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Article de revue

La notion de temps chez Goethe

Pages 247 à 259

Notes

  • [1]
    Concernant la question du vécu du temps et de l’instant dans les écrits de Goethe, l’auteur renvoie à son livre Der„ ewige “Augenblick. Studien zur Struktur und Funktion eines Denkbildes bei Goethe, Cologne, Weimar, Vienna 1991 (= Kölner Germanistische Studien 33) dans lequel il tente de donner une typologie et une métaphorologie (Hans Blumenberg) des différents aspects de l’instant dans la pensée et dans l’œuvre de Goethe. On pourra aussi se rapporter à l’étude ancienne mais encore d’actualité de Wolfgang Pehnt : Zeiterlebnis und Zeitdeutung in Goethes Lyrik. Von der Anakreontik bis zur frühen Weimarer Lyrik, Tübingen 1957. En complément, on mentionnera l’étude de David E. Wellbery : The Specular Moment. Goethe’s Early Lyric and the Beginnings of Romanticism, Stanford 1996 ; mais Wellbery s’intéresse moins au temps qu’aux liens entre la poésie du jeune Goethe et le romantisme, en particulier à ses affinités avec le mythe et la primitivité. Pour finir, relevons trois publications récentes sur l’instant chez Goethe. La première, Der Augenblick ist Ewigkeit “. Goethes wohltemperiertes Verhältnis zur Zeit, publiée dans la série des Abhandlungen der Klasse der Literatur de l’Akademie der Wissenschaften und der Literatur Mainz, année 1997, no 1, Bruno Hillebrand, reprend d’anciennes généralisations. Dans„ Fruchtbarer Augenblick “-„ prägnanter moment “ : Zur medienspezifischen Funktion einer ästhetischen Kategorie in Aufklärung und Klassik (Lessing, Goethe) [dans : Prägnanter Moment. Studien zur deutschen Literatur der Aufklärung und Klassik. Festschrift für Hans-Jürgen Schings, sous la dir. de Peter-André Alt, Alexander Košenina, Hartmut Reinhardt und Wolfgang Riedel, Würzburg 2002, pp. 373-404] l’auteur Norbert Christian Wolf explique la différence de l’esthétique de l’instant expressif chez Lessing et Goethe ; Kairos und chronos - oder : Der prägnante Moment ist flüchig. Antike Philosophie, klassische Lebenskunstlehre und moderne Verzweiflung [publié aussi dans Prägnanter Moment, pp. 405-420]. Michael Jaeger voit dans la relation étroite entre la diététique dans la pensée antique et le rajeunissement de Goethe en Italie un phénomène moderne. Ni Hildebrand, ni Wellbery, ni Wollf, ni Jaeger ne tiennent compte des recherches récentes. Sur la publication de Nicholas Rennie : Speculating on the Moment. The Poetics of Time and Recurrence in Goethe, Leopardi and Nietzsche. Göttingen 2006, cf. mon compte rendu critique dans : IASLonline [25.09.2006] ; URL http://iasl.uni-muenchen.de/rezensio/liste/Anglet3892449686_1666. html
  • [2]
    Cf. mon essai Le Vieillir chez Goethe (à paraître).
  • [3]
    Concernant la différence de sa perspective sur l’histoire cf. Andreas Anglet : Der„ ewige “Augenblick, op. cit., pp. 354-404. Sur la sensibilité de Goethe au phénomène d’accélération de la vie liée à la modernisation, cf. les contributions inspirées par Paul Virilio de Manfred Osten : „ Alles veloziferisch “oder Goethes Entdeckung der Langsamkeit. Zur Modernität eines Klassikers im 21. Jahrhundert, Frankfurt am Main, Leipzig 2003, cf. Anglet : Der„ ewige “Augenblick, op. cit., pp. 354-357
  • [4]
    Cf. la partie historique de sa théorie des couleurs avec les réflexions de l’auteur sur le problème philosophique de l’historiographie ; on trouve une tentative de systématisation chez Angelika Groth : Goethe als Wissenschaftshistoriker, Munich 1972.
  • [5]
    Cf. les contributions sur ce thème dans Goethe und die Verzeitlichung der Natur, sous la dir. de Peter Matussek, Munich 1998.
  • [6]
    Faust semble accepter la temporalité, car il ne veut jamais dire à l’instant « Verweile doch ! Du bist so schön ! » (v. 1700) avec toutes les allusions à la séduction originale en anticipant la tragédie de Margarete, quoique le mot désignant l’instant en allemand soit masculin (« der Augenblick »).
  • [7]
    WA I, 2, p. 53. Le poème devait à l’origine figurer comme dialogue dans un drame sur Mahomet ; DjG III, pp. 130-133 et le commentaire ibid., pp. 449-451 ; cf. le commentaire dans la HA I, pp. 481-82. (WA : J.W. Goethe : Werke, Schriften, Tagebücher und Briefe. Weimarer Ausgabe, sous la dir. De Erich Schmidt etc., Weimar 1887-1919. – HA : J.W. Goethe : Werke. Hamburger Ausgabe, sous la dir. De Erich Trunz etc., édition revisée 1981 [1948-1960] – DjG : Der junge Goethe, sous la dir. De Max Morris, renouvellé par Hanna Fischer-Lamberg, Berlin 1963-1974 [1909-1912].)
  • [8]
    Concernant l’eau dans le Coran, que Goethe lisait à cette époque, cf. Konrad Burdach : Vorspiel. Gesammelte Schriften zur Geschichte des deutschen Geistes Bd. 2. Halle 1926, pp. 84-86 ; concernant l’image en général Richard M. Müller : Die deutsche Klassik. Wesen und Geschichte im Spiegel des Strommotivs, Bonn 1959.
  • [9]
    Au sujet de l’importance des métaphores de l’eau dans le piétisme allemand cf. August Langen : Der pietistische Wortschatz. Tübingen 1952, pp. 287-291, 319-332. Franz Saran a établi des parallèles entre le poème et les « torrents spirituels » dans la mystique de Madame de Guyon et dans la piété du Zinzendorf, deux courants connus du jeune Goethe ; Franz Saran : Goethes Mahomet und Prometheus, Halle 1914, pp. 17-22 ; cf. aussi Konrad Burdach : Vorspiel. Gesammelte Schriften zur Geschichte des deutschen Geistes, vol. 2, Halle 1926, p. 87. De plus, soulignons que Klopstock publiait en 1773 ses derniers chants du Messias, dans lequel la conception de l’émanation et de la régression est transposée au Christ ; cf. Klopstock : Messias I, v. 199 sv. (création), XIII, v. 402-404, 423-432, XX, v. 83-84 et v. 1113 sv.
  • [10]
    Cf. le rendez-vous du prophète dans « le désert aride » avec les âmes qui l’attendent et désirent ardemment (vv. 41-42).
  • [11]
    WA I, 2,56-57 ; le titre prévu était Gesang der lieblichen Geister in der Wüste, cf. WA I, 2, p. 306. Comme Mahomets Gesang, il était aussi construit sous forme dialogique ; cf. WA I, 2, p. 306, et le commentaire d’Erich Trunz dans HA I, p. 557. On trouve chez Hans-Werner Nieschmidt une analyse structurelle : Stürzende Wasser. Zum Motiv des Wasserfalls in Gedichten Stolbergs, Goethes und Mörikes, dans : Journal of the Australasian Universities Language and Literature Association 38 (1972), pp. 143-158, en particulier pp. 149-152. Cf. aussi Maurice Marache : Le symbole dans la pensée et l’œuvre de Goethe, Paris 1960, pp. 264-289.
  • [12]
    Cf. la lettre du 9 octobre 1779 de Goethe à Charlotte von Stein ; WA IV, 4,74. La lettre du 14 octobre contenait le Gesang der Geister ; WA IV, 4, pp. 78-80, cf. l’indication dans WA I, 2, p. 306. Déjà Albrecht von Haller avait assimilé l’image du cycle de l’eau au concept de l’émanation et de la régression dans son poème célèbre Die Alpen (1729), en particulier vv. 351-360 ; cf. Burdach : Vorspiel, op. cit., p. 88 (note 1).
  • [13]
    WAI, 2,p.56.
  • [14]
    Dans la copie du manuscrit original goethéen par Herder se trouve encore le terme « éternel » ; WA I, 2, p. 306.
  • [15]
    Cf. l’interprétation du mouvement dans ce poème par Hans Werner Nieschmidt : Stürzende Wasser, op. cit., pp. 151-152.
  • [16]
    Une formulation classique est la maxime no 1365 (numérotation des Maximen und Reflexionen par Hecker). Cf. l’article Entelechie dans le Goethe-Handbuch, tome 4.1, sous la dir. de Hans Dietrich Dahnke et Renate Otto, Stuttgart et Weimar 1998, pp. 264–65.
  • [17]
    Cf. le poème Urworte. Orphisch (1817).
  • [18]
    Rencontre avec Eckermann du 3 mars 1830.
  • [19]
    Concernant l’influence du concept de l’« inward form » de Shaftesbury cf. Oskar Walzel : Das Prometheus–Symbol von Shaftesbury bis Goethe, Leipzig 1912 ; Reinhold Schwinger : Innere Form, Munich 1935. Zimmermann fait valoir les notions de « innerliche verborgene Form » chez Johannes Arndt et de„ inwendigste Form aller Formen des gesamten Körpers » chez Swedenborg ; Rolf Christian Zimmermann : Das Weltbild des jungen Goethe. Studien zur hermetischen Tradition des deutschen 18. Jahrhunderts, vol. 1, Munich 1969, pp. 283–84. Les images piétiste et hermétique de l’étincelle de l’âme („ Seelenfunken “), de la chaleur intérieure („ inneren Wärme “) et du magnétisme animal ont été proposées comme autre champ d’association ; Zimmermann, Weltbild, op. cit., tome I, pp. 146 f., 192 f., 224–6
  • [20]
    Aristote : PhysikeI, 192a18.
  • [21]
    Chez les contemporains, cette idée était confirmée par l’ami de Goethe Friedrich Heinrich Jacobi dans sa philosophie de la vie individuelle.
  • [22]
    Voir l’étude de Jean–Michel Pouget : La science goethéenne des vivants. De l’histoire naturelle à la biologie évolutionniste, Berne, Berlin, Bruxelles [...] 2001 (= Contacts : Sér. 3, Études et documents ; vol. 56) ; sur les conséquences de ces discussions cf. Goethe und die Verzeitlichung der Natur, sous la dir. de Peter Matussek, Munich1998.
  • [23]
    J.-M. Pouget : La science goethéenne des vivants, op. cit., p. 74.
  • [24]
    Paralipomenon aux études morphologiques de 1807 ; WA II, 6, p. 446.
  • [25]
    C’est exactement ce qu’exprime ce propos d’Overbeck : « Das äußere Phänomen ist gleichsam die Außenseite des Gesetzes, und das Gesetz ist die Innenseite des Phänomens » ; Gertrud Overbeck : Goethes Lehre von der Metamorphose der Pflanzen und ihre Widerspiegelung in seiner Dichtung, dans : PEGS 31 (1961), pp. 30-59, ici p. 48.
  • [26]
    Sur la notion de la « Steigerung » qui implique des multiples connotations en allemand chez Goethe, voir Manfred Tietz : Begriff und Stilformen der « Steigerung » bei Goethe, Phil. Diss. Mayence 1963.
  • [27]
    « Das Geeinte zu entzweien, das Entzweite zu einigen ist das Leben der Natur ; dieß ist die ewige Systole und Diastole, die ewige Synkrisis und Diakrisis, das Ein- und Ausathmen der Welt, in der wir leben, weben und sind » ; Zur Farbenlehre. Didaktischer Theil § 739, WA II, 1, p. 296. Cf. Dichtung und Wahrheit, fin du 8e livre, WA I, 27, p. 222. Goethe se refère à Platon, ancêtre de cette idée, dans la partie historique de sa théorie de couleurs ; WA II, 3, pp. 113-114, cf. WA II, 4, p. 89.
  • [28]
    Die Metamorphose der Pflanzen, vv. 6-7, WA I, 1, pp. 290-292 et WA I, 3, pp. 85-87. Cf. Goethe : Zur Morphologie. Die Metamorphose der Pflanze, en particulier dans § 73, WA II, 6, pp. 63. Gertrud Overbeck propose un schéma, op. cit., p. 42. Günther Müller interprète le poème dans : Goethes Elegie « Die Metamorphose der Pflanzen ». Versuch einer morphologischen Interpretation “, dans : DVjs 21 (1943), pp. 67-98, et Karl Richter : Wissenschaft und Poesie « auf höherer Stelle » vereint. Goethes Elegie « Die Metamorphose der Pflanzen », dans : Gedichte und Interpretationen, Bd. 3 : Klassik und Romantik, sous la dir. de Wulf Segebrecht, Stuttgart 1984, pp. 156-168.
  • [29]
    « Das vertical aufsteigende System bewirkt bei vegetabilischer Bildung das Bestehende, seiner Zeit Solidescirende, Verharrende [...]. Das Spiralsystem ist das Fortbildende, Vermehrende, Ernährende, als solches vorübergehend, sich von jenem gleichsam isolirend. Im Übermaß fortwirkend, ist es sehr bald hinfällig, dem Verderben ausgesetzt ; an jenes angeschlossen, verwachsen beide zu einer Einheit als Holz oder sonstige Solide. [/] Keins der beiden Systeme kann allein gedacht werden ; sie sind immer und ewig beisammen. » Über die Spiral-Tendenz der Vegetation, WA II, 7, pp. 38-39.
  • [30]
    « Die Pflanze erscheint [...] als Individuum und zwar da, wenn sie sich als Samenkorn von der Mutterpflanze loslös’t. » Entwurf einer vergleichenden Anatomie, WA II, 8, p. 82.
  • [31]
    Cf. Die Metamorphose der Pflanzen, vv. 21-24.
  • [32]
    Ibid., v.77.
  • [33]
    Ibid., v.77-80.
  • [34]
    « Alles kommt in der Wissenschaft auf das an, was man ein Aperçu nennt, auf ein Gewahrwerden dessen, was eigentlich den Erscheinungen zum Grunde liegt. Und ein solches Gewahrwerden ist bis in’s Unendliche fruchtbar » Zur Farbenlehre. Historischer Theil, WA II, 3, pp. 246-47. Sur le mot « aperçu » et son importance pour Goethe voir Andreas Anglet : Der « ewige » Augenblick, op. cit., pp. 228-251, 258-297.
  • [35]
    Rencontre no 4696, Biedermann/Herwig III.1, p. 117 f.
  • [36]
    Goethe : Bedenken und Ergebung, WA II, 11, p. 57.
  • [37]
    Paralipomena LXVII, WA II, 5.2, p. 259.
  • [38]
    Dans sa lettre du 15 août 1803, Goethe remercie Reil avec un poème, dont le commentaire de la Weimarer Ausgabe suppose, sur la base d’un témoignage de Reil, qu’il s’agissait de la Metamorphose der Pflanzen ; WA IV, 16,269, cp. WA III, 3, p. 77 ; commentaire : WA IV, 16, p. 461. Sur le contexte v. Max Kommerell : Gedanken über Gedichte, op. cit., p. 199 ; plus de détails dans : Goethes Gedichte, sous la dir. de Emil Staiger , tome 2, Zurich 1949, pp. 463-465.
  • [39]
    WA I, 1, pp. 119-20 et WA I, 3, pp. 79-80.
  • [40]
    Lettre du 18 août, WA I, 37, pp. 75-76. Cf. la critique de Sulzer par Goethe en 1772 sur la nature destructrice ; WA I, 37, p. 210.
  • [41]
    Cette phrase se trouve notamment chez Plutarque dans : De Ei apud Delphos, 392 B : « Auf einem Fluße, sagt Heraklitus, kann man nicht zweymal gehen, und eben so kann man auch ein sterbliches Wesen nicht zweymal in dem nemlichen Zustande antreffen, sondern durch die Heftigkeit und Geschwindigkeit der Veränderung wird es bald zerstreuet, bald wieder vereiniget » ; citation de l’édition de 1803 dont disposait Goethe, la traduction étant de Johann Friedrich Salomon Kaltwasser : Plutarchs moralische Abhandlungen, 8 vols., Francfort-sur-le-Main, 1783-1798, ici vol. 3, p. 508.
  • [42]
    Cf. Gränzen der Menschheit (avant 1781) : « Uns hebt die Welle, / Verschlingt die Welle, / Und wir versinken » (v. 34-36), WA I, 2, p. 83. On y trouve encore l’idée des dieux situés en dehors de ce mouvement ainsi que„ viele Wellen / Vor jenen wandeln, / Ein ewiger Strom “, vv. 31-34.
  • [43]
    Cf. le vers final dans un poème parallèle du Buch der Betrachtungen dans le Divan, où une voix déplore la perte de toutes les choses qui faisaient le valeur de la vie, mais dit à la fin du poème : « Mir bleibt genug ! Es bleibt Idee und Liebe ! » WA I, 6, p. 83.
  • [44]
    Maximen und Reflexionen 1251.
  • [45]
    Cf. Isaac Newton : Philosophiae Naturalis Principia Mathematica (1687) : Definitiones : Scholium.
  • [46]
    Cf. note 37.
  • [47]
    « Die Zeit ist selbst ein Element » ; Maximen und Reflexionen 202.
  • [48]
    Divan. Buch der Sprüche ; WA I, 6, p. 121.
  • [49]
    Das Göttliche, V. 37-42 ; WA I, 2, pp. 83-85.
  • [50]
    L’importance médiale de l’écriture est le fondement de l’évaluation de la littérature par Goethe : « Doch hat das Geschriebene den Vorteil, daß es dauern und die Zeit abwarten kann, wo ihm zu wirken gegönnt ist. » Maximen und Reflexionen 891.
  • [51]
    J’ai tenté d’aborder les différents aspects de ce thème dans mon travail Der , ewige’ Augenblick, op. cit., pp. 354-408.
English version

1 Le temps est un des thèmes qui ont préoccupé Goethe durant toute sa vie. [1] Il y réfléchit non seulement dans ses écrits théoriques mais aussi dans ses poèmes, ses pièces et ses romans. Il ne traitait pas la question de l’essence du « temps », mais il s’intéressait à l’expérience du temps. Son attention était tournée vers l’expérience de la brièveté des instants heureux qui ne correspond pas à l’impact qu’ils ont sur la formation et le développement de l’individu. Avant et après l’élaboration de sa fameuse théorie sur la « métamorphose des plantes », il tente à plusieurs reprises d’ébaucher une périodisation de la vie humaine jusqu’au projet – rejeté par lui même – visant à y recourir pour son autobiographie. [2] Il a aussi rejeté l’idée d’un transfert du schéma de développement dans la nature au domaine de l’histoire [3] où il trouvait discontinuités et ruptures. [4] Ce qui est fugace et superficiel avait selon lui une forte influence et exerçait une force destructrice sur l’homme, l’histoire politique et scientifique, que déplorait en particulier le scientifique qu’était Goethe.

2 Dans le cadre du travail présenté ici, il n’est pas possible d’épuiser tout ce champ d’étude. Ces analyses se concentreront donc sur deux aspects centraux de la pensée de Goethe révélateurs de sa conception du temps. Pour faire court, on peut dire que Goethe emploie deux modèles différents, le premier - chez le jeune Goethe – est le modèle de l’émanation comme métaphore du développement. Il sera présenté dans la première partie de mon article. Le second modèle repose sur la conception d’une « métamorphose » comme processus structural du développement – auquel ma deuxième partie est consacrée – et participe de la temporalisation de la nature dans la pensée du XVIIIe siècle. [5] Malgré ce changement de paradigme – telle est la thèse défendue ici – Goethe conserve la notion d’un temps organique qui conduit a considérer l’idéal contenu dans l’individuel, l’art et la nature. Cette conception est expliquée dans son fameux poème Dauer im Wechsel qui permettra, dans la dernière partie de mon article, de situer cette notion par rapport à son époque et d’évaluer l’importance du temps chez Goethe.

1. Goethe et la tradition néoplatonicienne : le modèle de l’émanation et de la régression

3 Le problème du temps se trouve évoqué chez le jeune Goethe par le biais d’une plainte sur le caractère éphémère de la vie. Dans sa fameuse tirade, Prométhée s’adresse à Zeus : « [...] Die allmächtige Zeit [/] Und das ewige Schicksal » « Meine Herren und deine » (V. 44–46). Le temps « tout–puissant » est maître du titan, des êtres humains – ici négligés – et des dieux. Presque un demi–siècle plus tard, Méphistopheles peut encore dire dans Faust II :

4

« Die Zeit wird Herr ». (V. 11592)

5 Mais ici, c’est seulement l’être humain, en l’occurrence Faust, qui ne peut pas échapper au pouvoir du temps, et il le confirme dans son pacte avec Méphistopheles. [6]

6 Le caractère éphémère de la vie est à l’origine de la réflexion de Goethe sur le temps humain. La tradition philosophique se trouve très présente dans ses poèmes qui représentent la vie à l’aide de l’image du cycle de l’eau. Déjà dans Mahomets Gesang[7] (1772/73), Goethe illustre le concept néoplatonicien de l’émanation et de la régression en utilisant cette image qui fut toujours liée à cette tradition. [8] L’image du cycle de l’eau partage avec l’ontologie l’idée que le temps est un élément fluide. De plus, il insiste sur le fait que « temps » n’est pas seulement une grandeur quantitative, mais tire son importance de sa dimension qualitative en tant que temps vécu ayant un contenu particulier, formé ici par la mission divine du prophète et l’événement spirituel de la diffusion de la nouvelle divine. Ce détournement subjectif de l’ancienne tradition avait été anticipé dans les traditions mystiques et littéraires aux XVIIe et XVIIIe siècles. [9] Le temps comme temps de l’existence affiche deux visages dans le poème : d’un côté celui du mouvement perpétuel du fleuve qui entraîne et emporte, de l’autre celui du déroulement cyclique de l’émanation et de la régression. Linéarité et circularité apparaissent d’emblée comme une unité.

7 La structure est marquée à trois endroits : au début du poème, dans la sixième et dans la dernière strophe. L’origine de l’individu est située au dessus du monde (« über Wolken », v. 4) d’où il s’éloigne pour s’avancer vers la terre en dansant, protégé par la sollicitude des bons esprits (« guten Geister », v. 6). Dès sa jeunesse, le génie dirige ses forces vers son origine, il vise la régression dans une fusion unitaire avec la source de son émanation :

8

Jünglingfrisch
Tanzt er aus der Wolke
Auf die Marmorfelsen nieder,
Jauchzet wieder
Nach dem Himmel. (vv. 8-12)

9 Au cœur du poème, la vocation spirituelle de Mahomet culmine dans l’élan d’une communauté d’adeptes – les « enfants » – vers Dieu – son « père ». [10] La régression n’est pas seulement un événement spirituel, mais aussi le retour à Dieu au moment de la mort. A l’émanation et à la régression correspondent, dans la forme lyrique, la relation dialogique entre la communauté et Dieu qui répond à leur élan de joie et d’amour :

10

„ Und so trägt er seine Brüder,
Seine Schätze, seine Kinder,
Dem erwartenden Erzeuger
Freudebrausend an das Herz “(vv. 65-68).

11 L’idée du temps de l’existence comme temps situé entre émanation et régression se retrouve dans le poème Gesang der Geister über den Wassern, que Goethe écrit en 1779 pendant son premier voyage en Suisse,  [11] où l’image avait reçu une nouvelle plasticité après la découverte des chutes du Staubbach dans la vallée du Lauterbrunnen par Goethe. [12] La relation entre signifiant et signifié est expliquée directement au début du poème :

12

« Des Menschen Seele
Gleicht dem Wasser :
Vom Himmel kommt es,
Zum Himmel steigt es,
Und wieder nieder
Zur Erde muß es,
Ewig wechselnd ». [13]

13 La première strophe interprète donc l’image de l’eau au moyen de l’emanatio et du regressus. Comme dans Mahomets Gesang le ciel est sur le plan de l’image un motif météorologique et – ici seulement sur le plan sémantique – en même temps religieux.

14 Contenant chacune une sentence, la première et la dernière strophe soulignent la structure circulaire du poème. Son sujet n’est plus seulement le génie, mais l’âme humaine en général. Le mouvement du temps commence avec l’apparition de l’âme dans le monde, quand le « pur »  [14] filet d’eau coule d’une « paroi haute et raide » (vv. 8-10)  [15] et se termine quand l’eau parvient dans le lac :

15

« Im flachen Bette
Schleicht er das Wiesenthal hin,
Und in dem glatten See
Weiden ihr Antlitz
Alle Gestirne » (vv. 23-27).

16 Le mouvement de l’eau se calme « dans le lac plat » et les astres s’y reflètent : le haut et le bas s’unissent – un symbole de la totalité.

17 Dans Mahomets Gesang et dans Gesang der Geister über den Wassern, le mouvement linéaire de la vie est représenté par un parcours vertical dans l’espace. Il y a une avancée, mais en même temps une régression, il y a une progression continue, mais en même temps des changements dans le mouvement et des ruptures. En particulier, une résistance se fait sentir au paroxysme de la puissance, « vent » et « vague » se rencontrent ainsi que le « destin » et l’« âme » (vv. 32-35). « Écumant », « se mêlant », « coupant » (vv. 30-31) sont autant de termes indiquant des ruptures de la continuité qui se succèdent avant que le calme s’instaure et qui sont annoncés de manière programmatique par l’expression : « changeant éternellement » (« ewig wechselnd »). Goethe donne même une description érotique du jeu des éléments :

18

« Wind ist der Welle
Lieblicher Buhler » (vv. 28-29).

19 La vie de l’être humain acquiert ainsi une touche héroïque plus évidente que dans Mahomets Gesang, mais elle apparaît aussi davantage menacée.

20 Le temps n’est pas considéré comme vide, mais toujours rempli d’événements. La structure circulaire rattache Goethe aux spéculations théologiques, philosophiques et biologiques sur l’âme et sur le noyau de l’être vivant. Goethe a pu recourir à la terminologie aristotélicienne de l’« entelecheía »,  [16] au terme socratique du « daimon »  [17], à celui de la « monade » de Leibniz [18] ou s’associer à la discussion sur la « forme intérieure ». [19] Les métaphores néoplatoniciennes soulèvent la question de la relation entre l’âme, l’entéléchie, la monade et la temporalité. Dans la logique de Platon, l’âme est apparentée aux idées (Phaidon 97d) et aspire à réintégrer la sphère de l’être éternel qu’elle représente dans le monde, dans le domaine du devenir l’éternel (106d)  [20]. Avec des traditions de pensée aussi différentes que celles des Helmonts – qui interprétaient l’entéléchie d’Aristote comme entité individuelle sous l’influence de la doctrine de l’« archeus » de Jacob Böhme –, du panthéisme de Spinoza et de Leibniz – qui expliquait le caractère de l’entéléchie comme substance dotée d’une vis primitiva – [21], Goethe partage en plus l’idée que l’éternel est présent dans toute sa plénitude non seulement au niveau du macrocosme mais aussi à celui du microcosme, dans l’individu. On trouve la concrétisation de ces spéculations philosophiques sur l’âme dans la discussion goethéenne sur l’histoire naturelle des XVIIe et XVIIIe siècles. [22] Avec ses recherches morphologiques, sa pensée devient de plus en plus une pensée biologique. Le temps apparaît comme processus structuré : il est métamorphose.

2. Le temps comme structure de la nature : la métamorphose

21 Ces conceptions de la double temporalité de l’âme - sa participation à la natura naturans et à la natura naturata - répondaient bien aux théories de l’emboîtement et de la préformation en vigueur dans la biologie contemporaine et défendues par des naturalistes comme Bonnet et Haller. Jean-Michel Pouget a indiqué l’importance de la Theoria generationis de Christian Friedrich Wolff pour Goethe et son « attitude face à l’être vivant. Alors que les préformationnistes cherchaient une confirmation de la croissance progressive de chaque organe dans leurs observations, Wolff et Goethe [...] observaient avec un tout autre regard, privilégiant la différenciation et l’agencement progressifs des organes à leur croissance une fois formés. »  [23]

22 Dans la « métamorphose », la structure de la vie observée dans la métaphore néoplatonicienne est transformée en structure naturelle. La linéarité se trouve dans le principe de continuité cher à Leibniz et dans la notion d’une « grande Chaîne des Êtres ». Cette continuité se manifeste par un changement des formes dans un processus conforme aux lois de la nature, qui met en évidence l’ordre harmonieux de la nature :

23

« Die Gestalt ist ein bewegliches, ein werdendes, ein vergehendes. Gestalten-lehre ist Verwandlungslehre. Die Lehre der Metamorphose ist der Schlüssel zu allen Zeichen der Natur »  [24].

24 Le « signifiant de la nature » est la manifestation temporelle de la loi éternelle de l’individu. [25] Avec ces deux ressorts centraux que sont la polarité (« Polarität ») et l’intensification (« Steigerung »), le développement avance graduellement. [26] Goethe a aussi décrit ce cycle comme une alternance de diastole et de systole, d’inspiration et d’expiration, d’expansion et de concentration, de désaissisement de soi (« Entselbstung ») et d’appropriation de soi (« Verselbstigung »). L’unité originaire de l’être semble se défaire dans le processus naturel et se rétablir dans son développement, se défaisant et se rétablissant constamment. [27]

25 Les six sections de la Métamorphose des plantes contiennent ainsi trois cycles de diastole et systole. Le développement morphologique culmine pour chaque cycle dans une forme (« Gestalt ») de la plante et à chaque niveau il révèle une « loi secrète, [...] un énigme sacrée » de la nature. [28] Dans cette métamorphose, Goethe distingue deux tendances temporelles : le système vertical ascendant (« das vertical aufsteigende System ») qui représente les forces de durée et de continuité, et le système spirale (« das Spiralsystem »), qui coexistent nécessairement. [29] La séparation de la graine correspond au moment de la naissance, dans le modèle néoplatonicien, de l’apparition de l’individu. [30] Chaque étape est une nouvelle naissance, un rajeunissement de la première création sous une autre forme [31]. Le contenu symbolique d’un tel processus de développement naturel se révèle nettement. A l’évidence, il y a une analogie avec l’animal, à en juger par l’image de l’homme et de l’animal, qui se dégage des études anatomiques de Goethe et de poèmes comme Die Metamorphose der Tiere ou Urworte Orphisch.

26 Le point culminant de toute la formation, dans le poème Die Metamorphose der Pflanzen, est le moment « de l’amour sacré » (« heilige [n] Liebe »)  [32], dans lequel un couple observe le processus. Le pouvoir créateur de l’amour est aperçu dans l’acte de reconnaissance de l’amour lui-même, de sorte que « dans une contemplation harmonieuse, le couple s’unisse pour un monde supérieur »  [33]. Le point de fuite est à nouveau le « monde supérieur » d’un cosmos amoureux qui est présent dans l’ordre des phénomènes temporels.

27 Donc le point culminant correspond à un moment de choix. Goethe l’appelait instant éternel, moment fécond ou « aperçu ». [34] La durée est fixée dans l’instant, c’est tout ce que la raison naturelle de l’être humain peut faire :

28

« Alles kommt auf ein Aperçu an. Es ist das Höchste, wozu es der Mensch bringt, und weiter bringt er es nicht. Es ist nur der Kontur, der Umriß von einer Sache. Das parenchyma des Details kann er, ohne [ein] zweiter Schöpfer zu sein, nicht geben. [...] Es ist ein Ganzes, aber im Umriß [...]. »  [35]

29 Ce qui est fixé dans l’instant, c’est le type, le phénomène originaire (« Typus », « Urphänomen ») - une connaissance symbolique, l’absolu de l’idée aperçu dans les limites d’une science à l’échelle humaine :

30

« [...] die Idee ist unabhängig von Raum und Zeit, die Naturforschung ist in Raum und Zeit beschränkt ; daher ist in der Idee Simultanes und Successives innigst verbunden, auf dem Standpunct der Erfahrung hingegen immer getrennt, und eine Naturwirkung die wir der Idee gemäß als simultan und successiv zugleich denken sollen, erscheint uns in eine Art Wahnsinn zu versetzen. »  [36]

31 L’être humain est enchaîné au temps. Il ne lui reste par conséquent qu’une connaissance symbolique du processus et de ses lois éternelles :

32

« Da die Idee selbst das Nothwendigste ist, so deutet sie auch sogleich auf das was außer ihr, neben ihr, in ihr, wie man will, das Nothwendigste sey. [...] Aber uns, die wir an die Zeit gebunden sind, die wir das, was wir als eins, als simultan erkennen, in der Succession als ein Vieles behandeln müssen, wird durch die Idee ein Leitfaden gereicht, daß wir, wir mögen uns an einer Stelle befinden wo wir wollen, uns an den Anfang und an das Ende finden können. »  [37]

33 La formule de Goethe pour résumer sa réflexion sur le temps est celle de la « durée dans le changement » (« Dauer im Wechsel »).

3. Rajeunissement et continuité : „ Dauer im Wechsel “(1803)

34 L’idée d’une métamorphose et d’une tendance spirale rejoignent l’idée du renouvellement périodique du corps humain conçu par Goethe à la lecture des Rhapsodien über die Anwendung der psychischen Kurmethode auf Geisteszerrüttungen de Johann Christian Reil en 1803. [38] Goethe trouve donc la formule définissant sa conception du temps dans le poème Dauer im Wechsel[39].

35 Quatre strophes illustrent le changement rapide des phénomènes, des saisons, du paysage et finalement de l’homme, de ses expériences et de son corps. Dès le début, se trouve formulé le souhait de pouvoir arrêter le temps :

36

« Hielte diesen frühen Segen
Ach, nur Eine Stunde fest ! » (v. 1-2).

37 Ces vers reprennent la plainte du jeune Goethe sur le caractère éphémère de la jouissance et sont suivis par des images de la nature qui rappellent les visions d’une nature destructrice chez le jeune Werther [40]. La citation d’Héraclite [41] à la fin de la deuxième strophe attire l’attention sur la vie humaine :

38

« Ach, und in demselben Flusse
Schwimmst du nicht zum zweitenmal. /
Du nun selbst ! [...] » (vv. 15-17).

39 L’ enjambement suivant souligne que même ce qui est le plus fixe est soumis au changement et qu’en conséquence un changement intervient chez l’individu pendant sa vie (v. 17-20). Ceci est interprété comme un rajeunissement, une convalescence (« genas ») non seulement de la perception (yeux ; v. 21- 28), mais aussi de la langue et de l’amour (lèvre), de la mobilité dans l’espace (pied) et de la main, organe de l’activité vivante et responsable. Avec la conclusion « Alles ist ein andres nun » (v. 28), le changement saisit l’identité de l’individu. Avec l’image de la vague, la vie de l’homme est intégrée dans le cercle de la nature et de ses éléments :

40

« Und was sich an jener Stelle
Nun mit deinem Namen nennt,
Kam herbei wie eine Welle,
Und so eilts zum Element » (v. 29-32)  [42].

41 A la fin du poème, la perspective se détache du particulier et se tourne vers le tout de la vie. Le lecteur est invité à se résigner à la fuite du temps avec l’espoir que la fin de sa vie fusionne (« zusammenziehn ») avec son origine, trace des notions d’émanation et de régression. Néanmoins, l’impératif (« Laß ») est ambivalent. Il peut s’agir aussi d’une invitation à l’action, et pas seulement d’une acceptation de la vie comme perfectionnement et comme cercle se refermant sur lui-même :

42

„ Laß den Anfang mit dem Ende
Sich in Eins zusammenziehn !
Schneller als die Gegenstände
Selber dich vorüberfliehn “(V. 33-36).

43 Les choses, et en particulier les objets d’art, ont une durée de vie supérieure aux humains, mais davantage comme art que comme objet. Cette région qui a la faveur des Muses (« Gunst der Musen ») et qui promet des choses impérissables (« Unvergängliches », vv. 37-38), c’est la région du cœur et de l’esprit :

44

« Den Gehalt in deinem Busen
Und die Form in deinem Geist » (vv. 38-39).

45 En se référant au concept d’entéléchie, Goethe identifie le contenu déposé en son sein (« Gehalt in deinem Busen ») à l’amour qui remplit la « forme ». [43] Ce sont les forces qui survivent à l’homme. Le remerciement (« Dank ») final lie l’acceptation et l’affirmation du caractère éphémère de la vie avec l’invitation à l’action féconde, gratifiante et responsable (vv. 35-36.). La perspective du poème est représentative de la deuxième partie de la vie de l’auteur. Il accepte la finitude, les limites de l’être humain et de ses facultés de connaissance, la raison naturelle, mais réalise aussi et indique la présence de quelque chose d’éternel à la fois dans la nature et dans son existence. Cette dimension d’éternité n’est plus une substance hors du temps, mais la nature productrice elle-même :

46

„ Die Natur füllt mit ihrer grenzenlosen Produktivität alle Räume. Betrachten wir nur bloß unsere Erde : alles, was wir bös, unglücklich nennen, kommt daher, daß sie nicht allen Entstehenden Raum geben, noch weniger ihm Dauer verleihen kann. “ [44]

47 Il faut distinguer la terminologie de Newton et celle de Goethe, qui utilise le mot « durée » dans un sens voisin mais différent. Pour Newton, il y a un « temps absolu, réel et mathématique » (la « durée »), qui tourne uniformément sur lui-même, sans relation extérieure ; Newton y distingue « le temps relatif », c’est à dire le temps perceptible, qui est une mesure externe de la durée, dérivée du mouvement des choses. [45] Goethe ne fait plus cette distinction – ou seulement comme un principe heuristique, un « guide » pour la raison limitée au temps. [46] Désormais, pour lui le temps est lui-même un élément,  [47] ouvert à l’action individuelle :

48

« Mein Erbteil wie herrlich, weit und breit !
Die Zeit ist mein Besitz, mein Acker ist die Zeit. »  [48]

49 Cette position réalise, à un autre niveau, dans le cadre d’une réflexion sur le temps, une pensée du jeune Goethe :

50

« Nur allein der Mensch
Vermag das Unmögliche :
Er unterscheidet,
Wählet und richtet ;
Er kann dem Augenblick
Dauer verleihen. »  [49]

51 En dépit du caractère irréversible de la vie, la production créatrice de l’artiste est représentative d’une activité entraînant un rajeunissement et d’une affirmation de soi. [50] Ce qui posait problème à Goethe, c’est qu’il ne trouvait pas dans l’histoire politique et sociale la confirmation de cet espoir. Les forces destructrices étant ici à un tel point dominantes, comme le remarque Méphistopheles dans Faust, que le poète ne pouvait transférer l’idée d’une métamorphose constante ; il y renonça non sans avoir quand même essayé de le faire. [51] Peut-être ses expériences d’homme politique ont-elles contribué à alimenter son pessimisme dans ce domaine ? Comme Albrecht Schöne l’a écrit, on peut interpréter l’idée de la nature et de l’art chez Goethe comme une tentative de théodicée de la part d’un auteur qui se trouve au seuil de la modernité. Celle-ci va établir au milieu du XIXe siècle l’éphémère comme caractéristique principale aussi bien de l’art que de la nature. Goethe avait déjà fait le premier pas dans cette direction.

Notes

  • [1]
    Concernant la question du vécu du temps et de l’instant dans les écrits de Goethe, l’auteur renvoie à son livre Der„ ewige “Augenblick. Studien zur Struktur und Funktion eines Denkbildes bei Goethe, Cologne, Weimar, Vienna 1991 (= Kölner Germanistische Studien 33) dans lequel il tente de donner une typologie et une métaphorologie (Hans Blumenberg) des différents aspects de l’instant dans la pensée et dans l’œuvre de Goethe. On pourra aussi se rapporter à l’étude ancienne mais encore d’actualité de Wolfgang Pehnt : Zeiterlebnis und Zeitdeutung in Goethes Lyrik. Von der Anakreontik bis zur frühen Weimarer Lyrik, Tübingen 1957. En complément, on mentionnera l’étude de David E. Wellbery : The Specular Moment. Goethe’s Early Lyric and the Beginnings of Romanticism, Stanford 1996 ; mais Wellbery s’intéresse moins au temps qu’aux liens entre la poésie du jeune Goethe et le romantisme, en particulier à ses affinités avec le mythe et la primitivité. Pour finir, relevons trois publications récentes sur l’instant chez Goethe. La première, Der Augenblick ist Ewigkeit “. Goethes wohltemperiertes Verhältnis zur Zeit, publiée dans la série des Abhandlungen der Klasse der Literatur de l’Akademie der Wissenschaften und der Literatur Mainz, année 1997, no 1, Bruno Hillebrand, reprend d’anciennes généralisations. Dans„ Fruchtbarer Augenblick “-„ prägnanter moment “ : Zur medienspezifischen Funktion einer ästhetischen Kategorie in Aufklärung und Klassik (Lessing, Goethe) [dans : Prägnanter Moment. Studien zur deutschen Literatur der Aufklärung und Klassik. Festschrift für Hans-Jürgen Schings, sous la dir. de Peter-André Alt, Alexander Košenina, Hartmut Reinhardt und Wolfgang Riedel, Würzburg 2002, pp. 373-404] l’auteur Norbert Christian Wolf explique la différence de l’esthétique de l’instant expressif chez Lessing et Goethe ; Kairos und chronos - oder : Der prägnante Moment ist flüchig. Antike Philosophie, klassische Lebenskunstlehre und moderne Verzweiflung [publié aussi dans Prägnanter Moment, pp. 405-420]. Michael Jaeger voit dans la relation étroite entre la diététique dans la pensée antique et le rajeunissement de Goethe en Italie un phénomène moderne. Ni Hildebrand, ni Wellbery, ni Wollf, ni Jaeger ne tiennent compte des recherches récentes. Sur la publication de Nicholas Rennie : Speculating on the Moment. The Poetics of Time and Recurrence in Goethe, Leopardi and Nietzsche. Göttingen 2006, cf. mon compte rendu critique dans : IASLonline [25.09.2006] ; URL http://iasl.uni-muenchen.de/rezensio/liste/Anglet3892449686_1666. html
  • [2]
    Cf. mon essai Le Vieillir chez Goethe (à paraître).
  • [3]
    Concernant la différence de sa perspective sur l’histoire cf. Andreas Anglet : Der„ ewige “Augenblick, op. cit., pp. 354-404. Sur la sensibilité de Goethe au phénomène d’accélération de la vie liée à la modernisation, cf. les contributions inspirées par Paul Virilio de Manfred Osten : „ Alles veloziferisch “oder Goethes Entdeckung der Langsamkeit. Zur Modernität eines Klassikers im 21. Jahrhundert, Frankfurt am Main, Leipzig 2003, cf. Anglet : Der„ ewige “Augenblick, op. cit., pp. 354-357
  • [4]
    Cf. la partie historique de sa théorie des couleurs avec les réflexions de l’auteur sur le problème philosophique de l’historiographie ; on trouve une tentative de systématisation chez Angelika Groth : Goethe als Wissenschaftshistoriker, Munich 1972.
  • [5]
    Cf. les contributions sur ce thème dans Goethe und die Verzeitlichung der Natur, sous la dir. de Peter Matussek, Munich 1998.
  • [6]
    Faust semble accepter la temporalité, car il ne veut jamais dire à l’instant « Verweile doch ! Du bist so schön ! » (v. 1700) avec toutes les allusions à la séduction originale en anticipant la tragédie de Margarete, quoique le mot désignant l’instant en allemand soit masculin (« der Augenblick »).
  • [7]
    WA I, 2, p. 53. Le poème devait à l’origine figurer comme dialogue dans un drame sur Mahomet ; DjG III, pp. 130-133 et le commentaire ibid., pp. 449-451 ; cf. le commentaire dans la HA I, pp. 481-82. (WA : J.W. Goethe : Werke, Schriften, Tagebücher und Briefe. Weimarer Ausgabe, sous la dir. De Erich Schmidt etc., Weimar 1887-1919. – HA : J.W. Goethe : Werke. Hamburger Ausgabe, sous la dir. De Erich Trunz etc., édition revisée 1981 [1948-1960] – DjG : Der junge Goethe, sous la dir. De Max Morris, renouvellé par Hanna Fischer-Lamberg, Berlin 1963-1974 [1909-1912].)
  • [8]
    Concernant l’eau dans le Coran, que Goethe lisait à cette époque, cf. Konrad Burdach : Vorspiel. Gesammelte Schriften zur Geschichte des deutschen Geistes Bd. 2. Halle 1926, pp. 84-86 ; concernant l’image en général Richard M. Müller : Die deutsche Klassik. Wesen und Geschichte im Spiegel des Strommotivs, Bonn 1959.
  • [9]
    Au sujet de l’importance des métaphores de l’eau dans le piétisme allemand cf. August Langen : Der pietistische Wortschatz. Tübingen 1952, pp. 287-291, 319-332. Franz Saran a établi des parallèles entre le poème et les « torrents spirituels » dans la mystique de Madame de Guyon et dans la piété du Zinzendorf, deux courants connus du jeune Goethe ; Franz Saran : Goethes Mahomet und Prometheus, Halle 1914, pp. 17-22 ; cf. aussi Konrad Burdach : Vorspiel. Gesammelte Schriften zur Geschichte des deutschen Geistes, vol. 2, Halle 1926, p. 87. De plus, soulignons que Klopstock publiait en 1773 ses derniers chants du Messias, dans lequel la conception de l’émanation et de la régression est transposée au Christ ; cf. Klopstock : Messias I, v. 199 sv. (création), XIII, v. 402-404, 423-432, XX, v. 83-84 et v. 1113 sv.
  • [10]
    Cf. le rendez-vous du prophète dans « le désert aride » avec les âmes qui l’attendent et désirent ardemment (vv. 41-42).
  • [11]
    WA I, 2,56-57 ; le titre prévu était Gesang der lieblichen Geister in der Wüste, cf. WA I, 2, p. 306. Comme Mahomets Gesang, il était aussi construit sous forme dialogique ; cf. WA I, 2, p. 306, et le commentaire d’Erich Trunz dans HA I, p. 557. On trouve chez Hans-Werner Nieschmidt une analyse structurelle : Stürzende Wasser. Zum Motiv des Wasserfalls in Gedichten Stolbergs, Goethes und Mörikes, dans : Journal of the Australasian Universities Language and Literature Association 38 (1972), pp. 143-158, en particulier pp. 149-152. Cf. aussi Maurice Marache : Le symbole dans la pensée et l’œuvre de Goethe, Paris 1960, pp. 264-289.
  • [12]
    Cf. la lettre du 9 octobre 1779 de Goethe à Charlotte von Stein ; WA IV, 4,74. La lettre du 14 octobre contenait le Gesang der Geister ; WA IV, 4, pp. 78-80, cf. l’indication dans WA I, 2, p. 306. Déjà Albrecht von Haller avait assimilé l’image du cycle de l’eau au concept de l’émanation et de la régression dans son poème célèbre Die Alpen (1729), en particulier vv. 351-360 ; cf. Burdach : Vorspiel, op. cit., p. 88 (note 1).
  • [13]
    WAI, 2,p.56.
  • [14]
    Dans la copie du manuscrit original goethéen par Herder se trouve encore le terme « éternel » ; WA I, 2, p. 306.
  • [15]
    Cf. l’interprétation du mouvement dans ce poème par Hans Werner Nieschmidt : Stürzende Wasser, op. cit., pp. 151-152.
  • [16]
    Une formulation classique est la maxime no 1365 (numérotation des Maximen und Reflexionen par Hecker). Cf. l’article Entelechie dans le Goethe-Handbuch, tome 4.1, sous la dir. de Hans Dietrich Dahnke et Renate Otto, Stuttgart et Weimar 1998, pp. 264–65.
  • [17]
    Cf. le poème Urworte. Orphisch (1817).
  • [18]
    Rencontre avec Eckermann du 3 mars 1830.
  • [19]
    Concernant l’influence du concept de l’« inward form » de Shaftesbury cf. Oskar Walzel : Das Prometheus–Symbol von Shaftesbury bis Goethe, Leipzig 1912 ; Reinhold Schwinger : Innere Form, Munich 1935. Zimmermann fait valoir les notions de « innerliche verborgene Form » chez Johannes Arndt et de„ inwendigste Form aller Formen des gesamten Körpers » chez Swedenborg ; Rolf Christian Zimmermann : Das Weltbild des jungen Goethe. Studien zur hermetischen Tradition des deutschen 18. Jahrhunderts, vol. 1, Munich 1969, pp. 283–84. Les images piétiste et hermétique de l’étincelle de l’âme („ Seelenfunken “), de la chaleur intérieure („ inneren Wärme “) et du magnétisme animal ont été proposées comme autre champ d’association ; Zimmermann, Weltbild, op. cit., tome I, pp. 146 f., 192 f., 224–6
  • [20]
    Aristote : PhysikeI, 192a18.
  • [21]
    Chez les contemporains, cette idée était confirmée par l’ami de Goethe Friedrich Heinrich Jacobi dans sa philosophie de la vie individuelle.
  • [22]
    Voir l’étude de Jean–Michel Pouget : La science goethéenne des vivants. De l’histoire naturelle à la biologie évolutionniste, Berne, Berlin, Bruxelles [...] 2001 (= Contacts : Sér. 3, Études et documents ; vol. 56) ; sur les conséquences de ces discussions cf. Goethe und die Verzeitlichung der Natur, sous la dir. de Peter Matussek, Munich1998.
  • [23]
    J.-M. Pouget : La science goethéenne des vivants, op. cit., p. 74.
  • [24]
    Paralipomenon aux études morphologiques de 1807 ; WA II, 6, p. 446.
  • [25]
    C’est exactement ce qu’exprime ce propos d’Overbeck : « Das äußere Phänomen ist gleichsam die Außenseite des Gesetzes, und das Gesetz ist die Innenseite des Phänomens » ; Gertrud Overbeck : Goethes Lehre von der Metamorphose der Pflanzen und ihre Widerspiegelung in seiner Dichtung, dans : PEGS 31 (1961), pp. 30-59, ici p. 48.
  • [26]
    Sur la notion de la « Steigerung » qui implique des multiples connotations en allemand chez Goethe, voir Manfred Tietz : Begriff und Stilformen der « Steigerung » bei Goethe, Phil. Diss. Mayence 1963.
  • [27]
    « Das Geeinte zu entzweien, das Entzweite zu einigen ist das Leben der Natur ; dieß ist die ewige Systole und Diastole, die ewige Synkrisis und Diakrisis, das Ein- und Ausathmen der Welt, in der wir leben, weben und sind » ; Zur Farbenlehre. Didaktischer Theil § 739, WA II, 1, p. 296. Cf. Dichtung und Wahrheit, fin du 8e livre, WA I, 27, p. 222. Goethe se refère à Platon, ancêtre de cette idée, dans la partie historique de sa théorie de couleurs ; WA II, 3, pp. 113-114, cf. WA II, 4, p. 89.
  • [28]
    Die Metamorphose der Pflanzen, vv. 6-7, WA I, 1, pp. 290-292 et WA I, 3, pp. 85-87. Cf. Goethe : Zur Morphologie. Die Metamorphose der Pflanze, en particulier dans § 73, WA II, 6, pp. 63. Gertrud Overbeck propose un schéma, op. cit., p. 42. Günther Müller interprète le poème dans : Goethes Elegie « Die Metamorphose der Pflanzen ». Versuch einer morphologischen Interpretation “, dans : DVjs 21 (1943), pp. 67-98, et Karl Richter : Wissenschaft und Poesie « auf höherer Stelle » vereint. Goethes Elegie « Die Metamorphose der Pflanzen », dans : Gedichte und Interpretationen, Bd. 3 : Klassik und Romantik, sous la dir. de Wulf Segebrecht, Stuttgart 1984, pp. 156-168.
  • [29]
    « Das vertical aufsteigende System bewirkt bei vegetabilischer Bildung das Bestehende, seiner Zeit Solidescirende, Verharrende [...]. Das Spiralsystem ist das Fortbildende, Vermehrende, Ernährende, als solches vorübergehend, sich von jenem gleichsam isolirend. Im Übermaß fortwirkend, ist es sehr bald hinfällig, dem Verderben ausgesetzt ; an jenes angeschlossen, verwachsen beide zu einer Einheit als Holz oder sonstige Solide. [/] Keins der beiden Systeme kann allein gedacht werden ; sie sind immer und ewig beisammen. » Über die Spiral-Tendenz der Vegetation, WA II, 7, pp. 38-39.
  • [30]
    « Die Pflanze erscheint [...] als Individuum und zwar da, wenn sie sich als Samenkorn von der Mutterpflanze loslös’t. » Entwurf einer vergleichenden Anatomie, WA II, 8, p. 82.
  • [31]
    Cf. Die Metamorphose der Pflanzen, vv. 21-24.
  • [32]
    Ibid., v.77.
  • [33]
    Ibid., v.77-80.
  • [34]
    « Alles kommt in der Wissenschaft auf das an, was man ein Aperçu nennt, auf ein Gewahrwerden dessen, was eigentlich den Erscheinungen zum Grunde liegt. Und ein solches Gewahrwerden ist bis in’s Unendliche fruchtbar » Zur Farbenlehre. Historischer Theil, WA II, 3, pp. 246-47. Sur le mot « aperçu » et son importance pour Goethe voir Andreas Anglet : Der « ewige » Augenblick, op. cit., pp. 228-251, 258-297.
  • [35]
    Rencontre no 4696, Biedermann/Herwig III.1, p. 117 f.
  • [36]
    Goethe : Bedenken und Ergebung, WA II, 11, p. 57.
  • [37]
    Paralipomena LXVII, WA II, 5.2, p. 259.
  • [38]
    Dans sa lettre du 15 août 1803, Goethe remercie Reil avec un poème, dont le commentaire de la Weimarer Ausgabe suppose, sur la base d’un témoignage de Reil, qu’il s’agissait de la Metamorphose der Pflanzen ; WA IV, 16,269, cp. WA III, 3, p. 77 ; commentaire : WA IV, 16, p. 461. Sur le contexte v. Max Kommerell : Gedanken über Gedichte, op. cit., p. 199 ; plus de détails dans : Goethes Gedichte, sous la dir. de Emil Staiger , tome 2, Zurich 1949, pp. 463-465.
  • [39]
    WA I, 1, pp. 119-20 et WA I, 3, pp. 79-80.
  • [40]
    Lettre du 18 août, WA I, 37, pp. 75-76. Cf. la critique de Sulzer par Goethe en 1772 sur la nature destructrice ; WA I, 37, p. 210.
  • [41]
    Cette phrase se trouve notamment chez Plutarque dans : De Ei apud Delphos, 392 B : « Auf einem Fluße, sagt Heraklitus, kann man nicht zweymal gehen, und eben so kann man auch ein sterbliches Wesen nicht zweymal in dem nemlichen Zustande antreffen, sondern durch die Heftigkeit und Geschwindigkeit der Veränderung wird es bald zerstreuet, bald wieder vereiniget » ; citation de l’édition de 1803 dont disposait Goethe, la traduction étant de Johann Friedrich Salomon Kaltwasser : Plutarchs moralische Abhandlungen, 8 vols., Francfort-sur-le-Main, 1783-1798, ici vol. 3, p. 508.
  • [42]
    Cf. Gränzen der Menschheit (avant 1781) : « Uns hebt die Welle, / Verschlingt die Welle, / Und wir versinken » (v. 34-36), WA I, 2, p. 83. On y trouve encore l’idée des dieux situés en dehors de ce mouvement ainsi que„ viele Wellen / Vor jenen wandeln, / Ein ewiger Strom “, vv. 31-34.
  • [43]
    Cf. le vers final dans un poème parallèle du Buch der Betrachtungen dans le Divan, où une voix déplore la perte de toutes les choses qui faisaient le valeur de la vie, mais dit à la fin du poème : « Mir bleibt genug ! Es bleibt Idee und Liebe ! » WA I, 6, p. 83.
  • [44]
    Maximen und Reflexionen 1251.
  • [45]
    Cf. Isaac Newton : Philosophiae Naturalis Principia Mathematica (1687) : Definitiones : Scholium.
  • [46]
    Cf. note 37.
  • [47]
    « Die Zeit ist selbst ein Element » ; Maximen und Reflexionen 202.
  • [48]
    Divan. Buch der Sprüche ; WA I, 6, p. 121.
  • [49]
    Das Göttliche, V. 37-42 ; WA I, 2, pp. 83-85.
  • [50]
    L’importance médiale de l’écriture est le fondement de l’évaluation de la littérature par Goethe : « Doch hat das Geschriebene den Vorteil, daß es dauern und die Zeit abwarten kann, wo ihm zu wirken gegönnt ist. » Maximen und Reflexionen 891.
  • [51]
    J’ai tenté d’aborder les différents aspects de ce thème dans mon travail Der , ewige’ Augenblick, op. cit., pp. 354-408.
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