Résumé
L’intégration « à la française » a toujours mis l’accent sur la mixité précoce, la fréquentation maximale des espaces sociaux ordinaires pour favoriser la participation sociale des personnes handicapées. La normalisation maximale projetée vise un idéal d’assimilation. Les personnes handicapées ayant investi le sport dans cette logique se sont engagées dans des pratiques en club ordinaire, s’efforçant de jouer le jeu de « l’identique ». Une étude clinique menée au travers d’un protocole longitudinal sur une période de dix ans expose le cas d’une jeune sportive paraplégique, et retrace une trajectoire marquée par une volonté permanente de normalisation soutenue par l’environnement familial. Une analyse qualitative de l’évolution psychologique, sociale, sportive et professionnelle de cette jeune femme, entre 22 et 32 ans fait apparaître que la logique d’assimilation, incorporée comme ligne de conduite, a produit des effets pervers qui ont entravé le processus d’intégration sociale et conduit le sujet à des conflits de représentations qui débouchent sur une situation bloquée. L’étude permet de mettre en évidence les interactions entre représentation de soi, identité sociale, représentations du sport et de ses différentes modalités de pratique (sport de loisir, sport de haut niveau, pratique intégrée, pratique entre pairs), et souligne les effets singuliers produits par la logique d’assimilation dans le cas étudié. Elle met en évidence les processus par lesquels le sport, classiquement présenté comme espace de socialisation et d’intégration, peut paradoxalement mener à l’isolement social.
Abstract
French-style integration has always emphasised early mixing, maximum attendance at ordinary social venues to promote the social participation of handicapped people. The projected maximum normalisation aims at an ideal assimilation. Handicapped people who have taken on sport in this spirit have embarked on practice in ordinary clubs, trying hard to play the game “identically”. A clinical study carried out through a longitudinal protocol over a period of ten years describes the case of a young paraplegic sportswoman, and follows her career marked by a permanent wish for normalisation supported by the family environment. A qualitative analysis of the psychological, social, sporting and professional evolution of this young woman, between 22 and 32 years, shows that the logic of assimilation, incorporated as a line of conduct, produced pernicious effects which hindered the process of social integration and led the subject to conflicts in representation which resulted in a blocked situation. The study makes it possible to show interactions between representation of self, social identity, representations of sport and the different ways of practising it (leisure sport, top level sport, integrated practice, practice among peers), and emphasises the unusual effects produced by the logic of assimilation in the case studied. It reveals the processes by which sport, which is classically presented as an opportunity for socialisation and integration, may paradoxically lead to social isolation.