, si M. Altieri propose une série de principes relativement stricts [61], les « institutionnels » proposent une agro-écologie plus consensuelle, alliant les « dimensions économiques, écologiques, et sociales visant à mieux tirer parti des interactions entre végétaux, animaux, humains et environnement » et s’exprimant dans un contexte d’intensification de la production [62].

52À notre avis, tous ces choix ont leurs mérites et leurs limites qu’il faudrait étudier collectivement. Ils offrent tous l’avantage de changer effectivement le modèle d’exploitation et d’en organiser la transition. Ce discours n’est pas en soi révolutionnaire car, de notre point de vue, la radicalité n’est pas la révolution si le changement est organisé et soutenu. En ce domaine, le droit doit donner des signes non pas de simplification – car il s’agit souvent d’un leurre évitant la réalité complexe – mais de clarté : le projet agro-écologique doit être clair, tout comme la définition nouvelle d’activité agricole ; il doit comporter un véritable accompagnement au changement avec une période transitoire. Sans doute peut-il être conçu autour de projets collectifs intégrés de territoire, sur la base d’expérimentations.

Conclusion

53Nous avons pu voir que, même si le caractère contraignant des engagements nationaux n’est pas évident, l’Accord de Paris incite les parties à agir pour contrer la menace climatique et que l’agriculture fait partie des secteurs devant être mis à contribution pour y arriver. Nous avons aussi mis en évidence que si la PAC 2013 a été dotée d’objectifs et de mesures climatiques, elle n’est pas sans faille. Par conséquent, si l’UE décide de jouer le jeu de l’Accord de Paris, elle devra remodeler sa politique agricole, au minimum en renforçant le processus de verdissement, au maximum en la transformant en une politique agricole commune agro-écologique ou durable.

54Toutefois, nous nous demandons s’il ne serait pas plus efficace d’agir sur la politique et le droit de l’alimentation, autrement dit de jouer sur la consommation de produits alimentaires pour modifier la production agricole. À ce jour, l’Accord de Paris est muet sur ce point.

Notes

  • [1]
    Pour ce qui concerne cet article : Règlement « horizontal » (RH) : Règl. UE n° 1306/2013 du Parlement européen et du Conseil, 17 déc. 2013, relatif au financement, à la gestion et au suivi de la politique agricole commune et abrogeant les règlements (CEE) n° 352/78, (CE) n° 65/94, (CE) n° 2799/98, (CE) n° 814/2000, (CE) n° 1200/2005 et (UE) n° 485/2008 du Conseil, JO, n° L. 347/549, 20 déc. ; Règlement « paiements directs » (RPD) : Règl. UE n° 1307/2013 du Parlement européen et du Conseil, 17 déc. 2013, établissant les règles relatives aux paiements directs en faveur des agriculteurs au titre des régimes de soutien relevant de la politique agricole commune et abrogeant le règlement (CE) n° 637/2008 du Conseil et le règlement (CE) n° 73/2009 du Conseil, JO, n° L. 347/608, 20 déc. ; Règlement « développement rural » (RDR) : Règl. UE n° 1305/2013 du Parlement européen et du Conseil, 17 déc. 2013, relatif au soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) et abrogeant le règlement (CE) n° 1698/2005 du Conseil, JO, n° L. 347/487, 20 déc.
  • [2]
    RAC, Agriculture et GES : état des lieux et perspectives, sept. 2010 (http://www.rac-f.org/Agriculture-et-gaz-a-effet-de,1836).
  • [3]
    V. Factsheet, EU Agriculture and Climate Change, sept. 2015 (https://ec.europa.eu/agriculture/climate-change_fr). Notons qu’il existe de grandes variations d’un pays à l’autre.
  • [4]
    Selon et Euractiv, Agriculture and climate change: the role of the new CAP, 25-29 janv. 2016 (http://www.euractiv.com/section/all/special_report/agriculture-and-climate-change-the-role-of-the-new-cap/), « L’agriculture pourrait contribuer de manière importante à la lutte contre le changement climatique en jouant un rôle de siphon et en stockant du carbone dans la matière organique du sol et la biomasse… Les technologies de l’information pourraient aider les agriculteurs à réduire les émissions de GES de l’UE. Les drones sont l’une des technologies les plus prometteuses, car ils permettent par exemple de pulvériser des pesticides de manière plus efficace et ciblée. » V. aussi Factsheet, EU, 2015, op. cit.
  • [5]
    Euractiv, 2016, op. cit. : « Près d’un tiers des terres cultivées dans le monde est utilisé pour l’alimentation animale. Rien que dans l’UE, 45 % de la production de blé est utilisée pour nourrir les animaux. »
  • [6]
    « EU forests, for example, absorb the equivalent of nearly 10% of total EU greenhouse gas emissions each year. Land use and forestry – which include our use of soils, trees, plants, biomass and timber – can thus contribute to a robust climate policy » (https://ec.europa.eu/clima/policies/forests_fr).
  • [7]
    L’Accord de Paris a été ratifié en juin 2017 par 148 pays sur 197 Parties à la Convention (V. http://unfccc.int/portal_francophone/accord_de_paris/items/10081.php). L’UE l’a ratifié le 5 octobre 2016 (Décision (UE) 2016/1841 du Conseil du 5 octobre 2016 relative à la conclusion, au nom de l’UE, de l’Accord de Paris adopté au titre de la CCNUCC) et l’Accord est entré en vigueur le 4 novembre 2016. V. : http://eur-lex.europa.eu/content/paris-agreement/paris-agreement.html?locale=fr.
  • [8]
    Accord de Paris, art. 2.1.
  • [9]
  • [10]
    V. art. 4.1.
  • [11]
    V. art. 4. L’Accord de Paris fait écho à ces dispositions : V. art. 5.1.
  • [12]
    V. art. 4- Engagements 2.
  • [13]
    Sur la communication et l’actualisation des contributions, V. art. 4.1 et 7.9.
  • [14]
  • [15]
    En France par exemple pour les Pays et Territoires français d’Outre-Mer.
  • [16]
    « All greenhouse gases not controlled by the Montreal. »
  • [17]
    COP 17, 28 nov.-11 déc. 2011.
  • [18]
    SBSTA, Decision 2/CP.17.
  • [19]
    FCCC/SBSTA/2014/2.
  • [20]
    Bonn, 4-15 juin 2014.
  • [21]
    Sur les différents travaux « agricoles » du SBSTA :
    http://unfccc.int/land_use_and_climate_change/agriculture/items/8793.php. Sur la COP 23 : https://cop23.com.fj/about-cop-23/about-cop23/. Notons le point 5 Issues relating to agriculture à l’Agenda for the SBSTA 46 session Bonn, Germany, 8-18 mai 2017.
  • [22]
    Considérants (1) et (3), Règlement (CE) n° 74/2009 du Conseil du 19 janvier 2009 portant modification du règlement (CE) n° 1698/2005 concernant le soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader), JO L 30, 31 janv. 2009. Règlement 1698/2005, art. 16 bis et ANNEXE II proposant une « liste indicative des types d’opérations et des effets potentiels liés aux priorités notamment pour l’adaptation aux changements climatiques et leur atténuation. Pour la France, V. Programme de développement rural hexagonal, TOME 2, point 5.1.4, p. 335.
  • [23]
    Dans le droit dérivé européen concernant la PAC, la question climatique était jusqu’alors marginale ou anecdotique. V. l’article utilisé dans cette partie : L. Bodiguel, « Lutter contre le changement climatique : le nouveau leitmotiv de la politique agricole commune », Revue de l’UE, juil.-août 2014, n° 580, p. 414-426.
  • [24]
    I. Doussan, C. Hermon, Production agricole et droit de l’environnement, Lexis Nexis, 2012, p. 813-273 ; L. Bodiguel, « Une conditionnalité en bonne santé ! », Revue de Droit Rural, 2009, déc. 2009, n° 378, p. 17-23 ; Fiches conditionnalité : https://www1.telepac.agriculture.gouv.fr/telepac/html/public/aide/conditionnalite-2016.html.
  • [25]
    RH, art. 93 et 94. Comme dans le Règlement 73/2009, art. 4 et 6.
  • [26]
    RH, art. 93.
  • [27]
    Annexe II du RH.
  • [28]
    RPD, Considérant (26).
  • [29]
    RPD, art. 33.
  • [30]
    Des conditions spéciales pour les agriculteurs situés sur une zone Natura 2000 et les agriculteurs biologiques.
  • [31]
    RPD, art. 30.
  • [32]
    RPD, art. 31.
  • [33]
    RPD, art. 32.
  • [34]
    V. « Contexte de la proposition », RPD, p. 3 et 8. V. aussi RDR, art. 29-3.
  • [35]
    V. RDR, art. 31 et art. 34.
  • [36]
    Annexe V du RDR. Certains dispositifs de soutien agricole mentionnés à l’annexe V ne font pas explicitement référence au changement climatique et pour autant peuvent jouer un rôle : art. 23, 24, 29-8, 30, 31 et 35-3. Certains dispositifs d’aide ne font pas partie de la liste de l’annexe V du RDR, mais la diminution des GES ne peut pas être totalement exclue de leur champ d’action : RDR, art. 2q, 2r, 18-1d), 19, 20, 21, 36-2f).
  • [37]
    RDR, art. 22, 26, 27.
  • [38]
    Sur durée, v. RDR, art. 29-5 et 35-2.
  • [39]
    RDR, art. 29-2 et 35-1.
  • [40]
    Les auteurs s’accordent pour dire que l’UE promeut ainsi un instrument juridique particulier : le contrat. Toutefois, le RDR ne se réfère pas à la notion de contrat, mais d’engagement. D’autres formes juridiques d’acte sont donc compatibles avec la formulation européenne. En droit français, v. le débat général sur les mesures agri-environnementales : notamment J.-Fr. Struillou, « Nature juridique des mesures agri-environnementales : adhésion volontaire à un statut ou situation contractuelle ? », RD rur., nov. 1999, n° 277, p. 510-518.
  • [41]
    Ces engagements sont détaillés dans les plans de développement ruraux des État membres. Autres conditions : v. RDR, art. 29-3, 35-2 et 35-1. Sur les différents PDR, v. http://enrd.ec.europa.eu/home-page_en; nombre PDR et contenu : http://agriculture.gouv.fr/feader-la-politique-de-developpement-rural-de-lunion-europeenne-sur-la-programmation-2014-2020.
  • [42]
    COM (2010) 672, p. 3 ; art. 110 RH et 4 RDR ; V. aussi le premier des objectifs de la PAC : « accroître la productivité de l’agriculture » (art. 39, TFUE, version consol. 26 oct. 2012, JO 2012/C 326/01).
  • [43]
    V. note précédente.
  • [44]
    Application à l’agriculture du droit communautaire de la concurrence : RDR, art. 88.
  • [45]
    Ladite « Boite verte » de l’OMC, v. Accord agricole, notamment Annexe II, http://www.wto.org/french/docs_f/legal_f/legal_f.htm. Sur ce sujet, v. M. Cardwell, « European Union Agricultural Policy and Practice: The New Challenge of Climate Change », Environmental Law Review 13 (2011), 271-295 ; M. Cardwell, F. Smith, « Renegotiation Of The Wto Agreement On Agriculture: Accommodating The New Big Issues », International and Comparative Law Quarterly, Volume 62, Issue 04, October 2013, 865-898.
  • [46]
    RDR, Considérant (28) et art. 29-8 et 35-3.
  • [47]
    Sur les PSE, v. Actes du colloque « L’agriculture et les paiements pour services environnementaux : quels questionnements juridiques ? », IODE, Rennes, 25-26 oct. 2012, PUR, à paraitre déc. 2017.
  • [48]
    COM (2010) 672, p. 3.
  • [49]
    COM (2010) 672, p. 3 ; RDR, art. 4.
  • [50]
    V. PDRH version 7, p. 190 sur les BCAE. V. aussi I. Doussan, C. Hermon (2012), op. cit., 267-270.
  • [51]
    Voir évaluation 2015 de la PAC sur : https://ec.europa.eu/agriculture/evaluation_fr.
  • [52]
    L. Bodiguel, « Demander, adhérer ou se soumettre ou Du caractère polymorphe du "vouloir" en agriculture », Revue de droit rural, janv. 2016, p. 11-15.
  • [53]
    Sur cette notion, v. A. Langlais, « Les paiements pour services environnementaux, une nouvelle forme d’équité environnementale pour les agriculteurs ? Réflexions juridiques », Environnement et développement durable, 1er janv. 2013, p. 32-41 ; I. Doussan, « Les services écologiques : un nouveau concept pour le droit de l’environnement », in La responsabilité environnementale, C. Cans (dir.), Dalloz, 2009, p. 125 ; I. Doussan, C. Hermon (2012), op. cit., p. 277-282.
  • [54]
    V. L. Bodiguel, « Les alternatives aux pesticides au prisme du droit de l’exploitation agricole », in Ph. Billet (dir.), Les alternatives aux pesticides, L’Harmattan, à paraitre décembre 2017.
  • [55]
    D’autres modèles agronomiques pourraient être envisagés : agriculture biologique, durable…
  • [56]
    Art. L. 311-1 C. rur. pêch. mar.
  • [57]
    Art. 4, Règl. 1307/2013.
  • [58]
    L’agro-écologie est portée par des mouvements sociaux : Via Campesina (http://viacampesina.org/fr/) ; fondation Pierre Rabhi (http://www.fondationpierrerabhi.org/l-agroecologie.php). Pour une brève approche historique, N. Schaller, L’agroécologie : des définitions variées, des principes communs, Centre d’Études et de Prospective, Ministère de l’agriculture, 2013, Analyse n° 59, p. 1.
  • [59]
    V. aussi l’ouvrage de référence de M. Altieri, L’Agroecologie : bases scientifiques d’une agriculture alternative, Éditions Debard, Paris, 1986, 237 p.
  • [60]
    Rapport présenté à la 16ème session du Conseil des droits de l’homme de l’ONU [A/HRC/16/49], 8 mars 2011 ; V. http://www.srfood.org/images/stories/pdf/officialreports/20110308_a-hrc-16-49_agroecology_fr.pdf.
  • [61]
    Pour lui, l’agro-écologie repose sur cinq grands principes : la diversification (cultures et élevages) ; le recyclage ; la protection du sol (apport de matière organique) ; la limitation des pertes d’eau, de sol, d’énergie lumineuse et de diversité génétique ; la recherche de synergies entre les êtres vivants afin d’améliorer la fertilité et de lutter contre les nuisibles. V. Entretien avec M. Altieri : https://www.letemps.ch/sciences/2015/06/15/lagroecologie-seul-chemin-viable.
  • [62]
    http://agriculture.gouv.fr/agriculture-et-foret/projet-agro-ecologique ; M. Guillou (dir.), « Le projet agro-écologique : Vers des agricultures doublement performantes pour concilier compétitivité et respect de l’environnement », proposition au Ministre de l’Agriculture, mai 2013. p. 4, 6 et 87. V. aussi Rapport INRA pour le CGSP, H. Guyomard (dir.), Vers des agricultures à hautes performances (4 vol.), 2013.
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