Introduction
1L’intégrité des fonctionnaires est considérée comme un déterminant essentiel de la confiance du public dans le gouvernement et comme un concept capital dans le domaine de la bonne gouvernance (OCDE, 2009). Beaucoup de pays ont mis en place des systèmes d’intégrité ou des cadres éthiques afin de favoriser et de renforcer l’intégrité des agents de l’État. Ces cadres éthiques comprennent des mesures réglementaires, comme des codes de conduite, des organes anticorruption ou des stratégies d’évaluation des risques. Ces cadres viennent compléter les institutions existantes, comme les organes d’audit, le médiateur ou les procureurs généraux. Ensemble, ces différents éléments composent le système d’intégrité. On en sait cependant très peu actuellement sur la capacité de ces systèmes à assurer l’intégrité, et encore moins à renforcer la confiance du public dans le gouvernement.
2La littérature présente pour l’instant quelques conceptualisations des systèmes d’intégrité (Head et al., 2008 ; Huberts et al., 2008a ; Pope, 1996), mais nous soutenons que celles-ci sont davantage descriptives ou prescriptives qu’explicatives. Aucune de ces conceptualisations n’a pas ailleurs été vérifiée sur le plan empirique en vue d’en déterminer l’efficacité. Les recherches empiriques à ce jour laissent entendre qu’il existe différentes configurations de politiques, d’institutions et de pratiques, qui conduisent à des résultats similaires (une intégrité élevée ou faible) (par ex., Doig et McIvor, 2003, 2008 ; Head et al., 2008 ; Huberts et al., 2008a ; Quah, 2010 ; rapports par pays de Transparency International). Cela voudrait dire que les modèles conceptuels axés sur des variables, qui peuvent être testés au moyen d’analyses de régression statistiques ou de modélisations par équation structurelle, sont inappropriés (Byrne et Ragin, 2010). Comme l’indiquent Doig et McIvor (2003), il n’existe pas de méthode optimale.
3Le concept de système national d’intégrité (SNI) est bien connu des chercheurs qui étudient l’intégrité et la corruption dans les services publics et le gouvernement. Imaginé par Pope (1996) pour Transparency International, le concept s’appuie sur des piliers institutionnels bien connus – le « temple grec » (voir Pope, 2000). La notion de système d’intégrité locale (SIL) est moins connu ; des travaux ont été réalisés au niveau local dans sept villes sur quatre continents (voir Huberts et al., 2008a), et un recueil de textes s’attaque aux systèmes d’intégrité au niveau de l’État en Australie (Head et al., 2008). En ce qui concerne les systèmes nationaux d’intégrité, les responsables nationaux doivent prendre l’initiative de mettre en place un système d’intégrité et faire preuve de la volonté politique nécessaire pour le faire fonctionner. Les organisations internationales ou les gouvernements supranationaux (FMI, Banque mondiale, ONU, OCDE ou UE) peuvent faire pression sur les responsables politiques nationaux pour les inciter à appliquer un système d’intégrité, mais c’est à ceux-ci qu’il incombe de prendre l’initiative et de le faire fonctionner. Les systèmes d’intégrité locale peuvent être imposés au gouvernement local par le gouvernement central, comme cela a par exemple été le cas au Royaume-Uni en 2000, ou il peut s’agir d’initiatives locales, comme cela a été le cas à Amsterdam (Huberts et al., 2008b) en 2001 ou à Anvers en 2004. Les systèmes d’intégrité peuvent être avant tout axés sur les politiciens (comme au Royaume-Uni), sur les agents administratifs (comme aux Pays-Bas), sur les deux (par ex., Nouvelle-Galles du Sud, Australie et ville de New York) ou sur les politiciens, les agents administratifs et les chefs d’entreprise (comme à Hong Kong).
4L’une des questions essentielles consiste à savoir ce qui fait que ces ensembles d’agences, de lois et de processus constituent un système. Un système d’intégrité est un système au sens de la définition de Bunge (2004 : 188, dans Kittel, 2006) : un système est « un objet complexe dont les éléments ou les composantes sont maintenus ensemble par des liens divers ». Le système d’intégrité se compose dès lors des différents éléments, comme les politiques, les pratiques, les institutions et les gardiens de l’intégrité, censés contribuer à l’intégrité du gouvernement (national ou local) au cœur du système d’intégrité. La caractéristique fondamentale de la perspective axée sur le système d’intégrité est qu’elle décrit les éléments et les conditions qui sont censés être importants pour l’intégrité de la gouvernance. Les systèmes d’intégrité comprennent à la fois les initiatives de gestion de l’éthique organisationnelle au sein de l’administration gouvernementale et les gardiens de l’intégrité en dehors de l’administration, comme les vérificateurs financiers externes, les médiateurs, la police et le système de justice. Les gardiens de l’intégrité sont des agences ayant un pouvoir de supervision et de contrôle en ce qui concerne les violations de l’intégrité.
5Notre intention n’est pas seulement de tracer les contours des systèmes d’intégrité, mais aussi d’étudier l’efficacité de ces systèmes dans leur ensemble, et pas uniquement de leurs composantes individuelles. La plupart des évaluations des politiques en matière d’intégrité à ce jour portaient essentiellement sur des politiques bien précises en matière d’intégrité, comme des codes de conduite (par ex., Kaptein et Schwartz, 2008), des formations dans le domaine de l’intégrité (par ex., Thorne LeClair et Ferrell, 2000), des agences individuelles (par ex. de Sousa, 2010 ; Quah, 2010) ou des enquêtes internes et des sanctions (par ex., Van Tankeren, 2007). Il est cependant généralement admis que l’interaction entre les politiques d’intégrité et les agences est essentielle à l’efficacité générale du système (par ex., Maesschalck, 2005 ; Treviño et al., 2003). Il serait par conséquent logique que les évaluations des systèmes d’intégrité portent sur leur efficacité globale et leurs résultats généraux, et non sur les différentes politiques, surtout dans la mesure où la plupart des problèmes sociétaux actuels, et, dès lors, des tâches du gouvernement, sont multiformes et complexes, et exigent des politiques multiples.
6Le présent article a pour but de proposer un modèle théorique en matière d’efficacité des systèmes d’intégrité, qui puisse être vérifié de manière empirique. Nous commencerons par définir l’intégrité avant de passer en revue les conceptualisations antérieures des systèmes d’intégrité. Nous présenterons ensuite notre théorie sur les systèmes d’intégrité, qui débouchera sur six conditions qui sont importantes pour l’efficacité des systèmes d’intégrité. On retrouve ces conditions sous différentes configurations et nous soutenons qu’il peut exister au moins quatre catégories différentes sur la base des différentes trajectoires développementales suivies au fil du temps. Nous conclurons en énonçant les implications pour les recherches futures.
L’intégrité
7Le concept d’intégrité proprement dit n’est pas encore très précis et fait encore l’objet de discussions (Brenkert, 2004 ; Montefiore, 1999). Six et Huberts (2008) épinglent une série de perspectives différentes, allant de l’intégrité en tant qu’entièreté à l’intégrité en tant que comportement moral exemplaire ou que qualité d’agir dans le respect de lois et de codes. Nous nous appuyons sur les arguments de Six et Huberts (2008), qui voient l’intégrité comme le fait d’agir conformément aux valeurs et aux normes morales généralement acceptées afin de défendre l’intérêt public.
8Huberts et ses collègues (par ex., Huberts et al., 1999 ; Lasthuizen, 2008) distinguent neuf types de violations de l’intégrité dans le secteur public : la corruption, le conflit d’intérêts, l’utilisation abusive et la manipulation d’informations, le patronage et le copinage. Les politiques et les pratiques en matière d’intégrité ne ciblent pas toutes chaque type de violation, et Lasthuizen (2008) observe des antécédents très différents à la survenue de chaque type de violation (styles de leadership, climat éthique, conscience morale). De même, lorsqu’on s’intéresse aux gardiens de l’intégrité externes, la plupart ne sont pas censés protéger contre les différents types de violations. Huberts et al. (2008c) ont démontré que dans le système d’intégrité à Amsterdam, il existe cinq gardiens de l’intégrité externes habilités à enquêter sur les pots-de-vin, mais un seul (les médias) habilité à enquêter sur le patronage et le copinage ; dans le même ordre d’idées, trois gardiens externes préviennent les conflits d’intérêts (le vérificateur, le comptable et les médias). Le système d’Amsterdam ne comporte pas d’agence d’intégrité externe ; le Bureau de l’intégrité est un organe interne.
Conceptualisations antérieures des systèmes d’intégrité
9Au fil des ans, plusieurs conceptualisations des systèmes d’intégrité ont été proposées. L’objectif général du modèle de SNI de Transparency International (Pope, 2000) est de promouvoir l’intégrité de la gouvernance dans la société. Le modèle s’appuie sur des fondations, qui le soutiennent, et qui comprennent la prise de conscience du public et les valeurs de la société. Lorsque la prise de conscience du public et les valeurs sont marquées, elles soutiennent les piliers. Ces piliers comprennent la volonté politique de lutter contre la corruption, un Parlement actif en vue d’atteindre et de maintenir la bonne gouvernance et de lutter contre la corruption, un vérificateur général des comptes chargé de surveiller l’intégrité financière, un procureur général en tant que « gardien de l’intérêt général », un système de fonction publique visant à protéger le processus décisionnel public, le système judiciaire et la protection de l’état de droit, un médiateur, des agences anticorruption indépendantes, des procédures de passation des marchés, de comptabilité et de gestion financière appropriées, un secteur privé qui agit dans le cadre de la loi et une prise de conscience du public, des médias, une société civile et des organisations internationales favorables à l’éthique et à l’intégrité. L’approche est avant tout axée sur les institutions (Doig et McIvor, 2003).
10Dans son infrastructure de l’éthique, l’OCDE (2000) épingle des acteurs similaires au niveau national (comme le législatif, l’exécutif, le judiciaire, le vérificateur général des comptes, le médiateur, les organismes de surveillance et la société civile), mais elle n’utilise pas la métaphore du temple de Pope. Le cadre de l’OCDE souligne l’importance de l’engagement des responsables, de l’imputabilité et du contrôle, de la direction des agents (par ex., par le biais d’un code de conduite) et de la gestion (comme la nécessité d’un organe de coordination).
11Le projet australien NISA (Head et al., 2008) propose deux observations. Premièrement, il propose la métaphore du nid d’oiseau plutôt que celle du temple, au motif que les systèmes d’intégrité « ont tendance à s’appuyer sur divers éléments relativement faibles pour assurer leur succès plutôt que sur un nombre limité de piliers solides, capables de supporter une lourde charge. […] Les brindilles qui composent le nid du système d’intégrité ne sont pas les différentes institutions, mais les interactions cumulées entre les institutions » (NISA, 2005 : 8). La métaphore du temple de TI indique que le temple dans son ensemble est aussi solide que le pilier le plus faible, alors que la métaphore du nid de la NISA australienne laisse entendre qu’une « multitude d’institutions et de relations souvent faibles peuvent se combiner pour protéger plus efficacement et promouvoir l’objectif fragile de l’intégrité publique » (Sampford et al., 2005 : 96). La seconde contribution de la NISA est que les chercheurs se sont intéressés à trois thèmes dans leur évaluation : les conséquences en termes de succès, la capacité en termes de ressources et de compétences, et la cohérence en ce qui concerne le système dans son ensemble. Pour ces trois thèmes, leur conclusion est que des améliorations sont possibles et nécessaires.
12Huberts et al. (2008a) ont réalisé la première étude comparative systématique des systèmes d’intégrité locale (SIL) pour les villes. Ils ont étudié sept villes situées sur quatre continents et commencé leur analyse par une adaptation du modèle du temple de Pope, mais l’ont terminée par un cadre d’évaluation de neuf éléments. Leurs contributions conceptuelles sont multiples. Premièrement, ils traduisent le cadre du SNI au niveau de l’autorité locale. Deuxièmement, leur cadre d’évaluation prend davantage en considération la portée du système que les modèles antérieurs. Le deuxième élément du cadre analyse le contexte réglementaire, notamment au niveau du gouvernement central. Le troisième élément s’intéresse aux populations qui sont visées par le SIL. Au Royaume-Uni, le SIL cible essentiellement les politiciens, tandis qu’aux Pays-Bas, le SIL vise avant tout les agents de l’État. À Amsterdam, la différence entre le SIL pour les politiciens (pratiquement inexistant) et le SIL pour les fonctionnaires (de plus en plus efficace) devient un problème.
13Les conceptualisations examinées plus haut sont toutes statiques et axées sur les institutions, même si de nombreux auteurs reconnaissent que des enseignements et des améliorations continues s’imposent au fil du temps. Les systèmes d’intégrité agissent cependant dans un contexte dynamique, et les relations entre les différentes parties du système sont complexes. Ces aspects ne sont pas suffisamment pris en considération dans les modèles existants. Nous ne savons par ailleurs pas non plus si l’introduction de chaque modèle a effectivement un effet positif sur l’intégrité de la gouvernance. Aucun des modèles n’est de nature explicative. Les modèles de Pope et de l’OCDE sont essentiellement prescriptifs et ceux de la NISA et du SIL sont en grande partie descriptifs. Aucun ne s’appuie sur une théorie vérifiée.
14Les recherches empiriques réalisées à ce jour sur les systèmes d’intégrité indiquent qu’ils ont tendance à évoluer au fil du temps en suivant différentes trajectoires, avec différents effets de sentier, produisant différentes configurations pouvant faire apparaître une intégrité élevée (par ex., Doig et McIvor, 2003, 2008 ; Head et al., 2008 ; Huberts et al., 2008a ; Quah, 2010 ; rapport par pays Transparency International). Les systèmes nationaux d’intégrité du Royaume-Uni, des Pays-Bas et de Hong Kong, par exemple, présentent des différences marquées, alors que ces trois pays obtiennent tous de bons résultats dans les bases de données sur la corruption internationale (par ex., l’indice de perception de la corruption de Transparency International en 2011 pour ces pays est respectivement de 7,8, 8,9 et 8,4). L’approche configurationnelle en matière de systèmes d’intégrité reconnaît que plusieurs configurations peuvent exister qui mènent à une intégrité élevée, et pas juste une seule. L’approche configurationnelle est aussi très prometteuse lorsqu’on étudie les systèmes d’intégrité, car elle peut prendre en considération les relations de causalité complexes et non linéaires observées par Sampford et al. (2005) dans les systèmes nationaux d’intégrité en Australie. Les modèles de régression classiques ne sont par conséquent pas adaptés étant donné qu’ils ne tiennent pas compte de cette équifinalité. L’analyse configurationnelle est également mieux adaptée que l’analyse de régression classique pour faire face à la multicausalité mise en avant par les conceptualisations existantes. Compte tenu de ces caractéristiques, les systèmes d’intégrité se prêtent parfaitement à la théorie des ensembles et à l’analyse configurationnelle afin de développer et de tester une théorie sur l’efficacité des systèmes d’intégrité (Fiss, 2007 ; Ragin, 2008 ; Rihoux et Ragin, 2008 ; Vis, 2008).
Pour une théorie sur les systèmes d’intégrité
15Dans cette partie, nous développons une théorie sur les conditions susceptibles de déterminer l’efficacité des systèmes d’intégrité. Les systèmes d’intégrité sont considérés comme efficaces lorsque les risques pour l’intégrité sont suffisamment contenus, en d’autres termes lorsque les agents font preuve d’intégrité, en évitant les violations de l’intégrité. Dans le cadre des systèmes d’intégrité, il incombe aux organismes opérationnels de gérer l’intégrité de leurs agents. Plusieurs acteurs peuvent intervenir en tant que gardiens de l’intégrité dans les systèmes d’intégrité : une agence responsable de l’intégrité (également appelée « agence anticorruption »), un vérificateur, un médiateur, un contrôleur interne, la police, la justice, les médias et les observateurs civiques.
16Nous avançons que les conditions à intégrer dans un modèle conceptuel pour des systèmes d’intégrité efficaces sont les suivantes :
Conditions concernant la réforme anticorruption
- Absence de logique institutionnelle corrompue dans la société au sens large, c.-à-d. absence de valeurs sociétales qui favorisent activement la corruption.
- Un élément déclencheur d’une réforme de la corruption, comme une crise éthique ou une pression externe conduisant à la formulation et à la mise en œuvre de nouvelles politiques. Cet élément déclencheur peut être un événement passé.
Conditions concernant les gardiens externes
- Des organismes de supervision indépendants qui, ensemble, jouissent du pouvoir et des ressources (mandat, capacité et compétences) nécessaires pour examiner, juger et sanctionner l’ensemble des violations de l’intégrité visées par le système d’intégrité.
- Des médias indépendants et libres, et des groupes d’action civique qui ont accès aux informations publiques et peuvent rendre publiques les violations de l’intégrité.
Conditions internes aux agences gouvernementales
19Les politiques et pratiques éthiques au sein des agences gouvernementales renforcent l’internalisation des valeurs qui favorisent l’intégrité. Chaque risque pour l’intégrité qui est considéré comme important est suffisamment contenu. Cela peut s’observer dans :
- Les politiques et les pratiques solides axées sur les valeurs, comme la volonté politique et le leadership éthique.
- Les politiques et les pratiques basées sur la conformité, qui n’affaiblissent pas l’internalisation des valeurs éthiques, comme la supervision interne et le contrôle.
20Ces conditions s’appuient sur une vision dynamique des composantes des systèmes et pas uniquement sur le système d’intégrité au moment de la mesure (par ex., condition no 2). Elles ne s’arrêtent pas non plus à la présence ou à l’absence d’institutions et prennent en considération les qualités des politiques et des pratiques, de même que les qualités opérationnelles des institutions (par ex., conditions nos 3 et 6).
Conditions concernant la réforme anticorruption
i – Absence de logique institutionnelle corrompue
21On observe différentes configurations de mesures et d’acteurs dans le monde et plusieurs configurations donnent lieu à de bons résultats en matière d’intégrité. Nous partons de l’hypothèse que l’une des explications à la présence de différentes configurations donnant lieu à une intégrité élevée est que dans certains pays, l’intégrité a toujours été telle que les gouvernements n’ont jamais ressenti le besoin de lancer des réformes anticorruption, en instaurant des règles formelles et en créant des agences de lutte contre la corruption. Une solide logique institutionnelle éthique a toujours été présente sans que des règles formelles s’imposent (Misangyi et al., 2008). Il n’y a pas eu d’élément déclencheur sous forme de crise éthique, de pression externe ou autre. Dans d’autres pays, en revanche, le manque d’intégrité (corruption élevée) a amené les gouvernements à se lancer, à un moment donné, dans une réforme anticorruption, généralement en introduisant des règles formelles et des institutions chargées de lutter contre la corruption. La logique institutionnelle corrompue l’emportait et les valeurs de la société ne rejettent pas la corruption (Pope, 2000). Les règles formelles et les agences chargées de protéger l’intégrité et de lutter contre la corruption ne sont introduites qu’après l’apparition d’un élément déclencheur externe, comme une crise éthique majeure ou une pression ou une réglementation externe forte.
22L’application de ce modèle aux systèmes nationaux d’intégrité fait apparaître quatre catégories de pays. Premièrement, les pays qui ont toujours eu une logique institutionnelle éthique dominante et qui ont dès lors toujours fait preuve d’une intégrité élevée et n’ont jamais eu à lancer de grandes réformes anticorruption. On y trouve donc relativement peu d’agences et de règles formelles chargées de lutter contre la corruption. La Finlande est un exemple typique de pays appartenant à cette catégorie. Le pays a toujours présenté un faible niveau de corruption au fil du temps dans toutes les études internationales comparées, ce qui est le signe d’une logique institutionnelle éthique dominante stable. Parallèlement à cela, il ne possède pas autant de règles et d’agences formelles que beaucoup d’autres pays (GRECO, 2004). Les mesures que la Finlande a introduites portent sur le renforcement de l’internalisation des valeurs, c.-à-d. sur la logique de l’éthique. Par conséquent, dans les pays où la logique institutionnelle éthique a toujours été prédominante, et qui n’ont (dès lors) jamais eu à lancer des réformes anticorruption, les règles formelles et les agences chargées de lutter contre la corruption seront relativement peu nombreuses.
23La deuxième catégorie se compose des pays qui présentent une logique institutionnelle corrompue prédominante et qui ont lancé des réformes anticorruption en mettant en place des règles formelles et des agences de lutte contre la corruption. Ils ne sont cependant pas (encore) parvenus à remplacer la logique corrompue par une logique éthique et des valeurs sociétales fortes qui favorisent l’intégrité. La Bulgarie est un exemple typique de pays appartenant à cette catégorie, puisqu’elle obtient un score systématiquement élevé en termes de corruption alors que sur papier, les règles formelles et agences anticorruption y sont nombreuses.
24La troisième catégorie se compose des pays qui sont parvenus à remplacer la logique institutionnelle corrompue par une logique éthique, c’est-à-dire qui ont entrepris des réformes anticorruption efficaces. Tandis que la logique institutionnelle corrompue l’emportait autrefois, c’est la logique éthique qui l’emporte à présent. Qu’est-ce qui explique leur succès, en particulier par rapport à la deuxième catégorie ? Quel est le juste dosage de politiques, de pratiques et d’acteurs qui a permis de contenir ainsi les risques pour l’intégrité et, partant, d’assurer une intégrité élevée ? Hong Kong est un exemple typique de pays dans cette catégorie.
25La quatrième catégorie éventuelle se compose des gouvernements qui présentent globalement une logique éthique prédominante dans la société au sens large, mais des lacunes dans le système de limitation des risques, qui donnent lieu à des crises éthiques occasionnelles. Ces crises déclenchent quant à elles la mise en œuvre de nouvelles mesures. Le Royaume-Uni, les Pays-Bas, mais aussi des villes comme Amsterdam, New York et Anvers, sont quelques exemples appartenant à cette catégorie. Cette catégorie se situe, sur le plan conceptuel, entre la première et la troisième. La logique institutionnelle éthique est relativement stable, favorisée qu’elle est par des valeurs sociétales en faveur de l’intégrité, mais elle n’est pas aussi influente et dominante que dans la première catégorie. Par conséquent, les agents peuvent être tentés de commettre des violations de l’intégrité lorsque les risques ne sont pas suffisamment contenus. Lorsqu’un vaste scandale éclate et fait apparaître la mauvaise conduite (d’un grand nombre) d’agents, le public va exiger des règles plus strictes, car les gens sont favorables à une meilleure gestion des risques. Citons par exemple le scandale des dépenses au Royaume-Uni en 2009, mais aussi le scandale dit du « cash-for-questions » au milieu des années 90. Compte tenu de la logique éthique bien présente dans la société, la bonne mise en œuvre de ces nouvelles mesures sera vraisemblablement plus facile à assurer que dans le cas de la catégorie no 3, où la logique de corruption était bien établie au début du processus de réforme anticorruption. Comme pour la catégorie no 3, la question est de déterminer le juste dosage de politiques et de pratiques qui s’impose pour parvenir à limiter les risques pour l’intégrité et renforcer l’intégrité, même s’il est probable que, compte tenu des situations de départ variables, le dosage approprié sera parfois différent.
26La première condition est par conséquent la suivante :
- Absence de logique institutionnelle corrompue dans la société au sens large, c.-à-d. absence de valeurs sociétales qui favorisent activement la corruption.
ii – Conditions de réforme
27Comme indiqué plus haut, les nouvelles politiques et pratiques ne sont généralement introduites qu’à la suite de changements dans l’environnement. De nouvelles mesures en faveur de l’intégrité ou de la lutte contre la corruption sont souvent introduites dans le cadre des réformes anticorruption à la suite d’un événement déclencheur externe, comme une crise éthique majeure (par ex., Huberts et al., 2008a ; Maesschalck, 2002) ou une pression externe, par ex., de la part de la Banque mondiale ou de l’Union européenne (UE). Les crises éthiques majeures sont souvent déclenchées par la dénonciation par les médias de la mauvaise conduite éthique (d’un grand nombre) d’agents. Citons, par exemple, le scandale des dépenses de 2009 au Royaume-Uni, qui concernait les députés au Parlement. Pour que cela soit possible, les médias doivent être libres et indépendants (Pope, 2000). Dans certains pays, des groupes d’action civique collaborent avec les médias pour enquêter sur ces violations de l’intégrité et les dénoncer, et faire ainsi campagne pour une réforme anticorruption.
28Dans l’étude empirique d’Huberts et al. (2008a) sur le développement des systèmes d’intégrité locale, il aura fallu attendre qu’une crise majeure éclate dans chacune des sept villes pour que le public et les politiques s’intéressent à la question de la lutte contre la corruption et de la protection de l’intégrité. Ce n’est qu’alors que de vastes réformes ont été mises en œuvre et que des agences responsables de l’intégrité ont été créées. Lorsque l’intégrité est faible, notamment, les conditions doivent être réunies pour que des médias indépendants et libres et des groupes d’action civique qui ont accès aux informations publiques puissent rendre publiques les violations de l’intégrité.
29Parmi les exemples de pression externe, citons la pression exercée par l’UE sur les nouveaux États membres, comme la Roumanie et la Bulgarie, pour qu’ils fassent aboutir la réforme anticorruption en mettant en place des acteurs, des politiques et des pratiques déterminés propres à un système d’intégrité conçu par les administrateurs européens (UE, 2008). Un exemple au niveau local concerne le Royaume-Uni où, en 2001, le gouvernement central a imposé des mesures aux autorités locales pour qu’elles constituent des comités des normes, désignent des agents de contrôle et adoptent le Code de conduite (Lawton, 2008 ; Lawton et Macaulay 2004).
30La deuxième condition est par conséquent la suivante :
- Un élément déclencheur d’une réforme de la corruption, comme une crise éthique ou une pression externe conduisant à la formulation et à la mise en œuvre de nouvelles politiques. Cet élément déclencheur peut être un événement passé.
31Quel est donc le juste dosage ou la juste configuration de politiques, de pratiques et d’acteurs en faveur de l’intégrité pour chacune des différentes catégories ? Comment peut-on commencer à conceptualiser ces différentes composantes des systèmes d’intégrité ? Quels sont les mécanismes sous-jacents qui déterminent l’efficacité d’une combinaison donnée ? Nous avançons que les systèmes d’intégrité présentent deux niveaux : un niveau externe et un niveau interne. Le niveau externe se compose d’un réseau d’acteurs dotés d’une fonction de supervision à l’égard de la hiérarchie et ces acteurs entretiennent souvent une forme de relation d’imputabilité horizontale entre eux (Sampford et al., 2005). En ce qui concerne le niveau interne, différents acteurs entretiennent les uns avec les autres une relation bureaucratique ou politico-administrative traditionnelle : agents de première ligne, responsables opérationnels, dirigeants d’entreprise, services fonctionnels et représentants élus.
Conditions concernant les gardiens externes
iii et iv – Organismes de supervision indépendants et médias
32Les gardiens externes prennent différentes formes (médiateur, vérificateur externe ou agence spéciale responsable de l’intégrité (ou de la lutte contre la corruption)) dans différentes combinaisons. Différents modèles d’agences anti-corruption ont été identifiés (voir Quah, 2010), avec des degrés variables de rôles et de responsabilités. Leur succès sera déterminé par un certain nombre de facteurs essentiels (Doig, Watt et Williams, 2007 ; Law, 2008). La police, les médias et les organisations civiques joueront également le rôle de gardiens externes. Par définition ou presque, les acteurs et les politiques qui agissent à l’extérieur de l’organisation au cœur du système d’intégrité sont basés sur la conformité puisqu’ils sont imposés par l’extérieur à des agents et que leur influence va par conséquent se faire sentir par la motivation externe et le contrôle du comportement.
33Lorsque l’on accorde trop d’importance aux gardiens de l’intégrité externes, le système risque de réduire l’internalisation des valeurs. L’idéal est que les poids et contrepoids internes aux organisations opérationnelles soient tels que les organismes de surveillance externes n’aient pas besoin de prendre des mesures correctrices. Ils restent néanmoins nécessaires pour assurer l’efficacité des agents visés.
34Les troisième et quatrième conditions sont par conséquent les suivantes :
- Des organismes de supervision indépendants qui, ensemble, jouissent du pouvoir et des ressources (mandat, capacité et compétences) nécessaires pour examiner, juger et sanctionner l’ensemble des violations de l’intégrité visées par le système d’intégrité.
- Des médias indépendants et libres, et des groupes d’action civique qui ont accès aux informations publiques et peuvent rendre publiques les violations de l’intégrité.
Conditions internes
v et vi – Approches basées sur les valeurs et la conformité
35Bon nombre de chercheurs s’intéressant aux systèmes d’intégrité semblent traiter le niveau interne comme une boîte noire et se concentrer sur le réseau de gardiens de l’intégrité externes (par ex., Head et al., 2008 ; Pope, 2000). Le problème avec cette approche est qu’elle suppose que le garant des systèmes d’intégrité efficaces réside dans la capacité et la cohérence de ces gardiens externes (Head et al., 2008), sans prendre en considération le rôle essentiel joué par les politiques et pratiques en faveur de l’intégrité au niveau interne. D’autres chercheurs reconnaissent cela plus explicitement (Huberts et Six, 2012 ; OCDE, 2000, 2005). Ce qui semble essentiel au niveau interne est l’attachement des responsables opérationnels à la gestion de l’intégrité (Lasthuizen, 2008 ; Treviño et al., 2003), les analyses des risques bien conçues et les procédures ultérieures visant à limiter les principaux risques et à sanctionner les auteurs (Lange, 2008 ; Maesschalck, 2005), les codes de conduite (Kaptein et Schwartz, 2008) et, plus généralement, la prise de conscience du personnel et sa connaissance des mesures liées aux risques pour l’intégrité. Il est aujourd’hui communément admis qu’un juste dosage de politiques et de pratiques éthiques basées sur les valeurs et sur la conformité doit être présent pour garantir le respect de l’éthique (Gilman, 1999 ; Maesschalck, 2005 ; Menzel, 2007 ; Treviño et al., 2003).
36L’intégrité est assurée lorsque les risques pour l’intégrité sont limités. En d’autres termes, lorsque les agents font preuve d’intégrité, d’un comportement éthique et évitent la corruption et les autres violations de l’intégrité. Le but des systèmes d’intégrité est par conséquent d’orienter les choix des agents pour qu’ils privilégient les comportements éthiques et évitent la corruption et les comportements contraires à l’éthique. Tenbrunsel et Smith-Crowe (2008) proposent un modèle pour les processus décisionnels moraux basé sur un argument central, à savoir que les décideurs confrontés à une situation de décision présentant des dimensions éthiques vont aborder la situation dans un cadre moral (éthique) ou dans un cadre amoral (commercial, juridique). Ils basent leur modèle sur de nombreuses preuves empiriques (par ex., Tenbrunsel et Messick, 1999). Les deux cadres décisionnels peuvent déboucher sur des comportements éthiques ou contraires à l’éthique (illustration 1), mais une distinction importante doit être établie dans les deux voies qui mènent au comportement éthique. Lorsque des agents dans un cadre moral décident d’agir de manière éthique, ils seront intentionnellement éthiques, alors que lorsque des agents dans un cadre amoral décident d’agir de manière conforme à l’éthique, ils le feront involontairement. Les recherches empiriques indiquent que la probabilité d’observer un comportement éthique est plus élevée dans un cadre moral que dans un cadre amoral, toutes choses étant égales par ailleurs (p. 1 > p. 2 dans l’illustration 1) (Tenbrunsel et Messick, 1999). En présence d’un cadre amoral (basé sur des calculs des coûts/avantages ou des règles juridiques), les agents ne se comporteront de manière éthique que si les règles et les sanctions font qu’il s’agit de la « bonne » décision à prendre (Tenbrunsel et Messick, 1999). Cette idée cadre avec la logique de l’action appropriée de March (1994) et avec la distinction établie par Lindenberg entre les cadres généraux axés sur l’intérêt personnel (hédonique et gain) par rapport à son cadre normatif en matière de processus décisionnel (par ex., 2003).
Processus décisionnel moral (adapté de Tenbrunsel et Smith-Crowe, 2008)
Processus décisionnel moral (adapté de Tenbrunsel et Smith-Crowe, 2008)
37Si l’on applique les concepts de la théorie institutionnelle (cf. Misangyi et al., 2008), un cadre moral a plus de chances d’exister lorsqu’une logique institutionnelle éthique prédomine dans l’organisation et dans la société au sens large, alors qu’un cadre amoral est plus probable lorsqu’une logique institutionnelle corrompue l’emporte. Lindenberg (1998, 2003) indique en outre que les individus sont sensibles aux cadres de ceux qui les entourent : il y a « résonance des cadres ». Les individus ont plus de chances d’agir à partir d’un cadre moral ou normatif lorsque les gens qui les entourent agissent à partir d’un tel cadre plutôt qu’à partir d’un cadre intéressé. En d’autres termes, lorsque les valeurs de la société au sens large ou de l’organisation sont favorables au comportement éthique, alors un cadre moral est plus probable chez les agents, alors que les valeurs sociétales favorables aux comportements corrompus favorisent les cadres amoraux et, dès lors, les comportements corrompus (cf. Pope, 2000).
38Pour en revenir à l’illustration 1, la principale voie menant à l’intégrité consiste à renforcer le cadre moral et à affaiblir le cadre amoral (maximisation de z dans l’illustration 1). Les politiques et pratiques éthiques solides basées sur des valeurs renforcent le cadre moral (Maesschalck, 2005). Une volonté politique bien établie (Doig et McIvor, 2003), un leadership éthique sérieux (Lasthuizen, 2008), des codes éthiques (Kaptein et Schwartz, 2008) et des climats éthiques qui stimulent le dialogue à propos des dilemmes éthiques sont autant de politiques et de pratiques qui stimulent le cadre moral chez les agents. Parmi les exemples de politiques et de pratiques basées sur la conformité, citons les règles et les procédures visant à réduire les risques pour l’intégrité en supprimant les éventuelles tentations liées aux comportements contraires à l’éthique, les sanctions à l’égard des comportements contraires à l’éthique (et les récompenses pour les comportements éthiques) (Lange, 2008 ; Maesschalck, 2005). Certaines politiques basées sur la conformité peuvent cependant évincer les effets des politiques basées sur des valeurs. Toutes les combinaisons de politiques ne sont donc pas efficaces. Aucune théorie n’existe encore, cependant, qui permette d’expliquer à quel moment une combinaison est efficace et pourquoi. Nous entendons jeter les bases d’une telle théorie dans la présente étude.
39Si l’on reformule la question sur la base de nos conditions conceptuelles, les politiques et pratiques éthiques basées sur la conformité doivent être définies et mises en œuvre de telle sorte qu’elles n’affaiblissent pas l’internalisation de la valeur, au risque d’affaiblir le cadre moral (Tenbrunsel et Smith-Crowe, 2008). Nous utilisons la théorie de l’autodétermination (TAD) en tant que cadre théorique pour expliquer à quel moment une combinaison de politiques et de pratiques éthiques basées sur les valeurs et sur la conformité a des chances d’être efficace (pour un aperçu de la TAD, voir Deci et Ryan, 2000 ; Ryan et Deci, 2000). La TAD s’appuie sur les théories antérieures de la motivation intrinsèque/extrinsèque. Les activités autodéterminées sont « les tâches que les employés exécutent naturellement et spontanément quand ils se sentent libres de suivre leurs intérêts intérieurs » (Deci et Ryan, 2000 : 234) ; en d’autres termes, lorsqu’ils se sentent libres de suivre leurs valeurs et leurs normes propres. Lorsqu’ils exécutent des activités autodéterminées, les gens perçoivent un locus interne de causalité. Lorsque, cependant, des récompenses externes sont introduites pour ces activités, « les gens ont tendance à se sentir contrôlés par les récompenses, ce qui provoque un changement dans le locus perçu de la causalité pour le comportement d’interne à externe » (Deci et Ryan, 2000 : 234).
La TAD postule que plus les gens internalisent et intègrent les valeurs et les normes socialement acceptées, plus leurs actions seront autodéterminées et plus leur locus de causalité a de chances d’être interne.
41La TAD s’appuie sur l’idée de favoriser les trois besoins psychologiques de base qu’ont les gens : l’autonomie, la compétence et le rapprochement. Selon la TAD, le fait que les gens « souhaitent participer à des activités intéressantes, exercer leurs capacités, rechercher le rapprochement dans les groupes sociaux et intégrer les expériences intrapsychiques et interpersonnelles dans une unité relative » (Deci et Ryan, 2000 ; 229) fait partie de la façon dont les organismes humains sont conçus et fonctionnent.
42Plus les mesures de contrôle et la réglementation répondent aux besoins fondamentaux des gens en termes de compétences, d’autonomie et de rapprochement, plus les gens auront de chances d’internaliser et d’intégrer les valeurs et les normes approuvées socialement – en d’autres termes, d’agir à partir d’un cadre moral. Le fait d’agir conformément à l’éthique, en évitant les tentations de commettre des violations de l’intégrité, ne s’appuie pas sur la motivation intrinsèque au sens strict du terme : les activités intrinsèquement motivées sont définies « comme celles que les individus trouvent intéressantes et feraient en l’absence de conséquences opérationnellement séparables » (Deci et Ryan, 2000 : 233). Nous soutenons que le comportement éthique est, dans le meilleur des cas, une motivation extrinsèque pleinement intégrée et internalisée. La motivation extrinsèque pleinement internalisée « reste une motivation extrinsèque car, même si elle est pleinement volitive, elle est instrumentale » (Deci et Ryan, 2000 : 237).
43Par conséquent, le comportement éthique et l’intégrité ont plus de chances d’être « de qualité » lorsque les conditions sont réunies pour que le comportement des agents soit autodéterminé, ce qui n’est possible que lorsque les agents sont en mesure de satisfaire leurs besoins psychologiques de base en termes d’autonomie, de compétence et de rapprochement. Cela suppose par ailleurs que toutes les mesures en faveur de l’éthique doivent tendre à répondre à ces besoins. Les politiques et les pratiques en faveur de l’éthique basées sur des valeurs s’attaquent directement à l’internalisation et à l’intégration des valeurs et seront dès lors toujours favorables au cadre moral.
44La plupart des politiques basées sur la conformité sont généralement initiées au niveau global, mais elles sont mises en œuvre au niveau opérationnel par des responsables opérationnels. Souvent, du point de vue des agents de terrain, les politiques appliquées au niveau global sont perçues comme imposées par l’extérieur, ce qui suppose un risque important d’affaiblissement de l’internalisation de la valeur et du cadre moral. Les gardiens de l’intégrité internes, comme les vérificateurs et les contrôleurs internes ou les agences spéciales responsables de l’intégrité habilitées à mener l’enquête, font partie des mesures basées sur la conformité au niveau global.
45Enfin, les cinquième et sixième conditions sont les suivantes :
- Les politiques et les pratiques solides axées sur les valeurs, comme la volonté politique et le leadership éthique.
- Les politiques et les pratiques basées sur la conformité, qui n’affaiblissent pas l’internalisation des valeurs éthiques, comme la supervision interne et le contrôle.
Vérification du modèle
46Une recherche empirique s’impose à présent, qui développe et vérifie la théorie proposée. Cette recherche doit être basée sur des cas plutôt que sur des variables afin de tenir compte des différentes configurations (Byrne et Ragin, 2010). Dans le cadre du modèle théorique global, deux méthodes peuvent être employées : l’analyse d’études de cas approfondie (généralement, des études à petit N) et l’analyse des ensembles flous (des études à N moyen à grand). Les études de cas approfondies nous permettent de bien comprendre l’évolution des systèmes d’intégrité au fil du temps et, le cas échéant, les réformes anticorruption. Elles vont nous aider à déterminer les conditions à intégrer dans nos analyses des ensembles flous. Parallèlement à cela, une analyse comparative qualitative, s’appuyant sur des ensembles précis ou flous, permettra d’identifier les cas qui méritent une analyse plus approfondie (Fiss, 2007 ; Ragin, 2000, 2008 ; Rihoux et Ragin, 2008). Nous appliquerons dès lors les deux méthodes de manière interactive et simultanée, et non de manière successive.
47Tandis que nous tentons de déterminer les combinaisons de conditions, c’est-à-dire les configurations, dans les systèmes d’intégrité qui améliorent l’intégrité des gouvernements nationaux, les chercheurs devraient étudier les mécanismes sociaux sous-jacents qui expliquent pourquoi ces configurations produisent le résultat souhaité. Il s’agit d’un processus itératif et créatif qui nous permet de mieux comprendre les différents cas et de rechercher des explications fondées sur des théories existantes dans d’autres domaines. C’est ainsi qu’est définie la théorie sur les systèmes d’intégrité.
Analyse des ensembles flous
48L’analyse des ensembles flous est une forme de l’approche axée sur la théorie des ensembles. Dans la théorie des ensembles, les cas sont analysés pour leur appartenance à différents ensembles. Par exemple, un cas, un pays, peut faire partie de l’ensemble des États membres de l’UE, ou pas. Un cas peut aussi être considéré comme faisant partie de l’ensemble des nations démocratiques, ou pas. Dans le premier exemple, il est facile de déterminer pour chaque cas s’il fait ou non partie de l’ensemble (ensembles précis). Dans le second exemple, la situation est moins évidente. Les ensembles flous permettent une plus grande variation dans l’appartenance à des ensembles. La théorie des ensembles flous est particulièrement appropriée dans les domaines présentant une complexité causale. Il existe plusieurs combinaisons de conditions qui mènent à l’apparition d’une issue donnée et une condition donnée peut mener à différentes issues, en fonction du contexte social (Vis, 2008). Comme indiqué plus haut, nous supposons que les systèmes d’intégrité présentent une complexité causale.
49L’une des principales caractéristiques de l’analyse des ensembles flous est que les chercheurs doivent se montrer très explicites et transparents à propos du choix des cas eu égard à la question de recherche, à la théorie et à ce qu’ils savent déjà sur les cas potentiels. La deuxième caractéristique concerne l’obligation pour les chercheurs de se montrer très explicites et transparents à propos du codage ou de la mesure des conditions et du résultat (Ragin, 2000). L’étalonnage du codage des conditions et du résultat est déterminant et doit s’appuyer sur une connaissance approfondie du contexte et des cas (Fiss, 2007). Le codage de chaque condition et du résultat s’appuie sur l’évaluation de plusieurs indicateurs et observations qualitatives découlant des cas.
50Le type de données requises nécessaires pour bien mesurer les six conditions nécessaires à des systèmes d’intégrité efficaces n’est pas disponible dans les bases de données existantes. En ce qui concerne les systèmes nationaux d’intégrité, l’ensemble de données « Qualité du gouvernement » (« Quality of Government ») (Teorell et al., 2010) rassemble des données extraites notamment du Global Integrity Report (GIR), des indicateurs de la gouvernance de la Banque mondiale (WBGI) et de la World Values Survey (WVS). Aucune de ces données ne mesure les conditions au niveau de détail souhaité, en s’intéressant aux politiques et pratiques éthiques, en établissant la distinction entre les politiques basées sur la conformité et celles basées sur les valeurs. En ce qui concerne le résultat, la limitation des risques pour l’intégrité, trois bases de données peuvent apporter des indications préliminaires intéressantes grâce à des indicateurs de la perception du niveau de corruption (l’indice de perceptions de la corruption de Transparency International, 180 pays, depuis 1995 ; l’indicateur du contrôle de la corruption de la Banque mondiale, 212 pays, depuis 1996 ; et l’indicateur de la corruption de l’International Country Risk Guide, 140 pays, depuis 1984).
51Pour effectuer l’analyse des ensembles flous, on peut utiliser le progiciel fs/QCA. La première étape de l’analyse consiste à préparer « un tableau de vérité répertoriant les différentes configurations [de conditions] possibles et indiquant si ces configurations mènent au résultat en question » (Fiss, 2007 : 1184). Au cours de l’étape suivante, la logique des ensembles flous est appliquée « pour déterminer les points communs entre les configurations » et pour produire une conclusion logique (Fiss, 2007 : 1184). Les ensembles flous sont prouvés de façon mathématique (Ragin, 2000).
Illustration hypothétique
52Afin d’illustrer le fonctionnement de l’analyse des ensembles dans l’analyse de l’efficacité du SNI, nous proposons une illustration hypothétique. Pour simplifier, dans cette application hypothétique, nous utilisons des ensembles précis, où la présence de composantes est définie au moyen de valeurs binaires (oui/non). Pour chaque condition pertinente du système de SNI, la présence effective est codée « oui » (= présente) ou « non » (= non présente). Nous limitons cette illustration hypothétique à quatre conditions :
- Présence de politiques et pratiques effectives basées sur des valeurs
- Présence d’organismes de supervision indépendants (observateurs critiques)
- Présence de médias indépendants et libres effectifs
- Absence de logique institutionnelle corrompue dans la société
53Le résultat est codé selon la présence d’une intégrité élevée (= « oui ») ou non (= « non »). Cf. tableau 1 pour le « tableau de vérité » qui en résulte avec le codage (Fiss, 2007). Avec quatre conditions et, pour chaque condition, deux valeurs possibles (présente ou absente), on obtient 24 = 16 configurations théoriquement possibles au total. Pour quatre de ces configurations, aucun cas n’a été observé (B, N, O et P). Pour quatre configurations, le résultat souhaité a été observé (A, H, J et M). Dans chacune de ces quatre configurations, la condition IV, absence de logique corrompue dans la société au sens large, est présente. Cela en fait une condition nécessaire, mais pas une condition suffisante, car dans les configurations D, E et Q, elle est aussi présente sans impliquer logiquement le résultat souhaité. Dans la configuration A, les quatre conditions sont présentes, mais dans les trois autres configurations, seules deux des quatre conditions possibles sont présentes.
« Tableau de vérité »
« Tableau de vérité »
54L’énoncé complet est formulé comme suit :
55(I ·II ·III · IV) + (I · IV) + (II · IV) + (III · IV) ? intégrité élevée
56(Remarque : ·= AND ; + = OR ; ? = implique logiquement ; I = condition I, etcetera)
57En appliquant la logique booléenne pour simplifier l’énoncé, on obtient :
58(I · IV) + (II · IV) + (III · IV) ? intégrité élevée
59Dans l’analyse des ensembles flous, ces relations propres à la théorie des ensembles sont évaluées en calculant la portée de chaque sous-ensemble cohérent, une analyse « quelque peu analogue au découpage de la variance expliquée dans l’analyse de régression multiple » (Ragin, 2006 : 291). En calculant la cohérence, on évalue « la mesure dans laquelle la relation du sous-ensemble est estimée » (Ragin, 2006 : 291). Le logiciel utilisé pour l’analyse peut calculer ces mesures, mais aussi évaluer l’effet d’une diversité limitée, c’est-à-dire le fait de ne pas disposer de cas pour toutes les configurations théoriquement possibles.
60Dans le modèle proposé, six conditions sont présentées et il y a dès lors en principe 64 (26) configurations possibles, mais certaines sont théoriquement improbables, par ex., celles où l’on retrouve à la fois une forte présence de politiques et de pratiques éthiques basées sur des valeurs dans des agences gouvernementales, qui indiquent une internalisation marquée des valeurs éthiques de la part des agents de l’État, et une forte présence de la logique institutionnelle corrompue dans la société en général (ce qui enlève seize combinaisons possibles). D’autres configurations sont peu probables sur le plan empirique dans le monde globalisé d’aujourd’hui, par ex., celles où une solide logique institutionnelle corrompue est présente dans la société en général et où aucun élément déclencheur d’une réforme n’existe (par ex., aucune pression externe de la part d’organisations internationales comme les Nations unies, la Banque mondiale ou l’Union européenne) (cela enlève huit combinaisons possibles).
Conclusions et implications pour les recherches futures
61La présente étude visait à élaborer une théorie pour l’évaluation de l’efficacité des systèmes d’intégrité. Qu’est-ce qu’un système d’intégrité efficace et pourquoi ? Une telle théorie s’impose d’urgence, les modèles proposés à ce jour étant soit descriptifs, soit prescriptifs ; aucun n’est explicatif. Nombreux sont cependant ceux utilisés dans la pratique par les organismes internationaux de développement et d’aide. Nous utilisons une approche configurationnelle, basée sur la théorie des ensembles, étant donné que les recherches empiriques (descriptives) indiquent qu’il n’existe pas de méthode optimale ; il existe différentes configurations de politiques, de pratiques et d’institutions qui peuvent conduire à un même résultat, à savoir une intégrité élevée et une limitation efficace des risques pour l’intégrité. L’une des explications possibles à cette équifinalité concerne sans doute les effets de sentier et les trajectoires de développement différents des différents systèmes d’intégrité. Nous proposons quatre catégories de pays, sur la base de leurs trajectoires de développement différentes au fil du temps. Nous proposons six conditions qui contribuent au résultat – l’intégrité du système. Les niveaux d’analyse de notre modèle sont l’individuel, l’organisation et l’environnement extérieur.
62Une recherche empirique s’impose à présent, qui développe et vérifie la théorie proposée. Cette recherche doit être basée sur des cas plutôt que sur des variables afin de tenir compte des différentes configurations (Byrne et Ragin, 2010). Une analyse comparative qualitative, s’appuyant sur des ensembles précis ou flous, semble appropriée (Fiss, 2007 ; Ragin, 2008 ; Rihoux et Ragin, 2008). Idéalement, la théorie se vérifie sur la base de nombreux cas (N moyen à élevé), mais les études à N plus petit peuvent aussi produire des indications intéressantes sur le bien-fondé de la théorie.
63Les pays comme les villes s’en remettent de plus en plus à des agences responsables de l’intégrité et autres politiques et pratiques en faveur de l’éthique pour les aider à lutter contre la corruption et les violations de l’intégrité. Le moment est donc venu de se pencher sur l’efficacité des systèmes d’intégrité. La théorie innovante élaborée dans la présente étude apporte une contribution essentielle au développement théorique dans ce domaine, en s’intéressant à ce qu’est un système d’intégrité efficace et pourquoi. Le modèle fait parfois apparaître des situations où peu de conditions nécessaires (voire aucune) à une réforme anticorruption efficace (en vue de passer d’une intégrité faible à une intégrité élevée) sont présentes. Dans les pays qui affichent actuellement une faible intégrité, la pression externe, même lorsqu’une aide financière et en termes de conseils est offerte, en faveur de l’introduction d’agences anticorruption, de l’adoption de lois et de l’introduction de nouvelles règles, est parfois vaine tant que la logique institutionnelle qui prévaut dans la société au sens large n’est pas prise en considération. Cette observation cadre avec l’idée présentée par Persson, Rothstein et Teorell (2012), qui soutiennent que la corruption est davantage un problème d’action collective qu’un problème de principal-agent. Par ailleurs, le fait d’analyser les politiques et pratiques basées sur la conformité sans s’intéresser à la mesure dans laquelle elles affaiblissent ou renforcent l’internalisation des valeurs éthiques sera vain dans ces situations.
64Grâce à cette meilleure compréhension des systèmes d’intégrité, basée sur la théorie, nous sommes certains que des conseils pratiques reposant sur des informations factuelles pourront au final être prodigués aux responsables politiques et administratifs qui souhaitent réduire la corruption et améliorer l’intégrité des gouvernements partout dans le monde.
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Mots-clés éditeurs : gestion de l'éthique, théorie des ensembles, systèmes d'intégrité, analyse configurationnelle, cadre éthique
Date de mise en ligne : 16/01/2014
https://doi.org/10.3917/risa.794.0687