En avril-mai 2019, le Bharatiya Janata Party (BJP) remportait les élections législatives indiennes de façon éclatante. Et le Premier ministre, Narendra Modi, d’interpréter cette victoire comme un mandat pour mettre en œuvre le projet nationaliste hindou dont son parti est porteur. Contrairement à la campagne de 2014 qui l’avait porté au pouvoir, tout entière axée sur les thématiques de la bonne gouvernance et du développement économique, celle de 2019 était en effet clairement centrée sur l’idéologie nationaliste hindoue et l’accomplissement de revendications exprimées de longue date. Les principales sont au nombre de trois : la construction d’un temple dédié à Ram sur l’emplacement de la mosquée Babri d’Ayodhya, détruite le 6 décembre 1992 par des militants nationalistes hindous ; la fin du statut spécial du Cachemire, seul État indien à majorité musulmane, consacré par l’article 370 de la Constitution de 1950 ; et un Code civil unique. Ces mesures, ainsi que beaucoup d’autres, s’inscrivent dans un projet politico-religieux qui remonte aux années 1920 et baptisé par son inventeur hindutva (« hindouïté »).
Le nationalisme hindou a pris forme concomitamment avec le nationalisme indien et pour les mêmes causes. Mais alors que le second, à l’origine, demandait l’égalité avec les Britanniques et se prévalait des principes mêmes affichés par le Royaume-Uni à l’égard de ses citoyens, la frange nationaliste hindoue est apparue en réaction à ce qui a été perçu comme un viol de la culture indienne, renvoyant à une identité plurimillénaire pour partie inventée lors de sa redécouvert…