L’ouvrage que nous présente Florence Giust-Desprairies pourrait tout aussi bien s’intituler, en reprenant le titre du dernier chapitre, « Pour une psychologie sociale clinique de l’éducation ». Car, en suivant pas à pas le cheminement qui est proposé au lecteur, et qui suit le cheminement même du chercheur aux prises avec son objet – le malaise et les souffrances éprouvées par des acteurs de l’institution scolaire – on se trouve sans cesse, au fil des pages, concerné par une double question : que nous disent les enseignants ou responsables demandeurs de l’intervention du psychosociologue ? Comment le travail clinique se construit-t-il progressivement au fur et à mesure des interprétations que l’on peut élaborer ? L’originalité du livre tient en effet moins aux analyses progressives du sens d’un malaise enseignant lié à une rupture avec les modèles traditionnels, à une « désorganisation des repères symboliques » auxquels les enseignants restent attachés, qu’à la façon dont s’intriquent une épistémologie de l’intervention clinique mise en œuvre, l’évolution des enseignants concernés, une théorisation de la signification de leurs paroles et attitudes, vis à vis d’eux-mêmes, de l’institution, des « autres », le sujet intervenant étant toujours là, présent.
Il est remarquable qu’au fil des chapitres consacrés à l’histoire des recherches évoquées, les concepts mêmes de clinique et de travail clinique, d’intervention, reçoivent des spécifications de plus en plus élaborées. C’est à travers ce parcours, auquel le lecteur est convié, que se réalise le projet de départ de Florence Giust-Desprairies : montrer, en vivant avec elle ses recherches sur le malaise et les avatars du lien social dans l’institution éducative, ce que peut et doit apporter un travail de recherche qui constitue d’une certaine manière ses méthodes et ses théorisations, comme on dit, en marchant…