Bill Clinton affirmait en 2000 que la mondialisation n’est pas « quelque chose que l’on peut contenir ou arrêter », mais « l’équivalent économique d’une force naturelle, comme le vent ou l’eau ». Cette vision alors banale d’une intégration économique de la planète comme le produit d’une évolution naturelle et inexorable peine aujourd’hui à convaincre. On s’interroge, désormais, plutôt sur les risques de démondialisation. Les cours d’eau et les vents dominants se seraient-ils spontanément inversés ?
Les historiens confrontés à la mondialisation de la fin du XXe siècle ont apporté deux correctifs importants au fatalisme triomphateur qu’exemplifient les remarques de Bill Clinton. D’abord, ils ont souligné que l’humanité avait connu d’autres périodes d’intégration à l’échelle intercontinentale, sinon globale : l’unification du monde méditerranéen à la fin de l’Antiquité, l’intensification des échanges entre les différentes composantes de l’Eurasie au XIIIe siècle, ou l’intégration économique de la planète du XIXe siècle. Ensuite, ils ont montré que ces processus d’intégration s’appuyaient toujours sur des structures politiques, à savoir des formations impériales exerçant une domination hégémonique intercontinentale. Ainsi, bien que les technologies et les conditions environnementales aient également joué un rôle important, chaque vague de mondialisation a été portée par l’affirmation d’un empire aux dimensions globales : Rome à l’échelle du monde méditerranéen, les conquêtes de Gengis Khan en Eurasie, et l’Empire britannique, qui gouvernait un quart de la population et de la superficie du monde vers 1900. De même, notre mondialisation a largement reposé sur l’établissement d’un empire états-unien au lendemain d…