En France, le narratif sur le rôle crucial du « couple franco-allemand » pour la construction européenne relève d’une évidence. Mais qu’en est-il en Europe centrale ? Le « moteur franco-allemand » est-il une réalité perçue et comprise par les autres États membres, et en particulier ceux d’Europe centrale et orientale ? Et le cas échéant, cette réalité est-elle principalement acceptée et considérée comme positive – ou non ? Nous allons nous pencher sur cette question en nous appuyant sur le cas de la République tchèque, le pays à qui la France a récemment passé le relais de la présidence du Conseil de l’Union européenne (UE).
Vu de Prague, plusieurs facteurs brouillent l’image d’Épinal du « moteur franco-allemand » de l’Europe communautaire. Commençons par une évidence : l’expérience concrète qu’ont les Tchèques du fonctionnement de l’Union européenne correspond à une période où le couple franco-allemand n’a pas été au mieux de sa forme.
En effet, après avoir connu une certaine apothéose lors des deux mandats de la Commission Delors, avec Helmut Kohl et François Mitterrand, le couple franco-allemand a traversé une série de difficultés. Depuis l’élection de Jacques Chirac, en 1995, aucun « couple » entre président français et chancelière ou chancelier allemand n’a su accéder au statut quasi mythique des trois « couples » emblématiques des décennies fondatrices de la construction européenne. Pire, le doute s’est installé sur la capacité et la volonté des deux pays à continuer de travailler ensemble au service du projet européen, avec notamment le désaccord sur la réforme institutionnelle lors des négociations du traité de Nice ou le refus français du traité constitutionnel en 2005. Certes, le couple a évité une rupture franche et durable, il a su se retrouver face aux urgences des crises violentes que l’Union a dû affronter à partir de 2007. Mais si des journalistes ont pu forger le terme de « Merkozy » pour rendre compte de l’étroite coopération franco-allemande et d…