Notes
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[1]
On évalue d’ailleurs toujours le poids du diamant en carat, du nom d’un arbre indien, le Karat dont la graine pèse invariablement 0,2 g.
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[2]
Le Lunda Norte et le Lunda Sul sont les provinces du nord-est angolais riches en diamants de qualité supérieure particulièrement recherchés.
-
[3]
Propriétaire de la De Beers.
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[4]
La Central Selling Organisation, créée en 1934 par De Beers en pleine chute des cours, est parvenue à stabiliser le marché grâce à une judicieuse politique d’achats, de stockages et de reventes à une liste de vendeurs attitrés.
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[5]
On ne connaissait alors que les diamants alluvionnaires.
-
[6]
Le Botswana, avec un PIB par habitant parmi les plus élevés d’Afrique, tire 33 % de sa richesse nationale de l’activité diamantaire et finance 65 % du budget de l’État par la vente de diamants.
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[7]
L’expression « conflict diamond » désigne les diamants servant à financer les conflits quel que soit le bénéficiaire. Cette définition est plus large que celle généralement retenue par les Nations unies qui ne désignent sous cette expression que les diamants provenant de régions où opèrent des forces en rébellion contre un gouvernement légitime. La définition onusienne semble trop restrictive, car dans bien des cas la notion de gouvernement légitime est difficile à établir dans un contexte de guerre civile et parce qu’aujourd’hui en Afrique, dans des pays comme la Sierra Leone, l’Angola ou la RDC, il est clair que les diamants jouent indiscutablement à l’encontre de toute tentative de règlement politique du conflit, puisqu’ils donnent aux rebelles et aux gouvernements les moyens de refuser tout compromis.
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[8]
Diamant de contrebande, sorti du territoire ou de la mine clandestinement sans paiement préalable des droits et taxes prévus ni respect du droit de propriété foncier.
-
[9]
Selon De Beers, en 1999, sur une production mondiale d’une valeur estimée à 6,8 milliards de dollars, l’Afrique en produit 3,6 milliards, soit 52 %.
-
[10]
François Misser, Olivier Vallée, « Les nouveaux acteurs du secteur minier », Manière de voir, no 51, Paris, 2000.
-
[11]
William Reno, Corruption and State Politics in Sierra Leone, Cambridge, Cambridge University Press, 1995.
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[12]
Voir sur ce point, François Misser, Olivier Vallée, Les gemnocraties, Paris, Desclée de Brouwer, 1997.
-
[13]
Il s’agit en fait des gisements de kimberlite du Polygone.
-
[14]
Que la banque centrale aux ordres du président fournissait contre des devises.
-
[15]
N.d.l.R. : MPLA : Mouvement populaire pour la libération de l’Angola ; UNITA : Union nationale pour l’indépendance totale de l’Angola.
-
[16]
Revolutionary United Front.
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[17]
Les Forces armées angolaises.
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[18]
Voir sur ce point, David Keen, The Economic Functions of Violence in Civil Wars, Adelphi Paper no 320, Oxford University Press for the International Institute for Strategic Studies, 1998, p. 1-88.
-
[19]
L’Angola Selling Corporation est contrôlée à 49 % par Leviev et 51 % par l’État angolais.
-
[20]
Ce fils d’une importante famille juive de Tachkent, en Ouzbékistan, qui a immigré en Israël en 1972 à l’âge de 16 ans, est surnommé le surdoué du diamant. Il s’est fait connaître en Russie en venant au secours de la compagnie minière nationale russe du diamant Alrosa dans les années 90, avec l’appui de Arkady Gaydamak. Ses ambitions dans le secteur du diamant sont considérables : il vient de prendre 31 % de la société Namco, qui connaît une expansion fulgurante dans l’exploration off shore en Namibie, et compte obtenir le monopole de distribution des diamants russes à la fin de l’année 2001, à l’expiration du contrat liant la Russie à la De Beers.
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[21]
Les relations entre Leviev et Gaydamak sont complexes : elles sont financières (Gaydamak a acquis 15 % de Africa Israël, la compagnie d’investissements basée à Tel-Aviv rachetée par Leviev en 1997) et religieuses (Gaydamak est un born again Jew et Leviev un adepte de Chabab Lubavitch, le mouvement ultra-orthodoxe qui vise à ramener les Juifs à la foi). Finançant plusieurs écoles, Leviev jouit d’une énorme influence en Russie, comme l’a montré en juin 2000 sa capacité à imposer son candidat au poste de grand rabbin de Russie et ses bonnes relations avec Poutine.
-
[22]
Alahji M. S. Bah, « Diamonds and Mercenaries, Exploring the Dynamics of the Sierra Leone Conflict », Peacekeeping and International Relations, vol. 29, no 1, janvier-avril 2000.
-
[23]
De 1995 à 1997 Executive Outcomes est intervenu en Sierra Leone à la demande de sa filiale minière Branch Energy et de Sierra Rutile. En 1997, la compagnie a mis à disposition des deux compagnies près de 2 000 hommes et des hélicoptères en échange d’un pourcentage sur les revenus miniers futurs.
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[24]
En 1998, Global Exploration Corporation, la compagnie de Rakesh Saxena, un Thaïlandais recherché dans son pays, a financé le contrat passé entre le président Kabbah et Sandline, la compagnie de sécurité associée à Diamonworks.
-
[25]
Prise d’otages en juin 2000 de 500 Casques bleus par le RUF.
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[26]
Laurent-Désiré Kabila, suivant les traces de Mobutu, avait, selon toute vraisemblance, mis à sec la trésorerie de la MIBA et vendu directement les gemmes de la compagnie afin d’alimenter sa cassette personnelle et d’acheter des armes.
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[27]
Operation Sovereign Legitimacy.
-
[28]
« La revanche des comptoirs », Lettre Afrique Énergie, 13 septembre 2000. Il convient de noter que Joseph Kabila cherche actuellement à résilier ce contrat.
-
[29]
Nom donné par les Africains au tantale, un métal de plus en plus utilisé pour fabriquer les condensateurs électriques nécessaires au fonctionnement des ordinateurs, des téléphones portables, etc.
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[30]
Kisangani est restée aux mains du RCd-Goma (Rassemblement pour un Congo démocratique), soutenu par le Rwanda, mais a perdu son arrière-pays riche en mines et a vu son rôle de plaque tournante du diamant dans l’est congolais remis en cause (baisse des transactions des deux tiers entre juin et décembre 2000).
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[31]
Son rapport, A Rough Trade : The Role of Compagnies and Governments in the Angolan Conflict, a été publié en décembre 1998.
-
[32]
Résolution 1173 du 12 juin 1998.
-
[33]
Résolution 1176 du 24 juin 1998.
-
[34]
En mai 2000, Howard Jeter, le sous-secrétaire d’État pour les affaires africaines, et Steve Morisson, du bureau de planification politique au département d’État, ont organisé des auditions devant le sous-comité pour les affaires africaines de la Chambre des représentants sur le sujet des diamants de la guerre. À la demande des Britanniques, le rôle des diamants dans la persistance des conflits en Afrique a été inscrit sur l’agenda de la 55e session annuelle de l’Assemblée générale des Nations unies.
-
[35]
Voir notamment la campagne lancée par des ONG canadiennes – Partnership Africa Canada –, en janvier 2000, autour du rapport « The Heart of the Matter » qui dénonçait notamment le rôle joué par la compagnie minière Rex Mining et AmCan Minierals en Sierra Leone. Voir également la campagne Fatal Transactions lancée en 1999 par Global Witness et qui a donné lieu dans le Financial Times à une série d’articles au cours de l’été 2000.
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[36]
Un représentant républicain, Tony Hall, a déposé en février 2001 une proposition de loi Carat Act Bill imposant un embargo sur les diamants des conflits.
-
[37]
En valeur, l’Afrique du Sud est le troisième producteur mondial derrière le Botswana et la Russie, et devant l’Angola, la Namibie, le Canada, la RDC et l’Australie.
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[38]
À l’heure actuelle, la plupart des diamants quittent leur pays d’origine dans des lots qui sont souvent mélangés ensuite à d’autres, afin d’en masquer la provenance ou de faciliter les ventes par catégories de pierres. Les statistiques des pays qui les importent ne font apparaître que le dernier pays de provenance. C’est ainsi qu’en 1999, les importations de diamants bruts du Royaume-Uni s’élevaient à 107 millions de dollars. Sur ce montant, 41 % avait pour pays de provenance la Suisse, alors que la Suisse non seulement ne produit pas de diamants, mais surtout ne garde la trace dans ses statistiques que de l’importation de 1,5 million de francs suisses de diamants bruts la même année. Cette différence s’explique par l’existence de zones franches, les Freiläger, au sein des aéroports de Genève et de Zürich, qui ont l’avantage d’assurer une entrée des pierres du monde sur le territoire helvétique en toute exonération de droit de douane, et surtout de les rendre tous « suisses », quelle que soit ensuite leur destination.
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[39]
Outre les certificats, le Conseil mondial du diamant a récemment proposé d’imposer des amendes à l’encontre des importateurs américains de diamants issus de zones de guerre.
-
[40]
Sous présidence sud-africaine, 24 États étaient représentés ainsi que la Commission européenne, le Conseil mondial du diamant et quelques ONG.
-
[41]
Suite à la mise en place d’un mécanisme de certification, le Conseil de sécurité a, le 12 octobre 2000, donné son accord à la reprise des exportations provenant des zones gouvernementales.
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[42]
Dans le cas de la Sierra Leone, la traçabilité est facilitée par le fait que les diamants originaires des zones du RUF sont facilement repérables par rapport à ceux des zones sous contrôle gouvernemental. De la même manière, il semble assez aisé de distinguer les gemmes des Lundas angolais des diamants du Kasaï de moindre qualité. En général, cependant, il serait particulièrement difficile d’identifier les sites de provenance de la plupart des diamants bruts.
-
[43]
Pluczenik Diamond Company, Berkovic Overseas Diamonds et Rosy Blue, tous basés à Anvers, ont décidé de délocaliser leurs ateliers de taille en Chine.
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[44]
Emma Muller, « De Beers Leads the diamond trade downstream », Financial Times, 31 janvier 2001.
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[45]
Il est difficile d’évaluer la part prise par les « diamants du sang » dans la production mondiale. Certains experts comme Martyn Marriott considèrent que le phénomène touche entre 10 et 20 % de la production mondiale, et plus de 30 % des diamants africains. De son côté, la De Beers affirme que seule 4 % de la production est concernée ; soit en 1999, 602 millions de dollars sur un total de 6, 857 milliards de dollars.
-
[46]
Du nom de l’ambassadeur du Canada présidant à l’époque le comité de suivi Angola établi par la résolution 864 du Conseil de sécurité en 1993.
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[47]
Jean Seber, David Zollman ou Imad Kabir.
-
[48]
Suite à la résolution du Conseil de sécurité en date du 8 mars 2001 imposant, à compter du 7 mai 2001, un embargo sur l’ensemble des diamants en provenance du Liberia, le président Taylor a décidé, le 19 mars, d’interdire toute importation de diamants en provenance de la Sierra Leone.
1Depuis que les premiers spécimens ont été trouvés en Inde [1], au IIe siècle avant notre ère, les diamants ont toujours suscité du fait de leur beauté, de leur pureté et leur exceptionnelle dureté, les plus grandes convoitises. À la différence, toutefois, de l’or, du cuivre ou du fer, rares sont, dans l’histoire, les exemples de conflits dont l’enjeu principal ait été le contrôle des mines de diamants.
2Les intérêts en jeu dans la guerre des Boers concernaient moins, en effet, les mines de kimberlite que l’or et la route du Cap au Caire. De même, la sécession en 1960 du Sud-Kasaï congolais riche en diamants ne joua-t-elle, dans l’entreprise de déstabilisation du régime de Patrice Lumumba, qu’un rôle secondaire par rapport à celle du Katanga, riche en cobalt. Au moment où éclata la guerre en Angola, les clivages idéologiques et identitaires eurent une importance plus grande que la question du contrôle des sites diamantifères des Lunda [2]. Enfin, s’il est avéré qu’Israéliens et Palestiniens se livrèrent, dans les années 80, à des luttes d’influence pour l’accès aux ressources diamantaires de la Sierra Leone, il ne s’agissait là que d’un épisode périphérique dans le conflit israélo-palestinien.
3En fait, loin de susciter des guerres, les diamants ont même pu parfois favoriser la mise en place de surprenantes coopérations : c’est ainsi qu’en pleine guerre froide, des adversaires idéologiques comme l’URSS et la famille Oppenheimer [3] ont pu s’entendre et collaborer afin d’assurer une régulation optimale du marché mondial du diamant brut. En application d’accords secrets conclus en 1954, il est désormais avéré que les Soviétiques cédèrent jusqu’en 1989, grâce à de discrets intermédiaires en Suisse, 80 % de leur production au CSO [4].
4Cette quasi-absence des diamants comme enjeu des relations internationales s’explique par l’évidente combinaison de trois facteurs : la découverte tardive (1866, en Afrique du Sud) des premières kimberlites [5], les seules véritables « mines de diamants » pouvant donner lieu à une exploitation industrielle, la place relativement marginale occupée par le diamant pour fabriquer des armes ou constituer une réserve de valeur facilement échangeable et, enfin, jusqu’à une date récente, le nombre peu élevé des sites diamantifères.
5Pourtant, depuis une dizaine d’années, cette vision semble dépassée. Le monde feutré et secret des diamantaires se retrouve au centre d’une intense polémique, accusé par des ONG (organisation non gouvernementale) et les experts des Nations unies de favoriser, en Afrique, la prolifération des armes et la perpétuation des conflits. Les diamants, hier synonymes de miracle économique botswanais [6], sont devenus en Afrique les « conflict diamonds », les « blood diamonds », les gemmes de la guerre.
6Les tentatives faites par la communauté internationale pour mettre un terme à ce phénomène (embargo sur les diamants issus de certaines zones et sur les armes, imposition de certificat d’origine) se heurtent non seulement à des problèmes techniques, mais aussi et surtout à la force des réseaux mondialisés (mêlant trafiquants d’armes, mercenaires, compagnies minières et diamantaires) pour qui le commerce des « blood diamonds » et la violation des embargos internationaux sont devenus une source importante de profit.
SHADOW STATES, GEMNOCRATIES AFRICAINES ET DIAMANTS DE LA GUERRE [7]
7Si le trafic de diamants illicites [8] concerne tous les continents, c’est en Afrique que le phénomène des diamants de guerre a pris toute son ampleur. Cela tient à l’importance, tant en qualité qu’en quantité, de la production africaine de diamants [9], et surtout au contexte socioéconomique particulièrement dégradé dans lequel s’insère la production africaine.
Les économies diamantaires en Afrique
8L’Afrique a été victime, depuis plus de dix ans, de la conjonction entre un marché mondial peu porteur pour les productions minières africaines, et la désagrégation des cadres institutionnels et industriels [10]. Dans plusieurs États, la crise a atteint une telle acuité que seuls subsistent, derrière la façade de l’État souverain, des pouvoirs personnels. Pour parler de ce phénomène, William Reno a proposé le terme de « Shadow State » [11].
9Or, dans ces « États fantômes » où le diamant reste l’ultime ressource disponible pour accumuler un capital, faire vivre un réseau clientéliste et entretenir une armée bien équipée, une véritable recomposition des modes d’exercice du pouvoir est intervenue, essentiellement fondée sur le contrôle des gemmes.
10L’objet n’est pas ici de s’interroger sur la pertinence de la notion fort complexe de gemnocratie [12] (et voir dans quelle mesure nous avons ou non encore affaire à des États), mais plutôt de constater dans des pays comme l’ex-Zaïre de Mobutu, la République démocratique du Congo (RDC) de Kabila, l’Angola et la Sierra Leone l’apparition d’acteurs politiques africains (qu’ils soient reconnus comme légitimes ou qualifiés de rebelles par la communauté internationale) fondant leur pouvoir sur la ressource diamantaire.
11L’ancien président du Zaïre, Mobutu Sese Seko, a été jusqu’à la caricature l’exemple même d’un gemnocrate. Confronté, à partir de 1990, à une contestation démocratique et à l’épuisement d’un modèle économique fondé sur l’exploitation du cuivre et du cobalt par une grande compagnie comme la Gécamines, il a utilisé tous les droits régaliens que lui conférait sa position de chef d’État souverain pour définir à sa guise le légal et l’illégal, et réorganiser à son profit le secteur du diamant.
12Face à l’épuisement [13] du secteur formel organisé autour de la MIBA (la Société minière de Bakwanga, soumise depuis des décennies à des prélèvements incessants de la Cour), Mobutu a ainsi tenté de relancer la production en libéralisant, à partir de 1991, l’exploration et la commercialisation des diamants. Les exploitations artisanales, les circuits de ventes et les comptoirs d’achat ont alors connu une véritable exploitation ce qui permit au régime de retrouver une nouvelle base fiscale à taxer. En imposant en plus aux comptoirs d’achat l’usage d’une devise nationale artificiellement surévaluée [14] par rapport au cours du marché noir, Mobutu est parvenu à organiser un formidable système de prélèvement assis sur le commerce du diamant dans le pays.
Les premiers « diamants de la guerre »
13Ce n’est toutefois pas au Zaïre mais en Angola et en Sierra Leone que les premiers « diamants de la guerre » sont apparus. Dans ces pays en crise, l’un depuis 1975, en dépit des accords de paix de Bicesse MPLA/UNITA [15] au début de la décennie, et l’autre depuis 1991, date des premières attaques du RUF [16] de Foday Sankoh contre le régime du président Momoh, le contrôle des mines ou des sites diamantifères a, en effet, acquis un caractère stratégique, les diamants étant dans ces pays le moyen le plus simple de financer l’achat des armes nécessaires à la poursuite du conflit.
14L’UNITA a toujours échangé des diamants contre du matériel militaire ou de l’essence. À l’époque de la guerre froide, les armes fournies par l’Occident depuis la base de Kamina, dans le Shaba zaïrois, étaient ainsi cédées contre des diamants dans la ville zaïroise de Tembo avec la complicité de la CIA et de Mobutu. Toutefois, la fin de l’aide américaine a contraint Jonas Savimbi à faire de cette recette d’appoint sa source de revenu principal. Il a alors lancé sur les territoires qu’il contrôlait une véritable chasse aux diamants, entraînant ainsi une explosion de la production angolaise.
15Du côté gouvernemental, l’évolution n’a pas été aussi brutale car Luanda avait déjà à sa disposition une manne pétrolière off shore. Cependant, après l’échec du processus de Lusaka, les mines de diamants sont devenues des objectifs prioritaires pour les généraux des FAA [17], désireux à la fois d’étrangler financièrement l’UNITA, mais aussi de s’emparer des mines pour s’enrichir personnellement...
16Au fil des ans, il est ainsi devenu de plus en plus difficile de savoir si les diamants favorisaient la perpétuation de la guerre en Angola du fait des achats d’armes qu’ils permettaient, ou si la guerre durait simplement afin que les différentes bandes armées apparentées à l’un ou l’autre camps puissent conserver la maîtrise des sites diamantifères, contrôler par la force les creuseurs (les garimpeiros) travaillant pour elles, et écouler in fine les pierres clandestinement, sans avoir à acquitter un quelconque prélèvement fiscal au profit de l’État [18].
17Il est clair, en tout cas, que lorsque le gouvernement de Luanda a confié à la fin de l’année 1999 à la Société SODIAM ASCORP [19] le monopole d’exportation des diamants angolais, la question du financement des armes a une nouvelle fois pesé : l’homme retenu pour présider à cette réorganisation n’est autre, en effet, que le diamantaire israélien d’origine soviétique, Lev Leviev [20], dont les liens privilégiés avec Arkady Gaydamak [21], l’homme de l’« Angolagate » en France, et plusieurs marchands d’armes russes ne sont plus à démontrer.
18En Sierra Leone [22] également, l’exploitation des mines de diamants a donné naissance, sur les ruines du régime Momoh, à une véritable économie de guerre. Les combats entre, d’un côté, les gouvernementaux secondés par les Nigerians de l’ECOMOG (Force ouest-africaine d’interposition), les mercenaires anglais du colonel Bob Mackenzie, ceux d’Executive Outcomes [23], ceux de Sandline [24] et finalement la MINUSIL (Mission des Nations unies pour la Sierra Leone) épaulée par les Britanniques (depuis octobre 1999), et de l’autre, les rebelles du RUF de Foday Sankoh, se sont en effet tous concentrés, en dehors de la capitale, autour des mines d’or et de diamants du district diamantifère de Kono et Tongo. L’importance de la question des diamants dans ce conflit a été une nouvelle fois mise à jour, lorsque les pressions exercées sur le RUF (pour qu’il cède ses mines de diamants en application des accords paix de mai 1999) n’ont abouti qu’à une reprise des combats [25].
19Depuis 1998, la République démocratique du Congo (RDC) est à rajouter au nombre des pays victimes des « conflict diamonds ». Dans les deux camps en effet, l’exploitation des mines de diamants est un enjeu stratégique. Du côté gouvernemental, les mines de la région Mbuji-Mayi dans le Kasaï oriental font l’objet de toutes les « attentions » [26] de l’armée congolaise comme des alliés zimbabwéens qui ont massé autour de la ville une partie importante de leur troupes.
20Gage supplémentaire de leur engagement, tous les alliés de Kinshasa (Namibie, Angola et Zimbabwe) ont reçu la concession de plusieurs sites diamantifères en RDC. C’est le Zimbabwe qui, sur ce point, semble avoir été le mieux servi : les Zimbabwéens contrôlent, en effet, les dépôts alluviaux de la rivière de Senga-Senga et le gisement minier Tshibwe qui appartenaient autrefois à la MIBA. Ces sites sont exploités par une nouvelle compagnie minière, la Sengamines qui regroupe les intérêts du clan Kabila (groupe COMIEX) et ceux de l’armée zimbabwéenne (groupe OSLEG) [27], le tout financé par la First Banking Corp, une banque zimbabwéenne liée à la Zimbabwe Defense Force.
21Enfin, signe ultime des liens existants du côté gouvernemental entre diamants et effort de guerre, Laurent-Désiré Kabila a accordé en août 2000 le monopole de la commercialisation des diamants congolais à une société israélienne IDI Diamonds. Pour obtenir un tel contrat, la compagnie israélienne et l’État d’Israël lui-même auraient offert des « services de sécurité » au régime Kabila [28].
22Dans l’est du pays, du côté des rebelles, les diamants ne jouent pas un rôle aussi important dans le financement du conflit. La région offre, en effet, d’autres ressources minières particulièrement rentables comme l’or ou le nobium [29]. Malgré tout, il semble que le conflit qui a éclaté à Kisangani, en juin 2000, entre des rebelles pro-rwandais et pro-ougandais, ait porté pour une part sur le partage de la rente diamantaire qui fait la richesse de la province [30].
23Il ne fait donc aucun doute que le diamant est aujourd’hui l’une des ressources privilégiées utilisées par les mouvements rebelles comme par les gouvernements africains pour obtenir des armes, des prestations de sécurité diverses et, finalement, mener des guerres sur le continent.
24Forte de ce constat, la communauté internationale a fini par réagir en tentant d’empêcher le RUF et l’UNITA de commercialiser leurs gemmes sur le marché, et en cherchant à imposer au secteur du diamant le respect d’un minimum de règles éthiques. Les résultats de ces initiatives sont encore toutefois limités, non seulement en raison de leur caractère partiel (les embargos ne visent que les diamants des rebelles mis au banc de la communauté internationale et non ceux issus des zones de guerres dans leur ensemble), mais aussi parce que les réseaux internationaux qui prospèrent dans le sillage des diamants de guerre ont actuellement les moyens de les contourner sans prendre de trop grands risques.
LES DéFIS POSéS à LA COMMUNAUTé INTERNATIONALE
25À partir de 1998, l’intensification des combats en Sierra Leone, l’échec des accords de Lusaka en Angola et des actions de lobbying menées par des ONG comme Global Witness [31] ont permis une prise de conscience du rôle joué par les diamants dans les conflits africains. Le Conseil de sécurité a réagi en décrétant un embargo sur les diamants du RUF [32] et de l’UNITA [33].
26À l’initiative du Royaume-Uni, engagé dans une lutte directe contre le RUF, et des États-Unis, désireux de conforter le gouvernement de Luanda, des commissions de surveillance des sanctions décrétées à l’encontre des deux mouvements rebelles ont été mises en place, et des panels d’experts constitués afin de s’assurer de l’application des sanctions. Parallèlement, Britanniques et Américains ont fait pression directement [34] ou en relayant les campagnes de presse de plusieurs ONG [35], pour que l’industrie diamantaire, et en particulier la De Beers, s’efforce de briser les liens qui existent entre les diamants et les conflits armés. Plusieurs pays, au premier rang desquels les États-Unis [36] (où s’effectuent 50 % des ventes de diamants au détail) ont agité la menace d’un boycott afin de sensibiliser une industrie restée longtemps indifférente face au problème.
Vers un meilleur contrôle de la circulation des diamants
27Le 6 octobre 1999, la De Beers a cessé d’acheter les diamants en provenance d’Angola, à l’exception de ceux issus d’une mine à laquelle elle est liée par contrat. La distinction entre diamants UNITA (interdits à l’achat) et diamants gouvernementaux était trop difficile à opérer et le risque de se voir accuser de soutenir le mouvement de Jonas Savimbi devenu trop grand au regard du nouveau contexte international. En juillet 2000, dans le cadre d’une refonte globale de sa stratégie commerciale, la De Beers a, par ailleurs, annoncé qu’elle veillerait désormais à exclure de sa clientèle tout tailleur de pierre qui aurait été reconnu coupable d’avoir acheter des diamants bruts originaires des pays africains en guerre.
28Poussée par les États-Unis et le Royaume-Uni, l’Afrique du Sud [37] a, de son côté, décidé d’organiser à Kimberley en mai 2000 une rencontre internationale réunissant les principaux acteurs du secteur du diamant (les États producteurs et acheteurs, les compagnies minières et les diamantaires) ainsi que les ONG. Un projet d’accord a été arrêté pour la création d’un système de certificat international en vertu duquel les diamants ne devraient pouvoir être exportés que dans des boîtes scellées, accompagnées de certificats d’origine mentionnant le pays d’extraction [38] et non, comme aujourd’hui, dans des lots mélangés au fil des escales, et ne laissant apparaître que le dernier pays de provenance.
29Cette initiative a conduit, en juillet 2000, le Conseil mondial du diamant à créer un Congrès mondial du diamant directement chargé de superviser la mise en place rapide des certificats. Le G8, à l’initiative du gouvernement britannique, a, pour sa part, décidé d’apporter son soutien à l’initiative du Conseil mondial du diamant, et l’Assemblée générale des Nations unies l’a relayé le 4 décembre 2000, en adoptant une résolution appelant clairement tous les acteurs de la filière diamantaire à réagir face au phénomène des diamants de guerre [39].
30Enfin, des 13 au 16 février 2001, le gouvernement namibien a réuni à Windhoek le groupe de Kimberley dit élargi [40]. Un rapport devra être présenté sur l’état d’avancement du dossier des certificats lors de la 56e Assemblée générale des Nations unies.
31Ces initiatives sont heureuses et ont au moins le mérite de prendre en compte la question du financement des guerres en Afrique et les intérêts financiers que peuvent avoir les belligérants à l’entretien d’une guerre. En ce sens, la communauté internationale fait preuve d’un plus grand réalisme que dans la majeure partie des années 90, lorsqu’elle espérait que la présence des casques bleus et l’aspiration universelle des peuples à la paix suffiraient à stabiliser des zones de conflit.
Limites et incertitudes
32Toutefois, les mesures avancées jusqu’à présent pour mettre un terme au phénomène des diamants des conflits se heurtent à trois types de problèmes.
33Tout d’abord, les certificats d’origine sont difficiles à mettre en place, car les moyens de contrôle locaux restent généralement déficients (même dans les pays comme la Sierra Leone [41] et l’Angola qui ont mis en place les certificats proposés par Mark van Bokstael, le patron du haut conseil du diamant) et les procédures pour identifier la provenance exacte des gemmes incertaines, selon plusieurs experts [42].
34Ensuite, on observe un manque de coopération évident de la part de certains acteurs majeurs du secteur diamantaire : ni la Russie, ni Israël, ni l’Inde n’ont, pour l’instant, souhaité s’associer au processus de Kimberley. Le renforcement des contrôles à Anvers, comme s’y est engagé la Belgique, risque ainsi de se traduire avant tout par un déplacement des filières d’écoulement des diamants de guerres vers d’autres places diamantaires. Dans les six premiers mois de l’année 2000, les importations de diamants bruts à Tel-Aviv avaient déjà augmenté de 25 % par rapport aux importations de 1999 sur la même période. Dubaï, déjà connu pour ses contrôles peu rigoureux, chercherait à profiter de la situation pour mettre en avant un régime fiscal particulièrement attractif et devenir ainsi l’une des nouvelles « Mecque » du diamant. Enfin, il sera intéressant de suivre le comportement de la Chine [43] qui tend, depuis un ou deux ans, à prendre des parts de marché importantes dans le secteur de la taille au détriment de la Belgique et de l’Inde [44].
35Enfin et surtout, il existe à l’heure actuelle de puissants réseaux (mêlant les intérêts de certains diamantaires et marchands d’armes à ceux de plusieurs chefs d’État, africains pour la plupart) qui s’emploient à contourner les mesures prises par la communauté internationale. Le chiffre d’affaires des diamants de la guerre est, en effet, trop important [45] pour que des marchands d’armes peu scrupuleux ne soient pas tentés de violer les sanctions imposées par le Conseil de sécurité. Ils le sont d’autant plus que les risques encourus restent, jusqu’à ce jour, limités en l’absence, dans la plupart des cas, de contrôle efficace de l’espace aérien, et compte tenu de la facilité avec laquelle des complicités locales peuvent être achetées.
36Deux rapports de l’ONU (Organisation des Nations unies) ont montré comment ces réseaux pouvaient agir dans le cas des diamants de l’UNITA et ceux du RUF. Le rapport « Fowler » [46], rédigé par le panel d’experts présidé par l’ambassadeur Möllander, et rendu le 10 mars 2000, a ainsi décrit dans le détail le rôle joué par les présidents togolais et burkinabé dans l’écoulement des diamants de l’UNITA et l’acheminement des armes. Il a souligné l’implication du Rwanda et de la Zambie dans ces trafics. Plusieurs noms ont été donnés comme ceux des contacts de l’UNITA sur le marché du diamant à Anvers [47]. Le rapport a évoqué l’existence d’une filière d’écoulement des diamants de Jonas Savimbi vers l’Afrique du Sud, où un certain Piet Hand servirait d’intermédiaire entre l’UNITA et des petits opérateurs miniers, prêts à mélanger leur production à celle de l’UNITA, avant de réexporter le tout sous un certificat d’origine sud-africain.
37Le rapport Fowler s’est enfin attardé sur le rôle joué par un personnage clé du trafic de diamants et des armes en Afrique, Victor Bout. D’origine Tadjik, ancien du KGB, Victor Bout s’est reconverti, après la dissolution de son régiment, dans les ventes d’armes à l’Afghanistan puis vers l’Afrique. Aux cours des dernières années, le panel d’expert de l’ONU a pu établir que V. Bout avait acheté du matériel à plusieurs usines d’armement bulgares, et qu’il était à la tête de deux compagnies de fret (Air Pass en Afrique du Sud, Centrafrican Airlines en République centrafricaine), dont les appareils avaient été signalés à plusieurs reprises au-dessus des zones contrôlées par l’UNITA, au Togo et au Burkina Faso.
38Le rapport provisoire rendu par le panel d’experts sur la situation en Sierra Leone, le 10 décembre 2000, a confirmé le rôle essentiel joué par Victor Bout dans les trafics de diamants illicites en Afrique. Il l’a, en effet, désigné comme l’un des acteurs clés dans le réseau de commercialisation des diamants et d’équipement en armes du RUF. Victor Bout utilise pour ces opérations sa compagnie d’aviation Air Cess basée à Sharjah, la petite principauté des Émirats arabes unis.
39Le trafic de diamants du RUF impliquerait cependant d’autres trafiquants d’armes comme M. Leonid Minin, un Ukrainien, recherché dans son pays, qui possède un avion immatriculé à Monrovia faisant la navette entre le Burkina, le Liberia et l’est de la Sierra Leone... Minin aurait notamment transporté des armes légalement exportées par l’Ukraine vers le Burkina Faso jusqu’aux rebelles du RUF. Le rapport provisoire cite le nom d’autres personnages du même type comme le Néerlandais Gus Van Kouwenhoven, dont les hangars sur l’aéroport de Monrovia serviraient de base de transit aux cargaisons d’armes qui seraient finalement acheminés au RUF dans les camions d’un homme d’affaires israélien basé à Abidjan, Simon Rosenblum. Enfin, le rapport évoque le rôle joué par plusieurs opérateurs russes qui auraient fait construire une petite piste d’atterrissage à Magburaka, en territoire RUF, afin d’y livrer plus facilement des armes, en l’échange de diamants.
40Les diamants du RUF intéressent également certains chefs d’État de la région, au premier rang desquels ceux du Burkina Faso et du Liberia. Le président Taylor lui-même et son entourage (notamment l’homme d’affaires libanais proche du président Taylor, Talal El-Ndine) seraient ainsi impliqués dans des trafics d’armes et de diamants. Ouagadougou et Monrovia utiliseraient le diamant comme une rente pour financer leur régime mais aussi comme arme de déstabilisation, via le RUF, pour toute la sous-région d’Afrique de l’Ouest.
CONCLUSION
41Le trafic des diamants pose incontestablement un défi inédit aux Nations unies. Si la communauté internationale souhaite véritablement défendre la paix et la sécurité en Afrique, elle doit trouver le moyen de moraliser le commerce d’un produit inoffensif en lui-même (à la différence des armes ou de la drogue) et échappant jusqu’à présent à tout contrôle véritable.
42Les efforts, jusqu’à présent, sont restés modestes et partiels, puisque seuls les diamants finançant l’activité des mouvements rebelles ont été frappés d’embargos. Toutefois, ils semblent avoir quelque peu limité la capacité du RUF [48] et de l’UNITA à écouler leur production et à se réarmer.
43À terme toutefois, les diamants de la guerre renvoient à deux problématiques plus larges : les réflexions conduites actuellement sur les diamants montrent combien il serait nécessaire d’élargir les contrôles à d’autres types de produits comme l’or, le nobium et le pétrole dont la liberté de commerce menace tout autant la sécurité des pays africains (en favorisant la constitution d’économies peu diversifiées et profondément corrompues, facteur à terme de blocage politique et de conflits internes). Par ailleurs, elles montrent l’urgence qu’il y a, pour la communauté internationale, à se doter des capacités de contrôle et de pression nécessaires au respect, par les nouveaux réseaux d’acteurs que fait émerger la mondialisation, d’un minimum de règles éthiques.
Notes
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[1]
On évalue d’ailleurs toujours le poids du diamant en carat, du nom d’un arbre indien, le Karat dont la graine pèse invariablement 0,2 g.
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[2]
Le Lunda Norte et le Lunda Sul sont les provinces du nord-est angolais riches en diamants de qualité supérieure particulièrement recherchés.
-
[3]
Propriétaire de la De Beers.
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[4]
La Central Selling Organisation, créée en 1934 par De Beers en pleine chute des cours, est parvenue à stabiliser le marché grâce à une judicieuse politique d’achats, de stockages et de reventes à une liste de vendeurs attitrés.
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[5]
On ne connaissait alors que les diamants alluvionnaires.
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[6]
Le Botswana, avec un PIB par habitant parmi les plus élevés d’Afrique, tire 33 % de sa richesse nationale de l’activité diamantaire et finance 65 % du budget de l’État par la vente de diamants.
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[7]
L’expression « conflict diamond » désigne les diamants servant à financer les conflits quel que soit le bénéficiaire. Cette définition est plus large que celle généralement retenue par les Nations unies qui ne désignent sous cette expression que les diamants provenant de régions où opèrent des forces en rébellion contre un gouvernement légitime. La définition onusienne semble trop restrictive, car dans bien des cas la notion de gouvernement légitime est difficile à établir dans un contexte de guerre civile et parce qu’aujourd’hui en Afrique, dans des pays comme la Sierra Leone, l’Angola ou la RDC, il est clair que les diamants jouent indiscutablement à l’encontre de toute tentative de règlement politique du conflit, puisqu’ils donnent aux rebelles et aux gouvernements les moyens de refuser tout compromis.
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[8]
Diamant de contrebande, sorti du territoire ou de la mine clandestinement sans paiement préalable des droits et taxes prévus ni respect du droit de propriété foncier.
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[9]
Selon De Beers, en 1999, sur une production mondiale d’une valeur estimée à 6,8 milliards de dollars, l’Afrique en produit 3,6 milliards, soit 52 %.
-
[10]
François Misser, Olivier Vallée, « Les nouveaux acteurs du secteur minier », Manière de voir, no 51, Paris, 2000.
-
[11]
William Reno, Corruption and State Politics in Sierra Leone, Cambridge, Cambridge University Press, 1995.
-
[12]
Voir sur ce point, François Misser, Olivier Vallée, Les gemnocraties, Paris, Desclée de Brouwer, 1997.
-
[13]
Il s’agit en fait des gisements de kimberlite du Polygone.
-
[14]
Que la banque centrale aux ordres du président fournissait contre des devises.
-
[15]
N.d.l.R. : MPLA : Mouvement populaire pour la libération de l’Angola ; UNITA : Union nationale pour l’indépendance totale de l’Angola.
-
[16]
Revolutionary United Front.
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[17]
Les Forces armées angolaises.
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[18]
Voir sur ce point, David Keen, The Economic Functions of Violence in Civil Wars, Adelphi Paper no 320, Oxford University Press for the International Institute for Strategic Studies, 1998, p. 1-88.
-
[19]
L’Angola Selling Corporation est contrôlée à 49 % par Leviev et 51 % par l’État angolais.
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[20]
Ce fils d’une importante famille juive de Tachkent, en Ouzbékistan, qui a immigré en Israël en 1972 à l’âge de 16 ans, est surnommé le surdoué du diamant. Il s’est fait connaître en Russie en venant au secours de la compagnie minière nationale russe du diamant Alrosa dans les années 90, avec l’appui de Arkady Gaydamak. Ses ambitions dans le secteur du diamant sont considérables : il vient de prendre 31 % de la société Namco, qui connaît une expansion fulgurante dans l’exploration off shore en Namibie, et compte obtenir le monopole de distribution des diamants russes à la fin de l’année 2001, à l’expiration du contrat liant la Russie à la De Beers.
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[21]
Les relations entre Leviev et Gaydamak sont complexes : elles sont financières (Gaydamak a acquis 15 % de Africa Israël, la compagnie d’investissements basée à Tel-Aviv rachetée par Leviev en 1997) et religieuses (Gaydamak est un born again Jew et Leviev un adepte de Chabab Lubavitch, le mouvement ultra-orthodoxe qui vise à ramener les Juifs à la foi). Finançant plusieurs écoles, Leviev jouit d’une énorme influence en Russie, comme l’a montré en juin 2000 sa capacité à imposer son candidat au poste de grand rabbin de Russie et ses bonnes relations avec Poutine.
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[22]
Alahji M. S. Bah, « Diamonds and Mercenaries, Exploring the Dynamics of the Sierra Leone Conflict », Peacekeeping and International Relations, vol. 29, no 1, janvier-avril 2000.
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[23]
De 1995 à 1997 Executive Outcomes est intervenu en Sierra Leone à la demande de sa filiale minière Branch Energy et de Sierra Rutile. En 1997, la compagnie a mis à disposition des deux compagnies près de 2 000 hommes et des hélicoptères en échange d’un pourcentage sur les revenus miniers futurs.
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[24]
En 1998, Global Exploration Corporation, la compagnie de Rakesh Saxena, un Thaïlandais recherché dans son pays, a financé le contrat passé entre le président Kabbah et Sandline, la compagnie de sécurité associée à Diamonworks.
-
[25]
Prise d’otages en juin 2000 de 500 Casques bleus par le RUF.
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[26]
Laurent-Désiré Kabila, suivant les traces de Mobutu, avait, selon toute vraisemblance, mis à sec la trésorerie de la MIBA et vendu directement les gemmes de la compagnie afin d’alimenter sa cassette personnelle et d’acheter des armes.
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[27]
Operation Sovereign Legitimacy.
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[28]
« La revanche des comptoirs », Lettre Afrique Énergie, 13 septembre 2000. Il convient de noter que Joseph Kabila cherche actuellement à résilier ce contrat.
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[29]
Nom donné par les Africains au tantale, un métal de plus en plus utilisé pour fabriquer les condensateurs électriques nécessaires au fonctionnement des ordinateurs, des téléphones portables, etc.
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[30]
Kisangani est restée aux mains du RCd-Goma (Rassemblement pour un Congo démocratique), soutenu par le Rwanda, mais a perdu son arrière-pays riche en mines et a vu son rôle de plaque tournante du diamant dans l’est congolais remis en cause (baisse des transactions des deux tiers entre juin et décembre 2000).
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[31]
Son rapport, A Rough Trade : The Role of Compagnies and Governments in the Angolan Conflict, a été publié en décembre 1998.
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[32]
Résolution 1173 du 12 juin 1998.
-
[33]
Résolution 1176 du 24 juin 1998.
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[34]
En mai 2000, Howard Jeter, le sous-secrétaire d’État pour les affaires africaines, et Steve Morisson, du bureau de planification politique au département d’État, ont organisé des auditions devant le sous-comité pour les affaires africaines de la Chambre des représentants sur le sujet des diamants de la guerre. À la demande des Britanniques, le rôle des diamants dans la persistance des conflits en Afrique a été inscrit sur l’agenda de la 55e session annuelle de l’Assemblée générale des Nations unies.
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[35]
Voir notamment la campagne lancée par des ONG canadiennes – Partnership Africa Canada –, en janvier 2000, autour du rapport « The Heart of the Matter » qui dénonçait notamment le rôle joué par la compagnie minière Rex Mining et AmCan Minierals en Sierra Leone. Voir également la campagne Fatal Transactions lancée en 1999 par Global Witness et qui a donné lieu dans le Financial Times à une série d’articles au cours de l’été 2000.
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[36]
Un représentant républicain, Tony Hall, a déposé en février 2001 une proposition de loi Carat Act Bill imposant un embargo sur les diamants des conflits.
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[37]
En valeur, l’Afrique du Sud est le troisième producteur mondial derrière le Botswana et la Russie, et devant l’Angola, la Namibie, le Canada, la RDC et l’Australie.
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[38]
À l’heure actuelle, la plupart des diamants quittent leur pays d’origine dans des lots qui sont souvent mélangés ensuite à d’autres, afin d’en masquer la provenance ou de faciliter les ventes par catégories de pierres. Les statistiques des pays qui les importent ne font apparaître que le dernier pays de provenance. C’est ainsi qu’en 1999, les importations de diamants bruts du Royaume-Uni s’élevaient à 107 millions de dollars. Sur ce montant, 41 % avait pour pays de provenance la Suisse, alors que la Suisse non seulement ne produit pas de diamants, mais surtout ne garde la trace dans ses statistiques que de l’importation de 1,5 million de francs suisses de diamants bruts la même année. Cette différence s’explique par l’existence de zones franches, les Freiläger, au sein des aéroports de Genève et de Zürich, qui ont l’avantage d’assurer une entrée des pierres du monde sur le territoire helvétique en toute exonération de droit de douane, et surtout de les rendre tous « suisses », quelle que soit ensuite leur destination.
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[39]
Outre les certificats, le Conseil mondial du diamant a récemment proposé d’imposer des amendes à l’encontre des importateurs américains de diamants issus de zones de guerre.
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[40]
Sous présidence sud-africaine, 24 États étaient représentés ainsi que la Commission européenne, le Conseil mondial du diamant et quelques ONG.
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[41]
Suite à la mise en place d’un mécanisme de certification, le Conseil de sécurité a, le 12 octobre 2000, donné son accord à la reprise des exportations provenant des zones gouvernementales.
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[42]
Dans le cas de la Sierra Leone, la traçabilité est facilitée par le fait que les diamants originaires des zones du RUF sont facilement repérables par rapport à ceux des zones sous contrôle gouvernemental. De la même manière, il semble assez aisé de distinguer les gemmes des Lundas angolais des diamants du Kasaï de moindre qualité. En général, cependant, il serait particulièrement difficile d’identifier les sites de provenance de la plupart des diamants bruts.
-
[43]
Pluczenik Diamond Company, Berkovic Overseas Diamonds et Rosy Blue, tous basés à Anvers, ont décidé de délocaliser leurs ateliers de taille en Chine.
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[44]
Emma Muller, « De Beers Leads the diamond trade downstream », Financial Times, 31 janvier 2001.
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[45]
Il est difficile d’évaluer la part prise par les « diamants du sang » dans la production mondiale. Certains experts comme Martyn Marriott considèrent que le phénomène touche entre 10 et 20 % de la production mondiale, et plus de 30 % des diamants africains. De son côté, la De Beers affirme que seule 4 % de la production est concernée ; soit en 1999, 602 millions de dollars sur un total de 6, 857 milliards de dollars.
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[46]
Du nom de l’ambassadeur du Canada présidant à l’époque le comité de suivi Angola établi par la résolution 864 du Conseil de sécurité en 1993.
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[47]
Jean Seber, David Zollman ou Imad Kabir.
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[48]
Suite à la résolution du Conseil de sécurité en date du 8 mars 2001 imposant, à compter du 7 mai 2001, un embargo sur l’ensemble des diamants en provenance du Liberia, le président Taylor a décidé, le 19 mars, d’interdire toute importation de diamants en provenance de la Sierra Leone.