Pour la Chine, comme pour la Russie, il est souvent tentant de parler de pesanteurs de l’histoire, d’invariants géopolitiques, d’épaisseur civilisationnelle, d’obsession du statut, en somme d’une sorte d’ADN spécifique qui se transmettrait de génération en génération. La Chine, ce serait plus de 6 000 ans d’histoire, des cycles impériaux interrompus par des parenthèses de chaos, Sun Tzu et Confucius, un État nécessairement fort pour contrôler une population et un territoire immenses, l’obsession de la face, du statut et des relations sociales, et surtout un « siècle d’humiliation » clôturé par la victoire du Parti communiste en 1949. Cette essentialisation, qui est produite à la fois par l’orientalisme occidental et par le discours exceptionnaliste en Chine même, doit être confrontée aux méandres de la politisation de l’histoire et des évolutions historiographiques.
Il est de bon ton de parler de « revanche » – voire de « revanchisme » – de la Chine, après ce « siècle d’humiliation » qui court des années 1840 – la première guerre de l’opium et les premiers traités inégaux – à 1949. La victoire du communisme apparaît comme une issue inévitable après une longue et douloureuse séquence d’histoire de la Chine, que celle-ci veut à tout prix effacer, par exemple en récupérant les objets dispersés dans le monde entier après le sac du Palais d’été en 1860, lors de la seconde guerre de l’opium. Le triomphe annoncé de la Chine en 2049 montrera sans doute le résultat glorieux d’un siècle d’autorité communiste…