En un an, les électeurs israéliens auront été appelés par trois fois aux urnes : le 9 avril 2019, le 17 septembre 2019 et le 2 mars 2020. Si l’enjeu principal de ces élections législatives concernait le maintien au pouvoir – ou non – de Benyamin Netanyahou, les rapports entre l’État, la société et la religion en constituaient indiscutablement une toile de fond essentielle. C’est notamment en surfant sur le rejet des partis ultra-orthodoxes et de leurs exigences qu’Avigdor Liberman, le chef du parti russe Israel Beitenou (« Israël notre maison »), est devenu, pour un temps, « faiseur de rois ».
Ainsi resurgit, au XXIe siècle, le paradoxe originel qui marquait le sionisme à ses débuts, à la fin du XIXe siècle. Le mouvement créé par Theodor Herzl se voulait laïque, tout comme la société que son fondateur imaginait dans L’État des juifs : « Nous ne permettrons pas aux velléités théocratiques de nos chefs religieux d’émerger. Nous saurons les cantonner dans leurs temples, de même que nous cantonnerons l’armée de métier dans ses casernes. » Les pionniers sionistes percevaient même les juifs pieux – rappelle Michel Warschawski – « comme la caricature de ce qu’on ne voulait plus être. […] Ce sont ces juifs à barbe, à papillotes, qui se sont laissés mener comme des moutons à l’abattoir et ce sont leurs rabbins qui sont responsables, puisqu’ils ne leur ont pas appris à combattre. Le juif qui prie en entrant dans les chambres à gaz est alors perçu comme quelqu’un de honteux, de misérable, ni héroïque ni respectable »…