Couverture de JIM_007

Article de revue

Reconnaissance et validation des acquis de la mobilité géographique et de l’apprentissage à distance : virtualité ou réalité ?

Pages 3 à 22

Notes

  • [1]
    La restitution de la présence à distance repose notamment sur le tutorat humain. Delisle (2019) a montré toute la complexité du travail du tuteur, due à l’hétérogénéité des profils et des besoins des utilisateurs des CLOM.
  • [2]
    Les compétences cognitivo-affectives et les capacités à gérer les contraires ou les antagonismes continuent cependant à poser des problèmes actuellement en termes d’évaluation et de validation.

Introduction

1Nous avions constaté dans une étude précédente (Blons-Pierre, 2017) combien il était difficile pour les étudiants de faire reconnaitre toutes les compétences acquises lors d’un séjour de mobilité à l’étranger, notamment celles qui échappent au champ de l’apprentissage formel. Depuis cette publication, la mobilité géographique et physique des étudiants et des apprentis s’est encore étendue ainsi que les possibilités de l’enseignement à distance via les nouvelles technologies, à tel point qu’il est possible, à l’heure actuelle, de se demander si l’enseignement dématérialisé massif à distance ne serait pas la solution qui permettrait un accès universel aux savoirs et savoir-faire et résoudrait en même temps les problèmes économiques et humains liés à la massification des effectifs des étudiants présents physiquement dans les universités.

2Cependant, que l’on se tourne vers l’un ou l’autre de ces types d’apprentissages à distance, demeure le problème de la reconnaissance et de la validation des acquis obtenus hors du cadre de l’apprentissage formel.

3Nous proposons ici d’examiner sous quelles conditions et avec quels outils les acquis de la mobilité géographique et de l’enseignement à distance massif pourraient être reconnus et validés, que ce soit dans un contexte académique ou professionnel. Pour ce faire, nous adopterons le cadre méthodologique de la recherche de synthèse, qui s’appuie sur des textes scientifiques, des projets portant sur l’identification et la reconnaissance des compétences transversales et sur des formes de discours liées à des pratiques ou à des instructions officielles.

1. Séjour de mobilité de type Erasmus + et formation à distance de type CLOM

4Dans cette étude, nous limiterons le champ de nos recherches aux séjours de mobilité pilotés par l’agence française Erasmus+ et aux cours en ligne ouverts et massifs (CLOM), que l’on trouve également souvent désignés par l’acronyme anglais MOOC.

5L’étudiant ou l’apprenti en séjour de mobilité à l’étranger se trouve dans une situation de formation à distance. Cette distance n’est cependant pas de même nature que celle appréhendée par un étudiant ou un apprenti qui choisit de s’inscrire à une formation dite « à distance » comme, par exemple, un cours en ligne ouvert et massif (CLOM) ou tout autre dispositif de formation ayant recours aux nouvelles technologies. Peraya (2014), à la suite de Jacquinot (1993), constate dans la recherche sur les concepts de distance et présence dans l’enseignement à distance, qu’il soit massif ou non, « une tendance à l’effacement progressif du concept de distance au profit de celui de la présence à distance […] ou simplement de présence en formation à distance, inspirée par le modèle anglo-saxon de la distance transactionnelle ».

6Le modèle de distance transactionnelle, qui caractérise ici l’enseignement à distance, semble s’écarter de la distance rencontrée par les étudiants ou les apprentis en situation de mobilité géographique. En effet, dans l’enseignement à distance de type CLOM, l’objectif principal semble être de restituer de la présence à distance [1] alors que l’objectif des séjours de mobilité de type Erasmus + est de couper momentanément l’étudiant ou l’apprenti de la présence de son enseignant, de son entourage professionnel ou familial pour lui permettre d’appréhender une présence autre, dans un autre environnement éducationnel, professionnel, social et socioaffectif.

7Tout se passe comme si, dans l’environnement de l’enseignement à distance de type CLOM, on partait d’une distance-absence pour aller vers une présence alors que, dans le contexte du séjour de mobilité, on part de la présence pour aller vers la distance et l’éloignement.

8Néanmoins, ces dispositifs d’apprentissage ont pour point commun de reposer tous les deux sur les concepts de présence et de distance et de participer à la fois des formes d’apprentissage formel, non formel et informel telles que définies par les auteurs de la Recommandation du Conseil de l’Union européenne relative à la validation de l’apprentissage non formel et informel (2012).

9Le tableau ci-dessous s’inspire de ces définitions pour recenser les composantes de ces différentes formes d’apprentissage relatives aux CLOM/MOOC et aux séjours de mobilité.

Tableau 1 : Caractéristiques apprentissage CLOM/MOOC versus séjour mobilité

Types d’apprentissageFormation à distance (type CLOM)Formation dans dispositif de mobilité (type Erasmus +)
Apprentissage formel• Apprentissage dispensé dans un contexte organisé et structuré, spécifiquement consacré à l’apprentissage
• Délivrance d’une attestation ou d’un certificat optionnel
• Apprentissage dispensé dans un contexte organisé et structuré, spécifiquement consacré à l’apprentissage
• Délivrance d’une qualification, en général, sous la forme d’un certificat ou d’un diplôme
Apprentissage non formel• Apprentissage dispensé sous forme d’activités planifiées (en termes d’objectifs d’apprentissage et de temps d’apprentissage)
• Formations structurées en ligne (par exemple à l’aide de ressources didactiques en libre accès)
• Apprentissage dispensé sous forme d’activités planifiées (en termes d’objectifs d’apprentissage et de temps d’apprentissage)
• Formations en entreprise par lesquelles les employeurs mettent à jour et améliorent les compétences de leurs travailleurs
Apprentissage informel• Apprentissage ni organisé ni structuré en termes d’objectifs, de temps ou de ressources
• Caractère non intentionnel de la part de l’apprenant
• Les acquis de l’apprentissage informel peuvent être des aptitudes acquises par des expériences personnelles et professionnelles, par exemple, des compétences informatiques acquises en dehors du travail, des aptitudes acquises dans le cadre d’activités bénévoles, par exemple, évaluation par les pairs requise dans certains CLOM
• Apprentissage découlant des activités de la vie quotidienne liées au travail, à la famille ou aux loisirs, qui n’est ni organisé ni structuré en termes d’objectifs, de temps ou de ressources• Caractère non intentionnel de la part de l’apprenant• Les acquis de l’apprentissage informel peuvent être des aptitudes acquises par des expériences personnelles et professionnelles, des compétences en gestion de projets ou en informatique acquises au travail, des langues apprises et des aptitudes interculturelles acquises durant un séjour à l’étranger

Tableau 1 : Caractéristiques apprentissage CLOM/MOOC versus séjour mobilité

10À travers ce tableau, on remarque que les dispositifs d’enseignement à distance massif de type CLOM et les dispositifs de mobilité géographique type Erasmus + cochent les différentes cases des apprentissages formel, non formel et informel avec des spécificités qui leur sont propres.

11A priori, les différentes composantes de ces apprentissages pourraient toutes bénéficier d’une reconnaissance et d’une validation. Cette reconnaissance et cette validation sont, à l’heure actuelle, possibles pour l’apprentissage formel dans les deux types de dispositifs, même s’il est clair que les diplômes ou certificats acquis lors des séjours de mobilité ont plus de poids que les attestations de participation ou les certificats délivrés à l’issue des CLOM. En revanche, dès que l’on quitte le terrain de l’apprentissage formel, la reconnaissance et la validation des acquis deviennent plus aléatoires voire inexistantes. Il existe pourtant des recommandations et des lignes directrices émises à ce sujet par les instances européennes.

2. Les recommandations et directives européennes pour la validation des acquis non formels et informels

12La Recommandation du Conseil de l’Union européenne du 20 décembre 2012 relative à la validation de l’apprentissage non formel et informel marque une avancée certaine dans l’attention portée par les autorités européennes à la validation des acquis non formels et informels. Elle rappelle l’existence du système européen de transfert et d’accumulation de crédits (ECTS) instauré en 1989 dans le cadre du programme Erasmus, permettant l’octroi de crédits sur la base des résultats de l’apprentissage formel et de la charge de travail de l’étudiant, et facilitant l’octroi, par les établissements supérieurs, de crédits pour les acquis de l’apprentissage non formel et informel. Elle souligne que, parallèlement au système ECTS de l’enseignement supérieur, a été établi en 2009 un système européen de crédits d’apprentissage pour l’enseignement et la formation professionnels (ECVET) à des fins de transfert et de capitalisation des acquis de l’apprentissage formel et, le cas échéant, de l’apprentissage non formel et informel.

13Cette recommandation souligne qu’elle a pour objectif « d’offrir aux citoyens la possibilité de faire valoir ce qu’ils ont appris en dehors de l’éducation et de la formation formelles – y compris par le biais de leurs expériences de mobilité ». Cependant, l’existence même de cette recommandation pointe le fait que, malgré l’existence des ECTS depuis 1989 et celle des ECVET depuis 2009, la reconnaissance et la validation des acquis non formels et informels n’étaient pas actées en 2012. Elle prévoyait néanmoins une avancée dans ce domaine à l’horizon 2018.

14La recommandation de 2012 a été précisée par les lignes directrices européennes pour la validation des acquis non formels et informels dont la dernière version date de 2016. Ce document détermine quatre étapes fondamentales pour la validation des acquis non formels et informels : l’identification, la documentation, l’évaluation et la certification. Si l’on applique au séjour de type Erasmus + ou à la formation à distance ouverte et massive type CLOM les deux premières phases du processus, identification et documentation, on peut considérer que les acquis non formels et informels pourraient être documentés, selon les personnes et les contextes, par les apprenants eux-mêmes ou par des tiers. Il apparaît cependant très difficile d’identifier et de dresser des listes d’acquis transversaux généralisables à l’ensemble des personnes, car les expériences de mobilité et d’apprentissage à distance sont variées et le vécu des apprenants tout autant.

15Dans le cas des séjours de mobilité, Murphy-Lejeune (2000) parle du « capital de mobilité des étudiants », lequel s’inscrit dans « une histoire de vie », on pourrait, de la même façon, parler d’un « capital numérique ou digital des apprenants », qui s’inscrirait dans l’histoire de leur formation non formelle ou informelle en la matière et tiendrait compte également des conditions d’accès aux différents outils numériques.

16Murphy-Lejeune, toujours à propos des séjours de mobilité, rapporte que les étudiants estiment que l’expérience venant de l’apprentissage non formel et informel qu’ils ont acquise est transférable dans d’autres contextes, sociaux ou professionnels, et que les employeurs reconnaissent, eux aussi, des effets généraux positifs de la mobilité : compétences langagières, capacité à la mobilité internationale, sensibilité interculturelle, ouverture et aptitude à adopter une approche différente, tolérance, flexibilité (Murphy-Lejeune, ibid.). On distingue, dans les acquis reconnus par les étudiants et les employeurs, des compétences relevant de la sphère « compétences métiers » mais également des acquis plus transversaux et personnels.

17On arrive donc à identifier certains acquis de l’apprentissage non formel et informel dans le cadre des séjours de mobilité, mais cette identification doit se faire en co-construction ou en co-extraction avec l’étudiant de mobilité, car la conscientisation de ces acquis est loin d’être automatique. Pour l’enseignement massif à distance, la conscientisation des acquis non formels et informels paraît encore plus difficile dans la mesure où l’apprenant est confronté à une absence de tiers permettant la co-construction ou la co-extraction. Il faudrait, en outre, identifier précisément les acquis non formels et informels qui relèvent de l’apprentissage massif à distance.

18Une fois l’identification et la documentation acquises, les lignes directrices européennes proposent également des outils pouvant servir à la validation des acquis non formels et informels. Ces outils sont répartis en deux groupes. On trouve tout d’abord, les outils d’extraction de preuves, qui sont au nombre de six : tests et examens, dialogues ou méthodes conversationnelles, méthodes déclaratives, observations, simulations, preuves extraites du travail ou d’autres pratiques. Viennent ensuite, les outils de présentation de preuves, qui sont au nombre de trois : Curriculum vitæ avec relevé individuel de compétences, témoignages de tiers, portfolios.

19Sur le plan théorique, on dispose actuellement de recommandations et de lignes directrices à l’échelle européenne encourageant la reconnaissance et la validation des acquis de l’apprentissage non formel et informel, qui pourraient s’appliquer au séjour de mobilité ou à l’apprentissage ouvert et massif à distance. Ces recommandations et lignes directrices ne sont, cependant, qu’incitatives et non contraignantes pour les États européens et leurs organismes de formation respectifs. Il existe néanmoins, des applications pratiques et des mises en œuvre des étapes fondamentales de reconnaissance et des outils de validation à travers des dispositifs comme Europass et Youthpass.

3. Europass et Youthpass

3.1. Le dispositif Europass

20Le dispositif Europass a été créé à la fin des années 1990 et a bénéficié d’actualisations régulières, notamment en 2012 et 2018. Il comporte un ensemble de cinq éléments destinés à permettre aux étudiants, aux travailleurs et aux demandeurs d’emploi de constituer un portfolio modulable des compétences et qualifications acquises tout au long de la vie. Combiné à un CV Europass, le Passeport européen de compétences (PEC), composé de différents documents (passeport des langues, supplément au certificat ou au diplôme, Europass mobilité) est destiné à renforcer le CV en apportant la preuve des compétences et qualifications décrites.

Figure 1 : Les 5 éléments du dispositif Europass

Figure 1

Figure 1 : Les 5 éléments du dispositif Europass

21Tout d’abord, le CV figurant dans ce dispositif permet l’autorecensement d’acquis formels, non formels et informels sous les rubriques éducation et formation ou/et compétences personnelles. En plus de ce CV, le document Europass Mobilité permet d’identifier les organismes d’envoi et d’accueil en charge du processus de mobilité et comporte également une description du parcours de mobilité (objectif, action d’enseignement ou de formation suivie dans le parcours de mobilité, programme, durée). Une dernière rubrique de ce document est consacrée aux compétences acquises pendant le parcours de mobilité (Europass Mobility, Example, fr, Union européenne, 2005-2017) :

22– activités/tâches effectuées

23– compétences liées à l’emploi

24– compétences linguistiques

25– compétences numériques

26– compétences organisationnelles/managériales

27– compétences en communication

28Les termes mêmes d’activités, de tâches et de compétences font référence à une logique de validation empruntée au système de l’ECVET, qui selon Breton (2017), privilégie les « compétences métiers » aux dépens des approches plus transversales. En d’autres termes, on ne voit pas clairement apparaître ici la place réservée aux acquis informels et transversaux attachés au séjour de mobilité tels que la confiance en soi, l’ouverture à d’autres cultures et modes de fonctionnement, la flexibilité.

3.2 Le dispositif Youthpass

29Youthpass est un outil européen d’autoévaluation développé pour permettre la reconnaissance des apprentissages non formels et informels et relève du programme Erasmus + Jeunesse. Il a été élaboré dans le cadre du projet de l’Union européenne « Jeunesse en mouvement » dont l’objectif principal est l’acquisition, par tous les jeunes, de compétences (savoirs, savoir-faire et savoir-être) nécessaires aussi bien à leur épanouissement personnel, à leur insertion sociale et professionnelle qu’à leur participation à la vie sociale et citoyenne. Dans le processus d’acquisition de ces compétences, une importance égale est accordée aux apprentissages formels, non formels et informels, ce qui est illustré par le schéma suivant :

Figure 2 : Schéma des compétences dans le dispositif Youthpass

Figure 2

Figure 2 : Schéma des compétences dans le dispositif Youthpass

Source : Youthpass en 10 leçons, agence Erasmus + Jeunesse & Sport, janvier 2018

30Le dispositif Youthpass s’appuie sur les compétences clés recensées dans le cadre de référence adopté par la Recommandation du Parlement européen et du Conseil du 18 décembre 2006, relatives à l’éducation et la formation tout au long de la vie. Ce cadre définit huit grands domaines de compétences, qui figurent dans le certificat Youthpass, libellés ainsi :

311) Communication dans sa langue maternelle

322) Communication dans d’autres langues

333) Compétence mathématique et compétences de bases en sciences et technologies

344) Compétence digitale

355) Apprendre à apprendre

366) Compétence sociale et civique

377) Esprit d’initiative et d’entreprise

388) Sensibilité et expression culturelles, créativité

39Les auteurs du document Youthpass, s’ils notent qu’il ne doit pas exister de hiérarchie entre les acquis de l’éducation formelle, non formelle ou informelle, reconnaissent toutefois que « le rôle de l’éducation formelle dans l’acquisition de savoirs, et en ce qui concerne la formation professionnelle, de savoir-faire, est d’autant plus incontestable et reconnu que l’acquisition de ces savoirs et savoir-faire est validée par les systèmes nationaux, européens et internationaux de programmes, cursus, d’examens et de diplômes, et de reconnaissance mutuelle au niveau européen de ces systèmes et de ces diplômes » et que « le rôle de l’éducation non formelle et de l’éducation informelle dans l’acquisition ou le perfectionnement des savoir-faire, et surtout des savoir-être, par l’expérience et la pratique, est tout autant incontestable … mais beaucoup moins reconnu, voire très peu, car beaucoup plus difficilement mesurable, évaluable et donc susceptible d’être validé ».

40Les huit compétences clés décrivent en grande partie les acquis généraux qui interviennent dans l’enseignement à distance de type CLOM ou dans le séjour de mobilité. Cependant, on constate que les descripteurs détaillés des huit compétences ne figurent ni dans le document « Youthpass en 10 leçons » ni sur les certificats. Seul un lien renvoie à la Recommandation et aux descripteurs. Sans les retranscrire intégralement, il serait peut-être utile de résumer les points principaux des différents descripteurs afin d’objectiver au maximum l’évaluation et l’autoévaluation des compétences clés figurant sur le certificat Youthpass. On trouve, du reste, une initiative de cette nature dans un autre document intitulé « Le Youthpass » (European Commission, SVE Info Kit) rédigé en français (voir tableau 2).

Tableau 2 : Les huit compétences clés et leurs descripteurs abrégés

• Comment organiser ses propres apprentissages
• Être capable de gérer les obstacles
• Être responsable de ses propres apprentissages
• Être capable d’évaluer ses apprentissages
Apprendre à apprendreCompétence numérique• L’utilisation confiante et critique des technologies de la société de l’information
• Les savoir-faire de base dans l’utilisation de l’informatique et d’Internet
• La capacité et la volonté d’utiliser les modèles mathématiques pour résoudre les problèmes de la vie quotidienne
• La capacité d’utiliser la connaissance pour expliquer le monde et la nature
• Se poser des questions et tirer des conclusions basées sur la preuve
Compétence mathématique et compétences de base en sciences et technologiesCompétences sociale et civique• La capacité de communiquer de manière appropriée avec la famille, les amis, les collègues
• La capacité d’interagir avec des personnes de toutes sortes et de toutes origines
• La capacité de gérer les conflits d’une manière constructive
• La connaissance de l’actualité locale, régionale, nationale et mondiale
• La connaissance des concepts et idées de la démocratie, la citoyenneté, les droits civils
• La participation à la vie sociale
• La capacité de comprendre et de s’exprimer dans une langue étrangère, en fonction de ses besoins
• Une attitude positive envers la diversité et les différences culturelles
• La curiosité envers les langues et la communication interculturelle
Communication en langues étrangèresSensibilité et expression culturelles• Apprécier l’importance de l’expression créative des idées, des expériences et des émotions
• Tout type d’expression en lien avec les médias, la musique, les arts vivants, la littérature et les arts visuels
• La capacité d’exprimer des pensées, des sentiments et des faits par des mots et des phrases, à l’oral et à l’écrit
• La capacité d’interagir linguistiquement de manière appropriée
Communication dans la langue maternelleEsprit d’initiative et d’entreprise• La capacité de passer des idées aux actes, d’être créatif et innovant, d’oser prendre des risques
• Tout type de méthodologie de projet

Tableau 2 : Les huit compétences clés et leurs descripteurs abrégés

41L’examen des outils proposés par Europass et Youthpass montre que des descripteurs pour les acquis transversaux qui sont à l’œuvre dans l’éducation informelle existent et qu’ils pourraient, avec quelques adaptations, s’appliquer au champ de l’apprentissage à distance, de type séjour de mobilité ou e-learning de masse. Cependant, dans ces deux types d’apprentissage à distance, on a affaire à des processus qui évoluent dans le temps et selon les contextes. Il conviendrait donc, en plus des descripteurs et des exemples, de fournir pour l’autoévaluation, la reconnaissance et l’éventuelle validation des acquis, un système permettant un positionnement par rapport à des paliers de progression dans les processus.

42Dès 2004, Zarate et Gohard-Radenkovic ont montré les limites de l’utilisation des listes de compétences insérées dans des portfolios pour la reconnaissance des compétences culturelles. Elles ont proposé de privilégier « un moyen plus souple d’autoprofilage » en utilisant, par exemple, des cartes plutôt que des grilles pour l’autoévaluation des acquis relevant de l’éducation non formelle et informelle dans le domaine interculturel (Zarate & Gohard-Radenkovic, 2004).

43Cette démarche de « cartes de compétences » a été reprise et développée par De Ferrari et Mourlhon Dallies (2008, 2009, 2010) dans le domaine de l’insertion et de la formation pré-professionnelle. Elle est maintenant au cœur du projet RECTEC, qui a pour objectif l’évaluation des compétences transversales. Il paraît intéressant de voir dans quelle mesure ce projet pourrait contribuer à faire avancer la réflexion sur l’évaluation, la reconnaissance et la validation des acquis relatifs aux apprentissages réalisés dans le cadre des séjours de mobilité et/ou dans le cadre des cours en ligne ouverts et massifs.

4. Le référentiel et la carte des compétences transversales du projet RECTEC

44Le projet RECTEC (reconnaître les compétences transversales en lien avec l’employabilité et les certifications) est un projet soutenu par Erasmus+ et financé avec le soutien de la Commission européenne. Il est né en 2016, porté par le Groupement d’intérêt public de la formation continue et l’insertion professionnelle (GIP-FCIP) de l’académie de Versailles et il regroupe actuellement des acteurs européens du champ de l’insertion et de la formation professionnelle.

45L’enjeu principal de RECTEC repose sur la création et l’utilisation d’un référentiel de compétences commun au système d’acteurs œuvrant pour l’insertion, la formation et la certification professionnelles.

46Le référentiel RECTEC (version octobre 2018) comporte 12 compétences transversales calibrées sur quatre niveaux de maîtrise. L’ensemble de ces compétences est réparti au sein de quatre grands pôles : organiser, réfléchir pour son parcours, communiquer, réfléchir pour son action. Chaque pôle regroupe de deux à quatre compétences transversales. Ainsi, le pôle organisationnel s’articule autour des quatre compétences suivantes : organiser son activité, prendre en compte les règlements, travailler en équipe, mobiliser des ressources mathématiques tandis que le pôle « réfléchir pour son action » en compte deux : gérer des informations, agir face aux imprévus.

47Ce référentiel et la carte de compétences qui en découle constituent une sorte de matrice conceptuelle organisée selon la logique des « compétences métier » et modulable en fonction des branches professionnelles. Certaines compétences peuvent avoir plus de poids que d’autres selon les publics et les contextes. L’organisation en paliers, représentés sur la carte par des cercles (voir figure 3 ci-dessus), permet également une reconnaissance partielle des compétences acquises et un (auto)profilage des personnes qui souhaitent s’évaluer ou être évaluées dans le cadre de ce dispositif.

Figure 3 : Carte des compétences transversales – projet RECTEC

Figure 3

Figure 3 : Carte des compétences transversales – projet RECTEC

Source : projet RECTEC http://rectec.ac-versailles.fr/ressources/

48Chaque compétence est, en outre, explicitée par des descripteurs correspondant à quatre niveaux de degré d’autonomie et de responsabilité.

49Le référentiel et la carte de compétences issus du projet RECTEC ont été expérimentés dans le monde du travail et ont donné lieu à des résultats positifs, que ce soit dans le cadre de la formation continue ou dans celui de la formation initiale (étudiants en lycée professionnel, en situation de séjour de mobilité pour certains). Cependant, les données recueillies auprès des lycéens en séjour de mobilité sont en cours d’exploitation et n’ont pu être utilisées dans cette étude. Il serait intéressant, en croisant les analyses qualitatives et quantitatives, de voir dans quelle mesure les dispositifs Europass, Youthpass et RECTEC sont complémentaires.

50Il est possible, néanmoins, à ce stade, pour évaluer la transférabilité des outils du projet RECTEC, de mettre en correspondance les différentes compétences transversales identifiées dans le référentiel RECTEC avec les acquis de l’apprentissage du séjour de mobilité ou de type CLOM (voir tableau 3 ci-dessous).

Tableau 3 : Correspondances entre compétences RECTEC, acquis mobilité géographique et e-learning

Référentiel compétences RECTECAcquis séjour de mobilité d’après Murphy-Lejeune (2000)Acquis CLOM d’après grille d’autoévaluation compétences numériques (UE 2015)
CommuniquerCompétences langagières formelles/informellesCommunication
Gérer des informationsTraitement de l’information
Capacité à la mobilité internationale
Prendre en compte les usages sociaux dans les différents contextes à développerSensibilité interculturelle
Agir face aux imprévusOuverture et aptitudeà adopter une démarche différenteRésolution de problèmes
Utiliser les ressources numériquesCréation de contenu
Prendre en compte les règlementsSécurité

Tableau 3 : Correspondances entre compétences RECTEC, acquis mobilité géographique et e-learning

51Comme on peut le constater dans le tableau 3, le référentiel RECTEC pourrait fonctionner avec quelques aménagements et ajouts comme une sorte de métaréférentiel flexible suivant les publics, les contextes et les types d’apprentissages (formel, non formel, informel). Une carte des acquis pour la mobilité géographique et l’apprentissage massif en ligne pourrait aussi être utilisée pour l’évaluation ou l’autoévaluation de ces acquis, comportant plus ou moins de paliers suivant les processus d’acquisition en jeu. Selon les besoins des différentes parties prenantes, il serait également possible d’enrichir le modèle RECTEC en intégrant d’autres dimensions telles que les compétences cognitivo-affectives ou encore les capacités à gérer les contraires ou les antagonismes (Manço, 2002) [2].

52Une fois les acquis identifiés et décrits par des descripteurs adéquats, il resterait à mettre en place un système de validation de ces acquis en définissant une unité de valeur spécifique. En effet, utiliser le crédit ECTS, qui est une unité mesurant la charge de travail moyenne requise d’un étudiant pour atteindre un objectif de formation, ne semble pas pertinent pour valider des acquis relevant de l’apprentissage informel. Pour ces acquis, qui sont intégrés dans des processus, on pourrait créer des unités de valeur spécifiques, par exemple, des Acquis de Formation Informelle (AFI) dont l’étalonnage et les composantes restent à définir. Les AFI pourraient à terme être intégrés dans des Open Badges, qui ont pour vocation de rendre visibles et de valoriser les apprentissages informels (Ravet, 2017).

Conclusion

53Entre 2016 et 2019, plusieurs projets pilotés par les instances européennes ou des organismes comme Erasmus+ France se sont attachés à décrire et encadrer les compétences transversales et extracurriculaires. Ainsi, le projet RECTEC s’est attaché à décrire les compétences transversales dans différents contextes professionnels et le projet Extrasup a développé une réflexion sur la reconnaissance des acquis extracurriculaires dans l’enseignement supérieur et propose un kit méthodologique accompagné de fiches « Contexte » et « Inspiration » en vue de favoriser la mise en œuvre d’une démarche de reconnaissance de ces acquis.

54Ces différents projets font suite aux recommandations et directives européennes qui ont vu le jour entre 2012 et 2016 et qui ont contribué à faire avancer, à l’échelle de l’Europe, le processus de reconnaissance et de validation de l’apprentissage formel, non formel et informel aussi bien dans le monde académique que professionnel.

55La reconnaissance des acquis des étudiants en mobilité ou des personnes inscrites dans des formations en ligne ouvertes et massives apparaît comme un processus complexe, qui doit tenir compte du fait qu’à côté de compétences académiques, techniques ou linguistiques relevant d’un apprentissage formel ou informel, figure des engagements dans des processus qui, eux, relèvent de l’apprentissage informel et touchent à la sphère privée de l’individu. Pour identifier et documenter ces acquis, il est possible de s’appuyer sur les compétences transversales identifiées dans des projets comme RECTEC ou ExtraSup. En revanche, pour la validation elle-même, il conviendrait de créer des unités spécifiques et de recourir à des supports de validation tels que les Open Badges.

56En conclusion, on peut dire que les progrès ont été importants, depuis une décennie, en direction de l’identification des compétences transversales et des acquis provenant de l’éducation informelle. Il reste maintenant à mettre en œuvre la validation concrète de ces acquis à l’échelle européenne en continuant à développer des outils adaptés à différents contextes et situations d’apprentissage tout en vérifiant leur efficacité et leur acceptabilité sur le terrain, auprès des différentes parties prenantes.

Bibliographie

Bibliographie

  • Agence Europe-Education-Formation France – Centre national Europass (2009). Europass Mobilité, mode d’emploi. http://www.agence-erasmus.fr/docs/guide-EM.pdf [consulté le 12/04/2019].
  • Breton, H. (2017). Mobilités transnationales et ingénieries des certifications : enjeux et limites des approches compétences. Journal of International Mobility, 2016, no 4, p. 25-42.
  • Blons-Pierre, C. (2017). Mobilités et compétences en langues étrangères et dans le domaine interculturel : outils et réflexions pour la description, l’évaluation et la reconnaissance de ces compétences. Journal of International Mobility, 2016, no 4, p. 91-108.
  • Cedefop (2016). Lignes directrices européennes pour la validation des acquis non formels et informels. Luxembourg : Office des publications de l’Union européenne.
  • Cedefop (2019). Europass Mobilité – Exemples. http://europass.cedefop.europa.eu/fr/documents/european-skills-passport/europass-mobility/examples [consulté le 12/04/2019].
  • Commission européenne, Erasmus +, Youthpass. https://www.youthpass.eu/downloads/13-62-216/website%20example%20certificate%20Youth%20Ex change.pdf [consulté le 02/05/2019].
  • Conseil de l’Union européenne (2012). Recommandation du conseil du 20 décembre 2012 relative à la validation de l’apprentissage non formel et informel. Journal officiel de l’Union européenne, Bruxelles, 2012/C 398/01.
  • De Ferrari, M., avec la collaboration de Mourlhon-Dallies, F. (2008). Français en situation professionnelle : un outil de positionnement transversal. Paris : CLP.
  • De Ferrari, M. (2010). Rapport 2008-2010 : L’Entrée Compétences au service de l’insertion professionnelle. http://www.cesamformation.org/IMG/pdf/30_page_ingenierie_et_innovation_publication_2010.pdf [consulté le 02/05/2019].
  • Delisle, E. (2019). L’application empirique d’un référentiel de compétences en encadrement à distance à une population étudiante hétérogène ou l’exercice du tutorat. In F. Lafleur et G. Samson (dir.), Formation et apprentissage en ligne. Canada : Presses de l’université du Québec.
  • European Commission (2007). Youthpass guide. https://www.youthpass.eu/en/help/guide/ [consulté le 02/05/2019].
  • Extrasup (2016-2019). Le Projet Erasmus+ sur la reconnaissance et la garantie de la qualité des acquis et des compétences extracurriculaires des étudiants et des étudiantes. htttp://www.extrasup.eu/ [consulté le 08/04/2020]
  • Jacquinot G. (1993). Apprivoiser la distance et supprimer l’absence ? ou les défis de la formation à distance. Revue française de pédagogie, no 102, p. 55-67.
  • Manço, A. (2002). Compétences interculturelles des jeunes issus de l’immigration. Perspectives théoriques et pratiques. Paris : L’Harmattan.
  • Mourlhon-Dallies, F. (2009). Enseigner une langue à des fins professionnelles. Paris : Didier Érudition.
  • Murphy-Lejeune, E. (2000). Mobilité internationale et adaptation interculturelle : les étudiants voyageurs européens. Recherche et formation, no 33, p. 11-26.
  • Peraya, D. (2014). Distances, absence, proximités et présences : des concepts en déplacement. Distances et médiations des savoirs, 2014, no 8.
  • Ravet, S. (2017). Réflexions sur la genèse des Open Badges. Distances et médiations des savoirs, 2017/20. http://journals.openedition.org/dms/2043 [mis en ligne le 20/12/2017 et consulté le 02/05/2019].
  • Recommandation du Parlement européen et du Conseil du 18 décembre 2006 sur les compétences clés pour l’éducation et la formation tout au long de la vie. Journal Officiel, L394 du 30/12/2006, p. 10-18. http://data.europa.eu/eli/reco/2006/962/oj [consulté le 02/05/2019].
  • Rectec (2019). Reconnaitre les compétences transversales en lien avec l’employabilité et les certifications. http://rectec.ac-versailles.fr/le-projet/ [consulté le 02/05/2019].
  • Zarate, G. et Gohard-Radenkovic, A. (coord.) (2004). La reconnaissance des compétences interculturelles : de la grille à la carte. Paris : Didier / Les Cahiers du Ciep.

Mots-clés éditeurs : contexte académique et professionnel, apprentissage à distance, mobilité géographique, évaluation, compétences transversales

Mise en ligne 06/07/2020

https://doi.org/10.3917/jim.007.0003

Notes

  • [1]
    La restitution de la présence à distance repose notamment sur le tutorat humain. Delisle (2019) a montré toute la complexité du travail du tuteur, due à l’hétérogénéité des profils et des besoins des utilisateurs des CLOM.
  • [2]
    Les compétences cognitivo-affectives et les capacités à gérer les contraires ou les antagonismes continuent cependant à poser des problèmes actuellement en termes d’évaluation et de validation.
bb.footer.alt.logo.cairn

Cairn.info, plateforme de référence pour les publications scientifiques francophones, vise à favoriser la découverte d’une recherche de qualité tout en cultivant l’indépendance et la diversité des acteurs de l’écosystème du savoir.

Avec le soutien de

Retrouvez Cairn.info sur

18.97.9.175

Accès institutions

Rechercher

Toutes les institutions