Notes
-
[1]
Lire Pascal Boniface (sous la dir.), L’Année stratégique 2001, Paris, IRIS, Éditions Michalon, 2000. Voir également SIPRI Yearbook 2000, « Armaments, Disarmament and International Security », Stockholm, 2000.
-
[2]
Karl von Clausewitz, De la guerre, Paris, Éditions de Minuit, 1955, p. 51.
-
[3]
Mary Kaldor, New and Old Wars, Oxford, Polity Press, 1999.
-
[4]
Claude Serfati, La mondialisation armée. Le déséquilibre de la terreur, Paris, Textuel, 2001.
-
[5]
Christopher Clapham, African Guerrillas, James Currey, Oxford, 2000.
-
[6]
Jean-Christophe Ruffin, « L’économie des guérillas et les trafics », La revue internationale et stratégique, IRIS, décembre 1995.
-
[7]
Samuel P. Huntington, Le choc des civilisations, Paris, Odile Jacob, 2000.
-
[8]
Lora Lumpe, Running Guns, The Global Black Market in Small Arms, Londres, ZEd books, 2000.
-
[9]
Achille Mbembe, De la postcolonie, Paris, Karthala, 2000.
-
[10]
P. Collier, A. Hoeffer, « On Economic Causes of Civil Wars », Oxford Economic Papers, vol. 50, 2000, p. 563-573.
-
[11]
P. Collier, A. Hoeffer, ibid.
-
[12]
H. L. Grossman, « A General Equilibrium Model of Insurrections », American Economic Review, no 81, 1991, p. 912-929.
-
[13]
Addison, Le Billon, Mushed, « On the Economic Motivation Conflict in Africa », Conference ABCDE, World Bank/CAE, Paris, 2000.
-
[14]
Jean-Paul Azam, Jean-Claude Berthelemy, S. Calipel, « Risques politiques et croissance en Afrique », Revue économique, no 47, 1996, p. 819-829.
-
[15]
Jean-Paul Azam, « The Redistribution State and Conflicts in Africa », Journal of Peace Research, 2000.
-
[16]
Philippe Hugon, L’économie de l’Afrique, Paris, La Découverte, coll. « Repères », 2001.
-
[17]
Pierre Dockes, Pouvoir et autorité en économie, Paris, Economica, 1999.
-
[18]
R. Snyder, Ballantyne, « Nationalism in the Market Place of Ideas », International Security, 1996.
-
[19]
Claude Serfati, op. cit.
-
[20]
Pour la criminalisation de l’État en Afrique, se reporter à Jean-François Bayart, Béatrice Hibou, Stephen Ellis, La criminalisation des États en Afrique, Paris, Éditions Complexe, 1997. Pour le cas du diamant, lire François Misser, Olivier Vallé, Gemnocratie, l’économie politique du diamant en Afrique, Bruxelles, Desclée de Brouwer, 1997.
-
[21]
Il existe des filières diamantifères allant des lieux de production, avec une multitude de petits producteurs, jusqu’aux tailleurs d’Anvers, qui contrôlent 80 % des pierres brutes. On estime que les « diamants de guerre » correspondent à 4 % de la production mondiale et de 10 à 15 % de la production de qualité. 60 % des diamants viennent d’Afrique. La De Beers a longtemps exercé une position monopolistique. Elle représente les deux tiers du commerce pour un chiffre d’affaires de 5,2 milliards de dollars, possède 18 mines, notamment en Afrique australe, et emploie 20 000 mineurs. Elle a perdu une partie de son rôle du fait de l’arrivée des sociétés russes et israéliennes (Lev Leviev). L’économie de pillage est assurée par un consortium d’hommes d’affaires, de mercenaires, de vendeurs d’armes et d’entreprises de sécurité, face à la défaillance des États. On note en RDC deux entreprises d’État sous la coupe zimbabwéenne. Le consortium diamantifère ORYX Natural Resource (îles Caïmans) a signé un accord avec les entreprises zimbabwéennes, dont Operation Sovereign Legitimacy (OSLEG), branche économique de l’armée zimbabwéenne. COSLEG est une joint venture entre le groupe OSLEG et la COMEX, liée à Kabila. On note une fusion entre ORYX et la Petra Diamonds.
-
[22]
Jean de Maillard, Un monde sans loi, Paris, Stock, 1998.
-
[23]
Philippe Hugon, op. cit.
-
[24]
D. Bloom, J. Sachs, « Geography, Demography and Economic Growth in Africa », Brookings Paper in Economic Activity, September 1998.
-
[25]
W. Easterly, R. Levine, « Africa’s Growth Tragedy : Policies and Ethnic Divisions », Quarterly Journal of Economics, no 114, 1997, p. 1203-1250.
-
[26]
P. Collier, A. Hoeffer, op. cit.
-
[27]
Alberto Alesina, R. Perotti, « The Political Economy of Growth : A Critical Survey of the Recent Literature », World Bank Economic Review, no 8, 1994, p. 351-371.
-
[28]
Jean-Paul Azam, Jean-Claude Berthelemy, S. Calipel, « Risques politiques et croissance en Afrique », Revue économique, no 47, 1996, p. 819-829.
-
[29]
Jean-François Bayart, Béatrice Hibou, Stephen Ellis, op. cit.
-
[30]
Philippe Hugon, « L’économie des famines : innefficience des marchés, inéquité des droits ou risque systémique », Revue économique, no 58, 1996.
-
[31]
S. W. Palachek, « Conflict and Trade : An Economic Approach to Political Interactions », in W. Isard, Ch. H. Anderson (ed.), Economic of Arms Reduction and the Peace Process, Amsterdam, North Holland, 1992.
-
[32]
M. Shiff, L. A. Winters, « Dynamic and Politics in Regional Integration Arrangements : An Introduction », The World Bank Economic Review, no 12, 1998, p. 177-195.
1On observe, à l’échelle mondiale, une extension des zones en guerre [1]. Depuis la fin de la guerre froide en 1989, plus de 60 conflits armés ont fait des centaines de milliers de morts et 17 millions de réfugiés. En Afrique, on estime que sur 11 pays en conflit durant les années 90 (Soudan, Éthiopie, Ouganda, Mozambique, Angola, Liberia, Sierra Leone, Burundi, Rwanda, ex-Zaïre, Congo), le nombre de morts serait de 3,8 à 6,8 millions, soit 2,4 à 4,3 % de leur population totale (155 millions d’habitants). En 2000, 20 % de la population africaine et 14 pays étaient concernés par la guerre. On estimait le nombre de réfugiés à 4 millions et celui des déplacés à 10 millions (cf. carte 1).
2Face à la montée des conflits armés, les actions classiques de développement économique ont, aujourd’hui, souvent perdu de leur signification. Dans de nombreux pays africains, l’aide humanitaire et d’urgence a pris le pas sur l’aide au développement, et le très court terme l’emporte désormais sur les projets de long terme.
3Les conflits ouverts se caractérisent par des antagonismes et des oppositions entre agents collectifs pouvant aller jusqu’à la lutte armée. Ils peuvent prendre une forme armée et conduire à des violences militaires extrêmes (deadly conflict). Les conflits internes, entre les citoyens d’une même nation (guerres civiles, rébellion), se distinguent traditionnellement des conflits externes (guerres internationales). La guerre, selon Karl von Clausewitz [2], est « un acte de violence destiné à contraindre l’adversaire à exécuter notre volonté » ; il s’agit d’un conflit armé entre des nations, des États, des groupes humains. Les conflits infra-étatiques actuels sont régionalisés ou mondialisés, avec une forte érosion de la distinction entre le public et le privé, le militaire et le civil, l’interne et l’externe [3].
4Alors que les conflits armés ont pris le devant de la scène, ils sont relativement peu étudiés par les économistes. Plusieurs questions préalables se posent, en effet, concernant la légitimité pour un économiste d’aborder les conflits et la spécificité ou non des conflits africains.
5Les conflits et les guerres sont au cœur des sciences politiques, des comportements de pouvoir et de volonté de puissance. Ils s’expliquent également par les enjeux économiques, le sous-développement économique, par des économies de rentes et de prédation et par la montée en puissance d’une économie mondiale criminelle et mafieuse. Il y a toutefois risque à rationaliser l’irrationnel, et réduire l’homo bellicus à un homo œconomicus, ou l’explication des guerres au capitalisme mondialisé [4].
6La seconde question concerne la spécificité africaine des conflits armés. Aux conflits de la période de la guerre froide, caractérisés par des oppositions idéologiques et des soutiens des grands blocs, ont fait place des guérillas multiformes, davantage intra-africaines, avec retrait des grandes puissances [5]. Ces guerres mobilisent de petits effectifs ; elles utilisent des armes « labor intensive ». Elles sont financées par des diasporas, la mobilisation forcée et par les grandes entreprises. Elles sont également liées à la mondialisation en cours. Elles se rapprochent enfin, selon certains symptômes, des guerres du Moyen Âge, même s’il y a danger à croire que l’histoire se répète.
7Nous rappellerons tout d’abord certains facteurs explicatifs des conflits, puis traiterons des analyses économiques des conflits, avant d’étudier leurs conséquences économiques et de proposer, enfin, certaines orientations permettant une meilleure prévention des conflits.
L’ENCHEVÊTREMENT DES FACTEURS EXPLICATIFS
8Il serait dangereux d’avoir une lecture matérialiste des guerres, et les expliquer par des jeux d’intérêts des oligopoles ou par des rationalités économiques des agents. On ne peut, inversement, les réduire à l’expression de puissances étatiques cherchant à exercer leur pouvoir et à étendre leur territoire. Le génocide ou l’extermination de l’autre a pour unique logique la destruction. Il y a enchevêtrement de facteurs qu’il importe de hiérarchiser.
9Les facteurs explicatifs des guerres sont évidemment multiples et impliquent des approches pluridisciplinaires : psychologiques (théories du conflit frustration/agression) ; sociologiques (action violente des masses, propagande) ; antagonismes politiques de puissances rivales ; jeux des représentations et replis identitaires réifiés ; intérêts économiques... Le développement des zones de conflits en Afrique résulte à la fois de la résurgence des référents identitaires ethniques, religieux ou nationalistes, de la faillite des États de droit et des souverainetés en déshérence, des immixtions des puissances régionales et internationales et d’une mondialisation des organisations criminelles internationales. Les guérillas vivent de soutiens extérieurs, de prédations sur les productions ou sur les aides extérieures, ou de captations des ressources naturelles. Il peut exister des synergies entre les mouvements de guérillas. Ainsi en Sierra Leone, le Front révolutionnaire uni (le FRU, plus connu sous l’abréviation anglaise RUF) payait à Charles Taylor une dîme sur les diamants qui traversaient le Liberia pour être exportés en Europe [6].
Facteurs culturels et facteurs sociaux
10Dans un monde multipolaire et multicivilisationnel, les identités culturelles déterminent de nombreux conflits de l’après-guerre froide. Les États-nations demeurent, certes, des acteurs majeurs des alliances et des conflits armés, mais ceux-ci seraient, selon certains auteurs, de plus en plus influencés par des facteurs culturels et civilisationnels [7]. L’Afrique est moins concernée par ces conflits intercivilisations que par des conflits tribaux ou ethniques, même si les conflits internes au Soudan ou entre l’Érythrée et l’Éthiopie peuvent être analysés comme des conflits entre chrétiens et musulmans.
11Les sociétés africaines sont caractérisées par des ébauches d’États-nations et par des citoyennetés embryonnaires. Les référents identitaires, communautaires, tribaux, ethniques ou claniques favorisent des logiques de fractionnement. Les liens transnationaux, par les diasporas, les conglomérats ou les puissances régionales, s’appuient sur des factions. Il y a moins reconfiguration territoriale par des conquêtes que jeux d’alliance entre groupes.
Les facteurs militaires
12On observe une prolifération des armements peu coûteux à diffusion rapide, allant de la kalachnikov à la machette [8]. Les armées régulières et les forces de maintien de l’ordre sont souvent en déshérence ; ainsi se développe le mercenariat. On observe dans un contexte « moyenâgeux » une montée en puissance des allégeances auprès des seigneurs de la guerre jouant un rôle de protecteur. Les guerres sont d’autant plus aisées que le trafic des armes légères s’est développé : recyclage, vente des surplus des pays de l’Est. Le coût des armes a fortement chuté ; dans certains pays africains un AK-47 coûte 6 livres sterling.
Les facteurs politiques
13La stabilité hégémonique assurée par les deux grands blocs conduisait à une production de la sécurité, bien collectif pris en charge par un hégémon. La fin de la guerre froide et de la bipolarité s’est traduite par un retrait des puissances hégémoniques, par une apparition de conflits désinternationalisés et par des dynamiques de fractionnement et de fragmentation territoriale. La guerre peut avoir ainsi une finalité politique : accéder au pouvoir par la force. Il existe de nouveaux enjeux hégémoniques. Le Zimbabwe est ainsi impliqué dans la guerre de la RDC (République démocratique du Congo) pour s’opposer au leadership de l’Afrique du Sud. Certains conflits concernent le contrôle de territoires, comme l’accès à la mer pour l’Éthiopie en Érythrée. On observe des liens entre la privatisation de la société et de l’État, la mise en place d’organisations paramilitaires ou de juridictions privées et la montée de la violence. On peut parler de faillite des organisations pyramidales centralisées ayant pour objet le maintien de l’ordre dans un espace territorial [9].
Les facteurs économiques
14Les causes économiques des conflits apparaissent à côté des facteurs politiques, religieux et idéologiques à différents niveaux :
15— local : concurrence pour les facteurs rares tels les terres (comme au Rwanda et au Burundi) ou l’eau ;
16— national : conflits pour le partage ou l’accaparement de rentes ;
17— régional : accaparement de richesses par des pays limitrophes ou des puissances régionales, reconfiguration des conglomérats ;
18— international : liens avec les circuits internationaux plus ou moins mafieux.
19Les conflits trouvent leurs racines dans les défaillances économiques. Si toutes les guerres n’ont pas une explication économique, toutes ont besoin de financement. La quasi-totalité des guerres en Afrique est liée au contrôle des richesses (diamant, pétrole, narcodollars), au pillage ou à la recherche de protection contre rémunération. Elles s’appuient sur la pauvreté et le chômage pour le recrutement des milices. Le coût d’opportunité de la guerre est d’autant plus faible que les populations jeunes sont chômeuses et sans ressources. Collier et Hoeffler [10] estiment, à partir de tests économétriques, que quatre déterminants majeurs accroissent les probabilités d’apparition et de durée des conflits africains : le bas niveau de revenu, qui peut être assimilé à un coût d’opportunité moins élevé de la rébellion ; les ressources naturelles, qui ne jouent pas de manière monotone et accroissent les risques de conflits jusqu’à un certain seuil (en augmentant les gains potentiels des rebelles), puis les réduisent (peut-être parce qu’elles augmentent les capacités des États d’assurer l’ordre) ; le volume de la population, qui accroît les risques en rendant possibles les sécessions ; et enfin, le fractionnement ethnolinguistique, qui ne joue pas non plus de manière monotone.
20Plus récemment, Collier et Hoeffler [11] ont différencié cinq principaux facteurs explicatifs des conflits : la haute dépendance en produits primaires, qui offre des opportunités aux rebelles de se financer par prédation ; les financements par les diasporas ; les faibles ressources de l’État interdisant le financement de la défense ; les faibles opportunités d’emploi pour les jeunes non scolarisés, réduisant le coût d’opportunité de l’activité guerrière ; et la dispersion des populations dans des territoires non contrôlés.
21Les effets des différences ethniques ne sont pas sans incidences ; ils accroissent les risques de conflits si le nombre d’ethnies est limité, et si les droits et la démocratie sont faibles.
LES THÉORIES ÉCONOMIQUES DES CONFLITS
22Trois principales analyses économiques peuvent être différenciées : celle dite utilitariste, qui raisonne en termes de rationalité économique d’agents représentatifs ; celle qui se situe dans le paradigme de l’économie politique ; et celle qui traite de la guerre comme d’un risque systémique.
La théorie utilitariste en termes d’équilibre et de théorie des contrats, ou la rationalité économique des conflits
23On peut supposer que les conflits résultent d’une rationalité économique de la part d’agents représentatifs dans un contexte institutionnel déficient. On peut mobiliser, notamment, la théorie de l’équilibre général et la théorie des contrats pour formaliser les comportements des belligérants et des gouvernements. La guerre et la paix ont des coûts et des avantages. On peut raisonner en information parfaite dans le cadre de l’équilibre général. Dans son article fondateur, Grossman [12] étudie comment un gouvernement choisit ses dépenses militaires pour réduire de manière optimale la probabilité d’être renversé. Les gouvernements et les rebelles ont chacun leur fonction d’utilité, des coûts d’intervention, des probabilités de réussite.
24On peut introduire des asymétries d’information, des questions de sélection adverse et de crédibilité. Plusieurs équilibres sont envisageables : la solution Pareto optimale, ou coopération ; la solution de Cournot-Nash non coopérative ; ou l’équilibre avec leader de Stackelberg [13]. Dans le modèle Azam, Berthelemy, Calipel [14], on suppose que l’activité de l’opposition est une fonction croissante des activités de prédation et de répression du gouvernement, et une fonction décroissante des activités de redistribution. Le test économétrique portant sur la période 1975-1980 prend les dépenses militaires rapportées au PIB (Produit intérieur brut) comme un indicateur de répression, et les dépenses de santé et d’éducation comme des indicateurs de la redistribution. Dans un modèle probit, les troubles sociopolitiques prennent la valeur 1 s’il y a grèves, manifestations, émeutes, attentats, coups d’État. Les dépenses militaires ont le signe positif prévu ; les dépenses de santé et d’éducation ont le signe négatif prévu. En revanche, le taux de scolarisation secondaire a un signe positif. L’appartenance à la zone franc a un effet négatif que l’on peut interpréter par les variables macro-économiques (maîtrise de l’inflation, stabilité...) ou comme indice d’un soutien français.
25Ce modèle peut être perfectionné en supposant qu’il existe des asymétries d’information, et que la question de la crédibilité du gouvernement est centrale [15].
26Dès lors, la paix apparaît si : on baisse la prédation en améliorant la redistribution et la crédibilité des processus redistributifs de l’État, par l’instauration de quotas de fonctionnaires, de contre-pouvoirs et en accroissant le rôle de la société civile ; on améliore l’information du gouvernement sur les actions des groupes exclus.
L’économie politique des conflits ou le jeu des intérêts économiques et de pouvoir
27Dans les modèles précédents, dont l’intérêt réside dans la grande cohérence, les conflits sont posés en termes statiques de deux agents représentatifs rationnels, en situation d’asymétrie d’information, dans un contexte institutionnel défaillant. Ces modèles éclairent certaines facettes d’une réalité complexe, mais ne peuvent interpréter le processus de conflits armés résultant de l’enchevêtrement de plusieurs facteurs et conduisant à des effets plurivoques.
28Les conflits africains sont liés à la fois à des histoires propres de constitution d’États-nations, au contexte de sous-développement, à une fragmentation de l’espace national non contrôlé par un État fort et à des modes spécifiques d’insertion des postcolonies dans l’économie mondiale, avec un poids particulier des mafias internationales, des diasporas, des conglomérats et des puissances régionales, et des jeux d’alliance ou d’allégeance.
291. Des conflits d’accaparement de rentes
30Trois principaux traits peuvent être privilégiés pour spécifier les économies africaines [16] :
31— Les économies africaines peuvent être définies comme des économies de rentes capables de se reproduire sans accumulation. Les rentes sont à la fois externes et internes. Elles conduisent à des logiques de cueillette, de ponction ou de rapines, l’emportant sur des logiques productives et accumulatrices de biens. Elles se traduisent par des redistributions au sein de groupes d’appartenance. L’accès au pouvoir politique ou militaire donne davantage d’emprise sur les richesses économiques, que les positions économiques ne conduisent à des pouvoirs politiques.
32— Les économies africaines sous-développées sont caractérisées par une forte désarticulation et par la faiblesse d’accumulation du capital, public et humain, permettant de dépasser les trappes à pauvreté. Dans des sociétés à faible détour productif et à tissu économique lâche, on observe une forte fluidité et une grande mobilité des hommes.
33— Les sociétés africaines sont en voie de peuplement et de changement d’occupation de l’espace. Il en résulte des conséquences sur le poids de la jeunesse, l’importance des flux migratoires, l’exacerbation de conflits vis-à-vis des terres.
342. La faillite du contrat social
35Certains analystes voient dans les conflits africains un retour à l’état de nature hobbesien ou un modèle moyenâgeux avec pluralité d’acteurs, renforcement des référents identitaires, concurrence des allégeances possibles et rôle des mercenaires.
36Hobbes a établi l’autorité comme nécessité pour le maintien de la paix [17]. On suppose, dans un état de nature, que les hommes égaux sont rationnels, défendent leurs intérêts, préfèrent la paix à la guerre et ont des droits absolus sur les biens et sur les personnes. Dans cette situation, la solution choisie sera la guerre. Certes, la paix est profitable à chacun, mais la paix a surtout un coût élevé si l’autre décide de faire la guerre. Or, rien ne garantira que l’autre respectera son contrat de non-agression. Dans une situation de type « dilemme du prisonnier », l’équilibre de Nash (la guerre) est sous-optimal.
37Si une autorité intervient pour faire respecter le contrat et sanctionner celui qui ne le respecte pas, il y aura un coût réduisant les dividendes de la paix, mais les solutions de paix seront préférables aux solutions de guerre.
38Les conflits armés africains peuvent être lus comme des défaillances de contrat, de serment ou de réputation permettant des jeux coopératifs. Plusieurs explications peuvent être données de la rupture du contrat social. L’État ou l’autorité n’est ni crédible ni neutre vis-à-vis des acteurs ; il est souvent opportuniste (Locke). Les équilibres de pouvoir nécessaires pour que l’autorité soit bienveillante (Montesquieu) sont limités. Dans un jeu à plus de deux, des stratégies de « free rider » ou de tricherie sont possibles. Il y a retrait des médiateurs institutionnels extérieurs et absence de médiateurs internes nécessaires pour assurer la confiance. Les rétributions des joueurs pouvant les inciter à respecter les contrats sans nécessité d’autorités supérieures, disparaissent notamment du fait de la libéralisation et de la privatisation. En l’absence d’éducation civique, les joueurs ne peuvent intérioriser des normes morales (« tu ne tueras point ») ou des conventions « common knowledge ». Dans les sociétés africaines, la construction nationale demeure en cours, et la citoyenneté est embryonnaire. L’État africain postcolonial se caractérise par sa faiblesse menant au quasi-effondrement d’institutions telles l’armée ; lui-même est faiblement connecté à une société civile apathique. La faillite du modèle étatique postcolonial, l’échec de l’État importé, auquel s’est ajoutée la dévalorisation de l’État par l’idéologie libérale, ont conduit à des fractionnements territoriaux et à une montée en puissance de factions s’appuyant sur des identités claniques, communautaires, ethniques ou religieuses.
39La question doit être également posée en termes de transition d’États totalitaires ou autoritaires vers la démocratie et vers l’économie de marché. Les risques de guerre ne sont pas amoindris par des réformes libérales partielles dans un contexte déficient (optimum de second rang). Les transformations en cours interdisent des jeux répétés générateurs d’effets de réputation, rendant ainsi possible le respect des contrats par les joueurs (Kreps). A priori, les risques de guerre devraient être atténués par la libéralisation du marché des idées. En réalité, les pays en transition vers la liberté de l’information n’ont pas de mécanismes institutionnels garants de la démocratie [18]. La liberté de la presse favorise les propagandes « ethnicides ». Les télévisions montrent un monde de violence et créent un écart entre le vécu et les aspirations. La circulation rapide des idées se fait à l’intérieur de réseaux en connexion avec des appuis extérieurs.
403. Le « straddling » entre les pouvoirs économiques et les pouvoirs politiques
41Il importe de prendre en compte les enchevêtrements entre les intérêts économiques des firmes et des réseaux contrôlant les rentes, de manière officielle ou non, et les forces politiques et militaires, officielles ou parallèles. Les liens entre la prédation des ressources minières, le blanchiment d’argent et le trafic d’armes conduisent à un « straddling » entre les pouvoirs économiques et les pouvoirs politiques, et à une insertion de l’Afrique dans une économie mondiale plus ou moins criminelle. Si l’Afrique s’est fortement marginalisée au niveau mondial, elle s’est en revanche intégrée dans une économie « informelle », et ceci d’autant plus que les États étaient en déshérence et que les enjeux miniers et pétroliers étaient croissants. La part de l’Afrique dans les exploitations minières mondiales est passée de 6 % à 13,5 % entre 1980 et 1995 [19].
42On peut représenter les jeux stratégiques des firmes multinationales, pétrolières ou minières, qui cherchent à maintenir des positions de rente face aux concurrents en versant, en contrepartie de leurs positions, des financements aux pouvoirs en place ou aux rebelles susceptibles de prendre le pouvoir. La firme cherche à diversifier les risques, et affecte une certaine probabilité subjective au maintien en place du gouvernement et des rebelles. Cette probabilité dépend en partie du financement de la firme au gouvernement et aux rebelles. On suppose que le gain sera maximum si le gouvernement reste en place et si la firme ne finance que le gouvernement. Il sera, en revanche, nul si la firme n’a pas financé les rebelles et que ceux-ci renversent le gouvernement. La solution de gains intermédiaire consiste, pour la firme, à financer à la fois le gouvernement et les rebelles, maintenant ainsi sa position dans les deux cas.
43La firme peut maximiser son espérance mathématique de gains en finançant les rebelles. Bien entendu, tout dépend de la valeur retenue pour les probabilités subjectives et pour la rente dont elle dispose dans les diverses configurations. Ce modèle peut s’appliquer au soutien par Elf de Dos Santos et de Savimbi en Angola ou de Sassou Nguesso et de Lissouba au Congo.
444. La recomposition des conglomérats
45On voit se développer de nouvelles configurations « conglomérales », correspondant à des pratiques déloyales face aux règles anciennes mises en place par les grands oligopoles. Ainsi, les nouveaux conglomérats diamantaires réduisent la position de monopole de la De Beers qui tend à jouer la transparence. Ces nouveaux conglomérats résultent de joint ventures entre des sociétés liées aux armées ougandaises ou zimbabwéennes et des intérêts israéliens. L’accès aux richesses minières ou pétrolières conduit à des « straddling » entre les positions de pouvoir et les positions d’accumulation [20].
465. Le cas de l’économie du diamant
47Le diamant représente un enjeu majeur des guerres en Afrique, tout en constituant l’une des principales sources de financement de ces conflits. Bien entendu, certains pays producteurs tels le Botswana (1,6 milliard de livres sterling en 1999), l’Afrique du Sud (983 millions dollars) et la Namibie (414 millions de livres sterling) bénéficient de ressources diamantifères sans que celles-ci ne constituent la cause de nouveaux conflits. La criminalisation du diamant a commencé en Angola, il y a vingt ans, avec le soutien de l’Afrique du Sud, du Zaïre et de la Côte-d’Ivoire à Savimbi. Les filières du diamant et celles de l’armement sont étroitement liées. Les grands conglomérats, tels la De Beers, cherchent à changer d’image en préconisant une plus grande transparence ou traçabilité. De nouveaux réseaux apparaissent, notamment israélo-russe. La RDC devient l’enjeu de factions armées rivales se disputant des zones riches en gemmes. Le Liberia de Taylor exportait 40 fois plus de diamants qu’il n’en produisait. En Angola, Savimbi est financé par le diamant. Et la guerre en Guinée, au Liberia ou en Sierra Leone est indissociable de la fameuse pierre. La « gemnocratie » est liée à la foule de petits producteurs, au paiement en liquidités, à la porosité des frontières, à la corruption endémique. L’embargo est violé par le Burkina Faso, la RDC, le Rwanda, le Togo et la Namibie [21].
486. L’insertion dans une économie mafieuse internationale
49Les puissances hégémoniques se sont désengagées, laissant le champ libre aux puissances régionales, organisations criminelles et autres trafiquants d’armes. Les sociétés africaines sont intégrées dans une économie mondiale informelle ou un « monde sans loi » [22]. L’Afrique s’est insérée dans cette économie parallèle internationale, à la fois source d’accumulation et facteur de conflits et de décomposition/recomposition d’États. Les conflits résultent d’une interdépendance entre le contrôle des produits illicites, les achats d’armes, la mobilisation des milices et des liens avec le monde international des affaires. L’Afrique de l’Ouest côtière et une partie de l’Afrique australe sont devenues des zones de production de drogue, et plusieurs États mafieux sont entrés dans le trafic des narcodollars. En revanche, peu jouent le rôle de paradis fiscaux et de blanchiment d’argent (Gambie, Liberia, Seychelles).
Le conflit armé, risque ou incertitude systémique
50Les analyses précédentes, en termes d’économie politique, cherchaient à expliquer les comportements belligènes en termes de jeux d’intérêts économiques et de puissance. Les conflits armés mettent en jeu une pluralité d’agents, d’alliances et de mobiles. Ils ne peuvent, inversement, être traités comme le suppose les théories réalistes, en termes d’États-nations poursuivant des buts de puissance. Il importe de voir les limites de la rationalisation des comportements complexes caractérisés par des passions ou par la folie des hommes. Les calculs coûts/avantages et les jeux d’intérêts économiques trouvent leur place à l’intérieur de systèmes et d’interdépendances de facteurs variés. On observe de multiples réseaux de pouvoir et d’interactions qui se chevauchent et s’entrecroisent, et des interrelations entre les quatre principales sources de pouvoir : idéologique, économique, militaire et politique.
51Les conflits armés sont des processus résultant d’interactions non linéaires et conduisant à un chaos entropique. D’où la nécessité d’introduire de l’incertitude, de l’indéterminisme ou de l’aléatoire dans des systèmes non linéaires déterministes. On peut, dans une vision systémique, considérer la guerre comme un chaos résultant d’un enchevêtrement non maîtrisé de processus qui s’enchaînent, avec rupture des modes de régulation. L’incertitude systémique se définit comme une éventualité non probabilisable d’apparition d’états dans lesquels les réponses des acteurs aux risques perçus conduisent à accroître le phénomène au niveau collectif.
52Les conflits et la guerre, incertitudes systémiques, résultent de la combinaison de cinq facteurs :
53— chocs exogènes : catastrophes naturelles, conflits politico-militaires conduisant à une forte perturbation du système ;
54— facteurs structurels de sous-développement des systèmes économiques et de vulnérabilité des systèmes sociaux, caractérisés par la vulnérabilité et l’exposition au risque alimentaire des populations, du fait d’une insuffisance de disponibilité, de défaillance de marchés ou d’absence de droits ;
55— facteurs institutionnels, caractérisés par des absences ou des défauts de systèmes d’information, de prévention et de régulation, et se manifestant par des effets de contagion non maîtrisés ;
56— facteurs idéologiques et informationnels : systèmes de représentation, de croyances liés à des propagandes, rumeurs, comportements mimétiques ;
57— facteurs politiques, caractérisés par une absence ou par des défaillances d’options stratégiques : attitude pro-crise de militaires, politiciens, spéculateurs ou indifférence, incompétence et passivité de la part de dirigeants non concernés.
581. Les pertes de confiance et les systèmes de représentation et de croyance
59On peut mettre en relation le contexte économique de crise et les représentations, en mobilisant notamment les concepts keynésiens, eux-mêmes influencés par Freud. Les représentations dépressives liées à des pertes de confiance, résultent de comportements mimétiques ou moutonniers et d’enchaînements régressifs. Les pertes de confiance traduisent, comme pour les marchés financiers, des comportements irrationnels en incertitude radicale de type keynésien : « Lorsqu’on s’attend à des changements profonds mais qu’ils sont très incertains quant à la forme qu’ils revêtiront, on n’a qu’un faible degré de confiance » (Keynes). Le contexte de conflit peut apparaître comme une incertitude radicale. On peut prendre pour hypothèse que le repli identitaire, les comportements de haine, sont des pertes de confiance à la fois dans les autres et dans l’avenir qui apparaît comme un horizon bouché. La création, acte de projection dans le futur, cède la place à la destruction. La sympathie ou l’empathie se transforme en haine de l’autre et de soi. Le futur devient l’actualisation des ancêtres, la réinterprétation d’une histoire mythique, justifiant le retour à la terre ancestrale, aux valeurs authentiques. Le contexte de destruction d’un ordre ancien et d’une représentation d’un futur meilleur est évidemment propice à ces ruptures de confiance. L’ethnicité se développe en période de baisse des cours des matières premières et d’aggravation des conflits pour l’accès à la terre ou aux emplois. La non-scolarisation ou la formation idéologique sont des facteurs essentiels de remplacement des connaissances par des croyances, état portant à donner son assentiment à une certaine représentation, dont le statut épistémologique est incertain ou douteux.
60En jouant sur les croyances, les pouvoirs peuvent contribuer par des manipulations à renforcer ces représentations. Les conflits armés apparaissent lorsque les intérêts se transforment en passions, et que la pluralité des référents des agents se transforme en une identité réifiée et unidimensionnelle : son ethnie, sa religion, son appartenance nationale, sa caste. Ces systèmes de représentation se développent d’autant plus que les agents sont en situation de crise et de forte vulnérabilité. L’on rentre alors dans la dialectique du persécuteur/persécuté, de la recherche du bouc émissaire.
612. La défaillance des systèmes de décision des autorités chargées de la sécurité
62Les conflits surgissent quand il y a défaillance des systèmes de décision, c’est-à-dire de prise de risque (selon une probabilité subjective) dans un univers incertain (non probabilisable) qui coordonne les informations (désinformations), des représentations (fausses représentations) et des actions (défaillance de logistique ou de volonté). Les acteurs peuvent être négatifs (pro-crise), passifs (subir), réactifs, pré-actifs (anticiper), pro-actifs (agir pour provoquer ce que l’on désire) ou interactifs (agir en interrelation avec les événements par un pilotage).
633. La faiblesse de l’État et la fragmentation territoriale
64Les comportements belligènes jouent dans des conditions politiques données : absence d’État de droit, souveraineté des États en déshérence, absence de jeu démocratique. Le plus souvent, les pouvoirs autoritaires peu légitimes contrôlent les forces de sécurité. Ils conduisent, à défaut de débat démocratique, à des luttes armées de groupes d’opposition, d’où un cycle de violence conduisant à une militarisation de la société. Ce processus peut être plus ou moins alimenté par l’extérieur, par des financements de la part d’États ou de firmes (notamment minières ou pétrolières).
65De nombreux conflits africains sont liés à la fois à une fragmentation de l’espace national non contrôlé par un État fort, et aux réseaux transnationaux (diasporas, conglomérats, puissances régionales, etc.), avec des jeux d’alliances ou d’allégeance qui interdisent d’opposer le territoire national contrôlé par l’État et le système international.
LES EFFETS ÉCONOMIQUES DES GUERRES ET DES CONFLITS
Les effets macro-économiques
661. Le coût de la guerre
67La guerre a un coût élevé en termes de dépenses militaires et d’endettement extérieur (tableau 1). En 1999, l’Angola a consacré 900 millions de dollars de revenus pétroliers pour l’achat d’équipements militaires. Le Zimbabwe et l’Ouganda sont ravagés par la guerre. La faillite économique du Zimbabwe se traduit par une inflation de 60 %, une rupture avec les institutions de Bretton Woods et une fuite en avant risquant de conduire à un exode des fermiers blancs et des compétences. En Éthiopie, on estime à 1 million de dollars par jour le coût de la guerre contre l’Érythrée.
68Les guerres affectent directement les économies africaines. Elles conduisent à une destruction ou à une dévalorisation du capital physique (infrastructures, équipements), humain et social reposant sur la confiance, les règles ou les réseaux de relations. Elles ont également un coût élevé pour la communauté internationale. La commission Carnegie a estimé à 200 milliards de dollars le coût pour la communauté internationale des sept principales guerres menées dans les années 90, sans compter le conflit du Kosovo. Ce qui représente quatre fois le montant annuel de l’aide au développement.
692. Le rôle des conflits dans la faible croissance africaine
70Plusieurs facteurs explicatifs de la faible croissance africaine peuvent être avancés [23] :
71— géographiques (éloignement des côtes, pauvreté des sols, maladies...) [24] ;
72— historiques (mauvaise spécialisation, poids de la colonisation) ;
73— défaillance des institutions et des politiques ;
74— faiblesse des infrastructures (télécoms, électricité, transports...) et des services publics ;
75— défaillance des investissements privés ;
76— faible efficience des investissements publics, plus haut ratio investissement public/privé du monde.
77Certains travaux économétriques, tels ceux de Easterly et Levine [25], ont introduit les fractionnements et les conflits ethniques comme une variable déterminante de la faible croissance africaine. Ils reposent toutefois sur des méthodes discutables, en faisant du nombre d’ethnies un facteur de crise possible. Ainsi, le Burundi ou le Rwanda, bi-ethniques, sont traités comme homogènes et stables. Les travaux de Collier et Hoeffler [26] ont montré, au contraire, que les conflits étaient d’autant plus probables que le nombre d’ethnies était limité et interdisait des jeux d’alliances.
78L’interaction entre l’instabilité politique et la croissance économique a été analysée par de nombreux auteurs [27]. Fosu a montré avec des données transversales portant sur 31 pays africains, que l’instabilité politique avait un effet très négatif sur la croissance. Selon Azam et al. [28], l’équation économétrique de type probit montre que les dépenses de santé et les taux de scolarisation primaire réduisent significativement le risque politique, alors que les dépenses militaires l’accroissent. Le risque politique affecte sensiblement et de manière négative le taux de croissance des économies appartenant à l’échantillon.
793. Il y a débat quant aux effets de long terme
80La guerre serait, selon certains auteurs, un moyen de former les États, de réaliser une accumulation primitive et de constituer les bases d’une accumulation productive ultérieure [29]. L’histoire du Moyen Âge et de l’accumulation primitive se répéteraient. Les États-nations européens se sont largement constitués grâce à la guerre (« l’État fait la guerre, la guerre fait l’État »), et les sociétés africaines se trouveraient sur des trajectoires longues traduisant un temps historique déconnecté du temps mondial.
81On peut, au contraire, considérer que les guerres africaines sont des facteurs essentiels de décomposition des États et de sous-développement économique, non seulement en raison des destructions des hommes et des biens qu’elles entraînent, mais aussi du fait de l’insécurité dans laquelle se trouvent les agents économiques. Elles conduisent à généraliser les migrations et les réfugiés. Elles participent de la prolifération des maladies telles le sida, et conduisent à une insécurité des droits de propriété ou d’accès aux biens premiers. Les pillages se multiplient. Aujourd’hui, les guerres se sont internationalisées par leur armement, dans leurs alliances et leurs enjeux. Dans un univers mondialisé, on ne peut prendre pour hypothèse que le retrait des anciennes puissances impériales laisse le champ libre à une histoire africaine hors du temps mondial, effaçant la parenthèse de la colonisation et l’artificialité des frontières. Les guerres sont aussi un signe de l’affairisme, du clientélisme et du néopatrimonialisme liant les politiques internes à l’Afrique avec des relations extérieures plus ou moins mafieuses.
Les effets micro-économiques des conflits
82Les travaux sur le risque pays introduisent les risques politiques comme déterminant des exportateurs et des investisseurs et comme constituant du climat des affaires, à côté des risques financiers et de l’environnement des affaires (voir Credit Risk International).
83Les instabilités sont créatrices de risques probabilisables ou d’incertitudes pour les acteurs. Il y a incertitude sur la durabilité des réformes. Les risques théoriquement diversifiables le sont peu du fait des risques réels de contagion et de fausses représentations assimilant des situations contrastées africaines (afro-pessimisme). Les risques anticipés par les opérateurs sont ceux des coups d’États, des catastrophes naturelles, des risques sanitaires. Les fausses représentations, traduisant un afro-pessimisme, conduisent à des anticipations pessimistes sans rapport avec les risques réels. Il en résulte des comportements « court termistes » qui sont des obstacles à la croissance et au développement économique. Dans un contexte de risque, les agents préfèrent des solutions réversibles (valeur d’option), ont une forte préférence pour la liquidité, choisissent des solution d’ « exit » (des personnes ou des capitaux) et recherchent un taux de retour rapide du capital. L’incertitude est source d’absence d’apprentissage et de capitalisation. L’insécurité et les risques de guerre sont une explication importante du faible investissement étranger en Afrique (1 % des investissements directs mondiaux), alors que les taux de retour du capital y sont les plus élevés du monde (29 % pour les filiales des firmes américaines).
Les liens avec l’insécurité alimentaire
84L’absence de satisfaction des besoins fondamentaux ou d’accès aux « biens premiers » (au sens de Sen ou de Rawls « biens que tout homme est supposé désirer » : liberté, éducation, santé, alimentation) résulte, selon des degrés divers, des défaillances institutionnelles. Nous prendrons à titre d’exemple le cas de l’insécurité alimentaire.
85Les famines sont nombreuses en Afrique, même s’il existe aujourd’hui des surplus alimentaires mondiaux. Les famines antecoloniales (Empires du Ghana, Mali, Songhaï) et coloniales ont existé (Éthiopie, 1888-1892, 2000). Les famines récentes ont concerné l’Éthiopie (1972-1974, 1984-1985), le Sahel (1973-1974), Madagascar (1986) le Soudan (1998), le Lesotho (1983-1985), le Mozambique, le Nigeria, le Niger, l’Angola, le Zaïre, l’Ouganda, la Somalie (1992) et le Liberia [30].
86Plusieurs facteurs s’enchaînent pour transformer des poches de malnutrition en catastrophes nutritionnelles. Il peut y avoir insuffisance des disponibilités liées, notamment, à des variables climatiques, ou insuffisance de la demande solvable face à une baisse des revenus ou à une hausse des prix alimentaires. Il y a, le plus souvent, perte des droits, que ceux-ci résultent d’un pouvoir d’achat, de la redistribution publique ou des appartenances à des groupes sociaux conduisant à des droits et obligations. Les malnutritions ou les famines résultent également d’une volonté politique de la part de certains groupes. Ce sont les États en guerre ou en guérilla qui connaissent des famines. Les seigneurs de la guerre sèment la terreur et cherchent parfois à éliminer les groupes opposants en les affamant ; ainsi en Somalie, après avoir affamé les populations en détruisant la production paysanne, ils ont pillé ou bloqué les aides alimentaires pour créer des famines.
87Dans le cas de la famine éthiopienne de l’année 2000 et de la corne de l’Afrique, il y a eu combinaison entre la sécheresse (trois ans sans pluie), le coût de la guerre avec l’Érythrée, le rôle pro-crise, ou du moins attentiste, des autorités gouvernementales éthiopiennes contre l’ethnie marginalisée des nomades de l’Ogaden et les difficultés de logistique liées aux conflits. Les blocus alimentaires ont toujours été utilisés comme une arme contre les ennemis ou les minorités. Les famines africaines sont la résultante principale de facteurs politiques et militaires. Les causes naturelles jouent aujourd’hui un rôle limité face aux facteurs humains.
88Mais il importe également de prendre en compte les stratégies des grandes puissances internationales. Il est reconnu que les États-Unis ont joué un rôle dans les famines éthiopiennes, en utilisant l’arme alimentaire comme un moyen de faire chuter le gouvernement marxiste (Field). De même, ce gouvernement avait voulu des transformations rapides des rapports sociaux de production qui avaient, comme dans de nombreux régimes communistes, créé des famines.
89Face aux mêmes événements de sécheresse et de baisse de la production, on peut différencier, dans les années 90, les stratégies pro-actives du Botswana, réactives du Kenya et inactives de l’Éthiopie, du Soudan, de Madagascar (1986), du Mali ou du Mozambique.
LES ORIENTATIONS POSSIBLES : PRÉVENTION DES CONFLITS ET DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE
90Les solutions de prévention et de réduction des risques de conflits sont évidemment complexes et diverses. Les processus de décision peuvent chercher à circonscrire la catastrophe, aider les victimes ou éviter de nouvelles crises.
91La sécurité ne peut évidemment pas être le fruit des seules mesures de sécurité qui s’en prennent aux manifestations et non aux causes de la violence et des conflits. Les solutions envisageables diffèrent selon le niveau auquel on se situe : conflits internationaux, déficit des États de droit ou risque systémique dans un secteur donné.
92Nous différencierons plusieurs modalités d’interventions à différents niveaux.
La mise en place de systèmes d’information, du jeu démocratique et d’une citoyenneté
93Le rôle de l’information est essentiel pour prévenir ou circonscrire les crises et les conflits. Du fait de la dissémination des guerres, des conflits ou des lieux de crise depuis la fin de la guerre froide, les observatoires universels sont insuffisants. Les zones de « chaos bornés » demeurent des « terrae incognitae ». Il faut décentraliser les moyens d’observation. Il existe des observatoires, des signaux d’alarme ou des systèmes d’alerte qui annoncent l’imminence de catastrophes. Il est relativement aisé aujourd’hui, par les systèmes d’information existant, de prévoir la majorité des catastrophes. Les zones à risque sont connues. En revanche, subsistent des chaînons manquants entre les cercles d’experts et les décideurs politiques.
94On peut considérer que la démocratie représentative et participative est la forme de gouvernement qui limite le plus les conflits, à condition de ne pas la réduire au multipartisme ou à la liberté de la presse. L’essentiel concerne les jeux de contre-pouvoirs et la constitution d’une société civile forte, complémentaire d’un État fort. Les droits politiques sont nécessaires pour satisfaire les besoins et surtout pour les exprimer. L’espace social doit être transparent pour défendre les plus faibles. La « voice », au sens de Hirschman, est essentielle pour éviter les conflits. Mais le jeu démocratique est souvent circonscrit aux seuls pays riches. La démocratie résulte de droits acquis par des luttes et de contrats acceptés par des acteurs. Elle ne s’impose pas de l’extérieur des sociétés. Elle suppose, en Afrique, la constitution de partis politiques, d’associations et d’organisations de la société civile permettant une citoyenneté. La construction de la démocratie interdit la décalcomanie ; elle doit, au contraire, s’appuyer sur les institutions « traditionnelles » et les modes de résolution des conflits.
La question internationale de la régulation d’un « monde sans loi »
95Le second niveau concerne la régulation d’un « monde sans loi ». Les mesures supposent des négociations sur les biens publics internationaux et des systèmes de respect des normes et des règles. Les domaines vont du contrôle des places financières off shore, aux trafics de produits illicites (drogues) ou de produits licites contrôlés par des mafias, en passant par le commerce des armes. Une coopération internationale s’impose notamment pour limiter le trafic des armes, réguler le commerce des produits finançant la guerre (diamants, pétrole, drogues), et contrôler les centres off shore liés aux économies mafieuses. Ces accords peuvent être conçus sur le modèle du moratoire sur l’importation, l’exportation et la fabrication des armes légères, signé par 8 pays du Sahel-Soudan, au mois de mars 1997, sur celui des accords signés au sein de la SADC (Communauté de développement de l’Afrique australe) ou sur le programme d’échange armes contre développement, au sein de la CEDEAO (Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest). Les pays exportateurs d’armes pourraient, par exemple, interdire la vente à des pays endettés bénéficiant des mesures PPTE (Pays pauvres très endettés).
96Dans un monde où le poids des grands groupes privés l’emporte sur celui des États, les négociations doivent concerner également les codes de conduite des firmes pétrolières, diamantaires, financières ou productrices d’armes. Un avant-projet de convention internationale sur l’interdiction des « diamants de la guerre » est en cours. Une conférence a regroupé, au mois de mars 2001, 26 pays producteurs de gemmes, des ONG (Organisation non gouvernementales) et des pays occidentaux sous l’égide des Nations unies. Bien entendu, la mise en œuvre de la transparence est rendue particulièrement délicate du fait de la collusion d’intérêts entre des États et des circuits mafieux et criminels, et du fait des difficultés propres à la traçabilité des diamants.
La politique redistributive et les compromis sociopolitiques
97Dans la mesure où la guerre renvoie en partie à des intérêts économiques, des mécanismes compensatoires et des vigilances vis-à-vis des changements dans les mécanismes redistributifs s’imposent. Réduire le coût d’opportunité de la guerre pour les jeunes suppose qu’ils reçoivent une formation scolaire qui les structure et développe leur esprit critique, des activités qui les occupent et des symboles qui les motivent. Avoir des actions préventives suppose que les mécanismes redistributifs aux minorités soient respectés, sous forme de quotas, d’accès à l’éducation et à la santé.
98Les mesures, rationnelles économiquement, de libéralisation ou de privatisation peuvent remettre en question les compromis sociopolitiques et les équilibrages régionaux (comme c’est le cas en Côte-d’Ivoire).
La constitution d’interdépendances et d’intérêts régionaux croisés
99Créer des projets communs, des institutions régionales, faciliter les flux régionaux de commerce, de travail et de capitaux, et donc des interdépendances économiques, est une manière de faciliter le dialogue et de contourner les antagonismes politiques. Les travaux de Palachek [31], repris par Winters et Schiff [32], ont montré que l’intégration régionale réduisait les risques de conflits. Elle peut ainsi constituer un « first best » par rapport au libre échange en créant une sécurité favorable à la croissance. Ainsi, en Asie de l’Est, le jeu des intérêts croisés autour du régionalisme réticulaire, peu institutionnalisé et ouvert, est une manière de dépasser les conflits latents, très élevés dans une zone en voie de surarmement. Les puissances régionales exercent des effets de polarisation, constituent des puissances hégémoniques et sont devenues les principales bénéficiaires de ces intégrations régionales. Elles ont, en contrepartie, des obligations à l’égard des nations périphériques. Et si ces puissances (Côte-d’Ivoire au sein de l’UEMOA ou Afrique du Sud au sein de la SADC) exercent bien leurs obligations vis-à-vis des pays membres des unions régionales, encore faut-il rappeler qu’il y a des privilégiés et des laissés-pour-compte, qu’il est nécessaire de mettre en place des mécanismes de compensation, et qu’en cas de non-intégration nationale, la contrepartie est rendue très difficile.
Le partage de responsabilité entre l’État et la société civile
100Le débat entre les théories constructivistes, mettant en avant les normes, et les théories réalistes doit être dépassé dans une perspective dynamique procédurale en termes d’agendas et de processus.
101C’est en priorité aux États et à leurs organisations mondiales et régionales qu’incombe la responsabilité de prévenir et de faire cesser les affrontements armés, et de rechercher les solutions pacifiques. La mise en place de conditionnalités à l’aide, favorisant les jeux démocratiques et l’émergence d’États de droit, est évidemment une des réponses aux préventions des conflits armés. Il importe qu’un médiateur institutionnel joue son rôle pour transformer les conflits en jeux coopératifs. Ceci peut se faire, à défaut d’un contrat social respecté par les acteurs, par un tiers garant national, régional ou international.
102La prise en charge du collectif peut être également assurée moyennant contrat, par les acteurs de la société civile, voire par le secteur privé avec cahier des charges. Les ONG sont souvent plus à même de s’adapter aux situations complexes des conflits armés décentralisés. Il y a également obligation pour les autorités gouvernementales d’autoriser les organisations humanitaires à répondre aux catastrophes si ces autorités n’en ont pas les moyens. Le droit d’ingérence est devenu une nécessité face aux carences des États de droit. Il y a, depuis peu, création de réseaux, nationaux et internationaux, d’associations privées de solidarité internationale et de secours aux victimes. Selon Jacques Forster : « L’action humanitaire ne peut pas être la poursuite de l’action politique par d’autres moyens. Elle ne doit ni se substituer ni être intégrée au politique. La responsabilité de l’État dans le domaine humanitaire est de promouvoir, de soutenir et donner les moyens d’agir aux institutions humanitaires impartiales et indépendantes ».
103La question est ainsi de favoriser la démocratie représentative et participative par la multiplication des instances de décision et de contre-pouvoir, et par des acceptations de la différence et de la gestion de communautés participant au même contrat social. Bien entendu, à terme, la réduction des risques de guerre passe par la constitution d’économies productives, diversifiées et interdépendantes.
TESTS éCONOMéTRIQUES : PORTéE, LIMITES
104La mise en évidence des facteurs explicatifs des conflits peut reposer sur des tests économétriques de type analyse des composantes principales, modèles de régression logistique ou modèles non linéaires estimés selon la méthode du maximum de vraisemblance. Les tests montrent que les possibilités de conflits armés africains sont liés à :
105— des ressources pétrolières : Angola (43 % des exportations), Congo (42 %) ;
106— des ressources diamantaires : Sierra Leone, Guinée, Liberia, RDC ;
107— la faible densité agricole par habitant : Burundi (0,12 ha), Érythrée (0,11 ha), Rwanda (0,14 ha) ;
108— des circuits de production et de recyclage des narcodollars : Liberia, guerres mafieuses paradis fiscaux.
109Ces tests présentent toutefois plusieurs limites :
110— les pays en guerre sont caractérisés par des défaillances des systèmes d’information et par un poids élevé des flux non enregistrés ;
111— les conflits sont décentralisés et transnationaux, alors que les statistiques sont nationales (voir les conflits localisés : Touareg au Sahel, Casamance au Sénégal, etc.) ;
112— on observe une forte fluidité des situations, et la guerre comme processus peut difficilement être appréhendée par des comparaisons de statistiques annuelles ;
113— il y a souvent ambivalence des indicateurs retenus. Les dépenses militaires peuvent être interprétées comme un facteur répressif dissuadant les conflits ou comme un indice de militarisation conduisant à la guerre. Les taux de scolarisation a priori réducteurs de conflits peuvent également les expliquer si les groupes s’opposent aux élites, comme c’est le cas au Rwanda et au Burundi ;
114— les liens constatés sont souvent tautologiques. Ainsi, les indicateurs de crédibilité peuvent être des facteurs explicatifs des conflits ou des résultantes de ceux-ci.
Notes
-
[1]
Lire Pascal Boniface (sous la dir.), L’Année stratégique 2001, Paris, IRIS, Éditions Michalon, 2000. Voir également SIPRI Yearbook 2000, « Armaments, Disarmament and International Security », Stockholm, 2000.
-
[2]
Karl von Clausewitz, De la guerre, Paris, Éditions de Minuit, 1955, p. 51.
-
[3]
Mary Kaldor, New and Old Wars, Oxford, Polity Press, 1999.
-
[4]
Claude Serfati, La mondialisation armée. Le déséquilibre de la terreur, Paris, Textuel, 2001.
-
[5]
Christopher Clapham, African Guerrillas, James Currey, Oxford, 2000.
-
[6]
Jean-Christophe Ruffin, « L’économie des guérillas et les trafics », La revue internationale et stratégique, IRIS, décembre 1995.
-
[7]
Samuel P. Huntington, Le choc des civilisations, Paris, Odile Jacob, 2000.
-
[8]
Lora Lumpe, Running Guns, The Global Black Market in Small Arms, Londres, ZEd books, 2000.
-
[9]
Achille Mbembe, De la postcolonie, Paris, Karthala, 2000.
-
[10]
P. Collier, A. Hoeffer, « On Economic Causes of Civil Wars », Oxford Economic Papers, vol. 50, 2000, p. 563-573.
-
[11]
P. Collier, A. Hoeffer, ibid.
-
[12]
H. L. Grossman, « A General Equilibrium Model of Insurrections », American Economic Review, no 81, 1991, p. 912-929.
-
[13]
Addison, Le Billon, Mushed, « On the Economic Motivation Conflict in Africa », Conference ABCDE, World Bank/CAE, Paris, 2000.
-
[14]
Jean-Paul Azam, Jean-Claude Berthelemy, S. Calipel, « Risques politiques et croissance en Afrique », Revue économique, no 47, 1996, p. 819-829.
-
[15]
Jean-Paul Azam, « The Redistribution State and Conflicts in Africa », Journal of Peace Research, 2000.
-
[16]
Philippe Hugon, L’économie de l’Afrique, Paris, La Découverte, coll. « Repères », 2001.
-
[17]
Pierre Dockes, Pouvoir et autorité en économie, Paris, Economica, 1999.
-
[18]
R. Snyder, Ballantyne, « Nationalism in the Market Place of Ideas », International Security, 1996.
-
[19]
Claude Serfati, op. cit.
-
[20]
Pour la criminalisation de l’État en Afrique, se reporter à Jean-François Bayart, Béatrice Hibou, Stephen Ellis, La criminalisation des États en Afrique, Paris, Éditions Complexe, 1997. Pour le cas du diamant, lire François Misser, Olivier Vallé, Gemnocratie, l’économie politique du diamant en Afrique, Bruxelles, Desclée de Brouwer, 1997.
-
[21]
Il existe des filières diamantifères allant des lieux de production, avec une multitude de petits producteurs, jusqu’aux tailleurs d’Anvers, qui contrôlent 80 % des pierres brutes. On estime que les « diamants de guerre » correspondent à 4 % de la production mondiale et de 10 à 15 % de la production de qualité. 60 % des diamants viennent d’Afrique. La De Beers a longtemps exercé une position monopolistique. Elle représente les deux tiers du commerce pour un chiffre d’affaires de 5,2 milliards de dollars, possède 18 mines, notamment en Afrique australe, et emploie 20 000 mineurs. Elle a perdu une partie de son rôle du fait de l’arrivée des sociétés russes et israéliennes (Lev Leviev). L’économie de pillage est assurée par un consortium d’hommes d’affaires, de mercenaires, de vendeurs d’armes et d’entreprises de sécurité, face à la défaillance des États. On note en RDC deux entreprises d’État sous la coupe zimbabwéenne. Le consortium diamantifère ORYX Natural Resource (îles Caïmans) a signé un accord avec les entreprises zimbabwéennes, dont Operation Sovereign Legitimacy (OSLEG), branche économique de l’armée zimbabwéenne. COSLEG est une joint venture entre le groupe OSLEG et la COMEX, liée à Kabila. On note une fusion entre ORYX et la Petra Diamonds.
-
[22]
Jean de Maillard, Un monde sans loi, Paris, Stock, 1998.
-
[23]
Philippe Hugon, op. cit.
-
[24]
D. Bloom, J. Sachs, « Geography, Demography and Economic Growth in Africa », Brookings Paper in Economic Activity, September 1998.
-
[25]
W. Easterly, R. Levine, « Africa’s Growth Tragedy : Policies and Ethnic Divisions », Quarterly Journal of Economics, no 114, 1997, p. 1203-1250.
-
[26]
P. Collier, A. Hoeffer, op. cit.
-
[27]
Alberto Alesina, R. Perotti, « The Political Economy of Growth : A Critical Survey of the Recent Literature », World Bank Economic Review, no 8, 1994, p. 351-371.
-
[28]
Jean-Paul Azam, Jean-Claude Berthelemy, S. Calipel, « Risques politiques et croissance en Afrique », Revue économique, no 47, 1996, p. 819-829.
-
[29]
Jean-François Bayart, Béatrice Hibou, Stephen Ellis, op. cit.
-
[30]
Philippe Hugon, « L’économie des famines : innefficience des marchés, inéquité des droits ou risque systémique », Revue économique, no 58, 1996.
-
[31]
S. W. Palachek, « Conflict and Trade : An Economic Approach to Political Interactions », in W. Isard, Ch. H. Anderson (ed.), Economic of Arms Reduction and the Peace Process, Amsterdam, North Holland, 1992.
-
[32]
M. Shiff, L. A. Winters, « Dynamic and Politics in Regional Integration Arrangements : An Introduction », The World Bank Economic Review, no 12, 1998, p. 177-195.