Couverture de JPE_020

Article de revue

De l’autisme en cascades

Pages 189 à 233

Notes

  • [1]
    L’expression anglo-saxonne employée sans ambages témoigne directement de l’origine américaine de cette reconnaissance sociétale.
  • [2]
    « Du sur-mesure pour les autistes Asperger », Le Monde, jeudi 2 avril 2020, supplément Le Monde Campus, p. 9.
  • [3]
    Dans cette optique, les auteurs proposent depuis septembre 2018 un séminaire mensuel à l’hôpital Sainte-Anne (Paris) de « philosophie et histoire de la psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent ». Voir le carnet https://php.hypotheses.org
  • [4]
    Dans le sens d’une attitude qui ferait fi de la raison, avec une dimension d’hermétisme aux arguments rationnellement pertinents. C’est ainsi qu’un ancien candidat à la dernière élection majeure de la République française en avait fait usage un soir à la télévision publique.
  • [5]
    Abréviation dans la traduction pour démence précoce, la dénomination latine Dementia praecox est utilisée en allemand.
  • [6]
    Nous remercions Yann Diener d’avoir attiré notre attention sur le texte de Bonomi lors de son intervention au séminaire de Saint Anne, le 19 décembre 2019.
  • [7]
    Voir supra.
  • [8]
    Année de parution en langue française de l’ouvrage d’Edith Sheffer, Les Enfants d’Asperger, Paris, Flammarion, 2019.
  • [9]
    Dans la collection « Les empêcheurs de penser en rond », détenue alors par l’entreprise pharmaceutique Synthélabo et qui en possède toujours les droits.
  • [10]
    L’étude US/UK visait à évaluer les raisons de la disparité de l’attribution du diagnostic de schizophrénie dans deux pays de même langue : à l’époque, du fait d’une histoire différente de l’implantation de la psychiatrie, le diagnostic de schizophrénie est donné plus fréquemment aux États-Unis qu’au Royaume-Uni. Et c’est sur la base de ce travail préalable (et parallèle) à celui de Robert Spitzer et Jean Endicott qu’est née la notion fondamentale de fidélité interjuge (reliablity) dans le DSM-III en 1980.
  • [11]
    En Galicie actuellement ukrainienne, terre d’origine d’Amalia Nathansohn-Freud et de Joseph Roth.
  • [12]
    Notre traduction.
  • [13]
    Intégrant le syndrome d’Asperger en F84.5 au sein des troubles envahissants du développement
  • [14]
    Voir la version originale du DSM-5 (2013) et sa traduction française (2015).
  • [15]
    On peut citer pour exemple le scandale Kurt Waldheim, ancien secrétaire général de l’ONU puis président autrichien modéré et social-démocrate malgré son passé notoire dans la Waffen-SS, à la faveur de la disparition des générations des anciens combattants.
  • [16]
    Notre traduction.
  • [17]
    « Erfassung, Selektion Und “Ausmerze”, Das wiener Gesundheitsamt und die Umsetzung der nationalsozialistischen “Erbgesundheitspolitik” 1938 bis 1945 », soit en français « Recensement, sélection et “élimination” » : le bureau de santé publique de Vienne et la mise en œuvre de la “politique de santé génétique” de 1938 à 1945 ».
  • [18]
    Asperger évoque « quelque chose qui a été décisif pour lui, sa participation au mouvement de jeunesse allemand » (« etwas entscheidendes: die Teilnahme an der deutsche Jugendbewegung »), notre traduction.
  • [19]
    Voir les notes 21, 30, 33, 54, 58, 64, 76, 77 et surtout 79 et 84.
  • [20]
    Un de ses premiers ouvrages aborde l’irruption du rideau de fer entre deux communes de la région du Rennsteig historiquement liées.
  • [21]
    Voir infra, note 41.
  • [22]
    Traduction française du titre choisi pour la traduction de l’ouvrage de Sheffer en langue espagnole.
  • [23]
    Voir aussi Sahnoun L., Rosier A. (2012), « Syndrome d’Asperger : les enjeux d’une disparition », PSN, 10, 1, p. 25-33.
  • [24]
    « Wie weit die Dementia praecox im Kindesalter, lange vor der Pubertät auftritt, das ist noch eine durchaus offene Frage », p. 226. Notre traduction.
  • [25]
    Récemment revenue à la France après une cinquantaine d’années d’annexion et de psychiatrie allemande.
  • [26]
    Citations directes du travail de Bleuler : p. 667-668, 670, 686, 762, et « schizophrénie latente » p. 920, 926, 947.
  • [27]
    Photographie « Gruppe von schizophrenen Kranken » (Figure 154, p. 708) ; son commentaire sur la Zersplitterung de Bleuler (p. 749). Citons également sa création très inspirée du néologisme « Schizophasie » pour les troubles du langage spécifiques à la démence précoce (p. 859).
  • [28]
    Chapitres 3, 7 et 9.
  • [29]
    Psychiatre nazi notoirement impliqué dans des meurtres de masse telle l’opération T4.
  • [30]
    Et notamment le cinquième, qui n’est pas désigné par son prénom et l’initiale de son nom mais dont nous apprendrons qu’après son habilitation en astronomie, il devint professeur d’université en astrophysique.
  • [31]
    Avec les mêmes références aux dignitaires de la psychiatrie nazie.
  • [32]
    « Schwerste Kontaktstörungen eben schon von psychotischen Graden ».
  • [33]
    Il fut reçu à deux thèses de doctorat, ès histoire de l’art et philosophie-esthétique en 1938.
  • [34]
    Cette partie écrit et prolonge une réflexion épistémologique proposée par les auteurs lors d’une communication au congrès de l’Encéphale en janvier 2020 à Paris (« Intérêts et limites du concept de spectre appliqué à l’autisme »). Pour une étude détaillée du concept de spectre en psychiatrie, voir Y. Craus, Étude du concept de spectre pour l’épistémologie psychiatrique : effets et méfaits sur les rapports du normal et du pathologique en pratique clinique, chapitre d’un ouvrage en hommage à Jean Gayon, à paraître aux Éditions matériologiques en septembre 2020.
  • [35]
    Diagnostic and Statistical Manual (DSM).
  • [36]
    Georges Canguilhem (1904-1995) étant à l’évidence la référence obligée pour s’y repérer.
  • [37]
    Voir l’argumentaire sur un site dédié : www.spectrum-project.org
  • [38]
    Définition du CNRTL, Lexicographie.
  • [39]
    Ce que nous avons nommé dans une précédente publication « effet palimpseste patronymique ». Voir Y. Craus, J. Sinzelle, « Analyse de livre », L’Information psychiatrique, 96, 1, 2020.
  • [40]
    « Du sur-mesure pour les autistes Asperger », Le Monde, jeudi 2 avril 2020, art. cit.
  • [41]
    Derniers mots de l’Avant-propos, qui évoque saint Ambroise, son objet d’étude.
Nous avons souvent entendu formuler l’exigence suivante : une science doit être construite sur des concepts fondamentaux clairs et nettement définis. En réalité, aucune science, même la plus exacte, ne commence par de telles définitions. Le véritable commencement de l’activité scientifique consiste plutôt dans la description de phénomènes, qui sont ensuite rassemblés, ordonnés et insérés dans des relations. Dans la description, déjà, on ne peut éviter d’appliquer au matériel certaines idées abstraites que l’on puise ici ou là et certainement pas dans la seule expérience actuelle. De telles idées – qui deviendront les concepts fondamentaux de la science – sont dans l’élaboration ultérieure des matériaux, encore plus indispensables. Elles comportent d’abord nécessairement un certain degré d’indétermination ; il ne peut être question de cerner clairement leur contenu. Aussi longtemps qu’elles sont dans cet état, on se met d’accord sur leur signification en multipliant les références au matériel de l’expérience, auquel elles semblent être empruntées mais qui, en réalité, leur est soumis. Elles ont donc, en toute rigueur, le caractère de conventions, encore que tout dépende du fait qu’elles ne soient pas choisies arbitrairement mais déterminées par leurs importantes relations au matériel empirique ; ces relations, on croit les avoir devinées avant même de pouvoir en avoir la connaissance et en fournir la preuve. Ce n’est qu’après un examen plus approfondi du domaine de phénomènes considérés que l’on peut aussi saisir plus précisément les concepts scientifiques fondamentaux qu’il requiert et les modifier progressivement pour les rendre largement utilisables ainsi que libres de toute contradiction. C’est alors qu’il peut être temps de les enfermer dans des définitions. Mais le progrès de la connaissance ne tolère pas non plus de rigidité dans les définitions.
S. Freud (2005), Pulsions et destins des pulsions, p. 11-12.
Au cœur du traitement d’un enfant – et sans doute est-ce là que la psychanalyse se distingue radicalement de la psychologie et de ses observations – la notion de développement est la trace déformée d’un désir infantile, et c’est sur le terrain de cette déformation qu’un petit et un grand, celui qui ne sait pas encore et celui qui avait cru savoir, se rencontrent dans un malentendu temporel que l’éducation tout à la fois scelle et déguise.
L. Kahn (2004), Cures d’enfance, p. 183.

1Il y a quarante ans, la psychiatre britannique Lorna Wing (1928-2014) remettait au goût du jour les travaux oubliés du pédiatre autrichien Hans Asperger (1906-1980) – décédé alors depuis peu – sur les « psychopathes autistiques » et distinguait une nouvelle forme d’autisme, le syndrome d’Asperger (Wing, 1981). Le texte d’Asperger devenu princeps dans l’histoire de l’autisme n’était alors accessible qu’en langue originale allemande (Asperger, 1944). Depuis plus de quinze ans déjà, John et Lorna Wing dirigeaient l’unité de psychiatrie sociale au sein de l’Institut de psychiatrie de Londres. Dix ans plus tard, en 1991, vint la traduction du texte en anglais par Uta Frith (Frith, 1991). Enfin en 1996 – la publication attendit 1998 – une petite équipe emmenée par Dominique L’Hôpital le rendit accessible aux lecteurs francophones en le traduisant en français dans son intégralité (Asperger, 1998).

2Le dernier ouvrage de l’historienne américaine Edith Sheffer (Sheffer, 2019a), Les Enfants d’Asperger, en fournissant de nouveaux éclairages sur la vie et l’œuvre d’Asperger, exige une actualisation de nos connaissances alors que le syndrome d’Asperger est l’objet d’une utilisation massive dans les médias et d’une véritable reconnaissance à l’université. Ainsi existe-t-il des référents Aspie-friendly[1] dans plusieurs universités françaises, chargés de mettre en œuvre l’accueil des étudiants « autistes sans déficience intellectuelle » [2].

3Si la question de l’autisme diffuse actuellement dans toute la société bien au-delà du champ médical, il revient à la psychiatrie et à son histoire d’en connaître les racines cliniques à travers l’étude soigneuse des textes fondamentaux qui s’inscrivent dans certaines filiations, sont l’objet de reprises et d’élisions, marquent une époque donnée et suscitent de littérales créations. Cet abord de la psychiatrie de l’enfant nous paraît de première importance afin de mieux comprendre les débats qui nous animent – et peut-être empêcher qu’ils nous abîment – tout en réfléchissant à une discipline en construction [3].

4De fait, le terme autisme s’emploie aujourd’hui couramment dans l’expression journalistique auprès du grand public pour désigner le plus souvent de manière imagée des paradoxes ou des contradictions [4]. Cet usage équivaut d’ailleurs à celui qui est fait à l’endroit de la schizophrénie dans les médias. Ce n’est pas complètement impropre sur le plan épistémologique puisque les deux termes, schizophrénie et autisme, ont fait leur entrée dans le vocabulaire scientifique en même temps, sous la plume d’Eugen Bleuler (1857-1939) dans son ouvrage publié en 1911 : Dementia praecox ou le groupe des schizophrénies (Bleuler, 1993). Tout comme l’ambivalence, l’autisme représente un symptôme secondaire de la schizophrénie lié à la scission des complexes (Spaltung, processus secondaire : ibidem, p. 472-73), qui serait la répercussion clinique directe de la fission (Zerspaltung, processus primaire : idem, p. 707) de l’esprit, dont l’origine selon Eugen Bleuler serait aussi bien organique que purement psychique. Notons que le tout premier compte rendu de l’ouvrage de Bleuler en français par Trénel traduit Spaltung par « dislocation » des diverses fonctions psychiques dès 1912. Autisme et schizophrénie sont donc bel et bien liés à l’origine. Il est utile de préciser que la schizophrénie concerne originairement des patients adultes dans l’esprit de Bleuler qui, professeur de psychiatrie à Zurich, ne recevait pas de patients enfants.

5En amont de l’ouvrage de Bleuler, les correspondances de Sigmund Freud (1856-1939) avec les Zurichois – Carl Gustav Jung (1875-1961) et son maître Bleuler au Burghölzli – indiquent les premiers emplois oraux du terme autisme dès 1907 sur les lèvres de Bleuler à la suite de son refus du terme auto-érotisme. Selon Jung : « Il manque encore à Bleuler une définition claire de l’autoérotisme et de ses effets psychologiques spécifiques. Il a cependant accepté la notion pour sa présentation de la dem. pr. [5] dans le manuel d’Aschaffenburg. Il ne veut toutefois pas dire auto-érotisme (pour des raisons connues), mais “autisme” ou “ipsisme”. Pour moi, je me suis déjà habitué à “autoérotisme” » (Jung, 1975). Au cours d’échanges épistolaires entre Freud et Jung, assistant de Bleuler encore inconnu du grand public mais déjà très respecté dans le domaine de la psychologie expérimentale, Freud aborde la thématique de la sexualité dès les premiers jours de l’an 1907, et évoque lors de leur première rencontre, le 3 mars 1907, la thématique de l’auto-érotisme.

6Celle-ci avait été introduite par un médecin-psychologue britannique haut en couleur, Henry Havelock Ellis (1859-1939) (Havelock Ellis H., 1908a, p. 217-283, « L’auto-érotisme, manifestations sexuées de l’impulsion sexuelle » ; voir aussi, Havelock Ellis H., 1908b, Appendice B, p. 395-404, « Le facteur auto-érotique dans la religion »), qui s’était lancé dans la publication d’une vaste encyclopédie en dix volumes sur la sexualité (Havelock Ellis, 1897). Il étudie l’auto-érotisme de manière très factuelle, en décrivant toutes les formes de masturbation existant chez l’homme et chez la femme. Cette description, dépouillée du moralisme victorien et brossée avec une rare liberté de ton, intrigue Freud qui oriente alors sa réflexion vers l’investissement d’objet amoureux faisant l’économie de la relation à l’autre. La relation amoureuse à soi-même, qu’il développera plus tard en 1914 dans son Introduction au narcissisme (Freud, 1970), serait-elle une manière d’aborder les troubles mentaux ? Autrement dit, l’habitus masturbatoire, assez classique chez les déficients, serait-il le signe d’une pensée sexualisée mais trop difficile à exprimer par le patient, du fait d’une intimité redoublée, réfléchie sur elle-même, qui coupe (abgeschlossen chez Kraepelin, 1913a, abgesperrt chez Bleuler, 1993) le malade de son environnement et de la relation ? Freud, qui travaille un jour par semaine auprès d’enfants handicapés (Bonomi, 1996) [6], et le reste du temps avec des adultes (qu’on nous dit être le plus souvent) névrosés à son cabinet, confie ses trouvailles quelque peu hardies pour la société habsbourgeoise de Vienne à son jeune ami Jung, qui travaille pour sa part auprès de patients adultes à la clinique universitaire de Zurich sous la direction de Bleuler. Même s’il se montre enthousiaste, la réponse de Jung, reprenant un échange sur ce sujet entre lui et son patron Bleuler, rappelle à Freud les traditions puritaines et protestantes de la Suisse. Avec un grand-père paternel (prénommé lui aussi Carl Gustav) professeur d’anatomie intéressé par le spiritisme, et un père pasteur luthérien qui exerçait son ministère, comme le voulait la tradition, en plus de sa paroisse, auprès des patients de l’asile psychiatrique de la Friedmatt de Bâle (Bair, 2011, pp. 21 ; 32 ; 40 ; 56 ; 78 ; 88.), Jung lui-même était porté vers l’occultisme, ce dont témoigne le sujet de sa thèse de médecine (Jung, 1902). Il n’en garde pas moins, par pragmatisme, une certaine déférence pour le protestantisme majoritaire à Zurich, d’où sa recommandation en mai 1907 de ne pas utiliser le terme d’auto-érotisme, mais d’en retirer l’éros, et de préférer à la place, suivant en cela l’avis de Bleuler, celui d’autisme [7].

7En effet, les références à la psychanalyse dans le maître ouvrage de Bleuler sont entièrement dépouillées de toute référence à la sexualité qui représente pourtant le moteur vital de l’organisation psychique chez Freud. Cette éviction, peu argumentée scientifiquement, est en fait délibérément politique (Bleuler, 1994). Bleuler, après un mouvement de rapprochement, gardera ses distances avec les instances psychanalytiques tout en poursuivant sa correspondance (1904-1937) avec Freud. Son succès à réunir autour de lui toute la psychiatrie germanique durant l’entre-deux-guerres lui donne rétrospectivement raison, ce qui lui permit d’être fêté par les psychiatres francophones lors du congrès des psychiatres et neurologistes de langue française en 1926, en Suisse romande. Alors que Bleuler comptera parmi les psychiatres les plus prestigieux de son vivant, ses propositions psychopathologiques seront boudées par la communauté psychiatrique officielle à cause de sa proximité, si ambiguë soit-elle, avec la psychanalyse. Seul son vocabulaire le plus saillant sera admis, avec l’adoption lente et progressive du terme schizophrénie ; a contrario, sa théorie de la maladie ne sera pas prise en compte et tombera dans l’oubli.

8Jusqu’à l’année dernière [8], la vie et l’œuvre de Hans Asperger n’étaient accessibles aux soignants francophones qu’à travers la préface écrite par Jacques Constant de la traduction en français de la thèse de Hans Asperger « Les psychopathes autistiques pendant l’enfance », publiée en 1998 [9]. Nous parcourrons tout d’abord ce texte qui nous a fait découvrir la problématique de l’autisme. Nous étudierons ensuite sur le plan sémantique les avatars du mot Autismus, autisme en français, mais aussi la difficulté à choisir dans les différentes langues un moyen de rendre l’adjectif allemand autistisch : Kanner utilise en 1943 le mot autistic, Uta Frith en 1991 le terme autist en anglais.

9Le premier coup de tonnerre provient de l’historien autrichien Herwig Czech en 2015. Il remet en question l’image lisse et consensuelle d’Asperger à laquelle Lorna Wing et Uta Frith nous avaient habitués. Edith Sheffer, historienne et mère d’enfant autiste, portée par le mouvement d’inclusivité, compléta ce travail, en interrogeant les conceptions de l’autisme, telles qu’elles ont traversé la période nazie, dans la vie et l’œuvre de Hans Asperger en Autriche annexée au IIIe Reich.

10Il existait cependant d’autres conceptions novatrices de la pathologie psychiatrique chez l’enfant. En premier lieu, celle de la démence infantile, forgée par le dialogue constructif entre deux personnalités antagonistes, Wilhelm Weygandt et Theodor Heller. Nous étudierons également le concept de démence précocissime de l’Italien Sante De Sanctis, qui prit progressivement le nom de schizophrénie infantile peu avant que l’on s’intéresse, chez les enfants, aux signes cliniques psychiatriques analogues à la symptomatologie d’autisme chez les adultes schizophrènes. Cet enchevêtrement théorique conduisit un Alsacien, Waldemar Jost, à étudier cliniquement l’autisme chez l’enfant, et inspira par la suite, peu avant d’entrer dans la zone aveugle du IIIe Reich, les observations de l’équipe de Sainte-Anne : Henri Claude, Georges Heuyer et le jeune Jacques Lacan.

11C’est au cours de la Seconde Guerre mondiale en 1943 que Kanner et Asperger rendirent publics les résultats de leurs observations. Nous savons aujourd’hui pourquoi leurs points communs ne doivent rien au hasard (Robison, 2016). Cependant, les cas cliniques de Kanner et d’Asperger ne se ressemblent pas beaucoup, ce qui permet d’entrevoir que leurs perspectives étaient différentes : nous savons aujourd’hui quelle était l’implication de Hans Asperger au sein de la médecine nazie, y compris dans l’élimination d’enfants handicapés.

12À la Libération, l’école de Kanner impose ses vues, au nom de la psychiatrie officielle américaine. Plus de trente ans plus tard, Lorna Wing, mère d’une jeune fille autiste, décide d’exhumer les travaux d’Asperger, que lui-même ne souhaitait pas particulièrement mettre en avant, ce qui à la lumière des révélations récentes se comprend plus nettement. Elle forge l’expression « syndrome d’Asperger » pour souligner la possibilité d’évolution favorable de l’autisme infantile, suscitant l’espoir de milliers de familles en souffrance. Aujourd’hui, aucun clinicien travaillant auprès d’enfants ne peut prononcer ce nom sans en connaître l’histoire.

Jacques Constant ou le premier accès à Asperger en français

13Mariée à John Wing – professeur de psychiatrie britannique promoteur de l’étude US-UK [10] (Copeland, Gurland, et al., 1973), et théoricien de la psychiatrie internationale – Lorna Wing, à la suite d’une brève rencontre avec Asperger peu avant sa mort lors de laquelle il tenta de l’en dissuader, eut le souhait d’exhumer les anciennes études du pédiatre viennois sur les « psychopathes autistiques ». Elle dit y découvrir les éléments permettant une critériologie spécifique et plus riche de l’autisme bien que cela n’ait pas été la démarche d’Asperger : « Contrairement à Kanner, Asperger n’a pas constitué une liste de critères diagnostiques cardinaux pour son syndrome. » (Wing, 1991.) La contribution d’Asperger serait ainsi complémentaire de l’approche de Kanner, avec laquelle elle la compare systématiquement. Wing transforme les troubles autistiques de Kanner en « syndrome de Kanner », alors qu’elle souhaite installer dans le vocabulaire médical le « syndrome d’Asperger ». Elle s’appuie sur l’article de D. A. Van Krevelen publié en 1971 dans lequel il avance le terme autismus infantum (Van Krevelen, 1971).

14De retour des États-Unis, où il prend connaissance de cette référence et de la traduction du texte d’Asperger de l’allemand vers l’anglais par Uta Frith, Dominique L’Hôpital (L’Hôpital, 1998) en entreprend la traduction de l’allemand vers le français, avec la question des origines de l’autisme en filigrane. À la lumière des travaux d’Edith Sheffer, cette première traduction publiée en 1998 présente certaines imprécisions qui s’avèrent trop parcellaires pour être encore utilisables. Nous avons pu déceler çà et là certaines ellipses des traducteurs, en particulier pour les entretiens cliniques retranscrits. Aussi, en tant que traducteurs scientifiques de l’ouvrage d’Edith Sheffer Les Enfants d’Asperger, nous avons considéré préférable de ne pas intégrer les extraits de cette traduction en français en lieu et place des citations de la thèse d’Asperger produites par l’historienne américaine.

15Nous pouvons néanmoins saluer la démarche de retour au texte original dans son intégralité. En effet, les toutes premières pages de la thèse d’habilitation de Hans Asperger manquent à la traduction en anglais par Uta Frith, contrairement à l’édition française. Cet incipit fait référence à un nombre important de psychiatres et psychologues particulièrement impliqués dans le régime nazi, et dont la réputation les précède et leur survivra : pour les plus connus d’entre eux, Paul Schröder (Schröder, 1931), Ludwig Klages (Klages, 1936a et 1936b), Carl Gustav Jung (Jung, 1921).

16La préface (Constant, 1998) de Jacques Constant, psychiatre chef de service à Chartres, est un essai de mise en perspective historique qui paraît aujourd’hui datée. Il évoque d’abord le parcours d’Asperger, ou plutôt l’absence d’éléments mettant en doute l’intégrité de sa carrière. « Compte tenu de la date de parution de l’article sur les psychopathes autistiques (1944) et son lieu (Berlin), une première hypothèque doit être levée sur les politiques de cet auteur pendant la période nazie. […] En revanche, Hans Asperger jeune, élève très sérieux au collège et au lycée, a trouvé dans les camps de montagne et les mouvements de jeunesse de type boy-scouts, une exaltation romantique que l’on dirait aujourd’hui écologique et qui reposait sur la vie en plein air et en groupe. » (Constant, 1998, p. 10-11.)

17Dans son enfance, Asperger était en effet membre du mouvement Bund Neuland, organisation de jeunesse catholique calqué sur le mouvement de jeunesse Wandervogel, qui permit l’accès à des activités physiques pour des millions de jeunes Allemands à l’époque. Ces mouvements n’en étaient pas moins empreints d’une idéologie nationaliste pangermanique et antisémite (dite völkisch). Asperger appartenait aux Fahrende Scholaren de tendance politique d’extrême droite, ainsi qu’au cercle des « Romantiques organiques » autour des fondateurs du Bund Neuland – le curé Michael Pflieger et le leader du mouvement Anton Böhm (Czech, 2018).

18En interrogeant l’ambassade de la République d’Autriche, Jacques Constant en conclut : « Asperger n’a jamais adhéré à l’idéologie nazie et d’ailleurs son intérêt, au plein milieu de la période hitlérienne de l’Autriche, pour les autistes et d’une façon générale pour les enfants inadaptés est une preuve suffisante de son humanisme. » Le contexte nazi une fois souligné, Asperger est parfois passé pour un résistant, en reprenant les commentaires d’Uta Frith : « C’est précisément au cœur de la montée de l’idéologie nazie et de la deuxième guerre mondiale que cette équipe va dégager une sémiologie spécifique à l’enfance atteinte de troubles mentaux alors que l’idéologie ambiante poussait à traiter tous les déviants par le mépris si ce n’est par l’élimination. » (Constant, 1998, p. 15.) Expert en pédagogie curative, Asperger participait en fait à différentes commissions nazies recommandant l’élimination d’enfants inéducables (Sheffer, 2018, p. 182-188).

19De plus, Constant hasarde des interprétations idéologiques sur le succès de Kanner et l’oubli d’Asperger. « Nous faisons l’hypothèse que le succès de l’autisme de Kanner a beaucoup en commun aussi avec l’idéologie démocratique. Si les manuels de psychiatrie et les questions de cours répètent avec leur psittacisme bien connu le seul nom de Kanner, n’est-ce pas parce que celui-ci avait choisi, dès 1924, le camp de la libre Amérique ? En 1943-1944, dans les fourgons de l’armée des vainqueurs, il ne pouvait se trouver que de bonnes choses : le chewing-gum, le boogie-woogie, le plan Marschall et la naissance d’une nouvelle pédopsychiatrie avec l’identification de l’early infantile autism de Kanner, l’Américain. Pas d’Asperger, l’Autrichien. Une fois sorti des cantines de l’US Army, le concept d’autisme de Kanner va bien sûr subir des évolutions très différentes selon les pays libérés qui l’accueilleront. En France, il sera ainsi repris par les psychanalystes de la Libération qui lui feront l’honneur de l’enchâsser dans leurs conceptions de la psychose infantile selon les repères psycho-dynamiques. » (Constant, 1998, p. 24.) En fait, même s’ils sont nés avec la même citoyenneté autrichienne – puisque tous deux originaires de Cisleithanie au sein de l’Autriche-Hongrie – Asperger est né à Vienne et y étudia, tandis que Kanner est originaire de Klekotow aux alentours de Brody [11] et déménagea à l’âge de six ans chez son oncle à Berlin où il effectua ses études de médecine.

20Pour ce qui est des influences croisées entre Asperger et ses contemporains, « on peut se demander, en lisant le texte avec attention, en constatant les cas suivis depuis vingt ans, si dans le contexte institutionnel de la pédagogie curative, Asperger n’avait pas largement précédé Kanner… » (Constant, 1998, p. 20.) Or il n’en est rien, puisque Asperger s’est, au contraire, intégré à l’équipe préexistante de Valerie Bruck, Josef Feldner, Anni Weiss et Georg Frankl (Bruck et al., 1932), dont il existe des photographies d’époque diffusées par Maria Asperger-Felder. Les deux derniers quitteront l’Autriche respectivement en 1934 et 1937, puis travailleront à nouveau ensemble chez Kanner à Baltimore dès 1938 avant de se marier. En témoignent, dans l’article de Kanner, les observations du petit Donald Triplett rédigées par Georg Frankl dès 1938 (Kanner, 1990).

21À la fin de la préface, Jacques Constant tente une contextualisation du texte pour éclairer le point de vue étiologique d’Asperger. Enfin prend-il en compte le parti pris idéologique : « Les trois K – Küche, Kirche, Kinder – ne sont pas loin. L’air du temps qui assignait ainsi la femme “à la cuisine, à l’église et aux enfants” semble alors souffler sur le texte d’Asperger. » (Constant, 1998, p. 36.) Même démarche lorsqu’il commente les aspects héréditaires de l’autisme : « Les enfants sont autistes en raison “des dispositions héritées de parents qui sont aussi autistiques”. Avec le recul du temps, le discours scientifique apparaît ici comme une projection idéologique. » (Constant, 1998, p. 19.)

22Sa conclusion éloquente enjoint le clinicien à une lecture critique : « En remettant aujourd’hui à sa place l’article d’Asperger que l’on trouvera traduit ici, le lecteur pourra revisiter l’histoire à sa guise. […] Lecteur, à chaque fois que tu croiras savoir quelque chose sur l’étiologie de l’autisme, va relire Asperger ! Constate le décalage entre l’intérêt de sa description, de ses prises en charge et le grotesque de ses affirmations étiologiques, et que cela te serve de leçon pour ta pratique d’aujourd’hui ! » (Constant, 1998, p. 36.) Dans le souci d’une histoire de la psychiatrie féconde pour la clinique, Jacques Constant nous rappelle sa priorité d’avoir rendu disponible un texte jusque-là inaccessible aux francophones. Mais ce n’est qu’en 2018, entés sur les dix ans de recherches de l’historien autrichien Herwig Czech, que les travaux de l’historienne américaine Edith Sheffer ont permis d’aborder de front l’œuvre tout entière d’Asperger au regard de l’histoire.

Autisme, autistique, autiste

23Le désir de revenir au texte source est bien légitime, et répond au besoin de bien saisir la signification des mots dans leur environnement linguistique originel. À ce titre, il faut souligner le décalage important entre les mots autisme, autistique et autiste. Le mot autisme provient, nous l’avons vu, d’un autoérotisme tronqué et dépouillé de l’Éros.

24Le terme autistique, qui en est dérivé, semble avoir été utilisé dès les années 1930 dans le service de pédagogie curative de Vienne, sans toutefois désigner une pathologie bien circonscrite. Dans un article de 1935, le psychiatre américain Joseph Michaels, en visite dans le service de pédagogie curative de Vienne, relate, manifestement sans l’avoir correctement entendu – puisqu’il n’y est nulle part fait mention d’activités relevant de l’art dans son compte rendu –, que « les enfants artistiques [sic] pouvaient requérir un accompagnement personnel spécial », lié à leur difficulté en groupe, et le fait que « leur attention et leurs sentiments étaient fréquemment ailleurs » (Michaels, 1935). Parmi les médecins de l’époque dans le service se trouvaient Georg Frankl et Hans Asperger.

25Dans son ouvrage intitulé Neurotribes (Silberman, 2015, p. 326), le journaliste Steve Silberman cite une parole prononcée par Leo Kanner lors du premier congrès annuel de la National Society for Autistic Children en juillet 1969 à Washington et formule ainsi pour la première fois l’hypothèse alors non encore vérifiée de la traversée du mot autistic de Vienne à Baltimore : « “Mesdames et messieurs, je ne peux dire à quel point je suis comblé et ému d’être cité avec tant d’affection et de respect. Bien sûr, dans tous ces bons sentiments à mon égard, il y a aussi quelques éléments qui sont un peu exagérés. Je n’ai jamais découvert l’autisme. Il était déjà là avant”, dit-il sereinement. (Georg et Anni Frankl pourraient avoir confirmé la justesse de cette déclaration, mais ils n’étaient pas invités à la réception ce soir-là.) [12] »

26Ce terme pourrait donc remonter aux habitudes langagières d’Anni Weiss et Georg Frankl, pour désigner des enfants dont la symptomatologie ressemble à celle des adultes schizophrènes présentant une relation d’objet impossible. Ces deux transfuges, passés en quelques années de collaborateurs d’Asperger à Vienne avant l’Anschluss, à adjoints de Kanner à Baltimore avant de poursuivre leur propre chemin, restèrent d’ailleurs en contact avec Asperger après la guerre (Asperger-Felder, 2015). On doit ajouter que la puberté jouait un rôle de tout premier plan dans les hypothèses étiopathogéniques de la schizophrénie et qu’il aura fallu attendre 1923 – après la publication de l’ouvrage de Bleuler – pour qu’émerge avec Giovanni Tarozzi un premier concept de schizophrénie de l’enfant (dite « prépubérale »). Avec cette frontière chronologique et biologique tracée par la puberté, l’adjectif autistique ne revendique pas l’identité des concepts entre schizophrénie de l’adulte et schizophrénie de l’enfant, mais une simple similarité entre leur symptomatologie (Tarozzi, 1923).

27Quant au substantif autiste, il s’agit en fait d’un néologisme, jamais utilisé par Asperger ni Kanner, mais inventé par Uta Frith pour résoudre un problème sémantique. Psychopathe et autistique fusionnent en anglais pour former un seul mot, déclinant l’autisme en un individu malade. En allemand, Asperger évoque l’autistischer Psychopathe, qu’il n’utilise d’ailleurs jamais au nominatif. Le passage de l’« enfant souffrant de troubles autistiques » à l’autiste n’est pas anodin. Le geste d’Uta Frith survient en pleine période de standardisation générale des troubles mentaux, illustrée par le DSM-III en 1980 (American Psychiatric Association, 1980), et la CIM-10 en 1990 (Organisation mondiale de la santé, 1990) [13] qui prépare le DSM-IV de 1994. L’utilisation du terme autiste reste donc marquée par cette culture du diagnostic, fort critiquée et relativisée dans les décennies suivantes (Landman et al., 2011). Lorsque l’autisme prend officiellement en 2013 la dimension d’un spectre, il convient de nommer les pathologies strictement comme des troubles du spectre de l’autisme et non pas troubles du spectre autistique[14].

Czech : de la mémoire à la critique conceptuelle

28Après des années de déni, au cours desquelles l’Autriche est réputée avoir été victime d’une occupation politique et militaire par l’Allemagne nazie, une réévaluation de la situation politique de cette époque fut marquée par des débats publics spectaculaires [15], points de départ d’une remise en question radicale du passé de l’Autriche. Herwig Czech, jeune historien autrichien, émit en 2008 avec Wolfgang Neugebauer et Peter Schwarz un avis défavorable quant au maintien d’une rue honorant le nom de Julius Wagner von Jauregg à Vienne : « On considère ici que Wagner-Jauregg est “tellement marqué historiquement” qu’il “convient de ne pas donner son nom à un établissement de santé de la IIe République d’Autriche, qui, selon son image politique, devrait se fonder sur les droits de l’homme en général et les droits des patients en particulier” [16]. » (Neugebauer, Czech, Schwarz, 2008, p. 122.) Herwig Czech a ensuite publié de nombreux articles traitant de la question des violences sur les malades et de l’extermination des handicapés à l’époque nazie [17] (Czech, 2003). En revanche, en 2013, la commission chargée de réévaluer la moralité des anciennes personnalités viennoises, dont le nom fut donné à certaines rues de la capitale, considéra par la voix de Birgit Nemec que son allégeance tardive au parti nazi n’était pas significative au point de débaptiser la rue d’un prix Nobel mondialement reconnu pour avoir mis au point la malariathérapie comme traitement de la paralysie générale (Nemec, 2013). L’Autriche fut ainsi poussée à s’interroger sur ses lieux de mémoire à l’instar de la démarche de dénazification allemande.

29En 2010, dans un colloque consacré à Hans Asperger, en présence de Maria Asperger-Felder, sa fille (psychiatre à Zurich), Herwig Czech médusa l’assemblée en évoquant des doutes sur la position d’Asperger durant l’époque nazie, dans une intervention dont le titre était : « Le Dr Hans Asperger et l’“euthanasie d’enfants” à Vienne – Possibles liens » (Czech, 2015). Un an plus tard, à l’occasion du centenaire de la clinique pédiatrique universitaire de Vienne, Czech se fait plus précis avec une intervention intitulée : « Contributeur à l’extermination ? La clinique pédiatrique universitaire de Vienne et l’institut nazi d’euthanasie d’enfants Am Spiegelgrund » (Czech, 2011), et témoigne d’un travail historique de fond sur plusieurs années à la recherche de l’histoire perdue du docteur Asperger.

30En contrepoint de l’approche historique qui insiste sur le temps long, la jeune génération ressent un besoin d’épuiser toutes les sources disponibles sur la période 1938-1945 en Autriche, afin de découvrir quelle fut la réalité de l’exercice pédiatrique au sein de l’hôpital du Steinhof. Les recherches de Herwig Czech et de ses collègues ont contribué à l’installation d’un musée mémoriel en hommage aux enfants victimes du nazisme au Spiegelgrund en 2007.

31Czech concentra ses recherches sur Asperger. À partir de l’étude des dossiers, il démontre, non pas la timidité ou la réserve d’Asperger vis-à-vis du nazisme, mais au contraire son implication dans l’activité tant clinique qu’idéologique de la clinique pédiatrique ainsi que son opportunisme et son zèle lors de l’avènement du régime nazi viennois, dans la droite ligne de son passé national-traditionaliste. À cet égard, Asperger, dans une interview à la radio autrichienne ÖRF [18] (ÖRF, 1978), corroborée en 2010 par sa fille dans un colloque qui lui était consacré (Asperger-Felder, 2015, p. 38), évoque sa passion pour l’« énergie du mouvement patriotique de la jeunesse allemande ». Dans son article, synthétisant ses recherches sur les actions de la médecine nazie dans l’entourage d’Asperger (Czech, 2018, p. 5), Herwig Czech a montré qu’il s’agissait bien sous cet euphémisme d’une mouvance très proche du nazisme. Avec opportunisme et non sans conviction, Asperger s’est impliqué dans la sélection et l’élimination d’enfants, en tant qu’organisateur, expert auprès des autorités nazies et professeur de pédiatrie. Les minimisations d’Uta Frith (Frith, 1991 [19]) quant à l’attitude d’Asperger, lisibles dans les notes de bas de page de sa traduction de la thèse d’Asperger, soutenue en 1943 et publiée en 1944, n’étaient donc qu’hypothétiques et finalement non vérifiées.

32Au cours de ce travail d’historien, nous pouvons relever le soutien et le rôle vigilant du psychologue universitaire Simon Baron-Cohen (Baron-Cohen et al., 2018), élève de Lorna Wing à Londres, qui a souhaité une internationalisation de l’introspection autrichienne au-delà des frontières de la petite République.

Sheffer : une histoire inclusive de l’intérieur

33Vint ensuite Edith Sheffer, chercheur en histoire contemporaine européenne à la prestigieuse université de Berkeley, spécialisée en histoire allemande dans ses relations est/ouest avant la chute du mur de Berlin [20] (Sheffer, 2011), elle étudia les travaux de Herwig Czech avant de développer une réflexion plus large sur la vie et l’œuvre de Hans Asperger.

34Y a-t-il de l’idéologie dans les « psychopathes autistiques d’Asperger » ? Quel était son positionnement éthique ? Était-il protecteur ou tacticien ? A-t-il collaboré à une démarche d’élimination des malades mentaux ? Activement ou passivement ? Était-ce cohérent avec ses engagements passés ? A-t-il eu une activité de résistance, comme il a pu le laisser entendre ? Plus précisément, Sheffer analyse la thèse selon laquelle la création de l’entité des « psychopathes autistiques » par Asperger aurait été une tactique pour sauver des enfants de l’élimination. Dans quelle mesure était-il bienveillant avec les enfants ? A-t-il fait son possible pour maintenir des conditions de vie décentes pour les enfants hospitalisés ? Portait-il un jugement clinique personnel ou bien suivait-il le « régime du diagnostic » (Sheffer, 2019, p. 18) ? A-t-il observé des enfants déficients, puisque les cas cliniques qu’il rapporte mettent l’accent sur les évolutions favorables et les enfants intelligents ? A-t-il exprimé des regrets de son action sous l’occupation nazie ? Des criminels nazis comptaient-ils parmi ses amis ?

35Parmi toutes ces questions, les recherches effectuées tant par Czech et son équipe que par Sheffer, ne nous brossent qu’un portrait sinistre et sans appel. En reprenant de nombreuses sources historiques spécialisées disponibles et quelques inédits, Edith Sheffer s’adresse néanmoins au grand public. Elle démontre l’erreur historique complexe dont se rendit coupable Lorna Wing en ravivant une flamme qu’Asperger lui-même ne souhaitait pas voir rallumée. Complexe, car il ne s’agit pas d’un simple anachronisme – faute sans appel chez les historiens – mais également de la réécriture d’une histoire imaginaire (uchronie) ainsi que ce que nous avons déjà nommé ailleurs, un effet palimpseste patronymique [21]. Ces trois éléments associés, nous proposons de les appeler tout ensemble une dyschronie.

36N’est-ce pas notre espoir d’un sauveur mystérieux et méconnu, détenteur d’une méthode efficace et disparue, n’est-ce pas notre facilité à avoir cru en cette résolution de la question de l’autisme dont il existerait une voie rassurante vers l’intelligence et l’excellence – peut-être celle du surhomme (Übermensch) –, qui ont participé à notre aveuglement collectif consistant à accepter sans coup férir l’apparition d’un syndrome éponyme honorant à notre insu un « exterminateur nazi derrière le pédiatre reconnu [22] » (Sheffer, 2019b). Omettant de citer ses sources les plus importantes pour des raisons idéologiques, toute sa démarche initiale de pédagogie curative (Heilpädagogik) doit tout à Erwin Lazar (Lazar, 1925), source qu’il a toutefois détournée par la suite, en l’adaptant à l’idéologie nazie.

37Les conclusions d’Edith Sheffer ont pu être critiquées (Neugebauer, 2018). Il n’en reste pas moins que nous lui devons la proposition d’abandonner le terme de « syndrome d’Asperger » afin d’éviter d’honorer quelqu’un qui ne fut certes pas un meurtrier de masse, mais qui participa en tant que responsable au programme nazi d’élimination des enfants handicapés. Asperger prit en effet des positions profondément influencées par l’idée de sélection entre des enfants « de haut niveau » qui seraient valorisés et amenés à participer à l’effort de guerre, et les enfants déficitaires voués à l’élimination.

38Nous devons rappeler qu’avant même les conclusions des deux historiens Czech et Sheffer, les journalistes Silberman (2015) et Zucker & Donvan (2016), avaient mis en lumière la méconnaissance profonde du contexte historique de l’apparition de l’autisme comme entité autonomisée au sein de la médecine. Dans la communauté universitaire, parmi d’autres spécialistes, Simon Baron-Cohen (Baron-Cohen, 2009) [23], après avoir présenté au grand public le débat sur les différences cliniques entre les « type Kanner » et les « type Asperger » et une possible évolution de la sémantique, acquit progressivement la conviction que la médecine ne devait plus honorer Hans Asperger (Baron-Cohen, 2018).

39Avant même la publication des travaux de Czech et de Sheffer, lors de sa publication en 2013 par l’Association américaine de psychiatrie, le DSM-5 présente une refonte de la catégorie des « troubles envahissants du développement » sous le nom de « troubles du spectre de l’autisme ». Le « syndrome d’Asperger » avait déjà été abandonné. On peut cependant s’inquiéter de cette reductio ad autismum, vecteur d’un appauvrissement de la clinique.

40Dans le passé, au xixe siècle, certaines conceptions ont pu avoir un effet réducteur, en particulier l’idée selon laquelle un enfant non encore doué de raison ne saurait déraisonner (Hochmann, 2004, p. 11 ; 25), et ne pourrait donc perdre la raison (Hochmann, 2009, p. 32-34 ; 63-64). Hormis les travaux pionniers de John Haslam (1764-1844) (Haslam, 1809, p. 185-206), la description des troubles mentaux au xixe siècle fut saturée par la question de l’idiotie, et il a fallu attendre le début xxe pour que se développent différents concepts de troubles mentaux graves chez l’enfant. Ainsi, l’autisme s’est construit à partir d’autres concepts de maladies : la schizophrénie, dont elle représente à l’origine un symptôme parmi d’autres, mais aussi la démence infantile et la démence précocissime.

Démences infantiles, démence précocissime, autisme de la schizophrénie infantile

41Deux personnalités antagonistes du début du xxe siècle ont contribué de manière décisive à la description clinique des troubles mentaux de l’enfant. D’un côté, Wilhelm Weygandt (1870-1939) étudia à Strasbourg avant de continuer ses études de médecine et de philosophie à Fribourg-en-Brisgau et Heidelberg. Assistant auprès d’Emil Kraepelin, il obtient son premier grade universitaire de Privatdozent à Berlin auprès de Konrad Rieger avant d’être nommé professeur de psychiatrie à Hambourg en se concentrant principalement sur la clinique de l’enfant (Weygandt, 1905a, p. 11). Étudiant la déficience mentale, il souhaita moderniser la classification des troubles mentaux de l’enfant au moyen de l’anatomopathologie, développée par Alois Alzheimer pour les adultes. Il formula une fameuse interrogation, reprise par l’intégralité de la littérature psychiatrique, qui contribua à faire de lui le chef de file de la psychiatrie de l’enfant : « Jusqu’où dans l’enfance remonte la démence précoce, bien avant la puberté ? Cela demeure jusqu’aujourd’hui une question entièrement ouverte [24]. » (Weygandt, 1905b.) En différenciant les étiologies héréditaire, dégénérative, toxique, obstétricale, il isola des malades dont les troubles échappaient à une explication anatomopathologique. D’un autre côté, Theodor Heller (1869-1938) était docteur en psychologie et exerçait en tant que psychopédagogue à Vienne. Il hérita d’une tradition familiale par son père, qui fut à la pointe des soins aux malvoyants (Lodz, 2002, p. 112). Sa thèse porte sur les soins psychologiques aux aveugles (Heller, 1894) et c’est tout naturellement qu’il oriente son institution éducative vers des soins expérimentaux et une observation clinique moderne.

42Prenant acte de l’insuffisance de la nosographie des troubles mentaux infantiles, Weygandt établit progressivement, d’après l’observation longue des enfants et une réflexion sur l’évolution et le pronostic, que certains enfants présentent une régression définitive de leur développement autour de l’âge de 3 ans (Weygandt, 1907). Heller applique la recommandation de Weygandt et décrit une forme de démence infantile (Heller, 1908). Ce qui intrigue le plus Heller c’est le paradoxe entre la régression de toutes les facultés – et notamment du langage aux alentours de 3 ans – et l’impression forte, en observant ces enfants, qu’ils auraient une réflexion et un monde intérieur riches auquel l’accès serait impossible à une personne extérieure. Il invite à plusieurs reprises Weygandt à venir observer ces malades mais celui-ci se désintéresse de la question psychologique. Fort de son autorité universitaire et médicale, celui-ci soutient l’idée selon laquelle le pronostic ne serait en rien évolutif. Weygandt recommande de transférer les moyens éducatifs vers d’autres enfants, et d’intensifier la formation des médecins généralistes pour le repérage précoce des troubles sur tout le territoire allemand (Weygandt, 1915). Heller acquiert une telle renommée qu’il sera le créateur et le premier président de la société de pédagogie curative (Heilpädagogik), qui réunit aussi bien des médecins que d’autres professions autour d’une cause commune : la santé, l’éducation et le bien-être des enfants malades (Kongress für Heilpädagogik, 1922).

43Weygandt assume un progressif glissement sémantique et conceptuel vers une politique publique consistant à réserver les soins à ceux qui sont censés en bénéficier plus que les autres, et à diviser en conséquence les enfants en deux groupes : ceux qui seraient réceptifs aux soins médicaux éducatifs, et ceux dits « incurables et inéducables ». À ce titre, il porte une responsabilité très directe dans l’élaboration de la psychiatrie nazie appliquée aux enfants. Lors de l’avènement du pouvoir nazi, il se rallie rapidement au régime, rédige certains articles des lois de Nuremberg (Weygandt, 1936) et se met au service de la politique raciale. Exclu du parti nazi par manque de conviction, il meurt finalement dans la solitude.

44Theodor Heller souhaite maintenir la Heilpädagogik humaniste à Vienne mais il doit bientôt prendre acte de l’orientation autoritaire de l’État et du contrôle politique croissant sur les soins prodigués aux enfants. Après le double suicide de von Pirquet et de sa femme en 1929 (Sheffer, 2019a, p. 53), l’orientation de la clinique pédiatrique universitaire adhère de plus en plus à l’austro-fascisme en vigueur et prépare le terrain à l’Anschluss qui survient en mars 1938. Heller vient de prendre sa retraite et devient, pour des raisons de politique raciale et d’antisémitisme, persona non grata dans le milieu pédiatrique et psychopédagogique auquel il a consacré sa vie. Après une période dépressive, et l’échec d’une tentative de suicide au revolver, hospitalisé, il décède finalement six mois plus tard à Vienne en décembre 1938 (Berger, 2010). Sous le IIIe Reich, l’accès aux soins fut refusé à ceux que les nazis jugeaient incurables. Les médecins nazis réservaient des expertises diagnostiques pour distinguer les enfants devant faire l’objet d’une remédiation de ceux à éliminer. Cette politique active d’élimination fut spécifique à l’Allemagne et à l’Autriche annexée.

45En Italie, Sante De Sanctis, le maître en pédopsychiatrie de Maria Montessori, concentra ses travaux sur la psychologie expérimentale et la symptomatologie physique chez les aliénés. Poursuivant une correspondance avec Freud depuis 1895, il publia un ouvrage sur les rêves (De Sanctis, 1899) au tournant du xxe siècle, et Freud le discuta dès la deuxième édition de sa Traumdeutung (Freud, 2003, chap. 1H, p. 21-126). Ses travaux explorèrent ensuite la question de l’éducabilité et son effet sur les troubles mentaux observés chez les enfants, au sein de son « asile-école », la Villa Amalia. L’observation sur le temps long lui permit d’isoler des traits de personnalité (De Sanctis, 1905), à la manière des symptômes fondamentaux de Kraepelin : ces « types de mentalité » seront amenés à devenir chacun une entité pathologique distincte.

46La démence précocissime de De Sanctis (1906) est une atteinte de la personnalité en construction, associant autour de l’âge de cinq ans, une indifférence affective, des troubles du cours de la pensée, un maniérisme gestuel pouvant résumer la maladie sur un mode déficitaire, et parfois un délire floride. La contribution de De Sanctis sera la description de référence d’un nouveau champ clinique : les psychoses de l’enfant (Morgese, Lombardo, 2019). Il entretint une amitié et une correspondance (Cicciola, Lombardo, 2008) avec Alfred Binet qui l’introduisit aux travaux de Théodore Simon, avec Edouard Claparède qui lui présenta le jeune Jean Piaget, et surtout avec Philippe Chaslin, qui admirait son sens clinique. Dans les pays francophones, l’étude de la démence précocissime est suivie par Edmond Aubry, médecin-adjoint à l’asile de Maréville (Aubry, 1910), et Pérel Hollaender, doctorante à Genève (Hollaender, 1911). Inspiré par les principes cliniques de Kraepelin (description des symptômes et de leur évolution sur le temps long), le concept de démence précocissime fut forgé par analogie au tableau clinique de la démence précoce. Sur le plan théorique, le fait que l’une survienne avant, et l’autre après la puberté, implique que les deux se ressemblent mais seraient de nature différente.

47L’analogie entre la démence précocissime chez l’enfant et la démence précoce chez l’adulte sera immanquablement marquée par la modernisation de la dénomination, à travers le terme de schizophrénie forgé par Eugen Bleuler dans son ouvrage rédigé dès l’été 1908. Même si le terme est d’emblée diffusé par Eugen Bleuler et Maximilian Neumärker (Bleuler, Jahrmärker, 1908) à l’occasion d’un congrès national des psychiatres allemands à Berlin en 1907, nous devons rappeler que l’adoption du terme de schizophrénie se fit très lentement au cours des années 1920 en Allemagne et en Alsace [25] (Clauss, Bonah, 2016). Alors que Kraepelin, malgré ses critiques conceptuelles, utilise et même adopte à trois reprises le néologisme de son rival suisse dans son manuel de 1913 [26] (Kraepelin, 1913b [27]), Eugen Bleuler lui-même, dans son manuel de psychiatrie de 1929, utilisera prudemment le mot de schizophrénie et rappellera systématiquement l’ancienne dénomination (Bleuler, 1930). Le terme de schizophrénie ne s’imposera véritablement en France que pendant l’Occupation (Fleurant, 1997 ; Sumin-Kam-Hyo, 1995), l’origine française de l’expression « démence précoce » jouant un rôle dans la rivalité franco-allemande (Sinzelle, 2008, p. 225-229). C’est donc la diffusion du terme de schizophrénie en psychiatrie de l’adulte à la place de démence précoce qui incite les psychiatres pour enfants à moderniser, à la manière de Bleuler, la pédopsychiatrie, en commençant par une substitution du nom de démence précocissime. Giovanni Tarozzi (Tarozzi, 1923) parvient à y pousser De Sanctis en proposant d’abord le terme de schizophrénie prépubérale en 1923, avant que De Sanctis ne la nomme enfin schizophrénie infantile dans son manuel de neuropsychiatrie infantile de 1925 (De Sanctis, 1925). Tarozzi énonce ainsi : « Il faudrait désigner la démence précocissime par le terme de “schizophrénie prépubérale”, en utilisant le substantif que Bleuler a donné à la maladie et qui est désormais accepté, étant donné qu’il existe une dissociation psychique caractéristique à la base des manifestations. C’est celle-ci qui donne ses caractéristiques aux formes pathologiques et elle s’observe également dans les formes infantiles décrites par De Sanctis et d’autres auteurs. »

48Nous retrouvons dans le Manuel de pédagogie curative (3e édition) de Heller l’idée selon laquelle il faudrait désormais, non pas seulement désigner la schizophrénie infantile chez les jeunes patients mais également en étudier tous les symptômes bleulériens, à savoir l’ambivalence et l’autisme (Heller, 1925, p. 58). De même, c’est par analogie avec la clinique de l’adulte que Grunia Efimova Sukhareva évoque les troubles autistiques dans son texte majeur de 1925 sur les troubles mentaux de l’enfant, récemment traduit en français (Andronikof, Fontan, 2016). De même, l’Alsacien Waldemar Jost publie en 1927 ce qui semble une première étude clinique détaillée, et argumentée de bilans standardisés, où l’autisme infantile est décrit dans plusieurs cas cliniques de démence précocissime (Jost, 1927). Cette étude passera inaperçue, sauf pour De Sanctis, et l’équipe de pédopsychiatrie de Sainte-Anne (Claude, Heuyer et Lacan), qui publie en 1933 une observation médicale sur la démence précocissime (Claude, Heuyer, Lacan, 1933). Nous savons que ce n’est que cinq ans plus tard, en 1938, que débuteront les observations de Kanner et Asperger sur les troubles autistiques de l’enfant.

Kanner versus Asperger versus Bettelheim ?

491938 est aussi l’année de la fracture irréversible que le nazisme porte au cœur de l’Europe. Si jusque-là les continuateurs des travaux de Frankl et Weiss à Vienne restaient conceptuellement proches de leurs collègues déjà exilés aux États-Unis, l’installation d’une psychiatrie nazie au sein de la pédiatrie universitaire par Franz Hamburger incitera les professionnels, médecins en premier lieu, à s’aligner sur les vues du régime. En témoigne un article de Hans Asperger en 1938 (Asperger, 1938), qui intègre une part de la doctrine et de la sémantique du nouveau régime.

50À cet égard, il nous semble intéressant de considérer le vocabulaire de Hans Asperger au prisme de la critique historique. Edith Sheffer insiste dans son ouvrage [28] sur l’utilisation ambiguë de certains termes habituels et préexistants (Sheffer, 2019a, p. 143-147), que les technocrates nazis utilisèrent à l’aune de l’idéologie nationale-socialiste, et dont le sens a été entièrement dévoyé. Cette approche serait à relier à la perspective critique de Viktor Klemperer (Klemperer, 1996), qui permet de décrypter la rhétorique nazie en étudiant le glissement sémantique des mots prescrit par le parti nazi et son propagandiste en chef Goebbels. Le mécanisme est d’en transformer le sens, afin qu’ils deviennent progressivement des synonymes de certains pans du programme nazi, en se réappropriant le langage de manière invasive, à partir de mots vernaculaires de plus en plus nombreux. L’exemple de la Gemüt allemande s’avère particulièrement significatif. Il fait partie de ces intraduisibles définis par la philologue Barbara Cassin comme des « symptômes, sémantiques et/ou syntaxiques, de la différence des langues, non pas ce qu’on ne traduit pas, mais ce qu’on ne cesse pas de (ne pas) traduire » (Cassin, 2016, p. 54). De fait, Sheffer a bien noté le sens expressément nazi que le terme Gemüt revêt dans les années 1930 en Allemagne pour désigner le sentiment charnel d’appartenance à une communauté, et la capacité à y contribuer dans un idéal de pureté. La traduction française du texte (devenu) princeps d’Asperger choisit de la rendre simplement par « sensibilité » : elle est en cela bien éloignée de la pensée de son auteur puisque malheureusement, oublieuse de certaines notes et références du texte original, elle omet notamment la référence à Hans Heinze [29] sur laquelle s’appuie pourtant Hans Asperger lorsqu’il évoque lui-même dans son introduction cette Gemüt.

51En outre, le terme de « personnalité psychopathique » est particulièrement ambigu. Edith Sheffer, en soulignant toutes les ambiguïtés du théoricien médical empreint d’idées politiques, nous rappelle qu’Asperger conçoit le terme de « psychopathie » – bien qu’à cette époque il eût plusieurs acceptions – au prisme de l’interprétation qu’en fit son maître Paul Schröder, chez qui il effectua un stage en 1934. Elle souligne la profonde influence que le régime nazi eut sur son élaboration conceptuelle à l’époque où Schröder était chef de service et professeur à Leipzig. Pour Schröder, Psychopathie ne signifie ni trouble mental ni trouble de la personnalité (Sheffer, 2019a, p. 92), mais sous-entend bien la criminalisation des troubles mentaux selon la morale du IIIe Reich. Selon l’historienne, un parallèle serait tracé entre psychopathologie et crime, au sens où ces mots sont entendus par les nazis comme des menaces envers les idéaux du IIIe Reich : « Le psychiatre nazi Friedrich Stumpfl, grand nom de la biologie héréditaire et raciale, mit également l’accent sur les dangers génétiques et criminels des psychopathes dépourvus de Gemüt ainsi que sur l’“absence de Gemüt du froid autistique” ». En reprenant les textes classiques de la psychiatrie, et notamment la psychiatrie allemande et autrichienne, nous pouvons constater à quel point les mêmes mots servirent à désigner des réalités tout à fait différentes. En utilisant le prestige de leurs illustres prédécesseurs, les médecins nazis ont usurpé ce moteur de progrès qui faisait l’admiration du monde intellectuel : la culture allemande ou plus précisément sa Kultur (Peters, 2010).

52C’est au cours de la Seconde Guerre mondiale en 1943 que Kanner et Asperger rendirent publics les résultats de leurs observations effectuées depuis 1938 chez des enfants souffrant de troubles autistiques. Leurs points communs ne doivent rien au hasard, du fait de transfuges talentueux ayant fui l’Autriche pour se réfugier aux États-Unis.

53Les douze cas cliniques de Kanner, rassemblés autour de traits communs, mais d’une présentation clinique variée, vont dans le sens d’un syndrome défini de manière structurale, et non par ses symptômes, ni par l’évolution. Ils correspondent bien plus à ce que l’on observe dans un service de pédopsychiatrie d’aujourd’hui, car nous ne disposons pas a priori de facteurs prédictifs de l’évolution. Si les cinq cas cliniques d’Asperger ne ressemblent en fait pas beaucoup à ceux de Kanner, nous le savons aujourd’hui, c’est parce qu’il a choisi parmi les enfants dont le diagnostic était la « psychopathie autistique » ceux qui étaient conformes à la vision de Gemütsfähigkeit avec le Reich, c’est à dire leur capacité à faire corps avec le régime et à contribuer à l’effort de guerre [30]. Nous savons également aujourd’hui que d’autres enfants, à l’évolution défavorable, y compris des filles, étaient désignés par le même diagnostic, mais ont été éliminés au Spiegelgrund. Ceci permet de comprendre, même si leurs conceptions ont des convergences, à quel point leurs perspectives étaient différentes.

54En modifiant le système de valeurs au sein de la société et en assignant à Asperger une tâche expertale incontestée sur le plan médical, la fonction de surmoi que joue l’éthique pour tout clinicien fut sans doute remplacée par son savoir technique. Il faut cependant avoir à l’esprit qu’Asperger, peu après la soutenance de sa thèse d’habilitation, qui relate son expérience passée et finalement en marquera le terme, doit en mars 1943 faire ses classes à Vienne et Brno avant de rejoindre les combats anti-partisans en Croatie, au sein de la Wehrmacht. À sa démobilisation, il dépose le 1er septembre 1945 sa candidature à un poste universitaire, et poursuivra sa carrière au-delà de tout soupçon, puisqu’il ne fut jamais un membre encarté du parti nazi.

55Il n’existe qu’une autre élaboration du concept de « psychopathes autistiques » dans l’œuvre d’Asperger. En 1968, au sein de son manuel, à la dernière page du chapitre des « troubles fonctionnels [31] » (Asperger, 1968), Asperger critique l’analogie qui a pu être faite entre ses cas cliniques et ceux décrits par Kanner, qui affecteraient des enfants plus âgés, et dont les étiologies seraient selon lui multifactorielles. S’abritant derrière certains propos de Kanner, il confirme que les tableaux cliniques observés par son homologue américain découleraient de « troubles du contact gravissimes d’un niveau déjà psychotique [32] » et seraient d’une évolution soit schizophrénique, soit caractéristiques d’une organicité cérébrale, ou bien évolueraient vers des « troubles du développement dits névrotiques ». À la même époque, Leo Kanner faisait amende honorable (Kanner, 1971), en demandant pardon aux mères pour les avoir qualifiées de froides ou « mères réfrigérateurs », selon l’expression faussement attribuée à Bettelheim par les médias de l’époque (Hochmann, 2020). Kanner avait remarqué que les parents des patients qui lui avaient été adressés présentaient des symptômes plus fréquemment que la normale : « Dans tout le groupe, rares sont les pères et les mères réellement chaleureux. Dans la plupart des cas, les parents, grands-parents et collatéraux sont des personnes très préoccupées de choses abstraites, qu’elles soient de nature scientifique, littéraire ou artistique, et limitées dans l’intérêt authentique qu’elles portent aux personnes. […] La question se pose de savoir si, ou jusqu’à quel point, ce fait a contribué à l’état de l’enfant. » (Kanner, 1943, p. 250.)

56Martine Rosenberg, en introduction de sa traduction des deux articles de Kanner (conceptuel de 1943, et de suivi des patients en 1971), retranscrit un extrait du rapport de Ruth Christ Sullivan publié dans le bulletin de la National Society for Autistic Children (juillet-août 1994) à propos de l’allocution marquante de Kanner de juillet 1969, déjà évoqué supra : « Au banquet, le docteur Leo Kanner, qui, en 1943, a été le premier à décrire et à donner un nom à l’autisme, dit à l’assistance que dès le début, il avait parlé de l’origine organique de cette affection. Il a fait part de son indignation qu’on se soit servi à tort de son article pour désigner les mères d’un doigt accusateur. Il a souligné le fait que par la suite il a écrit un livre intitulé À la défense des mères. Avec émotion, il a déclaré à cette assistance exceptionnelle : “Parents, je vous acquitte”. […] Le Dr Kanner, déjà âgé et fragile, a été vraiment enchanté de participer à cette réunion et il m’a confié plus tard que cela a été l’un des moments forts de sa vie. » (Rosenberg, 1990.)

57Alors que Kanner admet quelques interprétations abusives lors de ses premières publications et, en conséquence, se voit d’une certaine façon réhabilité par la communauté des parents d’enfants souffrant d’autisme, la douleur liée à cette maladie va trouver un nouveau bouc émissaire en la personne de Bruno Bettelheim (1903-1990). Formé à Vienne dans l’entre-deux-guerres en philosophie et en histoire de l’art [33] (Suton, 1995, p. 180), Bettelheim eut le temps de connaître de manière fugace la toute dernière époque du mouvement psychanalytique viennois. Lors de l’Anschluss, il est emprisonné en camp de concentration aux côtés d’opposants politiques (Dachau puis Buchenwald) avant d’être relâché, et il fuit vers les États-Unis en 1939. Il y exercera bien plus comme directeur d’institution d’éducation spécialisée (The Orthogenic School à Chicago) que comme praticien, et enseignera en faculté de psychologie sans avoir directement d’activité clinique. Son recueil, enrichi de réflexions théoriques, Le Cœur conscient (Bettelheim, 1972) et son best-seller La Forteresse vide (Bettelheim, 1969), le situèrent cependant au rang des vulgarisateurs les plus appréciés du public non spécialisé, et l’un de ses lecteurs assidus fut le Général puis Président américain Dwight Eisenhower.

58Cependant, au sommet de sa gloire, lors d’une interview où il est invité à commenter un conflit entre des étudiants virulents et l’administration de l’université de Chicago, Bettelheim exprime un avis personnel qui aura été mal compris. Il parle de la « paranoïa collective » qui anime les étudiants, et critique leur activisme. Il fut par la suite sommé de répondre à de nombreuses critiques : des accusations de racisme, de violence et d’imposture intellectuelle (Pollak, 1997). Devenu une sorte de bouc émissaire, on lui attribuera la paternité de l’expression « mères réfrigérateurs » à propos des mères d’enfants autistes, alors qu’il avait justement tenté de prendre en compte la souffrance des mères d’enfants handicapés dans son ouvrage Dialogues avec les mères (Bettelheim, 1973). La fin de sa vie sera tragique : sa femme se suicide en 1984, lui souffre d’un cancer de la gorge, et se donne la mort le 12 mars 1990, 52 ans jour pour jour après l’Anschluss.

59Si les pionniers doivent parfois subir le revers de la médaille de leur succès public, du fait d’avoir, en proposant des concepts nouveaux, bouleversé l’imaginaire, les perspectives et les défenses psychiques de l’entourage des malades, la situation de Bruno Bettelheim ne nous semble pas comparable à celle de Hans Asperger. Comme le considère Edith Sheffer, quel que soit l’avis personnel profond de Hans Asperger, la trace de sa doctrine se retrouve fondamentalement dans ses écrits (ainsi que deux émissions de radio), puisque c’est ce qui persiste et contribue à influencer l’évolution des idées. Edith Sheffer nous invite à ne pas faire abstraction du contexte dans lequel Asperger évoluait, et insiste sur le poids des termes qu’il utilise, et leur signification en contexte : « Si la manière dont Lorna Wing a fait connaître la thèse d’Asperger de 1944 met effectivement le respect de la singularité des individus au cœur du débat public, il est cependant temps aujourd’hui d’examiner ce qu’Asperger a écrit et fait au regard de la psychiatrie nazie et du monde dans lequel il vivait. L’objet de ce travail n’est pas de mettre quiconque en accusation ni de nuire à l’utile débat sur la neurodiversité, que les travaux d’Asperger ont inspiré. » (Sheffer, 2019a, p. 21.)

60Plus encore, elle rappelle la nécessité de ne pas méconnaître l’histoire du nazisme au cours de laquelle les écrits assumés par Asperger ont été élaborés et valorisés par sa hiérarchie, valeurs compatibles avec l’élimination et le massacre d’enfants : « Asperger ne présenta sa définition de la psychopathie autistique qu’une fois que le nazisme contrôla son monde – et quand il le fit, il la définit avec la rhétorique et les valeurs du Reich. Cela importe-t-il de savoir s’il ne faisait que citer les valeurs du régime de manière superficielle pour s’en sortir, pour protéger sa carrière ou la réussir ? Quatre-vingts ans plus tard, ce sont bien les mots d’Asperger et non ses pensées et convictions les plus intimes qui influent sur notre conception du diagnostic de l’autisme. » (Sheffer, 2019a, p. 111.)

De la spectralité autistique contemporaine : de quoi le spectre est-il le nom [34] ?

61En 2013 apparaît la notion de spectre (spectrum) dans la nosographie officielle internationale à travers la sortie d’une cinquième version du manuel américain, le DSM-5 [35], et concerne à la fois l’autisme et la schizophrénie, ce dernier point étant bien souvent et curieusement omis. Concernant l’autisme, c’est bien sûr l’aboutissement d’une présence du spectre, longue et progressivement croissante, dans les revues internationales. En effet, le spectre de l’autisme commence timidement à apparaître dans les articles médicaux dès les années 1990, prend véritablement sa place dans les années 2000 pour que son occurrence explose durant les années 2010, derniers temps de gestation du DSM-5.

62L’appellation « Trouble du spectre de l’autisme » est retrouvée pour la première fois dans un article de 1996 publié dans une revue de neurologie pédiatrique (Nordin, Gijlliberg, 1996). Elle recouvre toutes les dénominations de l’autisme utilisées précédemment pour les Troubles envahissants du développement (TED). En plus de celles déjà mentionnées, il faut ajouter l’autisme atypique, la condition ressemblant à l’autisme (autistic-like) ainsi que les traits autistiques. L’atypique renvoie à une forme spéciale dans sa présentation : un âge de survenue tardif ou un domaine habituellement atteint dans l’autisme qui ne l’est pas. L’autistic-like tient son efficace du suffixe anglo-saxon mais correspond simplement à des formes se rapprochant de l’autisme classique. Notons que le terme « autistoïde », sur le modèle du schizoïde pour la schizophrénie, n’a pas trouvé sa place. Les traits autistiques désignent des comportements évocateurs de l’autisme tout en suggérant qu’ils en emprunteraient certains atours sans en être le reflet signifiant.

63Le concept de spectre porte en lui-même de nombreuses propriétés particulières dans sa manière de reformuler les grandes questions de l’épistémologie psychiatrique : la notion de continuité entre différents états pathologiques, le rapport du normal et du pathologique [36], l’opposition catégoriel-dimensionnel, les rapports du diagnostic et de l’étiologie, les rapports de la pratique clinique et de la recherche, pour n’en citer que quelques-uns. C’est une collaboration italo-américaine soucieuse de pouvoir enfin s’appuyer sur des outils quantitatifs pour la clinique qui, à la fin des années 1990, promeut le concept en psychiatrie [37]. Comme réglette à curseur, le spectre n’est jamais aussi bien illustré que dans le cas de l’autisme et de son lien supposé avec une hypothyroïdie dans un autre article de 1992 (Gillberg, 1992). Un spectre de déficit en hormone thyroïdienne se superposerait à un spectre autistique perçu également comme déficitaire, dans le domaine du langage ou des interactions sociales notamment.

64En fait, la notion de spectre appartient aux débats internes de la psychiatrie aux États-Unis depuis le début des années 1970, période à laquelle se discutent différentes théories de la maladie mentale qui aboutira finalement à une nouvelle manière d’envisager la nosographie en 1980 avec la fameuse parution de la troisième version du manuel des troubles mentaux, le DSM-III qui se veut « a-théorique ». C’est au sujet de la schizophrénie, maladie mentale qui attire le plus l’attention à cette époque, qu’est questionnée, sur les plans théorique et pratique, la notion de spectre. Walter Reich, psychiatre au laboratoire de psychologie de l’institut national de santé mentale à Bethesda (Maryland), après des études de philosophie à l’université Columbia et des études médicales également à New York, publie les premiers articles sur le spectre comme concept et en critique les implications théoriques et pratiques (Reich, 1976, p. 3-12). Cette première utilisation du spectre en psychiatrie à propos de la schizophrénie tient sa justification de l’hypothèse d’un soubassement génétique à l’ensemble des pathologies qui s’y apparentent de près ou de loin.

65Le développement des neurosciences et de la génétique depuis le début du xxie siècle suscite de nouveaux espoirs pour construire une nosographie étiologique en psychiatrie. L’institut national de santé mentale des États-Unis a théorisé cette ambition dans un programme de recherche baptisé Research Domain Criteria (RDoC) project. À des fins de recherche, il s’agit de classer autrement les troubles mentaux selon des comportements objectivables et des mesures neurobiologiques. La première étape de cette recherche du gène au comportement consiste à identifier les dimensions élémentaires du fonctionnement mental et leurs corrélats neuronaux. Le trouble mental est perçu comme un dysfonctionnement d’un circuit cérébral que l’on pourrait diagnostiquer à partir des neurosciences cliniques (par exemple l’électrophysiologie, la neuro-imagerie fonctionnelle). Face à chaque dimension, chaque niveau d’analyse tient sa place : gène, molécule, cellule, circuits, physiologie, comportement, jusqu’à l’introspection (« self-report »). L’introduction du spectre dans le DSM semble constituer un préambule à ce vaste projet.

66Une des principales spécificités du spectre appliqué à l’autisme tient à la notion de neuro-développement, véritable étiologie organique imputée. Les années 1980 marquent le passage à un modèle développementaliste qui distingue différentes lignes de développement (par exemple le langage, les relations sociales). Fort des progrès techniques dans les neurosciences, le développement se voit affublé du préfixe neuro- : le neuro-développement constitue une inscription organique, biologique, prémisse d’une physiopathologie d’un trouble psychiatrique. Coup de force conceptuel dans la lignée du projet RdoC, dont la notion de spectre semble partie prenante.

67Nous pouvons avancer trois conséquences directes de l’application du concept de spectre à l’autisme infantile. C’est d’abord une extension quantitative bien identifiée par l’inflation diagnostique qui ne fait plus débat. C’est aussi une extension qualitative au sens où l’on assiste à un envahissement du champ des pathologies à effet relationnel. Enfin, l’autisme s’étend vers les pathologies psychiatriques de l’adulte. La notion de spectre figure en effet un pont entre psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent d’un côté, et de l’autre psychiatrie de l’adulte. D’ailleurs, le qualificatif « infantile » a disparu pour laisser place à l’autisme tout court. Ce lien entre enfance et adulte permet un double mouvement : « progrédient » en suivant l’évolution d’une pathologie infantile à l’âge adulte, « régrédient » en diagnostiquant chez l’adulte des formes non diagnostiquées durant l’enfance. Né en 1933, Donald Grey Triplett, le premier cas clinique d’autisme observé par Frankl et décrit par Kanner dans sa cohorte de patients autistiques dès 1943, vit encore aujourd’hui dans l’État du Mississippi. (Zucker, Donvan, 2010).

68Sans étude approfondie des sciences humaines, les effets du spectre autistique en pratique clinique peuvent néanmoins déjà être appréhendés par l’expérience de terrain. Nous constatons une focalisation des pratiques sur l’autisme qui a des effets contrastés : d’un certain côté, il est important de savoir si l’on est autiste ou pas et d’un autre, la généralisation entraîne une forme de banalisation. Le spectre, dans le rapport quantitatif qu’il ouvre avec son objet, indique une gradation de l’autisme : être plus ou moins autiste. Est-ce une convergence et une réduction au point autistique, tel un prisme inversé ? Ou au contraire l’ouverture vers une infinité des formes, retrouvant la richesse de la clinique dans le respect de la singularité ? Alors que la recherche biomédicale en psychiatrie s’est toujours tournée vers la neurobiologie, le projet RDoC poursuit la même direction mais dans un sens inversé. À partir de la clinique, les études tentaient jusqu’à présent d’explorer et de circonscrire un aspect biologique de la pathologie. Avec le concept de spectre et le projet RDoC, des aspects neurobiologiques postulés génèrent une organisation structurale ad hoc de la clinique. L’espoir d’atteindre enfin les fonctions neurobiologiques sous-jacentes de la psyché en général et des maladies mentales en particulier mobilise les cliniciens au prix d’une torsion de la clinique.

69La simultanéité de l’introduction du spectre pour l’autisme et la schizophrénie dans la classification américaine est frappante puisqu’elle ne concerne que ces deux entités et que l’histoire de l’une a partie liée avec celle de l’autre. La schizophrénie infantile est devenue un diagnostic extrêmement rare, alors que l’autisme s’est considérablement étendu grâce au spectre autistique. L’emploi concomitant du spectre pour l’autisme et la schizophrénie serait-il l’amorce d’un nouveau rapprochement ? En tout cas, chacun évolue sur un spectre propre et il n’y a, a priori, rien de plus éloigné que deux spectres distincts. Cependant, une approche développementaliste (Rutter, 2013) sous-tend le concept de spectre et pourrait un jour permettre de relier plusieurs spectres selon une « psychopathologie développementale » proposée par Mickael Rutter, l’un des autres grands noms de la psychologie infantile de la génération de Lorna Wing.

70Comme métaphore optique, le spectre pourrait-il offrir une chance ? Un ensemble « avec une même origine dont les constituants peuvent se décomposer et se recomposer à l’infini pour constituer un élément unique [38] » nous renverrait à l’unité dans la diversité défendue par Henri Ey lorsqu’il conçoit la schizophrénie (Ey, 1959). Cesser de distinguer recherche et pratique clinique, comme y conduit le spectre, alors que ces deux domaines répondent à des champs épistémologiques toujours différents, nous fait craindre un nouvel appauvrissement d’une clinique calibrée au bénéfice d’une recherche d’orientation monolithique, le projet RDoC. En tout cas, la notion de spectre, quel que soit l’optimisme que l’on peut afficher, n’est ni un retour à une structure psychopathologique, ni un retour déguisé de la psychose, il figure un véritable concept épistémologique qui constitue « la trame sombre mais solide de notre expérience » (Foucault, 1963, p. 203).

Conclusion

71Pour conclure, le temps historiographique est un temps long, qui en psychiatrie requiert l’attention de chaque clinicien, tant notre épistémologie est partie prenante de notre discipline constitutionnellement réflexive. Selon les mots du philosophe Jean-François Lyotard : « Reste l’interstice, sans extension, qui est l’instant de juger, celui de lire, d’apprendre et d’écrire, celui pour l’enfant (qui ne fait que barrer le futur s’il s’intègre trop vite à ce que le social constitué lui offre) de “grandir sans être dérangé”, et le temps aussi, pour la tradition qui pousse du fond des âges de tout le poids du déjà jugé, d’être questionnée » (Lyotard, 1963, p. 203).

72Il n’y a pas d’affaire Asperger, comme il y eut une affaire Dreyfus ou une éventuelle affaire Bettelheim. D’aucuns ont certes lu les travaux de Sheffer de manière caricaturale pour désigner Asperger en bourreau nazi meurtrier d’enfants, alors que la thèse de Sheffer, à partir d’un travail d’archives rigoureux, s’avère nuancée : c’était « un personnage mineur dans le programme d’euthanasie d’enfants » (Sheffer, 2019, p. 306). « À défaut de convictions meurtrières », il rend « néanmoins possibles les systèmes de mise à mort du Reich » par ses activités professionnelles « au sein d’un système de meurtres de masse en tant que participant conscient, pleinement associé à son univers et à ses horreurs ». Il n’est « ni un ardent partisan ni un farouche adversaire du régime. Il figure parmi tous ceux qui se sont rendus complices, il fait partie de la majorité perdue de la population qui, tour à tour, se conforme à la domination nazie, l’approuve, la craint, la banalise, la rejette pour finir par se réconcilier avec elle » (Sheffer, 2019, p. 29). Ainsi peut s’entendre une référence à la « banalité du mal » d’Hannah Arendt. Et cela nous suffit. Pour comprendre que Lorna Wing s’était fourvoyée en reprenant de manière tronquée et non contextualisée l’œuvre aspergerienne, et pour s’interroger sur les effets d’un signifiant patronymique à l’histoire jusque-là oubliée et réécrite [39].

73Si Jacques Constant n’avait pas en sa possession tous les éléments permettant de reconstruire en les complétant une vie et une œuvre laissées dans l’ombre, nous ne pouvons plus aujourd’hui, une fois le travail historique réalisé, souffrir l’évocation d’un patronyme ainsi entaché pour parler de notre clinique. Reste l’histoire des concepts qui doit nous faire retenir celui du syndrome d’Asperger-Wing. La faute de Lorna Wing aurait alors pour conséquence d’y voir associer son nom.

74Mais Sheffer va plus loin en affiliant les travaux d’Asperger et le spectre autistique contemporain. La thèse est séduisante : « Aujourd’hui, comme pour Asperger et ses contemporains, l’idée de l’autisme s’appuie sur le désir d’intégration dans un monde perfectionniste en évolution permanente. Le spectre de l’autisme exagère l’éventail des places possibles dans la société pour un enfant. À l’une de ses extrémités, le mineur atteint d’autisme risque de connaître sa vie durant un grave handicap et l’isolement, tandis qu’à l’autre, il pourra s’adapter et être perçu comme ayant des compétences supérieures. Avec la prédominance de la technologie dans nos vies quotidiennes, l’autisme exploite la peur de l’indifférence et de l’incapacité de s’adapter – ainsi que l’espoir de compétences convoitées en ces temps nouveaux, celles de l’ingénieur, du scientifique ou du codeur. Nous projetons un spectre bidimensionnel et dichotomique qui maintient la distinction d’Asperger entre ceux qui sont susceptibles d’être assimilés et ceux qui ne le sont pas. Le diagnostic d’autisme suggère des problèmes, tandis que le syndrome d’Asperger ou “autisme à haut niveau de fonctionnement” détermine ceux qui sont susceptibles d’être incorporés et d’être productifs, voire supérieurs. La conception d’un spectre qui va s’élargissant puise dans nos plus grands espoirs et nos plus grandes peurs pour nos enfants et la société. » (Sheffer, 2019, p. 320.) Il serait absurde d’identifier le spectre autistique à une conception nazie, nous en avons montré la valence conceptuelle pour l’épistémologie psychiatrique. Nous comprenons cependant l’inquiétude et l’appel à la vigilance de l’historienne concernant une clinique spectrale qui ferait la part entre les bons et les mauvais autismes : de bon niveau cognitif, très performants dans un domaine, suscitant l’intérêt des thérapeutes rémunérés à l’acte, bienvenus dans certaines entreprises « jeunes pousses » d’un côté, et de l’autre, en grande difficulté scolaire et d’insertion, sans thérapeutique rapidement efficace et finalement laissés pour compte. Pour s’en convaincre, il n’y a qu’à observer l’apparition dans plusieurs écoles de commerce françaises de formations certifiantes « data Asperger », « pour former des analystes de données et des développeurs, métiers qui demandent de la rigueur, des capacités d’analyse et de mémorisation, les compétences phares des personnes Asperger » [40]. De ce point de vue, l’hypocrisie du diagnostic de spectre autistique pourrait se donner comme particulièrement discourtoise.

75La profondeur de la perspective historique, si chère à notre maître Jacques Hochmann, que nous avons empruntée depuis les démences de l’enfant du début du xxe siècle jusqu’au spectre de l’autisme, prouve encore l’inscription de liens permanents entre psychiatrie de l’adulte et psychiatrie de l’enfant. Tâchons de nous en souvenir à l’heure de penser les cursus de formation des futurs pédopsychiatres. Mais au fond, si le spectre de l’autisme apparaît à la suite du syndrome d’Asperger qui n’a en tant que tel que peu à voir avec Asperger lui-même, c’est bel et bien le spectre d’Asperger qu’il nous revient d’affronter par la recherche en histoire et philosophie de la psychiatrie.

76L’épistémologue Ian Hacking est bien connu pour ses analyses en philosophie de la médecine avec comme terrain de prédilection la psychiatrie. Il décrypte ainsi les effets du diagnostic comme nomination sur le patient ainsi désigné qui lui-même participe à sa nomination en se conformant à ce qui est attendu par cette dernière, et ainsi de suite. C’est l’effet boucle (looping effect) de Hacking. Également connu pour ses études sur le making up people et la notion de kind of people, il aborde directement la manière dont est abordé l’autisme au xxie siècle en soulignant, aux côtés des nouveaux philosophes de la psychiatrie, l’activisme des scientifiques concernés personnellement par la problématique (Hacking, 2015).

77Au terme de cette récente traversée historiographique de l’autisme durant le régime nazi, comment ne pas se demander ce que le nazisme a fait à la psychiatrie de l’enfant ? Pour oser poser la question, la psychanalyste Laurence Kahn est d’un précieux secours (Kahn, 2018). Depuis « des mots anciens » au « sens nouveau » jusqu’au « sous-sol des mots », elle déplie l’atteinte de la psychanalyse par le nazisme qui œuvra par « l’implacable ébranlement du socle langagier sur lequel elle reposait ». La « mystification du sens », « l’usage dévoyé des mots », ont laissé des traces. Kahn les perçoit dans les premiers fondements de l’ego psychology au sortir de la Seconde Guerre mondiale et bien après, à la fin du xxe siècle, avec le règne de l’empathie – y compris au sein même de la psychanalyse devenue ici ou là interpersonnelle, c’est à dire « sans théorie libidinale pour aborder la haine, l’assujettissement, le meurtre y compris sans volonté meurtrière ». Mutatis mutandis, l’épilogue de Sheffer nous invite de même à interroger, en clinicien averti, la manière dont nous parlons, le sens des mots que nous employons, les auteurs qui en ont usé avant nous.

78L’autisme s’écoule ainsi depuis plus d’un siècle en cascades, jaillissant de la psychiatrie classique, de ses liens avec la psychanalyse et de l’émancipation de la psychiatrie de l’enfant, de part et d’autre de l’Atlantique, dans des mouvements de reprise permanents. Si le cascadeur est bien celui qui prend la place de l’acteur pour accomplir une pirouette à risque, nous sommes en droit à la fin du film d’en connaître tous les protagonistes.

79Histoire, psychiatrie et psychanalyse demeurent liées. « Car demeure l’irréductible de l’expérience, ce reste inassimilable qui fait toujours obstacle aux manipulations les plus outrancières », ce qui revient toujours à la même place, le Réel de Lacan qui selon l’expérience de l’historien Patrick Boucheron « se tient à l’écart de toute symbolisation, et, parce qu’il ne bouge pas, il demeure comme le trauma, sinon inaccessible, du moins la visée ultime de tout projet de connaissance, à la limite de ce qui peut être su » (Boucheron, 2019, p. 17 [41]).

80Psychanalyste et historien ne seraient-ils pas spécialistes de l’hantologie, mot formé par Jacques Derrida (cité par Boucheron, 2019, p. 31) pour évoquer une histoire nécessairement spectrale et rendre compte de cette capacité d’un événement historique à être en même temps répétition et première fois ?

81Alors tous hantologistes ? Hantomologistes ?

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Mots-clés éditeurs : histoire critique, autisme, troubles du spectre de l’autisme, histoire de la psychiatrie, philosophie de la psychiatrie, psychiatrie de l’enfant syndrome d’Asperger-Wing

Date de mise en ligne : 24/09/2020

https://doi.org/10.3917/jpe.020.0189

Notes

  • [1]
    L’expression anglo-saxonne employée sans ambages témoigne directement de l’origine américaine de cette reconnaissance sociétale.
  • [2]
    « Du sur-mesure pour les autistes Asperger », Le Monde, jeudi 2 avril 2020, supplément Le Monde Campus, p. 9.
  • [3]
    Dans cette optique, les auteurs proposent depuis septembre 2018 un séminaire mensuel à l’hôpital Sainte-Anne (Paris) de « philosophie et histoire de la psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent ». Voir le carnet https://php.hypotheses.org
  • [4]
    Dans le sens d’une attitude qui ferait fi de la raison, avec une dimension d’hermétisme aux arguments rationnellement pertinents. C’est ainsi qu’un ancien candidat à la dernière élection majeure de la République française en avait fait usage un soir à la télévision publique.
  • [5]
    Abréviation dans la traduction pour démence précoce, la dénomination latine Dementia praecox est utilisée en allemand.
  • [6]
    Nous remercions Yann Diener d’avoir attiré notre attention sur le texte de Bonomi lors de son intervention au séminaire de Saint Anne, le 19 décembre 2019.
  • [7]
    Voir supra.
  • [8]
    Année de parution en langue française de l’ouvrage d’Edith Sheffer, Les Enfants d’Asperger, Paris, Flammarion, 2019.
  • [9]
    Dans la collection « Les empêcheurs de penser en rond », détenue alors par l’entreprise pharmaceutique Synthélabo et qui en possède toujours les droits.
  • [10]
    L’étude US/UK visait à évaluer les raisons de la disparité de l’attribution du diagnostic de schizophrénie dans deux pays de même langue : à l’époque, du fait d’une histoire différente de l’implantation de la psychiatrie, le diagnostic de schizophrénie est donné plus fréquemment aux États-Unis qu’au Royaume-Uni. Et c’est sur la base de ce travail préalable (et parallèle) à celui de Robert Spitzer et Jean Endicott qu’est née la notion fondamentale de fidélité interjuge (reliablity) dans le DSM-III en 1980.
  • [11]
    En Galicie actuellement ukrainienne, terre d’origine d’Amalia Nathansohn-Freud et de Joseph Roth.
  • [12]
    Notre traduction.
  • [13]
    Intégrant le syndrome d’Asperger en F84.5 au sein des troubles envahissants du développement
  • [14]
    Voir la version originale du DSM-5 (2013) et sa traduction française (2015).
  • [15]
    On peut citer pour exemple le scandale Kurt Waldheim, ancien secrétaire général de l’ONU puis président autrichien modéré et social-démocrate malgré son passé notoire dans la Waffen-SS, à la faveur de la disparition des générations des anciens combattants.
  • [16]
    Notre traduction.
  • [17]
    « Erfassung, Selektion Und “Ausmerze”, Das wiener Gesundheitsamt und die Umsetzung der nationalsozialistischen “Erbgesundheitspolitik” 1938 bis 1945 », soit en français « Recensement, sélection et “élimination” » : le bureau de santé publique de Vienne et la mise en œuvre de la “politique de santé génétique” de 1938 à 1945 ».
  • [18]
    Asperger évoque « quelque chose qui a été décisif pour lui, sa participation au mouvement de jeunesse allemand » (« etwas entscheidendes: die Teilnahme an der deutsche Jugendbewegung »), notre traduction.
  • [19]
    Voir les notes 21, 30, 33, 54, 58, 64, 76, 77 et surtout 79 et 84.
  • [20]
    Un de ses premiers ouvrages aborde l’irruption du rideau de fer entre deux communes de la région du Rennsteig historiquement liées.
  • [21]
    Voir infra, note 41.
  • [22]
    Traduction française du titre choisi pour la traduction de l’ouvrage de Sheffer en langue espagnole.
  • [23]
    Voir aussi Sahnoun L., Rosier A. (2012), « Syndrome d’Asperger : les enjeux d’une disparition », PSN, 10, 1, p. 25-33.
  • [24]
    « Wie weit die Dementia praecox im Kindesalter, lange vor der Pubertät auftritt, das ist noch eine durchaus offene Frage », p. 226. Notre traduction.
  • [25]
    Récemment revenue à la France après une cinquantaine d’années d’annexion et de psychiatrie allemande.
  • [26]
    Citations directes du travail de Bleuler : p. 667-668, 670, 686, 762, et « schizophrénie latente » p. 920, 926, 947.
  • [27]
    Photographie « Gruppe von schizophrenen Kranken » (Figure 154, p. 708) ; son commentaire sur la Zersplitterung de Bleuler (p. 749). Citons également sa création très inspirée du néologisme « Schizophasie » pour les troubles du langage spécifiques à la démence précoce (p. 859).
  • [28]
    Chapitres 3, 7 et 9.
  • [29]
    Psychiatre nazi notoirement impliqué dans des meurtres de masse telle l’opération T4.
  • [30]
    Et notamment le cinquième, qui n’est pas désigné par son prénom et l’initiale de son nom mais dont nous apprendrons qu’après son habilitation en astronomie, il devint professeur d’université en astrophysique.
  • [31]
    Avec les mêmes références aux dignitaires de la psychiatrie nazie.
  • [32]
    « Schwerste Kontaktstörungen eben schon von psychotischen Graden ».
  • [33]
    Il fut reçu à deux thèses de doctorat, ès histoire de l’art et philosophie-esthétique en 1938.
  • [34]
    Cette partie écrit et prolonge une réflexion épistémologique proposée par les auteurs lors d’une communication au congrès de l’Encéphale en janvier 2020 à Paris (« Intérêts et limites du concept de spectre appliqué à l’autisme »). Pour une étude détaillée du concept de spectre en psychiatrie, voir Y. Craus, Étude du concept de spectre pour l’épistémologie psychiatrique : effets et méfaits sur les rapports du normal et du pathologique en pratique clinique, chapitre d’un ouvrage en hommage à Jean Gayon, à paraître aux Éditions matériologiques en septembre 2020.
  • [35]
    Diagnostic and Statistical Manual (DSM).
  • [36]
    Georges Canguilhem (1904-1995) étant à l’évidence la référence obligée pour s’y repérer.
  • [37]
    Voir l’argumentaire sur un site dédié : www.spectrum-project.org
  • [38]
    Définition du CNRTL, Lexicographie.
  • [39]
    Ce que nous avons nommé dans une précédente publication « effet palimpseste patronymique ». Voir Y. Craus, J. Sinzelle, « Analyse de livre », L’Information psychiatrique, 96, 1, 2020.
  • [40]
    « Du sur-mesure pour les autistes Asperger », Le Monde, jeudi 2 avril 2020, art. cit.
  • [41]
    Derniers mots de l’Avant-propos, qui évoque saint Ambroise, son objet d’étude.

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