Notes
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[1]
Journaliste, correspondante RTBF au Royaume-Uni. L’enquête de Florence Bellone RTBF sur les enlèvements d’enfants par les services sociaux britanniques avait fait sensation l’an dernier. Ce reportage vient de lui valoir le prestigieux prix européen Lorenzo Natali pour les droits de l’Homme. Voy. égal. J.-P. Rosenczveig, « Le scandale des « enfants volés » de. Grande-Bretagne », JDJ, octobre 2011, n° 310, p. 10-11. L’émission « Enfants volés en Grande-Bretagne, le scandale continue » peut être podcastée sur http://www.rtbf.be/info/emissions/article_enfants-voles-en-grande-bretagne-le-scandale-continue?id=7918767#newsAudiosPane
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[2]
Children Act 1989 ; http://www.legislation.gov.uk/ukpga/1989/41/contents
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[3]
Voy. The Children (Admissibility of Hearsay Evidence) Order 1993 (http://www.legislation.gov.uk/uksi/1993/621/made) ; The hearsay rule in civil proceedings, The Law Commission, resented to Parliament by the Lord High Chancellor, September 1993, www.official-documents.gov.uk/document/cm23/2321/2321.pdf
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[4]
Adoption and Children Act 2002, http://www.legislation.gov.uk/ukpga/2002/38/contents
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[5]
British Association For Adoption, http://www.baaf.org.uk/
1« Adoptez un enfant et sautez la queue pour les meilleures écoles » : dans un pays où la difficulté de choisir une école est un débat quasi quotidien, ce titre du Daily Telegraph accroche. L’article décrit le projet de loi britannique « Enfants et Familles » qui comprend aussi « l’accès privilégié » au logement, un congé adoption et un budget personnel de « soutien à l’adoption ».
2Pourquoi ? parce que les adoptants accompliraient la mission courageuse d’élever les enfants les plus difficiles du pays, selon Edward Timpson, ministre de l’enfance. Il suffit pourtant de lire les factures générées par la protection de l’enfance pour voir qu’une aide à l’éducation - au sens le plus large du terme - des familles dites « inadéquates » coûterait beaucoup moins cher aux contribuables que leur destruction. Les parents réellement et consciemment maltraitants, violeurs, tortionnaires, tueurs, existent et échappent longtemps à la prison parce que le système est concentré sur le retrait préventif des enfants plutôt que sur la recherche des criminels.
Histoire de l’adoption forcée officielle britannique
3En 1867, à Londres, Thomas Barnado, un étudiant missionnaire chrétien irlandais, eut l’idée « d’aider les enfants pauvres » en les collectant systématiquement dans les rues de l’East End pour les placer dans des maisons pour enfants, et ce de son propre aveu, sans chercher à savoir s’ils avaient des parents.
4Les meilleures intentions donnent lieu à des cauchemars sans fin, c’est ainsi que l’expression « Children home », aujourd’hui, évoque dans la psyché britannique un mélange de pédophilie, coups de ceintures et graine de malfrat.
5Toujours est-il qu’à la fin de sa vie, Barnado avait doté Londres de 50 « orphelinats » abritant plus de 8 000 enfants. Dans l’embarras financier, il vendit finalement 18 000 enfants au Canada et à l’Australie. Un enfant en institution lui coûtait 14 €, un enfant vendu lui en rapportait 18.
6Barnado a inventé l’idéologie, l’industrie et même la propagande du secteur, puisqu’il exhibait des photos des enfants « avant » et « après » leur acquisition. L’Église elle-même l’a traîné (en vain) au tribunal pour vol d’enfants. Les familles affectées étaient persuadées qu’il était Jack l’éventreur.
7Aujourd’hui, la plus grosse agence pour l’enfance et l’adoption porte son nom : Barnado’s. La propagande du gouvernement se fait à coup de spots publicitaires où, par exemple, un acteur affirme : « Il faut enlever beaucoup d’enfants, tous les enfants de parents non seulement maltraitants, mais inadéquats ».
8Entre autres services, Barnado’s offre des « thérapies » aux parents dont les services sociaux ont fait adopter les enfants pour les aider à accepter et comprendre le bien fondé de l’opération, un raffinement comparé par les dits parents à une fondation Hitler pour les Juifs.
La boule de cristal des temps modernes
9Dans les années 1980, la contraception et la fin de la mise au pilori des mères célibataires a causé une chute drastique du nombre des enfants à adopter. C’est à cette époque que le recours à la psychiatrie est devenu un outil majeur pour les investigations dans la vie privée et la psyché des parents.
10Progressivement, le DSM (Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders - la nomenclature américaine des maladies mentales servant de base aux praticiens et à l’industrie pharmaceutique) est devenu la bible des preuves d’incompétence parentale. Aux enquêtes se sont substituées des expertises.
11Après la psychiatrie et la psychologie, la pédiatrie est devenue l’ennemie des familles : les pédiatres Roy Meadow et David Southall n’ont échappé à la prison que grâce à la complaisance des tribunaux familiaux.
12Meadow avait « découvert » que les femmes perdant plus d’un bébé de la mort subite du nourrisson les avaient assassinés. Pendant dix ans il a fait emprisonner les mères affectées jusqu’à ce que des découvertes en microbiologie et génétique invalident sa théorie. Il a aussi accusé des mères d’empoisonner mortellement leurs enfants au sel. Là encore, les victimes sont sorties de prison grâce à des recherches sur le diabète insipide.
13Enfin Roy Meadow est l’inventeur du syndrome de « Munchausen by Proxy » qui cause toujours chaque année le retrait de centaines d’enfants britanniques de leur famille : la mère les rendraient malades pour attirer l’attention sur elle-même. C’est en quelque sorte le piège à mère-poules.
14David Southall, lui, avait déclaré que les mères asphyxiaient par plaisir leurs bébés dans les maternités et prétendait même l’avoir prouvé à coups d’images floues issues de caméras de sécurité. C’était en fait Southall qui expérimentait les effets de la privation d’oxygène sur les nouveau-nés et menaçait les parents d’appeler les services sociaux s’ils s’opposaient à l’intégration de leur bébé dans son protocole scientifique. Résultat : une épidémie de paralysie cérébrale dans la région de Stafford où Southall œuvrait.
15La misogynie morbide de ces deux individus a marqué au fer le rôle de mère au Royaume-Uni.
Les déportations d’enfants
16Début 2010, le gouvernement a prononcé des excuses au Parlement pour le programme des « Enfants Migrants » : jusque dans les années 1970, une partie des enfants prélevés par les services sociaux étaient déportés en Australie où ils servaient de main d’œuvre et d’esclaves sexuels.
17La pratique remonte au XIIIXme siècle, mais n’est devenue un programme gouvernemental « au nom de l’intérêt supérieur de l’enfant » qu’au début du XXme siècle. C’est une assistante sociale britannique, Margaret Humphreys, qui a révélé ce programme et obtenu au terme de 23 ans de combat la reconnaissance du crime par les autorités.
18La stupéfiante réponse aux excuses tardives du gouvernement par le directeur de Banardo’s, Martin Narey, indiquait que « cette politique était bien intentionnée… et que beaucoup d’enfants ont su saisir la chance de la déportation pour une nouvelle vie sans misère ».
19Les adultes déboussolés retrouvés par Humphreys en Australie ont apporté les preuves d’une réalité bien différente. Martin Narey a quitté Barnado’s pour devenir le « conseiller adoption » de l’actuel gouvernement. Fervent doctriniste de l’adoption forcée, on lui doit des slogans tels que « l’État est le meilleur parent ».
Money, money
20C’est Tony Blair qui a fait de la protection de l’enfance un secteur économique à part entière en accordant des primes régionales de rendement selon le nombre d’enfants placés sur le marché de l’adoption nationale. En 2008, le gouvernement Brown a supprimé ces bonus dans l’ombre médiatique la plus complète, mais les agences d’adoption et de familles d’accueil avaient déjà poussé comme des champignons.
21Le nombre d’enfants retirés de leur famille a augmenté de 50% depuis 2008 et le nombre des adoptions nationales a augmenté de 45% en 2012. Les statistiques montrent de 3 à 4 000 adoptions par mois dont la majorité ont lieu avec « dispense du consentement parental ».
Sur le terrain
Classe ouvrière et foyers désœuvrés
22Les parents se tournent facilement vers les services sociaux pour essayer de résoudre un problème matériel ou familial. Par exemple, une mère demandera une aide matérielle après que son partenaire l’a quittée.
23Un scénario classique est celui de la mère qui fuit avec ses enfants un partenaire violent. Lorsqu’elle demande l’accès d’urgence à un refuge de femmes, l’assistante sociale lui fait signer un plan de protection volontaire pour placer les enfants en famille d’accueil le temps de trouver un logement définitif. Mais bientôt la mère est déclarée fragile et « à risque de revoir son ex-partenaire », ce qui signifie qu’elle ne sera pas capable de protéger ses enfants. Dès qu’elle proteste, les services sociaux entament la procédure dans le but d’obtenir, selon l’âge des enfants, un placement jusqu’à 18 ans ou une adoption.
24Les services sociaux auraient fait merveille sous le gouvernement de Vichy. Ils encouragent à la dénonciation des parents par les voisins, membres de la famille, médecins et écoles. Si le moindre problème d’alcool, de dépression, de drogue émerge, il se solde par un plan de protection pour négligence ou (et) abus.
25Les expressions « abus de substances » et « alcoolique » ont été appliquées à des parents qui partageaient une bouteille de vin au dîner. Les catégories « négligence » et « abus » tiennent du grand bazar : ménage pas fait, frigo pas plein, coffre à jouets trop modeste s’alignent avec un parent fatigué, anxieux où dont « l’histoire » montre une enfance malheureuse.
26L’enfance « perturbée », en particulier l’enfance en famille d’accueil ou institution, est une cause majeure de retrait du premier nouveau-né, à cause du « risque de future blessure émotionnelle » pour l’enfant.
27Dans une ville comme Ipswich, je n’ai jamais vu un dossier parental où ne figure pas « le risque de future blessure émotionnelle ». Les statistiques du gouvernement révèlent des placements pour cause de « famille dysfonctionnelle », de mauvaise santé, d’intelligence en dessous de la moyenne, de comportement antisocial et de pauvreté. Dans tous les cas, les liens familiaux sont guillotinés.
BPD - la malade humaine
28Comme les travailleurs sociaux, les psychiatres cochent les cases de tests standardisés. Le diagnostic le plus fréquemment copié/collé sur les rapports est Borderline Personality Disorder (BDP), véritable carte jockey en l’absence de toute pathologie. Sur le quizz du BPD, figure un facteur déterminant pour la santé mentale : « capacité à collaborer avec les travailleurs sociaux ».
29Lorsque les parents expriment leur colère, émotion trop spectaculaire pour avoir une place dans la société anglaise, on les envoie dans une classe de « gestion de la colère ». S’ajoute dans presque tous les cas la prescription d’antipsychotiques, y compris à des femmes enceintes, lesquels plongent les parents dans un cocktail de dépendance, incohérence, inertie et dépression suffisant pour alimenter l’argument d’incapacité parentale.
Un parent dont on a retiré un enfant n’en n’aura jamais d’autres
30L’interdiction d’enfanter ne figure pas en ces termes sur les ordres des tribunaux. Mais toute grossesse est immédiatement signalée par la sage-femme ou le médecin qui en prend connaissance. Beaucoup de femmes se font enlever plusieurs bébés parce qu’elles n’arrivent pas à comprendre qu’on leur a imposé une sentence à vie.
31L’enlèvement d’un nouveau-né, si le père est présent, se passe rarement sans la police. La salle d’accouchement est investie à la manière d’une opération antiterroriste, les armes en moins. Parfois, les assistantes sociales ferment la lumière, tandis qu’une sage femme arrache le bébé du sein ou des bras. Le spectacle d’une équipe médicale se transformant en quelques secondes en équipe tortionnaire n’a jamais été montré au public.
32Si la police maîtrise les parents, elle donne rarement l’impression d’être à l’aise, contrairement aux travailleurs sociaux qui rappellent immanquablement la Gestapo. L’absence des caractéristiques morales de « femme et mère » chez la majorité des assistantes sociales britanniques est un fait qui frappe aussi bien durant les évaluations parentales que durant les opérations d’enlèvements, d’autant que les services sociaux demeurent un milieu essentiellement composé de femmes.
33La police déclenche aussi la recherche des parents « portés disparus », ceux qui ont fui à l’étranger. Les membres de la famille demeurés en Grande-Bretagne sont bien sûr inquiétés. Mais parfois la police demande seulement à recevoir un coup de fil de la maman en cavale, lui conseille de ne jamais revenir, rapporte aux services sociaux que la famille est partie volontairement dans une juridiction étrangère et classe le cas.
Vie de famille sous microscope
34Les parents ou jeunes mamans menacés de perdre leurs enfants passent parfois de l’accouchement à l’internement en « mother and baby unit ». Dans ces établissements d’aspect anonyme, les parents s’occupent de leurs enfants sous surveillance permanente du personnel et de caméras situées jusque dans les toilettes.
35Tous les couples que j’ai interrogés sur cette expérience ont été au bord de la rupture ou ont rompu à son issue. Une maman ne se rappelle plus d’aucune scène de plus de quelques minutes à cause des antipsychotiques qu’on l’obligeait à prendre, et bien sûr, elle a été « recalée », c’est-à-dire qu’elle est passée directement de l’établissement après cinq mois de séjour au tribunal familial.
36La même situation artificielle s’applique aux centres de contacts dits supervisés. Parents et enfants n’ont pas le droit de parler de ce qui leur arrive, il faut faire comme si tout était normal. Les parents dont les enfants seront adoptés sont aussi priés de leur expliquer « qu’ils n’ont plus le temps de s’occuper d’eux » et toute phrase comme « Maman ne cessera jamais de se battre pour toi » donne lieu à la rupture immédiate des contacts.
Des avocats… « perdants professionnels »
37Les familles pauvres et peu éduquées n’ont aucun moyen de décrypter leur situation légale. Les services sociaux leur demandent de choisir un avocat sur une liste. Le plus souvent, cet avocat est presque aussi hostile aux parents que les travailleurs sociaux. Il conseille de se limiter à la demande de contacts, signe des mentions « comme convenu par les différentes parties » et refuse de faire appel.
38Si les parents contactent une association de défense familiale, ils sont informés du piège et peuvent essayer d’obtenir un avocat qui va vraiment les défendre. Mais ceux-ci sont très peu nombreux au regard du nombre de familles affectés.
Classes moyennes
39« Négligence » est une catégorie qui s’éloigne avec le niveau de vie. Les tactiques, dans le fond, sont les mêmes, mais les prétextes varient selon le niveau financier et intellectuel des familles. C’est plus souvent à la faveur d’un divorce, à l’école, à l’hôpital ou chez le médecin que le vent tourne pour les familles bourgeoises.
40Les divorces conflictuels rapportent un grand nombre d’enfants au système. La procédure démarre alors en « loi privée » et finit en « loi publique ». Les grands-parents sont balayés par des rapports défectueux, sauf s’ils parviennent à rejeter leurs enfants. La règle essentielle pour obtenir la garde de ses petits-enfants est de montrer une hostilité absolue envers leurs parents et de garantir qu’il n’y aura aucun contact avec eux.
Criminels jusqu’à preuve du contraire
41Les « maladies des os de verre » parmi les bébés pour cause de déficiences diverses sont une source majeure de retrait d’enfants. Jusqu’à l’an dernier, les experts affirmaient, par exemple, que le rachitisme temporaire des bébés du à une déficience en vitamine D chez la mère ne cause pas de fractures osseuses.
42Comme si ce n’était pas assez angoissant d’arriver aux urgences avec un bébé au bras mou ou pleurant d’une manière erratique, les parents britanniques dans ce cas se trouvent systématiquement confrontés aux accusations de maltraitance. Les fractures montrées par les radios déclenchent le signalement aux services sociaux plutôt qu’à la science.
43En l’absence de preuves, le juge demande à l’un des parents de se dénoncer, faute de quoi les deux sont déclarés coupables bien que rarement emprisonnés.
44Des avocats se sont d’ailleurs spécialisés dans l’accusation de « blessure non accidentelle ». Mais si la procédure traîne trop, le juge refuse la permission de faire appel pour ne pas perturber l’enfant qui a déjà oublié sa famille.
Une victime devenue un espoir pour les parents
45Des familles très aisées sont à compter parmi les victimes. Lucy Allan, avocate et candidate conservatrice pour le siège de Telford à la prochaine élection, a été accusée de vouloir se suicider (et donc de risquer de tuer son fils avec elle) par le médecin à qui elle se plaignait d’être surmenée.
46Cette accusation est un grand classique chez les mamans éduquées. Ironie du sort, Lucy faisait partie d’un panel d’adoption, un groupe d’une quinzaine de personnes qui lors de sessions « défrayées » dans les 650 euros chacune, déclare les enfants « bons pour adoption » sur rapport des services sociaux.
47La plupart des membres du panel sont dans le circuit professionnel de la protection de l’enfance. Lucy Allen y était en tant que conseillère municipale et y a été renvoyée une fois elle-même assise sur le banc des parents dangereux. Mais elle en avait vu assez pour comprendre le fonctionnement de la machine.
48Avec son mari, elle s’est battue deux ans avant que les services sociaux ne consentent à oublier leur petit garçon. Sa campagne électorale pour 2015 est une campagne antiadoption forcée, la seconde du genre après celle du député libéral démocrate John Hemming qui mène le combat antiadoption forcée au Parlement.
Les interrogatoires d’enfants
49Si les travailleurs sociaux estiment qu’il y a eu violence ou agression sexuelle, ils peuvent demander à la police de soumettre les enfants à l’interrogatoire ABE (Achieving Best Evidence), dont la traduction française « meilleurs éléments d’appréciation » exprime mieux les limites, le mot anglais « evidence » couvrant le sens d’indice à celui de preuve tangible.
50Par exemple, une fillette française de 10 ans, pressée par la police de Brighton de décrire des mauvais traitements, explique que son père fait le geste de l’étrangler lorsqu’elle n’arrive plus à parler français. Le policier demande où cela est-il arrivé, s’il y a des témoins : « pleins, c’était sur la place du marché ». Le policier ne semble pas s’en amuser et demande des détails sur la souffrance physique causée par l’étranglement : « mais non, il fait semblant, donc ça ne fait pas mal ». Cette enfant avait pourtant été examinée à l’hôpital où le médecin n’avait trouvé « pas même un bleu », un témoignage qui n’a eu aucun poids contre les accusations émanant de l’école.
51L’interrogatoire d’un enfant est basé sur sa mise en confiance et sur le fait que tout d’un coup, l’enfant fait l’objet d’une attention hors du commun. S’il ne présente initialement ni peur ni hostilité envers ses parents, il y a présomption de complicité non assumée, et la police essaie de découvrir les faits.
52Dans de nombreux cas, la police n’a pas décidé d’interroger des enfants parce qu’elle soupçonne les parents d’actions criminelles, elle a répondu à une demande des services sociaux avides de découvrir des abus graves.
53À Norwich, l’interrogation de cinq frères et sœurs s’est terminée par le plus jeune (5 ans) accusant ses parents et grands-parents, la maîtresse et les camarades de classe d’actes sexuels. Le juge a déclaré l’interrogatoire déficient, mais refusé le retour des enfants chez leur famille qui ne les a plus jamais revus.
54Près de trois ans plus tard, cela n’a pas empêché les services sociaux d’affirmer que les enfants avaient produit de nouvelles accusations sexuelles contre leurs parents, lesquels sont maintenant convaincus que leurs enfants sont abusés au sein de la famille d’accueil.
Exclusion sociale
55Il faut souligner que les parents, après avoir perdu leurs enfants, tombent fréquemment dans une spirale de dégradation financière, sociale et de leur santé morale. Ils ont parfois dépensé tout ce qu’ils avaient en frais d’avocats, ils ont perdu leur travail à cause des contacts supervisés et des audiences, les entreprises n’étant pas prêtes à voir leurs employés s’absenter plusieurs fois par mois.
56Ils ne retrouvent pas de travail à cause du stigma du tribunal et parce que les assureurs s’y opposent, en particulier si le travail place l’employé en contact avec des enfants. Les parents à la dérive finissent par ressembler au portrait que les services sociaux en ont brossé, ce qui achève de les isoler. L’idée qu’on puisse devenir fou de douleur, écrasé par le poids d’une injustice sans nom, est balayée par le regard du public qui préfère voir un châtiment dûment mérité.
Les enfants étrangers
57Les statistiques du gouvernement et des différentes agences classent les enfants soustraits à leur famille par ethnie, plutôt que par nationalité. On ne sait donc pas combien d’enfants d’expatriés sont concernés en Grande-Bretagne, mais les cas défilent à grande allure.
58Durant les contacts, parents et enfants n’ont pas le droit de s’exprimer dans leur langue. Ces dernières années, on a noté une recrudescence d’enfants des pays de l’Est placés à l’adoption. Sur la transcription d’un entretien entre une assistante sociale et une maman latvienne, on peut lire : « beaucoup de gens veulent adopter une petite fille blonde aux yeux bleus comme la vôtre ».
59Les familles immigrant illégalement en Grande-Bretagne se heurtent aussi à l’UKBA (UK Border Agency), l’organisme qui régit les frontières. Son mode d’emploi intitulé « séparer les familles en vue de la détention et déportation » prend d’ailleurs beaucoup moins de gants pour dicter la procédure que ceux qui visent les enfants des citoyens et résidents britanniques.
60L’acharnement avec lequel les services sociaux britanniques entendent contrôler les enfants étrangers relève du colonialisme. Par exemple, ils exigent de la Slovaquie un droit de regard sur la vie de deux enfants que ce pays a récupérés au terme d’un long combat légal et diplomatique.
61Une Française résidant à Paris n’a obtenu la garde de sa nièce enlevée en Angleterre qu’à condition d’être supervisée par des travailleurs sociaux britanniques qui voyageront régulièrement à cet effet.
62Seule la Slovaquie s’est opposée publiquement au Royaume-Uni. Les services sociaux lituaniens et un juge belge se sont heurtés à la sourde oreille de leurs homologues britanniques. Aucune des familles françaises que j’ai approchées n’a reçu d’autre aide consulaire que les coordonnées d’un avocat. Les plus chanceuses ont trouvé l’information par elles-mêmes et à temps pour procéder à un retour précipité en France.
Fugitifs
63L’acharnement est similaire pour récupérer les bébés de mamans britanniques qui ont accouché à l’étranger. Elles ne sont pourtant pas dans l’illégalité, car les tribunaux ne peuvent ordonner un retrait d’enfant avant sa naissance. Il suffirait aux services sociaux britanniques « inquiets » de faire un signalement à leurs homologues étrangers.
64Mais de même qu’ils tiennent à garder leur butin étranger, ils ne sont pas prêts à perdre un enfant de leur patrimoine national. Avec l’aide de consuls honoraires britanniques, ils sont parfois parvenus à leurs fins.
65Par exemple, un tribunal espagnol a produit un ordre de placement d’un bébé britannique dans une famille d’accueil locale. L’ordre spécifiait que les parents avaient 15 jours pour faire appel. Mais 48 heures après le retrait du bébé, il se trouvait comme par miracle en Grande-Bretagne sans que ce pays ait été mentionné par écrit.
66En France, un juge s’est laissé convaincre par des travailleurs sociaux britanniques qu’il fallait leur remettre un bébé né sur place après la fuite de ses parents. Dans ce cas, l’action énergique d’un avocat britannique a résulté dans le retour du bébé en France, puis chez ses parents. Mais ce couple a fait l’objet d’une vengeance extraordinaire : en Grande-Bretagne, les services sociaux ont enlevé les enfants de la sœur de la maman et ceux de sa meilleure amie.
« À nous les petites Françaises… »
Le lendemain, Louison raconte le fait d’armes à une camarade de classe. Elle ne rentrera pas chez elle, ramassée à l’école par les services sociaux de Brighton. En fin de journée, son père s’inquiète, mais Matilde estime que Louison a seulement raté l’autobus. Elle quitte l’appartement pour l’attendre au bus suivant. Sous le porche d’entrée, elle trouve la police qui la fait monter dans une voiture.
Peu après, l’appartement est fouillé, l’arme du crime (le balai) confisquée et Régis passe la nuit en cellule. Il restera libéré sous caution « durant l’enquête », une enquête fantôme close sans résultats après un an, lorsque les services sociaux sont certains que les enfants ne retourneront jamais en France.
Commence une longue série d’audiences préfabriquées où les preuves en la faveur du père sont écartées par le juge, qui va jusqu’à les remettre à l’avocat des services sociaux. Un père de plus en plus désespéré que devient « le fou dangereux pour ses enfants » à cause de sa colère qui éclate généreusement.
À l’habituel psychiatre britannique est substitué le psychanalyste français Lionel Bailly qui, de son propre aveu n’a d’expérience juridique que sur des cas de grande violence et meurtres. En deux visites d’une heure et demi chacune, il étiquette les enfants d’un côté, le père de l’autre et surtout, il sert de mouchard, dénonçant aux services sociaux « l’utilisation de la presse par le père ». Ironie du sort, il dit, sur son curriculum vitae, être spécialisé dans les enfants dont les « Droits Humains » ont été lésés ! Son verdict : le père a peut-être été excellent lorsque Matilde et Louison étaient toutes petites, mais ne l’est plus pour des enfants de cet âge. « Il est intransigeant et leur impose ses idées », un défaut qui est pourtant celui de la figure du père depuis le début de l’humanité.
La totalité des pièges du système se déroulent, y compris un grand classique : l’utilisation d’un conflit familial. Régis est à couteaux tirés avec sa mère. Son propre père est hélas décédé. Le beau-père, qui n’est autre que le Comte Grandbois de Villeneuve, fondateur du plus gros cabinet d’avocats d’affaires de France, assure que Régis est un parent dévoué et compétent. Il est persuadé que s’il coupe ses cheveux très court et porte une cravate, le juge lui rendra ses enfants ! Il fera parvenir au tribunal les pages du Who’s Who le concernant, ce qui causera le même regard d’incompréhension que s’il s’agissait d’Astérix chez les Bretons.
Mais lorsque la mère de Régis entre en scène, avec une rage destructrice décuplée par l’alcool que le cas est définitivement ruiné. L’idée d’aider ses petites filles ne peut surpasser celle de punir un fils qu’elle ne semble jamais avoir aimé. Lorsque les services sociaux procéderont à l’évaluation des grands-parents via Skype, leurs rapports montrent qu’ils ont décroché le gros lot : un parent unique sans soutien familial. Les services sociaux du consulat de France participent activement au placement définitif des enfants en Angleterre, dès lors qu’il est clair que le Comte et la Comtesse ne se battent pas pour leurs petites-filles.
Matilde et Louison semblent suivre deux avenues contradictoires dans leur évolution. D’une part, des lettres exprimant leur amour pour leur père et leur souffrance d’en être séparées lui parviennent, le plus souvent avec plusieurs semaines de retard.
D’autre part, Régis a par deux fois découvert leur adresse, déclenchant les foudres juridiques, mais aussi révélant une Matilde apeurée et hurlant à la vue de son père. Des personnes ayant vécu en famille d’accueil ont expliqué que c’est une réaction normale de la part de l’enfant qui redoute plus que tout les conséquences de la transgression à la volonté des services sociaux, ce qui ne réconforte guère le père sans cesse confronté à l’absence.
Matilde et Louison auront 12 et 14 ans dans quelques mois. Le droit d’expression devant un tribunal britannique commence à 12 ans, mais elles ne le savent pas et même si elles le savaient, le système est une chape de plomb sur leur conscience d’enfant.
La loi
67S’il est une seule caractéristique du « Children Act » [2] à retenir, c’est son standard de preuves basé sur la probabilité, admettant les « preuves par ouï-dire » [3] ou basées sur l’opinion d’un expert. Pour inculper quelqu’un, il faut des preuves tangibles. Pour priver les enfants de leur famille et vice versa, il faut des doutes.
68Le professeur en droit familial Brian Sloan, lui même un critique de l’adoption forcée, explique que du point de vue légal, la destruction de la famille n’est pas un châtiment, mais une mesure de protection. Il ajoute que le Royaume-Uni est un des rares pays où le consentement de l’enfant à l’adoption n’est pas requis. C’est d’autant plus étonnant que l’âge de responsabilité criminelle y est de dix ans.
« Gagging order » et prison
69Tout parent privé de ses enfants fait l’objet d’une injonction dite ordre de bâillonnement (gagging order). Il ne peut évoquer son cas en dehors du tribunal, sinon avec sa défense. Harriet Harman, vice-premier ministre de Gordon Brown, avait déclaré que 200 personnes étaient secrètement emprisonnées chaque année pour outrage à magistrat par les tribunaux familiaux.
70Ce mois de mai, à la suite d’une campagne du groupe Justice for Families et du journal Daily Mail, le ministère de la Justice a levé le secret : tous emprisonnements et jugements à cet effet devront être publiés.
71Mais la liberté d’expression n’en demeure pas moins interdite lorsqu’on perd ses enfants, soi-disant pour protéger l’anonymat des mineurs, lesquels sont d’ailleurs soumis à la même restriction lorsqu’ils sont en âge de s’exprimer. On peut se demander si la main mise de l’état sur la famille n’est pas le pas le plus sûr vers le déclin de la démocratie.
For the Best Interest of the Child
72Chaque fois que j’entends cette version anglaise de la doctrine de l’intérêt supérieur de l’enfant prononcée dans l’action, je ne peux m’empêcher de penser à ces hommes déclarant « Allah est grand » avant de détonner une bombe. « Best » (supérieur) sonne aussi autoritaire et arbitraire que « grand ».
73Il signale pompeusement la mort familiale. Mais depuis deux ans, j’ai entendu des avocats comme des juges oublier cette formule pour une autre, plus inquiétante encore : « les droits humains des adoptants ». Même à la Cour d’appel de Londres, cet argument est tombé comme un coup de massue sur les parents naturels, tel un lapsus révélateur des motivations de la protection de l’enfance.
Les enfants
74La moitié des garçons élevés en institution ou famille d’accueil finissent en prison, la moitié des filles sur le trottoir. Ce sont des statistiques officielles qui servent aussi de propagande à l’adoption comme « solution idéale » pour l’enfant.
75Les témoignages de ceux qui ont grandi dans une famille professionnelle décrivent souvent trois phases :
- un désespoir confus mêlé d’un sentiment de culpabilité, que les enfants soient ou non à l’origine des faits ou mots qui ont conduit les services sociaux chez leur famille ;
- la nécessité d’obtempérer pour se protéger et parfois protéger leur famille, en particulier face au chantage dont a témoigné une enfant de 12 ans : « si tu essaies de le contacter, on mettra ton père en prison » ;
- enfin, la résignation, étape au cours de laquelle l’enfant commence à éprouver un sentiment d’abandon par les parents qui n’ont pas été capables de le récupérer.
76Ces derniers mois deux gangs pédophiles à Rochdale et à Oxford ont été démantelés. On a beaucoup insisté sur le fait qu’il s’agissait d’hommes issus de communautés indo-pakistanaises, moins sur la manière dont ils ont trouvé la plupart de leurs victimes parmi les 7 885 enfants qui ont fugué d’un « Children home » au cours de l’année passée, dont près de la moitié ont fugué plusieurs fois.
Adoptés, adoptants
77Les enfants sont soumis aux thérapies préadoption qui leur inculque la différence entre la « maman-du-ventre » et « la famille normale ».
78Une adoption sur quatre échoue, ce pourquoi il est maintenant question de placer les enfants dès leur soustraction de la famille naturelle chez les futurs adoptants afin d’éliminer aussi le risque d’attachement à la famille d’accueil. Le gouvernement demande aussi que les enfants soient trouvés et retirés le plus tôt possible après la naissance.
79Des parents adoptifs se sont trouvés confrontés à des épisodes quasi psychotiques lorsque les enfants se mettent à exiger les vrais parents après plusieurs années plus ou moins harmonieuses. Cela a poussé un certain nombre d’adoptants à enquêter sur les dires des services sociaux concernant la famille de naissance et à réaliser l’étendue des mensonges.
80L’an dernier, un petit groupe d’adoptants a rejoint les parents naturels dans leur combat contre l’adoption forcée.
81Ceux qui ont essayé d’aider leurs enfants à retrouver leurs parents se les sont vus retirer à leur tour par les services sociaux. Le gouvernement a aussi lancé une campagne « d’information » sur les méfaits de Facebook qui permet aux enfants de retrouver leurs parents, lesquels en encourageant la communication, « ruinent » la vie des familles adoptives.
82Peter Dale, un travailleur social qui a aussi rallié le camp des familles naturelles, affirme que la réussite des adoptions forcées ne tient qu’au niveau de vie des adoptants. Certains adoptés à la recherche de leurs origines sont contents lorsqu’ils réalisent qu’ils ont échappé à la pauvreté, d’autant plus lorsqu’ils sont confrontés à des parents naturels détruits par ce qu’ils ont vécu.
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Conflits d’intérêts
83Que se passerait-il si les hôpitaux finançaient les pompes funèbres ? C’est exactement la situation des services de protection de l’enfance britannique, dont une part majeure du budget est dépensée pour les services d’adoption et d’accueil plutôt que pour l’aide aux familles. C’est comme si l’hôpital préférait payer le cercueil plutôt que l’opération.
84En 2002, le « Children Act 1989 » a été rebaptisé « Adoption and Children Act 2002 » [4], apposant un sceau légal sur un conflit d’intérêts majeur. Les interférences entre adoption et protection sont multiples.
85Juges, gardiens légaux des enfants retirés et directeurs de services sociaux sont également membres du conseil d’administration du BAAF (association britannique pour l’adoption et l’accueil) [5].
La protection de l’enfance ne dépend plus des dépenses, mais des profits
86Des personnes désireuses de créer leur start-up montent une agence d’adoption ou d’accueil, en particulier des travailleurs sociaux. L’un d’entre eux a démarré avec son épouse, elle-même famille d’accueil, en 1994. Leur agence, Core Assets, est aujourd’hui implantée dans 9 autres pays avec un chiffre d’affaire global de 167 millions d’euros.
87Une famille d’accueil touche 4 à 500 euros par semaine et par enfant, le tarif de base pour les enfants « faciles ». L’agence prend une commission équivalente lorsqu’elle fournit une famille d’accueil et elle est dispensée de la TVA, le secteur de l’enfance étant déclaré d’utilité publique.
88Si une famille disposait d’une aide sociale de 900 euros par semaine et par enfant - pour faire la moyenne - elle pourrait envoyer sa progéniture en pension à Eton, le collège privé de la famille royale, et payer les vacances, ou financer un standard équivalent pour les enfants de 0 à 12 ans.
89Sans en demander autant, aider un enfant sans lui infliger le déchirement familial est évidemment financièrement possible au Royaume-Uni.
90Des sociétés d’investissement publient les chiffres et transactions de l’industrie. L’an dernier, une autre agence de familles d’accueil, NFA, était vendue 160 millions d’euros par Sovereign Capital à Graphite Capital.
91Une adoption coûte jusqu’à 76 000 € au contribuable et si certaines agences d’adoption sont classées œuvres de charité, donc « sans profits », elles n’en versent pas moins des salaires à la hauteur du marché à leurs dirigeants et professionnels tels que 125 000 € pour le PDG de Barnados.
92Récemment, les services sociaux de Southend-on-Sea (Kent) ont eu l’idée de vendre leurs candidats à l’adoption 32 000 € par couple. La ville est trop petite pour y placer ses enfants auprès des adoptants locaux qui risquent de se retrouver nez à nez avec les familles naturelles. L’idée est donc de vendre les adoptants aux grosses villes et d’en acheter d’autres, éloignés de la source. La marge de profit envisagée pour cette opération n’a pas encore été publiée.
L’histoire officielle
93S’il est incontestable que des parents adorant leurs enfants peuvent aussi avoir un comportement destructeur envers eux, les leur retirer n’a apporté aucune évolution positive dans la société familiale, aucun résultat, sinon de polluer la vie de famille avec la peur du gendarme.
94Ce n’est pas seulement aux parents concernés que le système britannique retire l’autorité parentale. C’est à tous les parents. Et pour ceux qui sont, non pas maltraitants, mot qui a perdu toute sa précision dans l’aventure, mais criminels, ils sont la vitrine médiatique de la protection de l’enfance et se sont plus que jamais fondus dans l’anonymat du parent moyen.
L’aide sociale forcée
95Cette année, l’Australie et la Suisse ont produit des excuses publiques pour des décennies d’adoption forcée dans leurs pays. Simonetta Sommaruga, ministre suisse de la Justice est allée jusqu’à citer « l’aide sociale forcée » fondée sur l’incapacité parentale déclarée par les services sociaux. Elle a même déploré le traitement, à ce titre, des prostituées, alcooliques et drogués.
96Le Royaume-Uni et les pays européens qui « laissent faire », voire « s’inspirent » du système britannique, dévalent la mauvaise pente. Même l’histoire officielle change.
Les enfants rescapées de la tuerie de Chevaline
Depuis trois mois et demi, les médias britanniques n’ont publié aucune nouvelle de Zeinab et Zeena al-Hilli. En février, leur tante, Fadwa al-Saffar, avait donné des précisions sur le calvaire que sa famille vit depuis la sortie des enfants de l’hôpital français où elles ont été soignées.
Zeinab et Zeena n’ont en effet jamais eu droit au réconfort familial après avoir survécu à l’attaque meurtrière. Un travailleur social du Surrey a voyagé avec les deux membres de la famille al-Hilli qui sont venus les chercher en France, afin de s’assurer qu’elles ne passeraient jamais le seuil de leur maison.
Placées dans une famille d’accueil anglaise, seule Fadwa a le droit de les rencontrer pendant une heure dans un centre de contacts supervisés ; les cadeaux que le reste de la famille leur a envoyés ont été retournés.
Zeinab et Zeena ont été soustraites non seulement à leurs proches, mais aussi à leur environnement culturel, religieux et linguistique. Leur grand-oncle Ahmed dénonce à ce titre le non-respect de la Convention relative aux droits de l’enfant des Nations unies.
Fadwa a fait une demande formelle d’adoption des enfants. Mais après qu’elle a révélé leur sort à la presse, on peut craindre des représailles ; le silence qui s’en est suivi n’est pas de bonne augure. Si la célébrité du cas jouera finalement contre ou en faveur de la requête de Fadwa demeure une question ouverte.
Le Surrey est aussi le comté qui s’est distingué dans l’affaire Boor, la famille slovaque dont les enfants ont été récupérés par leur pays. En dernier recours, les services sociaux avaient tenté de les faire adopter par la famille d’accueil britannique sous prétexte qu’ils étaient placés depuis deux ans.
Tous les reportages sur cette affaire réalisés par la presse slovaque sont censurés au Royaume-Uni.
La police, elle, affirme que l’enquête sur « le meurtre des Alpes » doit d’abord être terminée, une enquête dont on sait pourtant que la conclusion est loin d’être assurée. Et il y a déjà longtemps que la participation du frère de Saad al-Hilli au meurtre de Saad et Akbar a été écartée par les enquêteurs. Mais la police du Surrey n’est pas étrangère à la chasse aux familles, puisqu’elle en dénonce 15 à 20 000 par an, un nombre d’ailleurs ingérable pour l’équipe de protection de l’enfance locale qui supervise 800 enfants en famille d’accueil.
Interrogée par les journaux sur les enfants al-Hilli, elle a systématiquement invoqué « son devoir d’assurer leur bien-être et leur sécurité », mais n’a jamais expliqué en quoi les priver de leurs principaux repères affectifs est bénéfique à leur bien-être et sécurité. Zeinab et Zeena ne sont après tout que l’objet d’une opération de routine.
Notes
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[1]
Journaliste, correspondante RTBF au Royaume-Uni. L’enquête de Florence Bellone RTBF sur les enlèvements d’enfants par les services sociaux britanniques avait fait sensation l’an dernier. Ce reportage vient de lui valoir le prestigieux prix européen Lorenzo Natali pour les droits de l’Homme. Voy. égal. J.-P. Rosenczveig, « Le scandale des « enfants volés » de. Grande-Bretagne », JDJ, octobre 2011, n° 310, p. 10-11. L’émission « Enfants volés en Grande-Bretagne, le scandale continue » peut être podcastée sur http://www.rtbf.be/info/emissions/article_enfants-voles-en-grande-bretagne-le-scandale-continue?id=7918767#newsAudiosPane
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[2]
Children Act 1989 ; http://www.legislation.gov.uk/ukpga/1989/41/contents
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[3]
Voy. The Children (Admissibility of Hearsay Evidence) Order 1993 (http://www.legislation.gov.uk/uksi/1993/621/made) ; The hearsay rule in civil proceedings, The Law Commission, resented to Parliament by the Lord High Chancellor, September 1993, www.official-documents.gov.uk/document/cm23/2321/2321.pdf
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[4]
Adoption and Children Act 2002, http://www.legislation.gov.uk/ukpga/2002/38/contents
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[5]
British Association For Adoption, http://www.baaf.org.uk/