1 Le counseling désigne un ensemble de pratiques aussi diverses que celles qui consistent à orienter, aider, informer ou traiter. En général, on retient trois aspects majeurs.
2 On travaille dans la durée, on assiste à un changement dans l’état psychologique du client et le dispositif peut s’étendre de la relation duelle au groupe.
3 Pour C. Tourette-Turgis, counseling n’a pas sa traduction adéquate en France. Cela risque de se traduire en conseil, aide, alors que c’est le domaine des services sociaux. Je voulais introduire le counseling en médecine et si je disais « aide », les médecins allaient entendre assistante sociale. Accompagnement, ça passe bien, mais parfois, les gens pensent que ce concept n’est pas assez tenu. Nous avons pensé à accompagnement psychosocial mais cela ne correspondait pas du tout. On a donc gardé le terme couseling. Cela permet d’avoir un lien avec les collègues du monde entier qui tous appellent ça counseling. Cela nous permet de garder notre territoire dans les rencontres internationales, de nous sentir appartenir à une communauté professionnelle. En France, le counseling n’est pas encore une spécialisation ; il l’est en Angleterre où on l’étudie à l’université et fait l’objet d’un diplôme.
4 Le counseling apparaît comme la réponse adéquate quand les autres types d’intervention se révèlent inappropriés. Il est centré autour de la mobilisation des ressources et des capacités de la personne à faire face à ses problèmes, grâce à l’établissement d’une relation de type thérapeutique n’a rien à voir avec les dispositifs classiques.
5 Q : Le couseling est une technique de thérapie ?
6 C. Tourette-Turgis : On ne fait pas de la psychothérapie. À la limite, les clients peuvent faire une démarche quand ils sont en mesure de renouer avec les institutions. Je reçois dans le cadre d’un hôpital où un espace de couseling a été ouvert. Nous allons à la rencontre des gens et nous leur proposons ce travail d’écoute. En 1986, j’ai eu l’idée de faire un groupe de parole pour les malades du sida, de faire de l’aide ambulatoire. J’ai entendu la souffrance de gens stigmatisés socialement.
7 J’ai découvert qu’il y avait quelque chose de commun entre les survivants du sida et les survivants d’autres catastrophes. Je me promène dans la société, je suis dehors et dans le dehors, je me place, j’écoute et je témoigne.
8 Q : J’ai lu votre livre (Le Counseling, « Que sais-je », puf, 1996) avant de venir vous voir, et je remarque que la référence que vous y faites à la psychanalyse disparaît complètement dans ce que vous dites.
9 C. T.-T. : Pas du tout. La psychanalyse fait l’hypothèse de l’existence de l’inconscient. C’est évident quand on travaille et quand on a fait une psychanalyse soi-même. C’est encore évident d’entendre quelque chose du côté de l’inconscient et que l’on n’a pas à introduire dans ce travail d’écoute. C’est qui compte, ce ne sont pas les courants mais les patients. On regarde ce dont ils ont besoin. Les Américains se sont aperçus qu’il y a 250 disciplines différentes de psychothérapie pour lesquelles le patient apparaît comme le dernier élément qui entre en compte.
10 Ce qu’il y a d’agréable aux États-Unis, c’est qu’il n’y a pas de conflits d’écoles. On se réunit ensemble pour travailler autour d’un cas sans que quelqu’un se dise supérieur ou prioritaire par rapport aux autres. C’est le client qui est au centre du dispositif. On est donc dans un marketing dans lequel c’est le client qui va choisir en fonction de la prestation qu’on lui offre. Voilà, pour moi, tous les courants sont intéressants.
11 Q : Vous avez dit qu’il n’y a pas de formation en France, alors comment entre-t-on dans cette discipline ?
12 C. T.-T. : Il faut plusieurs entretiens de base pour saisir l’expérience de la personne. Il faut qu’elle puisse témoigner d’un parcours, d’une histoire, d’une trajectoire et d’un ensemble de motivations. Pour le moment, ce n’est pas quelque chose sur quoi je travaille. Il faut voir ce qui se fait, et dans ce qui se fait le volet est assez large.
13 Q : La référence de départ est K. Rogers. C’est lui qui a introduit le mot, je crois.
14 C. T.-T. : Non, le mot a dû être introduit avant. Rogers représente un courant à lui seul dans le couseling. Il a créé et développé son propre courant. Après, il y a eu les existentialistes. Il y a quatre courants, c’est très éclectique. Le courant qui m’a le plus surprise, c’est le courant existentialiste parce que je ne savais pas qu’ils s’intéressait à ça.
15 En tout cas, moi je prends des éléments dans l’existentialisme. Ayant à travailler sur des thèmes liés à la vie et à la mort, à la sexualité ou au temps, aux courts-circuits biologiques, je pense que je suis existentialiste. L’approche de Rogers est centrée sur la personne. Là, il est fort, il est l’avocat de la personne, et pour cela, il va développer des attitudes, mais il ne va pas s’occuper de la question du sens. Dans le courant des existentialistes, la question du sens est une question à part entière. Dans la question liée au vih, une personne qui a une très mauvaise santé, qui avait un diagnostic de vie de dix-huit mois, on s’apercevait que lorsque son état de santé se stabilisait avec le traitement, elle avait du mal à se rehabituer à l’idée de survivre.
16 On s’apercevait donc que si une personne arrivait à donner du sens au sida ou à ce qui se passait pour elle, elle s’en sortait mieux que la personne qui restait bloquée sous le choc de l’annonce.
17 Q : Ne pensez-vous pas que vous n’êtes pas loin de la démarche américaine qui pose l’approche de l’individu en terme de ressources, les ressources en vous ?
18 C.T.-T. : Les ressources en vous bien sûr. Il y a aussi les ressources dans la société qu’il faut mobiliser, des ressources à tous les niveaux. C’est pour cela que je suis militante. Je témoigne au niveau sociétal pour faire part de la souffrance que nous découvrons et qu’il faut transformer en stratégie d’action politique.