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Article de revue

Visages et usages de l’“extrême droite ” en italie.

Pour une analyse relationnelle et non substantialiste de la catégorie “extrême droite ”

Pages 451 à 467

Notes

  • [1]
    Cet article a bénéficié des relectures et suggestions de Hanspeter Kriesi, Evelyne Ritaine et Antoine Roger que je remercie très chaleureusement.
  • [2]
    MELILLI M. (journaliste à la RAI et à L’Unità), Europa in fondo a destra. Vecchi e nuovi fascismi, Rome, Derive Approdi, 2003. hhttp :// www. deriveapprodi. org/ libri/ europainfondoadx. htm,page consultée le 02/09/2004.
  • [3]
    IVALDI G., “L’extrême droite ou la crise des systèmes de partis”, Revue Internationale de Politique Comparée, vol. 6, n° 1,1999, pp. 201-246.
  • [4]
    CHIARINI R., Destra italiana, dall’Unità d’Italia a Alleanza Nazionale, Venise, Marsilio.
  • [5]
    DIAMANTI I., La Lega. Geografia, storia e sociologia di un soggetto politico, Rome, Donzelli Editore, 1995 ; BIORCIO R., La Padania promessa. La storia, le idee e la logica d’azione della Lega Nord, Milan, Il Saggiatore, 1997 ; BOUILLAUD C., “In nessun altro paese al mondo. Univers politique italien et processus de légitimation et d’organisation d’une entreprise politique. Le cas de la Ligue lombardeLigue Nord ( 1982-1992)”, Thèse de Science Politique, Université Paris I, 1998.
  • [6]
    Suite à une attaque cardiaque ( 11/03/2004) et un coma de plusieurs semaines, ce n’est plus Umberto Bossi qui assure la direction effective du parti mais Roberto Calderoli aidé de Roberto Maroni, Giancarlo Giorgetti et Roberto Castelli, sous l’œil attentif toutefois de Manuela Marrone (son épouse).
  • [7]
    IGNAZI P., Postfascisti ? Dal Movimento Sociale Italiano ad Alleanza Nazionale, Bologne, Il Mulino, 1994.
  • [8]
    Pendant la Ière République ( 1948-1992), la Democrazia Cristiana était le véritable pivot du système pentarchique, qui comprenait aussi le Partito Liberale Italiano, le Partito Social-Democratico Italiano, le Partito Repubblicano Italiano et le Partito Socialista Italiano. Ce système faisait du Partito Comunista Itialiano un outsider régional puissant à “gauche”et du Movimento Sociale Italiano un allié potentiel à “droite”.
  • [9]
    MUDDE C., “The War of Words : Defining the Extreme Right Party Family”, West European Politics, vol. 19, n° 2,1996, pp. 225-248 et “What, Who, Why. The Defining of the Extreme Right in Family”, ECPR Joint Session, Bordeaux, 1995.
  • [10]
    Cf. IHL O., CHENE J., VIAL E., WATERLOT G., (dir.), La tentation populiste en Europe, Paris, La Découverte, 2003 ; SUREL Y. et MENY Y., Par le peuple, pour le peuple. Le populisme et les démocraties, Paris, Plon, 2000 ; BETZ H.-G., La droite populiste en Europe. Extrême et démocrate ?, Paris, Éditions Autrement, 2004.
  • [11]
    Adjectif repris à Giovanni Sartori par, entre autres, MASTROPAOLO A., “Quatre hypothèses sur le succès de la droite antipolitique”, dans IHL O., CHENE J., VIAL E., WATERLOT G., (dir.), op. cit., 2003.
  • [12]
    COLLOVALD A., “Histoire d’un mot de passe : le poujadisme. Contribution à une analyse des ‘ismes’”, Genèses, n° 3, mars 1991, pp. 97-119 ; “Le “national-populisme”ou le fascisme disparu. Les historiens du “temps présent”et la question du déloyalisme politique contemporain”, dans DOBRY M. (dir.), Le mythe de l’allergie française au fascisme, Paris, Albin Michel, 2003, pp. 279-321.
  • [13]
    DOBRY M., “La thèse immunitaire face aux fascismes. Pour une critique de la logique classificatoire”, dans DOBRY M., (dir.), ibid., 2003, pp. 17-67.
  • [14]
    Le corpus utilisé est composé d’une soixantaine d’entretiens semi-directifs, auxquels s’ajoutent des documents divers (tracts, affiches, fanzines) recueillis dans les diverses sections locales des deux organisations. Si ce corpus ne prétend pas épuiser l’ensemble des réalités militantes italiennes, il entend permettre d’aller au-delà des monographies grâce à la comparaison.
  • [15]
    Respectivement secrétaires du Mouvement Social Italien, l’organisation mère d’Alleanza nazionale, de 1946 à 1950 puis de 1969 à 1987, et de 1989 à 1991.
  • [16]
    KLANDERMANS B. et MAYER N., “Militer à l’extrême droite”, dans PERRINEAU P., (dir.), Les croisés de la société fermée. L’Europe des extrêmes droites, La Tour d’Aigues, Éditions de l’Aube, 2001, pp. 147-162.
  • [17]
    Si l’on retient comme critères de la précarité le chômage ou l’instabilité professionnelle, des difficultés à satisfaire aux besoins élémentaires tels que l’alimentation, l’hygiène, le logement, aucun des jeunes militants interviewés ne se trouve dans l’une ou l’autre de ces situations.
  • [18]
    BACKES U., “L’extrême droite : les multiples facettes d’une catégorie d’analyse”, dans PERRINEAU P., (dir.), op. cit., 2001, pp. 13-29.
  • [19]
    Pour une revue plus détaillée des classifications des partis d’“extrême droite”à partir du socle idéologique, cf. POIRIER P., “La disparité idéologique des nouvelles droites occidentales”, dans PERRINEAU P., (dir.), op. cit., 2001, pp. 31-49.
  • [20]
    KITSCHELT H., The Radical Right in Western Europe, Ann Arbor, The University of Michigan Press, 1997.
  • [21]
    FENNEMA M., “Some Theoretical Problems and Issues in Comparison of Anti-immigrant Parties in Western Europe”, Working Paper, ICPS, Barcelona, 1995 ; BOUILLAUD C., “La Lega Nord, ou comment réussir à ne pas être populiste ( 1989-2002)”, La tentation populiste au cœur de l’Europe, O., CHENE J., VIAL E., WATERLOT G., (dir.), La tentation populiste en Europe, 2003, op. cit., pp. 130-145.
  • [22]
    Selon IGNAZI P., L’estrema destra in Europa, Bologne, Il Mulino, 1994, les partis qui ont axé leur propagande sur l’anti-immigration et le law and order sont ceux qui ont le plus progressé au cours des deux dernières décennies.
  • [23]
    IGNAZI P., “The Silent Counter-Revolution : Hypotheses on the Emergence of Extreme Right-Wing Parties in Europe”, European Journal of Political Research, vol. 22, n° 1, pp. 3-34.
  • [24]
    Lorenzo, ex-coordinateur régional du MGP-Vénétie : “La Ligue représente l’unique moyen pour pouvoir recommencer à vivre dans une société saine, fondée sur des valeurs antijacobines, contre la culture de la mort et contre la drogue, contre l’avortement.”, 03/05/2002; et Enrico P., secrétaire provincial d’AG-Padoue et vice-maire de petite commune : “Je me regardais le soir et je disais : bon sang, aujourd’hui j’ai fait quelque chose contre l’avortement, j’ai fait quelque chose contre la drogue. Et je me sentais complet, je me sentais satisfait.”, 28/11/2001.
  • [25]
    La Padanie est le territoire inventé par les léghistes (HOBSBAWM E. et RANGER T., The invention of tradition, Cambridge, Cambridge University Press, 1993) et engloberait les territoires du Piémont à Venise et des contreforts alpins aux Apennins. Cf. MACHIAVELLI M., “La Ligue du Nord et l’invention du ‘Padan’”, Critique internationale, n° 10, janvier 2001, pp. 129-141.
  • [26]
    Roma ladrona est l’un des slogans les plus utilisés par la Lega Nord au cours des années 1980-90. Elle a ainsi fondé sa réussite sur la dénonciation de l’ultracentralisme romain, l’imposition fiscale, la corruption et la concentration du pouvoir dans les mains d’une “caste”politicienne méridionale au détriment des “petites gens du Nord”.
  • [27]
    Meeting d’Umberto Bossi à Monza, 03/2001.
  • [28]
    Ils se réjouissaient, pour la plupart, de la nomination de leur leader G.Fini en tant que représentant italien à la Convention pour la rédaction du Traité constitutionnel européen, au sein de laquelle il a notamment influé pour l’inscription de la mention des origines chrétiennes de l’Europe.
  • [29]
    Le projet porté par Bossi prévoit des pouvoirs accrus aux Régions en matière de santé, police locale et d’enseignement, la création d’un Sénat fédéral représentant les collectivités territoriales ainsi que le renforcement des pouvoirs du Premier Ministre. Approuvé en première lecture par le Sénat, il est actuellement en seconde lecture à la Chambre.
  • [30]
    Alan, coordinateur provincial du MGP-Ferrare : “Si tu es un vrai nationaliste padan tu es influencé par ‘Braveheart’.”, 11/05/2002. Il s’agit de l’évocation d’un soulèvement contre Edouard Ier d’Angleterre ( 1297) organisé par William Wallace, chef de guerre écossais, qui fut capturé puis tué par les Anglais et auquel s’identifient les léghistes (qui se considèrent des barbares celtes) dans leur lutte contre les “Romains”.
  • [31]
    Gloria, coordinateur provincial du MGP-Trévise, 11/12/2001.
  • [32]
    Marzio, ex-coordinateur provincial du MGP-Rovigo, 30/05/2002.
  • [33]
    IGNAZI P., Postfascisti ? Dal Movimento Sociale Italiano ad Alleanza Nazionale, Bologne, Il Mulino, 1994.
  • [34]
    La mise à distance vis-à-vis du régime fasciste est initiée par G.Almirante au cours des années 1960. Au moment de la transformation du MSI en AN, G.Fini condamne le totalitarisme sous toutes ses formes et reconnaît que “l’antifascisme fut un moment historiquement essentiel au retour des valeurs démocratiques que le fascisme avait piétinées”, dans IGNAZI P., I partiti italiani, Bologne, Il Mulino, 1997, p. 112.
  • [35]
    Andrea, secrétaire provincial d’AG-Venise, 27/02/2002, entré après le congrès de Fiuggi.
  • [36]
    Certains d’entre eux revendiquent même une culture antifasciste qui conditionne leur rapport à AN : “Faire l’accord avec ces gens-là, avec ceux d’AN ne nous plaît pas beaucoup parce qu’ils sont toujours fondamentalement le parti fasciste”, Ivan, ex-coordinateur provincial du MGP-Vérone, responsable fédéral du MGP et conseiller municipal (Dolcè), 10/04/2002.
  • [37]
    Gloria, coordinateur provincial du MGP-Trévise, 11/12/2001.
  • [38]
    DE FELICE R., Les interprétations du fascisme, Paris, Éditions des Syrtes, 2000; Le fascisme, un totalitarisme à l’italienne ?, Paris, Presses de la FNSP, 1988.
  • [39]
    IGNAZI P., “Les partis d’extrême droite : les fruits inachevés de la société postindustrielle”, dans PERRINEAU P., (dir.), op. cit., 2001, pp. 369-384. C’est nous qui soulignons.
  • [40]
    D’autres grilles de lecture sont possibles : S. Rokkan rangerait par exemple AN dans les partis centralistes et LN dans les partis autonomistes/régionalistes. Cf SEILER D.L., Les partis politiques, Paris, Armand Colin, 2000.
  • [41]
    Cf. DIAMANTI I., “La ‘Lega’, de la périphérie au centre du système politique italien”, Pouvoirs, n° 71,1994, pp. 161-174 ; TAGUIEFF P.-A., “Populisme, nationalisme, national-populisme. Réflexions critiques sur les approches, les usages et les modèles”, dans DELANNOI G. et TAGUIEFF P.-A., (dir.), Nationalismes en perspective, Paris, Berg International, 2001, pp. 303-407.
  • [42]
    N. Mayer en fait l’un des critères du “populisme”dans Ces Français qui votent FN, Paris, Flammarion, 1999.
  • [43]
    Seules la Destra Storica avant la Première Guerre Mondiale et la coalition entre le MSI et les monarchistes en 1972, la Destra nazionale, se sont appropriées le terme.
  • [44]
    FERRARESI F., Threats to Democracy. The Radical Right in Italy after the War, Princeton, Princeton University Press, 1993.
  • [45]
    DUBAR C., La crise des identités. L’interprétation d’une mutation, Paris, PUF, 2001.
  • [46]
    “À Mirabello qui est une des plus grosses fêtes où Fini vient toujours parler [… ] tu vois dans les stands des gadgets, le buste du Duce, des croix celtiques nazies, des choses comme ça et ils nous traitent de fascistes et de racistes alors qu’à eux on ne dit rien”, Alan, coordinateur provincial du MGP-Ferrare, 11/05/2002.
  • [47]
    Les centres sociaux occupés autogérés consistent en l’occupation non autorisée de bâtiments désaffectés par des groupes autonomistes qui y organisent différentes activités tournées soit vers la sociabilité (concerts, expositions, spectacles) soit vers les services (garderies, conseils aux toxicomanes et aux immigrés… ). Les premiers centres sont créés par des ressortissants d’“extrême gauche”au cours des années 1970 dans les métropoles universitaires (Milan, Bologne, Padoue… ) et connaissent un développement soutenu dans les années 1980. Cf. SOMMIER I., “Un espace politique non homologué. Les centres sociaux occupés et autogérés en Italie”, dans CURAPP, La politique ailleurs, Paris, PUF, 1998, pp. 117-129; TRAINI C., L’engagement apolitique. Une étude comparative de cas français et italiens, Thèse de Science Politique, Université Aix-Marseille III – IEP d’Aix en Provence, 1998.
  • [48]
    “Beaucoup de jeunes se rapprochent de la gauche avec les pétards [… ] à partir du moment où tu te shootes à la marijuana, c’est difficile que tu puisses avoir des idées de droite”, Enrico S., militant d’AG-Padoue, 12/12/2001. “90% des jeunes communistes ont les parents qui sont professeurs d’université ou entrepreneurs ou professions libérales. Moi je n’en connais pas un seul qui soit militant de gauche dont le papa est ouvrier”, Enrico P., secrétaire provincial d’AG-Padoue et vice-maire (Vigodarzere), 28/11/ 2001.
  • [49]
    Les jeunes d’AN opposent la pratique sportive, une musculature développée, cheveux courts (“je pense avoir été élevé d’une façon de droite parce que je n’ai jamais eu les cheveux plus longs que deux doigts”affirme Massimiliano, secrétaire provincial d’AG-Trévise et conseiller municipal à Trévise, 16/01/2002) et la correction vestimentaire aux cheveux longs et accessoires dermiques (tatouages, piercings) considérés comme signes ostentatoires et récurrents du laisser-aller et de l’efféminement de la “gauche”.
  • [50]
    Alessandra Mussolini quitte le parti et créé son mouvement Libertà e Azione et Francesco Storace (ex-président du Latium et leader d’un important courant interne) expose ouvertement son désaccord. Plus récemment en juillet 2005, G.Fini a tenté d’imposer une présidence resserrée du parti, au détriment des courants internes qu’il qualifie de “métastases”, ce qui a soulevé de vives tensions avec leurs leaders, notamment Gianni Alemanno à la tête du courant Destra Sociale.
  • [51]
    Les jeunes militants d’AN citent, quant à eux, plutôt William Churchill ou Charles De Gaulle.
  • [52]
    Julius Evola ( 1898-1974) a mêlé réflexions philosophiques, ésotériques et politiques. Il se rattache aux courants traditionaliste, romantique, anti-moderniste et paganiste. Ses ouvrages, dont Révolte contre le monde moderne ( 1934) et surtout Chevaucher le tigre ( 1961), sont extrêmement lus au sein des mouvements juvéniles radicaux et traditionalistes depuis les années 1950.
  • [53]
    Journaliste, M. Veneziani a été membre du MSI. Il a fondé les hebdomadaires L’Italia settimanale et Lo stato. Ayant rompu avec AN, il signe des éditoriaux pour Il Giornale, proche de Forza Italia. Il est l’auteur de La rivoluzione conservatrice in Italia, Milan, Nuova Ed., 1994; Sinistra e Destra. Risposta a Norberto Bobbio, Florence, Vallecchi, 1995; La cultura della destra, Rome, Editori Laterza, 2002.
  • [54]
    Ecrivain de langue allemande du XXème siècle, il considère la guerre comme une fin en soi esthétique. Il participe au mouvement “national-bolchéviste” dans les années 1930 ; entretenant des rapports obscurs avec le NSDAP, il produit une œuvre romanesque faisant l’apologie du machinisme et de la révolution nationale. Après le second après-guerre, il revient sur ses écrits passés et engage une réflexion sur le statut de l’individu face aux masses et à la dictature. L’ouvrage le plus lu dans les organisations de jeunesse étudiées ici s’intitule Le traité du rebelle ( 1951). Pour une déconstruction de l’image d’“intellectuel antinazi” d’E. Jünger, cf. VANOOSTHUYSE M., Fascisme et littérature pure. La fabrique d’Ernst Jünger, Marseille, Agone, 2005.
  • [55]
    Le différentialisme fait du raciste non plus celui qui refuse l’immigré mais celui qui l’accueille. Ainsi Lorenzo, ex-coordinateur régional du MGP-Vénétie : “si quelqu’un dit qu’il est contre l’immigration ce qui ne veut pas dire qu’il est raciste contre les gens qui viennent ici pour trouver du travail, parce que j’ai deux oncles qui sont partis travailler en Australie mais je sais combien on souffre en quittant sa famille, sa terre pour aller dans un autre pays. Le fait de favoriser l’immigration n’est pas juste parce qu’ils devraient chercher à favoriser le maintien de ces personnes dans leur milieu naturel pour travailler. [… ] Si tu sors d’ici tu vois ces pauvres noirs qui te vendent des trucs à la sauvette, ce n’est pas très beau ni pour moi ni pour ma ville et ni pour eux. [… ] Et donc ceux qui me disent que je suis raciste, ce n’est pas vrai, je suis beaucoup plus humain qu’eux. ”, 03/05/2002.
  • [56]
    “C’est un symbole [la triskèle] que tu ne peux pas prendre et t’attacher au cou. Il t’est donné quand tu fais un certain parcours, quand tu t’es formé d’une certaine façon, quand tu t’es montré à la hauteur.”, Elena, membre du directif national d’AG et conseiller régional-Vicence, 19/03/2002.
  • [57]
    Giorgio, secrétaire régional d’AG-Vénétie et conseiller de quartier (Padoue), 01/12/2001.
  • [58]
    Partie orientale de la Région Emilie-Romagne, elle comprend les Provinces de Faenza, Forlì-Ce-sena, Ravenne et Rimini.
  • [59]
    Il s’agit principalement de deux militants et d’un ex-responsable provincial du FdG puis d’AG, devenu permanent de la Lega Nord. Des témoignages ont signalé par ailleurs des transfuges isolés de la LN et d’AN vers Forza Italia. En outre, plusieurs jeunes militants ont évoqué des transfuges d’AN vers le MS-Fiamma Tricolore ou le Veneto Fronte Skinheads.
  • [60]
    DI MATTEO L., “La stigmatisation de l’idiotie montagnarde et son détournement par la Lega Nord”, dans IHL O., CHENE J., VIAL E., WATERLOT G., (dir.), op. cit., 2003, pp. 146-158.
  • [61]
    ROUSSEL V., “Labels politiques et construction de l’identité militante : le cas du Front National”, dans DOBRY M., (dir.), op. cit., 2003, pp. 237-277. l’auteur observe la même caractéristique au Front National.
  • [62]
    Alessandro, ex-militant d’AG-Cesena et aujourd’hui permanent de la LN-Forlì, 07/06/2002. Le recueil de la parole des transfuges demeure un exercice difficile car le stigmate du “traître”redouble la réprobation sociale qui entoure l’appartenance à de tels partis.
  • [63]
    À l’instar du rock identitaire français, il s’agit d’un style musical combinant musique rock ou hard rock et textes à teneur nationaliste, anti-communiste ou xénophobe.

1Europe au fond à droite est une enquête pour lecteurs malins qui ne se contentent pas de la superficie des faits. [… ] Au cours de ce long reportage se déploie la nouvelle droite populiste et xénophobe qui conquiert gouvernements et électorats. Dans ces pages, vous trouverez les protagonistes, histoires, slogans et arrière-plans de la plus grande (et dangereuse) ascension au pouvoir des épigones du néofascisme. Une enquête qui offre pour la première fois le portrait d’une réalité inquiétante : partis, sigles, mouvements, formations qui prêchent racisme et intolérance, évoquant des scenarii de nettoyage ethnique et se servant de l’angoisse d’invasions. Un modèle de gouvernement du territoire et du progrès qui “fascine”dangereusement l’électorat moyen. ” [2]. Dans la présentation de son ouvrage, le journaliste Massimiliano Melilli agrège plusieurs des poncifs sur l’“extrême droite”et use à la fois du lexique de la peur et d’expressions équivoques pourtant censées refléter la réalité des divers phénomènes extrêmes droitiers. S’appuyant également sur la thèse du supposé aveuglement électoral “des masses”, ce style journalistique participe de la construction intellectuelle de l’illégitimité des acteurs de ces mêmes phénomènes.

2Aujourd’hui l’enjeu politologique semble n’être plus tant la compréhension de l’émergence de l’“extrême droite”dans le panorama électoral européen que de prendre acte, comme le souligne Gilles Ivaldi [3], de “l’institutionnalisation de plusieurs de ces mouvements”. En Italie, plusieurs de ces organisations sont désormais institutionnalisées et placent la Péninsule en bonne position dans les essais sur la santé des démocraties représentatives et les rapports sur l’extrémisme politique. Ainsi si certaines restent dans une relative pénombre, soit par choix lorsqu’elles ne participent pas aux élections ( Veneto Fronte Skinheads, Destra Alternativa, Fronte Nazionale), soit par contrainte faute d’obtenir des résultats électoraux significatifs ( MS-Fiamma Tricolore, Forza Nuova), d’autres en revanche comme Alleanza Nazionale[4] menée par Gianfranco Fini et la Lega Nord[5] d’Umberto Bossi [6] sont structurées et visibles. Elles peuvent également compter sur un personnel politique légitimé par l’élection à tous les échelons locaux, nationaux et européens et participent au gouvernement national depuis la victoire aux législatives de 2001de la coalition dirigée par Silvio Berlusconi ( Casa delle Libertà) dont elles font partie.

3Inconcevable quelques années auparavant, l’arrivée au pouvoir de deux formations aussi différentes que celle des “postfascistes” [7] d’Alleanza Nazionale et celle des “indépendantistes padans”de la Lega Nord apparaît donc à la fois la cause et le produit d’une transformation importante des représentations politiques liées à ces partis. En effet, la politique nationale italienne a connu d’importants changements au début des années 1990 : opération Mani Pulite, disparition des principaux piliers de la Première République, modification des modes de scrutin (dans un sens majoritaire), bipolarisation partisane… L’ancien système [8] partisan a implosé et donné naissance à une nouvelle configuration dans laquelle on trouve aussi bien des nouveaux entrants comme les Verdi, la Lega Nord et Forza Italia que des partis politiques restés en dehors des gouvernements nationaux pendant 50 ans, tels que les héritiers du Movimento Sociale ItalianoAlleanza Nazionale et MS-Fiamma Tricolore) ou ceux du Partito Comunista ItalianoPartito Democratico della Sinistra, Rifondazione Comunista). Les transformations des représentations de ces partis sont allées de pair avec une évolution du sens attribué aux catégories de “droite”et d’“extrême droite”, tant par les membres de ces partis que par l’opinion publique.

4Du sens politique commun, le taxon “extrême droite” est passé en science politique à travers un foisonnement de définitions qui conduit même Cas Mudde à parler de shopping list[9]. Devant l’hétérogénéité de ses formes contemporaines et l’absence de liens directs avec les expériences fascistes ou nazies pour certaines organisations, les termes “populisme” [10] et “antipolitique” [11] ont été également mobilisés. Cependant, à la lecture de certains travaux d’Annie Collovald [12] ou encore de Michel Dobry [13], faisant état de leurs critiques à l’égard de l’utilisation de certaines catégories (en l’espèce “populisme” et “fascisme”), il apparaît essentiel de replacer celles-ci dans l’économie de leurs usages par tous les acteurs politiques et les ressorts de leur portée symbolique. Les principaux griefs portés à leur encontre sont de deux ordres. D’une part, contrairement à l’essentialisme quasiment atemporel qui ressort d’une telle catégorie, il apparaît impossible d’isoler des critères de définition communément admis et stables dans le temps. L’orientation substantialiste qui s’en dégage empêche alors de saisir les transformations qui touchent tant les acteurs que les configurations politiques et rend l’étude du changement plus difficile. D’autre part, l’emploi indifférencié de ces catégories masquent les usages stigmatisants et délégitimants dont elles peuvent être l’objet.

5Passées successivement du sens commun au sens savant et inversement, ces catégories sont effectivement porteuses de jugements subjectifs. C’est donc parce qu’elles sont crées et réinventées dans le cadre d’interactions politiques contextualisées, que les catégories utilisées par les acteurs politiques comme par les acteurs scientifiques gagnent à être étudiés à la fois “en contexte”, dans une perspective synchronique, et “à distance”, dans une perspective diachronique. Cette double opération effectuée, on constate alors que le contenu même de la catégorie est à la fois labile et mobile en fonction de la configuration locutoire et contextuelle.

6Ce faisant, l’“extrémisme de droite”passe du statut de nature immuable à celui de répertoire, aussi bien habilitant que contraignant pour les organisations et leurs militants, à l’intérieur du groupe comme dans leurs rapports avec les autres forces politiques. Mobilité et labilité de ce répertoire deviennent alors propices aux incertitudes et productrices de phénomènes militants “inédits”tels que le décloisonnement idéologique, le chassé-croisé des références symboliques entre organisations ou encore les défections dues à un mésusage du répertoire par le parti aux yeux des militants. Ces hypothèses sont issues d’une enquête [14] réalisée dans le cadre d’un terrain de thèse en Vénétie et en Emilie-Romagne auprès de jeunes militants de deux organisations juvéniles classées le plus souvent à l’“extrême droite”: Azione Giovani et Movimento Giovani Padani, respectivement mouvement de jeunesse d’Alleanza Nazionale et de la Lega Nord.

Tableau 1

Organisations partisanes juvéniles de la Lega Nord

Tableau 1
Tableau 1 : Organisations partisanes juvéniles de la Lega Nord et d’Alleanza Nazionale Movimento Giovani Padani Azione Giovani Parti d’affiliation Lega Nord Alleanza Nazionale Date de création 1998 1996 Siège Milan Rome Organisation antérieure Pas d’organisation officielle Fronte della Gioventù Organigramme Un coordinateur fédéral Un président national puis coordinateurs puis secrétaires régionaux/provinciaux régionaux/provinciaux Présence sur le territoire Régions septentrionales Toutes les régions secondaire Movimento Studentesco Azione studentesca Organisations Padano Federale étudiantes supérieur Movimento Universitario Azione Universitaria Padano

Organisations partisanes juvéniles de la Lega Nord

Du fragile critère idéologique à l’hypothétique critère topologique

7Au sein des multiples tentatives de définitions de l’“extrême droite”, nombreuses sont celles qui isolent un leader charismatique comme critère commun à toutes les formations. En effet, Umberto Bossi et Gianfranco Fini (Pino Rauti et Giorgio Almirante [15] avant lui) sont dotés de charisme politique aussi bien par les militants que par les observateurs du politique. À la Lega Nord, la reconnaissance des qualités d’Umberto Bossi va même jusqu’à la vénération et il est souvent comparé à un père, un prophète, un héros par les jeunes militants lors des entretiens. Face au tribun autoritaire de la Lega Nord, Gianfranco Fini apparaît plutôt sous les traits du leader charismatique sérieux, modéré qui force le respect par un cursus honorum partisan sans faute (de responsable de l’organisation juvénile à secrétaire national) et dont la maîtrise du jeu politique en fait un redoutable concurrent de Silvio Berlusconi. Toutefois, si le critère du leadership charismatique peut s’avérer pertinent, il n’en constitue pas pour autant un élément discriminant fort puisqu’on le retrouve dans d’autres types d’organisations politiques.

8Explorant la piste des caractéristiques des militants, Bert Klandermans et Nonna Mayer estiment que ceux d’“extrême droite”se distingueraient par “l’absence d’instruction, la précarité économique, l’isolement social” [16]. Vérifiée pour la population léghiste, cette liste d’attributs n’est pas complètement validée chez les jeunes d’Alleanza Nazionale qui sont le pus souvent scolarisés dans les filières prestigieuses du secondaire (lycée classique) et du supérieur (droit, science politique, médecine). De même les notions de précarité économique et d’isolement social ne semblent pas adaptées pour décrire les deux groupes militants : la plupart des membres d’Alleanza Nazionale est issue des couches sociales aisées et bien dotées en ressources scolaires tandis que ceux de la Lega Nord, tout en étant d’origines sociales plus modestes, ne sauraient être qualifiés de “précaires” [17] ni d’“isolés” sociaux.

9D’autres circonscrivent l’“extrême droite”à un ensemble commun de thèmes, de valeurs et de références théoriques. Uwe Backes considère d’ailleurs que le “genus proximum [de l’“extrême droite”] se trouve au plan idéologique. Cela veut dire que l’extrémisme de droite peut être d’abord compris comme un ensemble d’idées, de conceptions, de programmes et d’idéologèmes politiques” [18] qui serait composé de manière non exhaustive [19] de l’opposition au libéralisme économique mais aussi à l’intervention de l’État dans l’économie (Herbert Kitschelt [20]), la critique de la démocratie représentative, l’hostilité à l’égard des États-Unis et d’Israël, le rejet de l’immigration (Meindert Fennema [21]) et de l’étranger, la promotion d’une politique de law and order (Piero Ignazi [22]), mais aussi le racisme, l’antisémitisme, le sexisme, l’homophobie, le nationalisme, le stato-centrisme ainsi que la défense de valeurs morales “conservatrices” [23] (la famille “chrétienne traditionnelle”, hétérosexuelle, mariée, sans contraception ni avortement).

10Si les prises de position des jeunes militants du Movimento Giovani Padani et d’Azione Giovani convergent [24] sur certains de ces points (politique nataliste de type “préférence nationale”, xénophobie, homophobie), elles achoppent sur d’autres (défense de la nationalisation des entreprises pour ceux d’Azione Giovani versus régionalisation économique au Movimento Giovani Padani). En matière européenne, si au début des années 1990, les léghistes prônaient l’“Europe des régions et des autonomies”pour inscrire la Padanie [25] dans la MittelEuropa, “laborieuse et riche”(en opposition à “Rome la voleuse” [26] et à la politique de main tendue vers le bassin méditerranéen du socialiste Bettino Craxi au cours des années 1980), ils se sont lancés depuis quelques années dans une campagne à l’encontre des “technocrates de Bruxelles pédophiles, homosexuels et marxistes” [27]. Malgré leur nationalisme et leur préférence pour une Europe “des Patries”, les jeunes militants d’Azione Giovani se montrent, quant à eux, plus attachés [28] à l’Union européenne. En matière interne, tandis que la Lega Nord travaille au projet de fédéralisation de l’Italie (sur le modèle écossais de la Devolution[29]) depuis mai 2001, Alleanza Nazionale demeure réticente face à ce projet qui s’oppose à sa rhétorique d’aide au développement du Mezzogiorno et à son nationalisme centraliste.

11Réunir ce qui relèverait du militantisme d’“extrême droite”autour de quelques références intellectuelles communes apparaît tout aussi ardu. En effet, selon les témoignages des jeunes militants recueillis, tandis que dans la bibliothèque idéale d’Azione Giovani figurent les références classiques de l’“extrême droite”(Robert Brasillach, Léon Degrelle, Ezra Pound, Pierre Drieu La Rochelle, Friedrich Nietzsche, Corneliu Zelea Codreanu ou Benito Mussolini), dans celle du Movimento Giovani Padani on trouve plutôt des ouvrages critiques sur le Risorgimento ou des essais établissant les frontières et l’histoire séculaire de leur territoire inventé la Padanie. Le film Braveheart avec et de Mel Gibson sert également de référence symbolique et iconographique autant au leader qu’aux jeunes militants [30]. Au Movimento Giovani Padani toujours (pas à Azione Giovani), certains ont évoqué des contre-lectures à l’instar de Gloria qui a lu Le Manifeste du Parti Communiste au lycée et avoue : “Cela m’a aidé à comprendre pourquoi tant de choses ne fonctionnent pas comme elles le devraient. [… ] K.Marx a certainement influencé mon opinion politique et renforcé mes positions. Mon adhésion avait besoin de confirmations en négatif. [… ] Il se rangeait du côté de qui n’avait pas voix au chapitre” [31]. De même l’intellectuel communiste Antonio Gramsci fascine Marzio car “il a su défendre ses idées même en prison jusqu’au bout” [32].

12Par ailleurs, depuis le second après-guerre, l’un des principaux critères de classification des mouvements européens d’“extrême droite”a été la référence au fascisme [33], comme mouvement et comme régime. Mais ici aussi les différences affleurent, non seulement d’une organisation à l’autre mais également au sein de celle censée être l’héritière du fascisme, Alleanza Nazionale entre les militants de longue et ceux de fraîche date. Les premiers, entrés au Fronte della Gioventù (organisation de jeunesse du MSI qui précède Azione Giovani), continuent souvent à défendre une ligne “dure”: promotion du corporatisme, nationalisation des grandes entreprises, organisation hiérarchique et méritocratique de la société et conception révolutionnaire de l’activité politique, en prenant exemple sur les premiers fasci. En revanche, les nouveaux, entrés après le congrès de Fiuggi ( 1995) lors duquel le MSI se transforme en Alleanza Nazionale, n’hésitent pas à exposer des jugements négatifs à l’encontre du régime mussolinien et s’accordent sur son historicisation[34], c’est-à-dire la compréhension de son avènement à partir des conditions particulières des années du premier après-guerre et l’abandon de son imitation comme projet politique. Ainsi, nonobstant une admiration générale indéfectible pour le Duce, les nouveaux d’Azione Giovani dénient souvent aujourd’hui l’étiquette “fasciste”qu’on leur accole à l’école à l’instar d’Andrea : “j’étais devenu le fasciste du lycée même si moi je ne me reconnaissais pas comme tel” [35]. L’hypothèse de P. Ignazi consistant à faire de l’abandon de la référence au fascisme une ligne de clivage forte entre vieilles et nouvelles “extrêmes droites”rend effectivement compte d’une division symboliquement très importante pour les jeunes d’Alleanza Nazionale qui l’évoquent quasi systématiquement au cours des entretiens.

13Non issus d’une matrice fasciste, les jeunes militants de la Lega Nord portent un regard plutôt désapprobateur [36] sur le régime fasciste : trop centralisateur, trop autoritaire et surtout trop romain. Néanmoins, ils tendent à évoquer la période 1922-1943 en des termes positifs. Selon Gloria : “de ce que me racontent mes grands-parents, ils ont apprécié beaucoup de choses du fascisme mais sur le plan social, pas politique ni idéologique. Au niveau social il a apporté ce dont les gens avaient besoin à ce moment là. Tant de choses ont été faites pour la population” [37]. Il semble que ce jugement soit à mettre sur le compte des effets de l’instrumentalisation politique par les défenseurs du fascisme des travaux de l’historien Renzo de Felice [38] qui a tenté de prendre le régime mussolinien comme objet d’étude dépassionné et désidéologisé et en a souligné les aspects “positifs” pour l’Italie en matière économique ou sociale.

14Enfin, au-delà d’hypothétiques points communs idéologiques, P. Ignazi estime que peut être considéré d’“extrême droite””un parti, [qui] en comparaison des autres formations politiques, se situe – ou est placé par un échantillon d’électeurs ou de “juges” – sur les positions les plus extrêmes du continuum droite-gauche” [39]. Ce groupe des “juges”topographes est composé des journalistes, éditorialistes, sondeurs, intellectuels et universitaires qui tous revendiquent un regard sur l’activité politique nationale; ils participent donc tous, à des échelles et depuis des positions différentes, aux opérations de classifications et de qualifications des acteurs politiques. Or, s’ils placent le plus souvent [40] la Lega Nord et Alleanza Nazionale à l’extrémité droite du continuum politique, ces dernières n’en constituent pourtant pas la limite ultime puisque plus à “droite”encore ils situent d’autres partis et groupuscules qui se réfèrent directement au régime fasciste : MS-Fiamma Tricolore, Forza Nuova, Fronte Nazionale. En outre, rencontrant une limite au positionnement de ces deux partis dans les extrêmes de la “droite”, les observateurs du politique ont succombé à la tentation de l’oscillation terminologique. Ainsi la Lega Nord a, de sa naissance jusqu’au milieu des années 1990, été rangée dans les partis néo-/régional-populistes ou ethnonationalistes [41] et indépendantistes après la déclaration fantoche d’indépendance de la Padanie (septembre 1996). De même, la stratégie de modération et d’institutionnalisation impulsée par G. Fini depuis quelques années, en sus de l’abandon des références fascistes, a donné lieu à plusieurs néologismes tels que parti néo-/post-fasciste ou national-conservateur à propos d’Alleanza Nazionale.

15Du côté des militants, les résultats du positionnement topologique permettent d’engager une réflexion ultérieure sur les passages des catégories du sens savant au sens commun. Invités à se positionner sur une échelle numérotée de 1 (“extrême gauche”) à 7 (“extrême droite”) en fin d’entretien, les jeunes de la Lega Nord se répartissent en deux groupes principaux de réponse : le choix d’un “centre”indéfini et le refus [42] pur et simple du positionnement (au nom d’un vieux slogan léghiste “ni à droite ni à gauche”). À l’inverse, les jeunes d’Alleanza Nazionale se positionnent très majoritairement sur le chiffre 6, c’est-à-dire à “droite”mais pas sur le 7 qu’ils situent effectivement à l’“extrême droite”mais dans laquelle ils ne se reconnaissent pas.

Tableau 2

Positionnement topographique des militants d’Azione Giovani

Tableau 2
Tableau 2 : Positionnement topographique des militants d’Azione Giovani et du Movimento Giovani Padani 1 2 3 3,5 4 4,5 5 5,5 6 6,5 7 Ne se Total position- ne pas Azione Giovani ( Alleanza 0 0 0 0 0 0 2 2 21 0 2 3 N = 30 Nazionale) % 0 0 0 0 0 0 6,7 6,7 70 0 6,7 10 +/– 100 Movimento Giovani Padani 0 1 0 1 6 3 4 1 4 1 2 7 N = 30 ( Lega Nord) % 0 3,3 0 3,3 20 10 13,3 3,3 13,3 3,3 6,7 23,3 +/– 100

Positionnement topographique des militants d’Azione Giovani

16Les limites méthodologiques et heuristiques du critère topologique soulevées ici appellent une explication plus approfondie des résultats auxquels elles aboutissent. Elles traduisent non seulement la non prise en compte des jeux et enjeux de l’étiquetage politique mais aussi la difficulté à figer en une seule catégorie des organisations aux trajectoires différentes et à appréhender le changement en leur sein. Ainsi plutôt qu’envisager l’“extrême droite”en des termes substantialistes, il convient de procéder par une démarche relationnelle afin de saisir les enjeux symboliques que cachent de telles opérations classificatoires. Nous supposerons alors que l’arrivée au pouvoir de ces deux partis au début des années 2000 a entraîné des modifications importantes au sein des groupes militants qui brouillent les classements antérieurs ayant conditionné le rapport des acteurs aux catégories de classement politique.

Une problématique politico-linguistique

17La “droite”= la destra en italien ? La traduction littérale empêche de saisir la signification politique et la portée symbolique du mot italien pendant les trois-quarts du XXe siècle. Bien que plus utilisé qu’estrema destra, aussi bien dans le langage commun que sociologique, leurs sens sont similaires. Ce dernier a en effet rempli le mot sans qu’il ait été nécessaire de lui accoler l’adjectif “extrême”tant l’expérience politique qu’il sert à désigner, le fascisme, a représenté “le Mal” [43] politique dans la rhétorique des mouvements antifascistes (catholiques, socialistes, communistes) auxquels étaient associés, a contrario, des valeurs positives (Démocratie, Progrès, Liberté… ). Comme le note Franco Ferraresi [44], la critique de la dichotomie “gauche/ droite”émane principalement de partis classés à “droite”et à l’“extrême droite”car être rangé et, a fortiori, se ranger dans la destra a signifié s’autoexclure de facto du jeu politique pendant des décennies tant ce mot faisait office d’injure ou de stigmate politique.

Étiquettes et contre-étiquettes : des catégories en miroir

18Claude Dubar [45] explique combien une étiquette identitaire ne vaut que par référence à Autrui et par les usages qu’en fait ce dernier; elle peut être acceptée (endossée) ou refusée (retournée) et évolue dans le temps. Ainsi après une période transitionnelle où les étiquetés comunisti s’opposaient aux étiquetés democristiani (que Giovanni Guareschi a mis en scène dans les chicanes entre le prêtre Don Camillo et le maire communiste Peppone), il semble que l’on soit revenu depuis quelques années aux étiquettes “fascistes”et “communistes”comme dans les années 1920. Les étiquettes s’accompagnent logiquement de contre-étiquettes qui fonctionnent en miroir dans l’espace des luttes politiques. Si les jeunes léghistes sont souvent perçus comme des “idiots”politiques et des provocateurs vulgaires par les jeunes d’Azione Giovani, ils qualifient à leur tour ces derniers de “véritables fascistes” [46]. Par ailleurs, l’efficacité de l’étiquette “extrême”s’éclaire à la lumière des usages dont ils sont l’objet pour ériger des figures repoussoirs. De ce fait, ceux qui attribuent l’étiquette d’“extrémistes de droite”(ou de “fascistes”) aux militants du Movimento Giovani Padani et d’Azione Giovani sont les mêmes que ces derniers désignent en retour comme “extrémistes de gauche”(ou “communistes”).

19L’étiquette va plus loin que la seule appartenance à un parti politique et renvoie à tout un registre de la négativité. Les jeunes militants d’Alleanza Nazionale et de la Lega Nord dépeignent alors la sinistra (la “gauche”) ou i comunisti sous les traits d’un groupe tentaculaire dont l’objectif serait le contrôle de l’ensemble de la politique italienne. Cette “pieuvre”politique s’incarnerait dans les mouvements altermondialistes, les centres sociaux[47], les groupuscules terroristes, les milieux universitaire, intellectuel, artistique, éditorial, administratif, judiciaire et médiatique. Face à l’“anti-jeunesse [48] bourgeoise et communiste”, les jeunes militants de la Lega Nord et d’Alleanza Nazionale se présentent comme la jeunesse saine, laborieuse et virile [49]. Mais la force de ces étiquetages ne saurait se comprendre totalement sans la prise en compte non seulement des héritages mais aussi des évolutions du système politique italien depuis la fin de la Première République ( 1992-93).

Entre héritages et trajectoires : les changements de répertoire

20L’expérience du pouvoir pour de nombreux jeunes militants débute dans la période 1999-2001 mais elle n’a pas été vécue de la même façon d’un parti à l’autre et ne reflète pas aux mêmes trajectoires politiques, inclusive dans le cas d’Azione Giovani et exclusive dans celui du Movimento Giovani Padani. En effet, si Gianfranco Fini défend encore plusieurs vielles antiennes du Movimento Sociale Italiano, il a entrepris depuis quelques années de “sortir du ghetto”et de donner une image respectable, conservatrice mais modérée, de son parti. Dans ce projet, il a bénéficié de l’effondrement du système politique de la Première République – en premier lieu de la Democrazia Cristiana – et du coup de pouce de Silvio Berlusconi qui déclara ouvertement sa préférence pour le candidat Fini aux municipales de Rome ( 1993) puis lui proposa un accord électoral en 1994 ( 1re alliance du MSI depuis celle avec les monarchistes dans les années 1950). Par la suite, Fini s’engage dans une stratégie de rupture en qualifiant la République Sociale Italienne et sa participation à l’Holocauste de “mal absolu”lors d’un voyage en Israël fin 2003, en proposant d’accorder le droit de vote aux immigrés aux élections municipales et de dépénaliser la consommation des drogues douces en 2004. Il tente un rapprochement avec l’Unione Democratici Cristiani (post-démocrates-chrétiens) de Marco Follini pour contrer l’axe Forza Italia/Lega Nord au sein de la coalition et se gagner des voix dans l’électorat catholique. Malgré les remous [50] provoqués, la stratégie de modération a réussi à installer Alleanza nazionale parmi les forces politiques de premier plan en Italie.

21À l’opposé, la Lega Nord est lancée sur la piste de l’exclusion progressive du panorama politique et son maintien à des postes importants au sein du gouvernement ne semble n’être dû qu’à un accord personnel ténu entre son leader et Silvio Berlusconi. Née comme mouvement protestataire, désireuse de mettre un terme à la dichotomie partisane enkystée PCI/Démocratie Chrétienne, elle a accédé assez rapidement au gouvernement en 1994. Mais à partir du milieu des années 1990, fort de certains succès électoraux en solitaire, U. Bossi a engagé le parti dans des campagnes “radicales”, réclamant à corps et cris l’indépendance de la Padanie puis la réforme fédéraliste, une politique migratoire répressive et le renforcement de la lutte contre la “sécurité” face au terrorisme islamiste. Les léghistes réussissent ainsi à s’arroger un triste privilège, celui du monopole de la xénophobie dans un pays resté longtemps terre d’émigration. Les jeunes militants de la Lega Nord déclarent s’inspirer de Jean-Marie Le Pen, Jörg Haider ou Pim Fortuyn [51]. Espérant retrouver par-là les premiers succès électoraux, les léghistes ne peuvent pourtant que constater leur isolement croissant dans le panorama politique. Plus que d’une stratégie payante, il semble qu’il faille parler ici d’une contrainte de la surenchère provocatrice qui oblige la Lega Nord à faire du bruit pour espérer intervenir dans l’agenda politique. Le registre radical que la Lega Nord a adopté semble donc s’être transformé en handicap politique.

D’une “extrême droite” à une autre : glissements et transferts

22À l’évolution des registres des partis et de leurs leaders correspondent également des transformations et des glissements, des rejets ou des mimétismes entre groupes juvéniles militants. À la fin des années 1990, les jeunes léghistes ont ainsi commencé à importer dans leur univers idéologique des auteurs plutôt affiliés à Azione Giovani jusque-là : Julius Evola [52], Marcello Veneziani [53] ou Ernst Jünger [54]. Ces emprunts intellectuels correspondent chronologiquement au moment où la Lega Nord radicalise ses discours xénophobes et durcit ses positions en matière de politique migratoire. Cette radicalisation s’accompagne également de l’emprunt de plus en plus fréquent et explicite d’Alain de Benoist. Intellectuel et animateur du courant de la Nouvelle Droite française et du racisme différentialiste[55], A. de Benoist compte pourtant plutôt parmi les auteurs classiques du Movimento Sociale Italiano puis d’Alleanza Nazionale (ou du Front National en France). Or il est devenu l’un des auteurs incontournables de la bibliothèque du jeune Padan et est parfois invité à intervenir lors des écoles de formation pour les jeunes militants et cadres de la Lega Nord (lors de seconde école politique fédérale en avril 2003 par exemple).

23De la même façon mais dans un autre registre, le romancier britannique J.R.R. Tolkien et sa trilogie du Seigneur des Anneaux ont transité du Fronte della Gioventù et d’Azione Giovani vers le Movimento Giovani Padani. Se comparant alors eux aussi aux gentils hobbits en lutte contre les forces maléfiques du pouvoir, les jeunes léghistes s’inspirent des aventures de la Compagnie de l’Anneau pour nourrir leur univers symbolique, leur iconographie ainsi que l’esprit des fêtes “padanes”qui conjuguent de manière syncrétique et éclectique geste chevaleresque, histoire locale, contes et fables dialectaux, mythologie nordique. Ils leur ont également emprunté la promotion de la “celtitude”, qui passe par la musique irlandaise, l’intérêt porté à la civilisation celte et à l’histoire contemporaine de l’Irlande du Nord. Initialement signe d’appartenance et source d’inspiration de rites initiatiques [56] au sein du Movimento Sociale Italiano, la référence aux origines et aux mythes celtes est passée à la Lega Nord et incite désormais des jeunes léghistes à séjourner une année en Irlande (programme Erasmus), porter le kilt lors des fêtes du parti, étudier le gaélique ou la cornemuse.

D’une “extrême droite” à une autre : les effets problématiques du pouvoir

24Outre l’arrivée au pouvoir de nombreux candidats adultes de leur parti, les opportunités de carrières politiques se sont également multipliées pour les jeunes militants d’Alleanza Nazionale et de la Lega Nord. Mais le passage de la position de “prétendants”à celle de “dominants”a considérablement modifié les configurations politiques et leurs perceptions du possible et du dicible. Par ailleurs, l’évolution dans un sens plus modéré ou plus radical de l’une et l’autre formation politique a entraîné des dissonances importantes parmi leurs jeunes militants, les premiers ayant été acculturés dans le refus du compromis et les seconds étant conscients du risque que comporte l’éloignement du slogan “ni à droite ni à gauche” qui a fait le succès de leur parti. Socialisés dans un milieu partisan fondé (en partie) sur la violence verbale ou physique, certains jeunes militants d’Alleanza Nazionale éprouvent des difficultés à passer de la rhétorique d’opposition à la pratique du pouvoir majoritaire. Ainsi Giorgio confie : “parce que quelqu’un peut être révolutionnaire, être fasciste, être de droite mais ne pas décider de faire politique de façon active. Donc les jeunes générations de droite se retrouvent face à une crise, et beaucoup ont quitté cette voie et décidé d’arrêter la politique.” [57]. Ayant parfaitement intériorisé la rhétorique du “ghetto”, habitués plutôt aux techniques de l’agitation et de l’opposition systématique aux autres partis politiques, et notamment à l’ennemi spéculaire, le PCI, beaucoup ont été déçus par la manœuvre de “maquillage”politique de G. Fini et décontenancés par l’expérience du pouvoir qui incline à la discussion et à l’euphémisation.

25Même si l’arrivée au pouvoir local et national a permis à certains jeunes d’accéder à des postes hiérarchiques dans le parti et/ou des charges électives locales, elle a, à l’opposé, entraîné des réactions de rejet chez d’autres notamment en Romagne [58], à la fois fief électoral du PCI durant toute la Première République et région natale de Mussolini, où des cas de transfuges [59] ont été observés. Ces derniers ont fait défection ( exit) puis se sont réengagés dans la Lega Nord, dont les militants se présentent plutôt sous les traits de novices politiques comme gage de pureté et d’honnêteté face aux professionnels de la politique. Les transfuges acceptent alors de troquer un stigmate (le “facho”) contre un autre (le “padan idiot [60]”) dans le but de retrouver une sorte de pureté militante originelle, au sein d’un groupe pratiquant l’entre soi[61]. Alessandro explique ainsi : “j’ai laissé Alleanza Nazionale pour la Lega Nord parce que j’ai vu que les projets idéaux auxquels j’aspirais, ces valeurs morales avaient été abandonnés par Alleanza Nazionale et étaient soutenus par Umberto Bossi. [… ] Les programmes de la Lega Nord, ses façons d’approcher la politique, sa militance m’ont touché, fasciné : des personnes qui savent ne pas obtenir de résultats, sans pour autant être des Don Quichotte, mais défendre des valeurs nonobstant le résultat parce qu’une bataille ne vaut pas la peine d’être combattue si on sait qu’on va la gagner.” [62]. Dès lors, l’engagement est vécu sur un mode ambivalent : au souvenir nostalgique de l’ancien se mêle la joie du nouveau, à la fierté du militantisme passé se mêle la fidélité aux répertoires par l’engagement présent. Il s’agit donc de gérer le nouveau sans renier l’ancien et de trouver leur place entre la figure négative du traître ou du renégat et celle plus positive de militant à tous les effets. Alessandro continue par exemple à écouter ses cassettes usées de rock identitaire italien [63] ou à se présenter aux fêtes d’Alleanza Nazionale, mais ne tarit pas d’éloges sur sa nouvelle communauté militante : “le léghiste est une personne que tu appelles à 4 heures du matin pour lui dire : Viens ! Il faut mettre des affiches, il ne te demande pas ‘pourquoi’ mais ‘où est-ce qu’on se donne rendez-vous’ ?”contrairement à Alleanza Nazionale où il ne voit plus que des “pantouflards”installés.

26On voit alors combien à ranger ces deux groupes militants sous une même catégorie, on subsume abusivement les évolutions à l’œuvre et on essentialise l’“extrême droite”en en faisant un ensemble d’attributs figés. Et si, aujourd’hui, le mimétisme semble suivre la voie d’Azione Giovani vers le Movimento Giovani Padani, rien ne permet d’anticiper sur les imitations et les usages du répertoire “extrémiste”à venir. C’est pourquoi les espaces topographique et cognitif méritent d’être analysés dans une démarche comparatiste “en contexte”et “à distance”, synchroniquement et diachroniquement, afin de comprendre l’économie des usages des catégories de classement aussi bien par le politique que par le savant, ainsi que les représentations qui leur sont liées et les changements à l’œuvre sur la scène politique. Ce faisant, il est possible de noter des différences importantes dans les significations données à l’“extrême droite”en fonction des acteurs, des contextes locutoires, des périodes considérées et des intentions (registre argumentatif ou étiquetage). L’“extrémisme de droite”devient alors moins une essence, dans une perspective substantialiste et figée, qu’un répertoire plus ou moins contraignant ou plus ou mois habilitant, que les acteurs politiques utilisent autant qu’ils peuvent en être affublés.

Notes

  • [1]
    Cet article a bénéficié des relectures et suggestions de Hanspeter Kriesi, Evelyne Ritaine et Antoine Roger que je remercie très chaleureusement.
  • [2]
    MELILLI M. (journaliste à la RAI et à L’Unità), Europa in fondo a destra. Vecchi e nuovi fascismi, Rome, Derive Approdi, 2003. hhttp :// www. deriveapprodi. org/ libri/ europainfondoadx. htm,page consultée le 02/09/2004.
  • [3]
    IVALDI G., “L’extrême droite ou la crise des systèmes de partis”, Revue Internationale de Politique Comparée, vol. 6, n° 1,1999, pp. 201-246.
  • [4]
    CHIARINI R., Destra italiana, dall’Unità d’Italia a Alleanza Nazionale, Venise, Marsilio.
  • [5]
    DIAMANTI I., La Lega. Geografia, storia e sociologia di un soggetto politico, Rome, Donzelli Editore, 1995 ; BIORCIO R., La Padania promessa. La storia, le idee e la logica d’azione della Lega Nord, Milan, Il Saggiatore, 1997 ; BOUILLAUD C., “In nessun altro paese al mondo. Univers politique italien et processus de légitimation et d’organisation d’une entreprise politique. Le cas de la Ligue lombardeLigue Nord ( 1982-1992)”, Thèse de Science Politique, Université Paris I, 1998.
  • [6]
    Suite à une attaque cardiaque ( 11/03/2004) et un coma de plusieurs semaines, ce n’est plus Umberto Bossi qui assure la direction effective du parti mais Roberto Calderoli aidé de Roberto Maroni, Giancarlo Giorgetti et Roberto Castelli, sous l’œil attentif toutefois de Manuela Marrone (son épouse).
  • [7]
    IGNAZI P., Postfascisti ? Dal Movimento Sociale Italiano ad Alleanza Nazionale, Bologne, Il Mulino, 1994.
  • [8]
    Pendant la Ière République ( 1948-1992), la Democrazia Cristiana était le véritable pivot du système pentarchique, qui comprenait aussi le Partito Liberale Italiano, le Partito Social-Democratico Italiano, le Partito Repubblicano Italiano et le Partito Socialista Italiano. Ce système faisait du Partito Comunista Itialiano un outsider régional puissant à “gauche”et du Movimento Sociale Italiano un allié potentiel à “droite”.
  • [9]
    MUDDE C., “The War of Words : Defining the Extreme Right Party Family”, West European Politics, vol. 19, n° 2,1996, pp. 225-248 et “What, Who, Why. The Defining of the Extreme Right in Family”, ECPR Joint Session, Bordeaux, 1995.
  • [10]
    Cf. IHL O., CHENE J., VIAL E., WATERLOT G., (dir.), La tentation populiste en Europe, Paris, La Découverte, 2003 ; SUREL Y. et MENY Y., Par le peuple, pour le peuple. Le populisme et les démocraties, Paris, Plon, 2000 ; BETZ H.-G., La droite populiste en Europe. Extrême et démocrate ?, Paris, Éditions Autrement, 2004.
  • [11]
    Adjectif repris à Giovanni Sartori par, entre autres, MASTROPAOLO A., “Quatre hypothèses sur le succès de la droite antipolitique”, dans IHL O., CHENE J., VIAL E., WATERLOT G., (dir.), op. cit., 2003.
  • [12]
    COLLOVALD A., “Histoire d’un mot de passe : le poujadisme. Contribution à une analyse des ‘ismes’”, Genèses, n° 3, mars 1991, pp. 97-119 ; “Le “national-populisme”ou le fascisme disparu. Les historiens du “temps présent”et la question du déloyalisme politique contemporain”, dans DOBRY M. (dir.), Le mythe de l’allergie française au fascisme, Paris, Albin Michel, 2003, pp. 279-321.
  • [13]
    DOBRY M., “La thèse immunitaire face aux fascismes. Pour une critique de la logique classificatoire”, dans DOBRY M., (dir.), ibid., 2003, pp. 17-67.
  • [14]
    Le corpus utilisé est composé d’une soixantaine d’entretiens semi-directifs, auxquels s’ajoutent des documents divers (tracts, affiches, fanzines) recueillis dans les diverses sections locales des deux organisations. Si ce corpus ne prétend pas épuiser l’ensemble des réalités militantes italiennes, il entend permettre d’aller au-delà des monographies grâce à la comparaison.
  • [15]
    Respectivement secrétaires du Mouvement Social Italien, l’organisation mère d’Alleanza nazionale, de 1946 à 1950 puis de 1969 à 1987, et de 1989 à 1991.
  • [16]
    KLANDERMANS B. et MAYER N., “Militer à l’extrême droite”, dans PERRINEAU P., (dir.), Les croisés de la société fermée. L’Europe des extrêmes droites, La Tour d’Aigues, Éditions de l’Aube, 2001, pp. 147-162.
  • [17]
    Si l’on retient comme critères de la précarité le chômage ou l’instabilité professionnelle, des difficultés à satisfaire aux besoins élémentaires tels que l’alimentation, l’hygiène, le logement, aucun des jeunes militants interviewés ne se trouve dans l’une ou l’autre de ces situations.
  • [18]
    BACKES U., “L’extrême droite : les multiples facettes d’une catégorie d’analyse”, dans PERRINEAU P., (dir.), op. cit., 2001, pp. 13-29.
  • [19]
    Pour une revue plus détaillée des classifications des partis d’“extrême droite”à partir du socle idéologique, cf. POIRIER P., “La disparité idéologique des nouvelles droites occidentales”, dans PERRINEAU P., (dir.), op. cit., 2001, pp. 31-49.
  • [20]
    KITSCHELT H., The Radical Right in Western Europe, Ann Arbor, The University of Michigan Press, 1997.
  • [21]
    FENNEMA M., “Some Theoretical Problems and Issues in Comparison of Anti-immigrant Parties in Western Europe”, Working Paper, ICPS, Barcelona, 1995 ; BOUILLAUD C., “La Lega Nord, ou comment réussir à ne pas être populiste ( 1989-2002)”, La tentation populiste au cœur de l’Europe, O., CHENE J., VIAL E., WATERLOT G., (dir.), La tentation populiste en Europe, 2003, op. cit., pp. 130-145.
  • [22]
    Selon IGNAZI P., L’estrema destra in Europa, Bologne, Il Mulino, 1994, les partis qui ont axé leur propagande sur l’anti-immigration et le law and order sont ceux qui ont le plus progressé au cours des deux dernières décennies.
  • [23]
    IGNAZI P., “The Silent Counter-Revolution : Hypotheses on the Emergence of Extreme Right-Wing Parties in Europe”, European Journal of Political Research, vol. 22, n° 1, pp. 3-34.
  • [24]
    Lorenzo, ex-coordinateur régional du MGP-Vénétie : “La Ligue représente l’unique moyen pour pouvoir recommencer à vivre dans une société saine, fondée sur des valeurs antijacobines, contre la culture de la mort et contre la drogue, contre l’avortement.”, 03/05/2002; et Enrico P., secrétaire provincial d’AG-Padoue et vice-maire de petite commune : “Je me regardais le soir et je disais : bon sang, aujourd’hui j’ai fait quelque chose contre l’avortement, j’ai fait quelque chose contre la drogue. Et je me sentais complet, je me sentais satisfait.”, 28/11/2001.
  • [25]
    La Padanie est le territoire inventé par les léghistes (HOBSBAWM E. et RANGER T., The invention of tradition, Cambridge, Cambridge University Press, 1993) et engloberait les territoires du Piémont à Venise et des contreforts alpins aux Apennins. Cf. MACHIAVELLI M., “La Ligue du Nord et l’invention du ‘Padan’”, Critique internationale, n° 10, janvier 2001, pp. 129-141.
  • [26]
    Roma ladrona est l’un des slogans les plus utilisés par la Lega Nord au cours des années 1980-90. Elle a ainsi fondé sa réussite sur la dénonciation de l’ultracentralisme romain, l’imposition fiscale, la corruption et la concentration du pouvoir dans les mains d’une “caste”politicienne méridionale au détriment des “petites gens du Nord”.
  • [27]
    Meeting d’Umberto Bossi à Monza, 03/2001.
  • [28]
    Ils se réjouissaient, pour la plupart, de la nomination de leur leader G.Fini en tant que représentant italien à la Convention pour la rédaction du Traité constitutionnel européen, au sein de laquelle il a notamment influé pour l’inscription de la mention des origines chrétiennes de l’Europe.
  • [29]
    Le projet porté par Bossi prévoit des pouvoirs accrus aux Régions en matière de santé, police locale et d’enseignement, la création d’un Sénat fédéral représentant les collectivités territoriales ainsi que le renforcement des pouvoirs du Premier Ministre. Approuvé en première lecture par le Sénat, il est actuellement en seconde lecture à la Chambre.
  • [30]
    Alan, coordinateur provincial du MGP-Ferrare : “Si tu es un vrai nationaliste padan tu es influencé par ‘Braveheart’.”, 11/05/2002. Il s’agit de l’évocation d’un soulèvement contre Edouard Ier d’Angleterre ( 1297) organisé par William Wallace, chef de guerre écossais, qui fut capturé puis tué par les Anglais et auquel s’identifient les léghistes (qui se considèrent des barbares celtes) dans leur lutte contre les “Romains”.
  • [31]
    Gloria, coordinateur provincial du MGP-Trévise, 11/12/2001.
  • [32]
    Marzio, ex-coordinateur provincial du MGP-Rovigo, 30/05/2002.
  • [33]
    IGNAZI P., Postfascisti ? Dal Movimento Sociale Italiano ad Alleanza Nazionale, Bologne, Il Mulino, 1994.
  • [34]
    La mise à distance vis-à-vis du régime fasciste est initiée par G.Almirante au cours des années 1960. Au moment de la transformation du MSI en AN, G.Fini condamne le totalitarisme sous toutes ses formes et reconnaît que “l’antifascisme fut un moment historiquement essentiel au retour des valeurs démocratiques que le fascisme avait piétinées”, dans IGNAZI P., I partiti italiani, Bologne, Il Mulino, 1997, p. 112.
  • [35]
    Andrea, secrétaire provincial d’AG-Venise, 27/02/2002, entré après le congrès de Fiuggi.
  • [36]
    Certains d’entre eux revendiquent même une culture antifasciste qui conditionne leur rapport à AN : “Faire l’accord avec ces gens-là, avec ceux d’AN ne nous plaît pas beaucoup parce qu’ils sont toujours fondamentalement le parti fasciste”, Ivan, ex-coordinateur provincial du MGP-Vérone, responsable fédéral du MGP et conseiller municipal (Dolcè), 10/04/2002.
  • [37]
    Gloria, coordinateur provincial du MGP-Trévise, 11/12/2001.
  • [38]
    DE FELICE R., Les interprétations du fascisme, Paris, Éditions des Syrtes, 2000; Le fascisme, un totalitarisme à l’italienne ?, Paris, Presses de la FNSP, 1988.
  • [39]
    IGNAZI P., “Les partis d’extrême droite : les fruits inachevés de la société postindustrielle”, dans PERRINEAU P., (dir.), op. cit., 2001, pp. 369-384. C’est nous qui soulignons.
  • [40]
    D’autres grilles de lecture sont possibles : S. Rokkan rangerait par exemple AN dans les partis centralistes et LN dans les partis autonomistes/régionalistes. Cf SEILER D.L., Les partis politiques, Paris, Armand Colin, 2000.
  • [41]
    Cf. DIAMANTI I., “La ‘Lega’, de la périphérie au centre du système politique italien”, Pouvoirs, n° 71,1994, pp. 161-174 ; TAGUIEFF P.-A., “Populisme, nationalisme, national-populisme. Réflexions critiques sur les approches, les usages et les modèles”, dans DELANNOI G. et TAGUIEFF P.-A., (dir.), Nationalismes en perspective, Paris, Berg International, 2001, pp. 303-407.
  • [42]
    N. Mayer en fait l’un des critères du “populisme”dans Ces Français qui votent FN, Paris, Flammarion, 1999.
  • [43]
    Seules la Destra Storica avant la Première Guerre Mondiale et la coalition entre le MSI et les monarchistes en 1972, la Destra nazionale, se sont appropriées le terme.
  • [44]
    FERRARESI F., Threats to Democracy. The Radical Right in Italy after the War, Princeton, Princeton University Press, 1993.
  • [45]
    DUBAR C., La crise des identités. L’interprétation d’une mutation, Paris, PUF, 2001.
  • [46]
    “À Mirabello qui est une des plus grosses fêtes où Fini vient toujours parler [… ] tu vois dans les stands des gadgets, le buste du Duce, des croix celtiques nazies, des choses comme ça et ils nous traitent de fascistes et de racistes alors qu’à eux on ne dit rien”, Alan, coordinateur provincial du MGP-Ferrare, 11/05/2002.
  • [47]
    Les centres sociaux occupés autogérés consistent en l’occupation non autorisée de bâtiments désaffectés par des groupes autonomistes qui y organisent différentes activités tournées soit vers la sociabilité (concerts, expositions, spectacles) soit vers les services (garderies, conseils aux toxicomanes et aux immigrés… ). Les premiers centres sont créés par des ressortissants d’“extrême gauche”au cours des années 1970 dans les métropoles universitaires (Milan, Bologne, Padoue… ) et connaissent un développement soutenu dans les années 1980. Cf. SOMMIER I., “Un espace politique non homologué. Les centres sociaux occupés et autogérés en Italie”, dans CURAPP, La politique ailleurs, Paris, PUF, 1998, pp. 117-129; TRAINI C., L’engagement apolitique. Une étude comparative de cas français et italiens, Thèse de Science Politique, Université Aix-Marseille III – IEP d’Aix en Provence, 1998.
  • [48]
    “Beaucoup de jeunes se rapprochent de la gauche avec les pétards [… ] à partir du moment où tu te shootes à la marijuana, c’est difficile que tu puisses avoir des idées de droite”, Enrico S., militant d’AG-Padoue, 12/12/2001. “90% des jeunes communistes ont les parents qui sont professeurs d’université ou entrepreneurs ou professions libérales. Moi je n’en connais pas un seul qui soit militant de gauche dont le papa est ouvrier”, Enrico P., secrétaire provincial d’AG-Padoue et vice-maire (Vigodarzere), 28/11/ 2001.
  • [49]
    Les jeunes d’AN opposent la pratique sportive, une musculature développée, cheveux courts (“je pense avoir été élevé d’une façon de droite parce que je n’ai jamais eu les cheveux plus longs que deux doigts”affirme Massimiliano, secrétaire provincial d’AG-Trévise et conseiller municipal à Trévise, 16/01/2002) et la correction vestimentaire aux cheveux longs et accessoires dermiques (tatouages, piercings) considérés comme signes ostentatoires et récurrents du laisser-aller et de l’efféminement de la “gauche”.
  • [50]
    Alessandra Mussolini quitte le parti et créé son mouvement Libertà e Azione et Francesco Storace (ex-président du Latium et leader d’un important courant interne) expose ouvertement son désaccord. Plus récemment en juillet 2005, G.Fini a tenté d’imposer une présidence resserrée du parti, au détriment des courants internes qu’il qualifie de “métastases”, ce qui a soulevé de vives tensions avec leurs leaders, notamment Gianni Alemanno à la tête du courant Destra Sociale.
  • [51]
    Les jeunes militants d’AN citent, quant à eux, plutôt William Churchill ou Charles De Gaulle.
  • [52]
    Julius Evola ( 1898-1974) a mêlé réflexions philosophiques, ésotériques et politiques. Il se rattache aux courants traditionaliste, romantique, anti-moderniste et paganiste. Ses ouvrages, dont Révolte contre le monde moderne ( 1934) et surtout Chevaucher le tigre ( 1961), sont extrêmement lus au sein des mouvements juvéniles radicaux et traditionalistes depuis les années 1950.
  • [53]
    Journaliste, M. Veneziani a été membre du MSI. Il a fondé les hebdomadaires L’Italia settimanale et Lo stato. Ayant rompu avec AN, il signe des éditoriaux pour Il Giornale, proche de Forza Italia. Il est l’auteur de La rivoluzione conservatrice in Italia, Milan, Nuova Ed., 1994; Sinistra e Destra. Risposta a Norberto Bobbio, Florence, Vallecchi, 1995; La cultura della destra, Rome, Editori Laterza, 2002.
  • [54]
    Ecrivain de langue allemande du XXème siècle, il considère la guerre comme une fin en soi esthétique. Il participe au mouvement “national-bolchéviste” dans les années 1930 ; entretenant des rapports obscurs avec le NSDAP, il produit une œuvre romanesque faisant l’apologie du machinisme et de la révolution nationale. Après le second après-guerre, il revient sur ses écrits passés et engage une réflexion sur le statut de l’individu face aux masses et à la dictature. L’ouvrage le plus lu dans les organisations de jeunesse étudiées ici s’intitule Le traité du rebelle ( 1951). Pour une déconstruction de l’image d’“intellectuel antinazi” d’E. Jünger, cf. VANOOSTHUYSE M., Fascisme et littérature pure. La fabrique d’Ernst Jünger, Marseille, Agone, 2005.
  • [55]
    Le différentialisme fait du raciste non plus celui qui refuse l’immigré mais celui qui l’accueille. Ainsi Lorenzo, ex-coordinateur régional du MGP-Vénétie : “si quelqu’un dit qu’il est contre l’immigration ce qui ne veut pas dire qu’il est raciste contre les gens qui viennent ici pour trouver du travail, parce que j’ai deux oncles qui sont partis travailler en Australie mais je sais combien on souffre en quittant sa famille, sa terre pour aller dans un autre pays. Le fait de favoriser l’immigration n’est pas juste parce qu’ils devraient chercher à favoriser le maintien de ces personnes dans leur milieu naturel pour travailler. [… ] Si tu sors d’ici tu vois ces pauvres noirs qui te vendent des trucs à la sauvette, ce n’est pas très beau ni pour moi ni pour ma ville et ni pour eux. [… ] Et donc ceux qui me disent que je suis raciste, ce n’est pas vrai, je suis beaucoup plus humain qu’eux. ”, 03/05/2002.
  • [56]
    “C’est un symbole [la triskèle] que tu ne peux pas prendre et t’attacher au cou. Il t’est donné quand tu fais un certain parcours, quand tu t’es formé d’une certaine façon, quand tu t’es montré à la hauteur.”, Elena, membre du directif national d’AG et conseiller régional-Vicence, 19/03/2002.
  • [57]
    Giorgio, secrétaire régional d’AG-Vénétie et conseiller de quartier (Padoue), 01/12/2001.
  • [58]
    Partie orientale de la Région Emilie-Romagne, elle comprend les Provinces de Faenza, Forlì-Ce-sena, Ravenne et Rimini.
  • [59]
    Il s’agit principalement de deux militants et d’un ex-responsable provincial du FdG puis d’AG, devenu permanent de la Lega Nord. Des témoignages ont signalé par ailleurs des transfuges isolés de la LN et d’AN vers Forza Italia. En outre, plusieurs jeunes militants ont évoqué des transfuges d’AN vers le MS-Fiamma Tricolore ou le Veneto Fronte Skinheads.
  • [60]
    DI MATTEO L., “La stigmatisation de l’idiotie montagnarde et son détournement par la Lega Nord”, dans IHL O., CHENE J., VIAL E., WATERLOT G., (dir.), op. cit., 2003, pp. 146-158.
  • [61]
    ROUSSEL V., “Labels politiques et construction de l’identité militante : le cas du Front National”, dans DOBRY M., (dir.), op. cit., 2003, pp. 237-277. l’auteur observe la même caractéristique au Front National.
  • [62]
    Alessandro, ex-militant d’AG-Cesena et aujourd’hui permanent de la LN-Forlì, 07/06/2002. Le recueil de la parole des transfuges demeure un exercice difficile car le stigmate du “traître”redouble la réprobation sociale qui entoure l’appartenance à de tels partis.
  • [63]
    À l’instar du rock identitaire français, il s’agit d’un style musical combinant musique rock ou hard rock et textes à teneur nationaliste, anti-communiste ou xénophobe.
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