Notes
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[*]
Professeur à l’Université Paris-Dauphine, Directeur de l’Institut de droit économique, fiscal et social, Doyen honoraire de la Faculté de droit, d’économie et de gestion d’Orléans. Courriel : jjoel. moneger@ dauphine. fr. Cet article a pour base une communication faite en 2002, à l’Université catholique argentine de Buenos Aires. V. J. Alterini y otros, La codificación, raices y prospectiva, t.1 El Código Napoleón, Educa, Editorial de la Universitad Católica Argentina, Buenos Aires, 2003 ; Dikaion, Revista de fundamentacion y actualidad juridica, Facultad de derecho de la Universidad de la Sabana, Colombia, 2002 (Año 16), n°11, p. 74 s.
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[**]
Flexible droit, LGDJ, Paris, 10e éd., 2001, p. 20. Revue Internationale de Droit Économique — 2004 — pp. 171-196
-
[1]
Cf. Max Weber, Sociologie du droit, PUF, Paris, 1986, p. 195 s. ; B. Oppetit, De la codification, D. 1996, chron., 33. Sur la codification, Oppetit est l’auteur de référence ; du même : L’expérience française de la codification en matière commerciale, D. 1990, chron., I ; La décodification du droit commercial, in Études offertes à R. Rodière, Dalloz, Paris, 1982, p. 189 s. Voir également R. Cabrillac, Les codifications, PUF, coll. Dr. fondamental, Paris, 2002.
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[2]
La Medjéllé turque de 1864 doit être citée avant les codes, tunisien en 1906, marocain en 1913, mais aussi libanais en 1931, égyptien en 1948, mauritanien en 1980, parmi d’autres. Sur ces codes : S. Jahel, Code civil et codification dans les pays du monde arabe, in Université Panthéon-Assas (Paris II), Le Code civil, un passé, un présent, un avenir, éd. Dalloz, Paris, 2004, p. 831 s. ; P. Gannagé, L’influence du Code civil sur les codifications des États du Proche-Orient, in Le Code civil, Livre du bicentenaire, éd. Dalloz-Litec, Paris, 2004, p.595 s.; J. Monéger, Biographie du code des obligations et contrats, de la réception à l’assimilation d’un code étranger dans l’ordre juridique marocain, Rev. mar. dr. et éco. dév. (RMDED), 1984, p.16 à 65.
-
[3]
Marcelo Urbano Salerno, La codificación sus raises y prospectiva, tributo al bicentenario del Código Napoleón, El derecho, 2002, n°10.487, p. 1 ; G. Rabello, Bicentenaire du Code civil : l’Argentine, in Le livre du bicentenaire, op. cit., p.539 s. Pour l’Amérique latine en général, v. A. Wald, L’influence du Code civil en Amérique latine, in Le Code civil, un passé, un présent, un avenir, op. cit., p. 855 s. et in J. Alterini y otros, La codificación, raices y prospectiva, t.2, La codificación en América, Educa, Editorial de la Universitad Católica Argentina, Buenos Aires, 2004.
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[4]
Cf. les ouvrages préc. et R. Cabrillac, La symbolique des codes, in L’avènement du Droit, Mélanges F. Terré, Dalloz-PUF-Éditions du juris-classeur, Paris, 1999, p.211 s.; D. Tallon, Grandeur et décadence du Code civil français, in Mélanges M. Fontaine, Larcier, Bruxelles, 2003.
-
[5]
J. Gaudemet, La codification, ses formes et ses fins, in La codification et l’évolution du droit, XVIIIe Congrès de l’I.D.E.F., Louisiane, 3-9 nov. 1995, Rev. jur. et pol., Indépendance et coopération, 1986, p. 239 s.
-
[6]
Il faut cependant tenir compte, à l’actif du code français, qu’il a servi de modèle en Amérique latine en Argentine et au Mexique, v. J. Anaya, El influjo del Código francés en la codificación, in J. Alterini y otros, La codificación, raices y prospectiva, t. 1, op. cit., p.99 s.; J. Sanchez Cordero, Mexique, in La circulation du modèle juridique français, travaux de l’ass. H. Capitant, Litec, Paris, 1993, t. XLIV, p.172 s.
-
[7]
F. Portalis, Essai sur l’utilité de la codification, Paris, 1844, p.IX. Voir aussi Alfredo Mordechai Rabello, Montesquieu et la codification du droit privé (Le code Napoléon), Rev. int. dr. comp.2000, p. 147.
-
[8]
Sur ce point infra, 2e partie.
-
[9]
Cf. Emma Ben Merzouk, La sécurité juridique en droit positif, thèse Paris II, 2003. L’auteur considère que, contrairement aux droits allemand et communautaire, il n’y aurait pas en droit positif français, au sens strict du terme, de principe de sécurité juridique, mais que celle-ci serait un droit naturel.
-
[10]
J. Fourré, Les codifications récentes et l’unité du droit, Petites affiches, 1985, n 138, p.11. Selon l’auteur, « À défaut, elle (la codification) disjoint tout autant dans une société en voie d’éclatement.»
-
[11]
Œuvres, Vol. VII, Dialogues.
-
[12]
V. Y. Lequette, Quelques remarques à propos du projet de code civil européen de M. von Bar, D. 2002, p. 2202-2214 et les auteurs cités, notamment Louis Vogel (sous la dir.), Droit global, Unifier le droit, le rêve impossible ?, éd. Panthéon-Assas, Paris, 2001 ; D. Tallon, L’avenir du Code en présence des projets d’unification européenne du droit civil, in Le Code civil, un passé, un présent, un avenir, op. cit., p. 997 s. ; B. Fauvarque-Cosson, Faut-il un code européen ?, RTD civ. 2002, p. 463 et les réf. Adde: Y. Lequette, Recodification civile et prolifération des sources internationales, in Le livre du bicentenaire, op. cit., p. 171 s.
-
[13]
Parmi de nombreux travaux, voir UMR de droit comparé de Paris, Variations autour d’un droit commun. Travaux préparatoires, Société de législation comparée, Paris, 2001 ; C. von Bar, Le groupe d’études sur un code civil européen, Rev. int. dr. comp. 2001, p. 127 s. ; Les perspectives d’avenir d’un code civil européen, Conférence donnée à la Cour de cassation le 12 avril 2002, Rev. int. dr. comp. 2002 et Les Annonces de la Seine, 3 juin 2002, n°33 ; Denis Tallon, Vers un droit européen des contrats, in Mélanges offerts à André Colomer, Litec, Paris, 1993, p. 494 s.
-
[14]
Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen concernant le droit européen des contrats, Bruxelles, 11.07.2001, COM(2001) 398 final. hhttp:// www. europa. eu. int ;JOCE 11.09.01.
-
[15]
V. Guy Braibant, v° Codification, Encyclopédie Universalis ; Bruno Oppetit, De la codification, op. cit., p.36 s.; Jean-Louis Sourioux, Codification et autres formes de systématisation du droit à l’heure actuelle. Le droit français, in Journées de la Soc. de législation comparée, Rev. int. dr. comp.1989, n°spéc., p.145 s. ; François Terré et Anne Outin-Adam, Codifier est un art difficile, D. 1994, chron., p.99 s. ; Nicolas Molfessis, Les illusions de la codification à droit constant et la sécurité juridique, RTD civ. 2000, p. 186 s. et p.656 s.; Georges Wiederkher, v° Lois et Décrets, Rép. civ. Dalloz ; Joël Monéger, chron., RTD com. 2000, p. 851 s.
-
[16]
F. Portalis, Essai sur l’utilité de la codification, Paris, 1844, p.IV, cité par B. Oppetit, op. cit., p.36.
-
[17]
Op. cit.
-
[18]
En France, les éditions Dalloz furent les premières à innover en ce sens. Elles ont été rejointes par les éditions du Jurisclasseur. Les codes rouges et les codes bleus se disputent la prééminence dans les palais de justice et les amphithéâtres.
-
[19]
Il faut reconnaître que certains des codes issus de la recodification de 2000 suivent l’exemple de la pratique éditoriale privée. Ainsi, existe-t-il un code de l’éducation qui recense tous les textes applicables en ce domaine.
-
[20]
Savary était un marchand connaissant parfaitement le droit commercial italien en sa qualité d’intendant du duc de Mantoue pour ses biens situés en France.
-
[21]
Celle-ci, comme dans certaines sociétés américaines aujourd’hui, avait prêté beaucoup d’argent à ses gérants qui se trouvaient dans l’impossibilité de rembourser à l’échéance.
-
[22]
Romuald Szramkiewicz, Histoire du droit des affaires, Montchrestien, Paris, 1989, n°685.
-
[23]
Art. 50-1.
-
[24]
À côté de ces premières grandes compagnies privées protégées, existèrent les manufactures du roi pour l’industrie du luxe. Elles étaient au service du roi, ainsi la manufacture des Gobelins qui existe toujours ou les manufactures royales qui étaient des entreprises privées subventionnées par le roi. Ce fut le cas de l’industrie textile qui fut créée en France par des fabricants hollandais aidés par le roi.
-
[25]
R. Szramkiewicz, op. cit., n°318.
-
[26]
Cf. infra 2.2.1.
-
[27]
Appelé aussi « projet Montaran » du nom de l’un des membres de la Commission. Sur ce code : E. Blum, Le projet de révision attribué à Miromesnil de l’ordonnance de mars 1673 sur le commerce, Nouv. Rev. histor. de dr. fr. et étr. 1913, p.511 s.; H. Lévy-Bruhl, Les origines du Code de commerce français, in Studi in memoria di Aldo Albertoni, Padova, 1938, t. III, p.221-224 ; Un projet de Code de Commerce à la veille de la Révolution, le projet Miromesnil (1778-1789), Imp.nat., Paris, 1932 ; P. Reulos, Une source du code de commerce : le projet Miromesnil, RTD com. 1948, p. 224 s.
-
[28]
Il prônait même le développement du commerce et la création d’écoles de commerce hors la Faculté.
-
[29]
Jean-Guillaume, baron Locré, qui fut Secrétaire général du Conseil d’État commente le code dans un ouvrage de 10 volumes consacré à L’esprit du code de commerce publié de 1807 à 1813 et reproduit les travaux préparatoires en 31 volumes dans Législation civile, commerciale et criminelle de France, Paris, 1827 à 1832. Ces deux publications sont encore aujourd’hui des ouvrages de référence.
-
[30]
À propos de la révision du code de commerce, RTD com. 1948, p. 3.
-
[31]
Ibid., p. 4.
-
[32]
Op. cit., loc. cit. L’auteur indique que la question est purement académique puisqu’il existe deux commissions de réforme.
-
[33]
Bruno Oppetit, L’expérience française de codification en matière commerciale, D. 1990, chron., 1, préc., spéc. p.2 et 3 ; du même, De la codification, D. 1996, chron., 33, préc.
-
[34]
Op. cit., p.6.
-
[35]
Par ex. les codes monétaire et financier, de la consommation, de l’urbanisme, de la construction et de l’habitation, de l’éducation, de la famille, de l’action sociale, de la santé publique…
-
[36]
Décret du 24 juin 1947.
-
[37]
Voir les observations de Jean Escarra, RTD com. 1948, p. 3, préc. et 1952, p. 244.
-
[38]
Il s’agit du plus haut membre du Conseil d’État, la présidence appartenant au Premier Ministre.
-
[39]
5e Rapport d’activité de la Commission, 1994, p.6 et 7.
-
[40]
Celui-ci avait été favorable à la codification lorsqu’il était Premier Ministre.
-
[41]
Déc. n°99-421 DC, 16 déc. 1999, JO 22 déc. 1999, p.19042.
-
[42]
Ordonnance n° 2000-912 du 18 septembre 2000 relative à la partie législative du code de commerce, JO n°219 du 21 septembre 2000, p. 14783. La Constitution française (art. 34) dissocie le pouvoir de légiférer entre le Parlement pour les principes et le Gouvernement pour les textes d’application.
-
[43]
V. J. Arrighi de Casanova, Le Conseil d’État et les travaux de (re)codification, in Le livre du bicentenaire, op. cit., p. 141 s.
-
[44]
La codification des baux commerciaux à droit presque constant, JCP G 2000, p.2003.
-
[45]
Nos obs. RTD com. 2000, préc., p. 853.
-
[46]
Parmi de nombreux articles, v. D. Bureau et N. Molfessis, Le nouveau code de commerce : une mystification, D. 2001, chron., p.366 s.; Ph. Reigné et T. Delorme, Une codification à droit trop constant. À propos du Code de commerce, JCP E 2001, act. n°1, p. 2 ; S. Guy, La codification : une utopie, RFD const. 1996, p. 307 ; T. Le Bars, Nouvelles observations sur la codification « à droit constant » du code de commerce, JCP E 2000, p.2164 ; A. Lienhard et C. Rondey, Incidences juridiques et pratiques des codifications à droit constant, D. 2000, chron., p. 523 s. ; H. Moysan, La codification à droit constant ne résiste pas à l’épreuve de la consolidation, JCP G 2002, p.1231 et, pour une version longue, Droit administratif, avril 2002, p.6.
-
[47]
C. Arrighi de Casanova et O. Douvreleur, La codification par ordonnances. À propos du Code de commerce, JCP G 2001, I, 285 ; G. Braibant, Utilité et difficultés de la codification, Droits 1996, t. 24, p. 73 s.
-
[48]
Infra, 3.
-
[49]
H. Moysan, op. cit.
-
[50]
Les sociétés générales ou sociétés en nom collectif, la société en commandite et la société en participation, société non révélée aux tiers et qu’on appelait alors la société anonyme ; cf. R. Szramkiewicz, op. cit., n°372 s.
-
[51]
Cette maladresse a été corrigée dans la version de 2000.
-
[52]
Supra, 2.1.3.
-
[53]
Les praticiens n’aiment guère que les textes qu’ils connaissent changent. S’ils admettent l’évolution, ils n’apprécient pas de reconstruire leurs références mentales vis-à-vis de nouveaux numéros. Cela permet pourtant à certains de découvrir ce qu’ils n’auraient pas dû oublier ou ignorer.
-
[54]
Cf. RTD com. 1952, p.544.
-
[55]
L’expérience française de codification en matière commerciale, op. cit., p. 5.
-
[56]
Cf. V. Lasserre-Kiesow, La compréhensibilité des lois à l’aube du XXIe siècle, D. 2002, p. 1157 s. ; v. aussi A. Lienhard, sous cass. 1re civ., 27 févr. 2001, D. 2001, p.1025 s ; N. Molfessis, RTD civ. 1997, p. 778 s. ; D. Bureau et N. Molfessis, Le nouveau code de commerce ? Une mystification, op. cit., p. 361 s.
-
[57]
Cf. Hervé Moysan, op. cit.; Dominique Bureau et Nicolas Molfessis, op. cit.
-
[58]
Roger Saint-Alary, Les codifications administratives et le progrès du droit en France, in La codification et l’évolution du droit, op. cit., n°3/4, p. 738 s. L’auteur souligne que les premières codifications administratives remontent à 1934 avec le code des impôts. Il indique que l’une des clés du succès est l’exhaustivité du code. Adde: J. Arrighi de Casanova, art. préc., in Le livre du bicentenaire, op. cit.
-
[59]
RTD civ. 2000, p.186 s et 656 s., préc. et J. Monéger, RTD com. 2000, préc., p. 852.
-
[60]
D. 1994, chron., préc., p.99.
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[61]
Art. préc., in RTD com. 1948, préc., p.5.
-
[62]
Le droit souple, réflexion sur les textures du droit, RTD civ. 2004, p.599 s. Rapp. de J.-G. Belley (sous la dir.), Le droit soluble. Contributions québécoises à l’étude de l’internormativité, LGDJ, coll. Dr. et soc., Paris, n°16, 1996.
-
[63]
En France, un arrêt majeur a été rendu par la Cour de cassation en application des principes déduits par la Cour européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le 23 janvier 2004 (RTD com. 2004, p. 74, obs. J. Monéger ; JCP E 2004, II, 514, note J. Monéger) aux termes duquel le législateur ne peut interférer par une loi nouvelle sur le déroulement des affaires en cours devant les juridictions. La solution a été approuvée par la doctrine quasi unanime. Quelques jours après cet arrêt, la Cour d’appel de Versailles a refusé de rouvrir les débats comme le lui demandait l’une des parties. Même si cela est une extrapolation à partir de l’attitude des juges, l’une des explications susceptibles de la fonder est de considérer que la jurisprudence nouvelle ne peut, comme la loi, recevoir application dans les instances pendantes devant les juridictions du fond. Si cette manière de voir était admise par la Cour de cassation, force lui serait de mettre en place un mécanisme clair permettant de savoir s’il y a nouveauté, c’est-à-dire création ou modification de la norme de droit ad futurum. La jurisprudence se veut source du droit, mais elle entend le nier pour se conformer aux principes de la séparation des pouvoirs et à l’article 5 du Code civil, mais cela est une hypocrisie qui n’a plus de sens dans la société contemporaine. Les textes ne peuvent souvent acquérir leur plein sens sans que les hautes juridictions en affinent le sens. À l’évidence, l’atteinte aux expectatives légitimes des justiciables qui ont fondé leur action et la formalisation de leurs prétentions sur la base de la norme, dans sa totalité et sa complexité de norme écrite et lue, mérite une réflexion approfondie, voire une interrogation de la CEDH (cf. J. Monéger, Si Versailles m’était conté ou du revirement de jurisprudence, Loyers et copropriété, 2004, n°3).
-
[64]
Les exemples pourraient remplir la revue. Ainsi le droit constitutionnel, tout ou presque le droit administratif et une large part du droit privé, dont le droit international privé, remplissent les conditions posées par le principe du droit dit par le juge.
-
[65]
Pour s’en convaincre, il suffit de considérer qu’une société transnationale est tenue par les normes des différents pays où elle émet des titres. Inévitablement, la norme la meilleure va pénétrer la norme la plus faible.
-
[66]
Mathieu, La sécurité juridique : un produit d’importation dorénavant «made in France» (à propos des décisions 99-421-DC et 99-422-DC du Conseil constitutionnel), D. 2000, n°4, point de vue, p. VII ; E. Schoettl, Codification par ordonnances, AJDA 2000, p.31 s. ; M.-A. Frison-Roche et W. Baranès, Le principe constitutionnel de l’accessibilité et de l’intelligibilité de la loi, D. 2000, chron., p. 361 s. Adde: B. Beignier (sous la dir.), La codification, Dalloz, coll. Thèmes et commentaires, Paris, 1996.
-
[67]
Art. préc., p.5.
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[68]
Ibid.
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[69]
Par ex., le code de commerce publié par Litec et les éditions du Jurisclasseur, réalisé par le professeur Marie-Jeanne Campana.
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[70]
Par ex. Code des baux, Litec, 3e éd., par J. Lafond, B. Saintourens et B. Vial-Pedroletti, Dalloz, 15e éd., 2004.
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[71]
Code européen des affaires, Dalloz, 1995 ; Code européen des personnes, Dalloz, 1996 ; Code de la Convention européenne des droits de l’homme, Litec, 2000.
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[72]
Sous l’impulsion du professeur Pierre Catala, la formation de l’Université de Montpellier en informatique juridique a essaimé dans de nombreuses universités, notamment de Paris (Paris I Panthéon-Sorbonne et Paris XI, Faculté Jean Monnet).
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[73]
Décret n°2002-1064 du 7 août 2002, JO du 9 août 2002, p. 13655.
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[74]
http:// www. legifrance. gouv. fr
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[75]
Voir Cary de Bessonnet, Informatisation juridique et codification en Louisiane, in La codification et l’évolution du droit, op. cit., n°3/4, p 596 s.
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[76]
Actuellement, la Cour de cassation, le Conseil constitutionnel et le Conseil d’État publient sur leur site propre les grandes décisions dont la connaissance est nécessaire à bref délai. Le site Légifrance déclare avoir des codes actualisés dans les dix jours qui suivent la publication au Journal officiel. Il est probable que ces délais pourront être réduits rapidement.
«Le droit est plus grand que la règle de droit»
1 INTRODUCTION
1La codification est presque aussi ancienne que l’écriture. Des tables de la loi données à Moïse au code de commerce de 2000 en passant par le code d’Hammourabi et surtout les codes civils français de 1804 et allemand de 1900, les exemples sont nombreux. Toutefois, la codification n’est nullement universelle. Jadis, de nombreuses parties du monde n’ont connu qu’une tradition juridique orale. Naguère, il y avait opposition entre le droit écrit qui invitait à la codification et les pays de coutumes qui longtemps ne connurent que la tradition orale ou l’énoncé judiciaire de la norme avec les évolutions propres à ce mode d’expression du droit.
2Un lien fort existe entre la codification et l’organisation sociale, économique et politique. Le code permet au souverain d’exprimer sa puissance. Hammourabi se disait le « roi du droit » et il eut un code. Justinien se voulut un grand empereur et son code en est l’expression. Frédéric II de Prusse, Bismarck ou Napoléon 1er voulurent marquer de leur empreinte leur société et ils eurent leurs codes et le dernier l’exporta dans les pays conquis [1]. Parfois, c’est ce qu’ils donnèrent de mieux. Ce fut en tout cas vrai pour Napoléon 1er pour la codification et au premier rang le Code civil. Le chefd’œuvre après deux cents ans est toujours en pleine vitalité. Il garde sa structure d’origine. Il reste digne de la majuscule qu’il est d’usage de lui accorder. Le bicentenaire du Code fut en France, mais bien au-delà, un moment de vénération qui n’est pas seulement dû à la passion des Français pour les célébrations. Il a beaucoup contribué à l’écriture de codes civils dans d’autres pays. Les codes arabes des obligations et contrats en sont d’excellents exemples [2]. Il en fut de même en Argentine, en particulier [3]. Il est vrai que derrière un code ne se cache pas que le pouvoir. La philosophie politique, l’idéologie sont présentes sous les mots, dans les interstices des phrases. Les codes napoléoniens, expressions d’une philosophie naturaliste, spiritualiste mêlent la liberté et l’égalité, la rigueur de la norme de droit et la nécessaire équité des juges.
3Stendhal a écrit qu’il lisait chaque matin le Code pour se nourrir l’esprit de la langue française. Voilà déjà un intérêt pour la rédaction d’un beau code, même si le Code civil des Français est, à bien des égards, frappé par les effets du temps que l’admiration dévote de l’année 2004 [4] ne peut suffire à estomper. La lecture du code de commerce français de 1807 et surtout des codes contemporains pousserait au désespoir le grand écrivain.
4La philosophie des « Lumières » et de la Révolution a joué un rôle assez limité dans l’élaboration du code de commerce. Ce code des marchands doit plus à l’Ancien Régime, et notamment à Colbert, le grand ministre du roi Louis XIV au XVIIe siècle, à la volonté d’ordre et à la colère de l’Empereur après les faillites répétées des fournisseurs aux armées, qu’à une vision du monde des affaires qui allait naître sous les effets du Code civil et des mutations sociales [5].
5Alors examiner le code de commerce français de l’ordonnance de 1673 à nos jours peut paraître une démarche très étrange en année de bicentenaire. Ce n’est pas la recherche du paradoxe ou le fait que ce code ne connaîtra pas – et il sera aisé de le comprendre ultérieurement – de fête lors de son bicentenaire en 2007 qui peut fonder l’examen [6]. C’est plus sérieusement la question de l’utilité et de la méthode de la codification d’un droit prétendant régir l’activité économique et commerciale qui l’explique. En effet, par définition, codifier rigidifie et cela paraît antonymique de la vie économique, faite de mouvements incessants.
6L’utilité de la codification est aussi d’unifier les droits qui se chevauchent, s’entremêlent, s’opposent, au détriment des citoyens et des justiciables [7]. Toutefois, ce phénomène de catalyse, ce processus unifiant de la codification ne peut jouer que s’il y a de solides raisons à la recherche de l’identique, de l’unique, du commun. Comme à l’époque de Colbert, ou de la codification post-révolutionnaire et aujourd’hui au sein de l’Union européenne [8], il faut une demande d’unification pour mettre un terme à une absence de sécurité juridique liée à la pluralité des systèmes juridiques ou à l’ignorance des normes [9]. Ce sont les membres d’une même société, d’une même communauté d’opérateurs économiques qui la réclament [10].
7Voltaire écrivait : « Et n’est-ce pas une chose absurde et affreuse que ce qui est vrai dans un village se trouve faux dans un autre ? Par quelle étrange barbarie se peut-il que des compatriotes ne vivent pas sous la même loi ? … Il en est ainsi de poste en poste dans le Royaume ; vous changez de jurisprudence en changeant de chevaux. » [11] Ce constat conduisit Colbert à proposer à Louis XIV d’unifier le droit commercial, le droit maritime, la procédure. Ce fut à nouveau une des doléances adressées aux États Généraux en 1789. C’est aujourd’hui, en dépit des réticences d’éminents juristes attachés à leur droit national [12], une demande exprimée par le Parlement de l’Union européenne et qui traduit le souhait des commerçants et de l’ensemble des agents économiques d’avoir un droit au sein de l’Union européenne, non pas unique, mais similaire au fond dans la multiplicité de ses modes d’expression. Il s’agit de faciliter les échanges commerciaux et juridiques [13]. Le débat en France reste très vif sur ce sujet. Il est vrai qu’à bien des égards au-delà de la question de la substance du droit, la querelle porte sur la méthode de codification qui a été privilégiée par les autorités européennes [14].
8Les méthodes de codification sont fort variées et chacune recèle qualités et défauts [15]. F. Portalis, fils du rédacteur du Code civil français, écrivait : « qu’est-ce en effet que la codification, si ce n’est l’esprit de méthode appliqué à la législation ? » [16] Plus prosaïquement, Jean-Louis Sourioux distingue les codifications qui ne sont que de simples compilations de celles qui innovent [17]. Il y a aussi les codes qui consolident dans la loi ou combattent par la loi, les évolutions de la jurisprudence. Ici apparaissent les codes qui résultent de l’initiative de l’édition privée [18]. Un dernier choix méthodologique est celui de la répartition raisonnée du droit en codes spéciaux ou leur compilation au sein de maxi-codes. Cette dernière option a été celle de la Commission de codification française en 2000, lors de la recodification du droit commercial. À l’inverse, les éditeurs privés multiplient les codes spécialisés selon les parties du droit des affaires concernées [19]. La question est de première importance à l’heure de l’informatique juridique si le législateur veut donner aux citoyens un accès aisé à la loi. La question de la connaissance du droit était déjà celle qui fondait la demande de Colbert au roi Louis XIV de nommer une commission ayant pour mission de fixer, notamment, les règles à suivre dans la pratique du commerce sur terre ou sur la mer. Jusqu’au XVIIIe siècle, le droit commercial est italien. En France, Colbert va faire naître la codification, non en matière civile laissée aux Parlements et à l’Église, mais en droit processuel avec l’ordonnance, de grande qualité rédactionnelle, sur la procédure civile publiée en 1667, puis en droit commercial avec les ordonnances sur le commerce de terre en 1673 et sur la marine de 1681. La seconde qui était de bonne facture et très moderne se retrouvera directement intégrée au code de commerce napoléonien en 1807.
9L’ordonnance de 1673 était attendue pour lutter contre les abus et la lenteur de la justice. Le Conseil des réformes institué par Colbert auprès du Conseil de la justice, présidé par l’oncle de Colbert, va établir, sous l’impulsion de Savary [20], le code sur la base d’un projet en plusieurs chapitres afin de mettre en ordre le droit et de prévenir les abus les plus insupportables. L’ordonnance qui porte le titre officiel : « Édit du roi servant de règlement pour le commerce des négociants et marchands tant en gros qu’en détail » est connue sous le nom de « code Savary », son inspirateur et commentateur.
10En 122 articles et XII titres, le droit commercial est codifié. Le code Napoléon en 1807 en comptera près de 650. Le code de commerce de 2000, issu, comme un retour sur le passé, d’une ordonnance du Président de la République, le 18 septembre 2000, en contient plus de 1350 pour les seuls textes ayant valeur législative. Les textes de valeur réglementaire restent pour le moment hors du code. L’inflation est impressionnante. Le ministère de la Justice aurait décidé à la fin du printemps 2004 de relancer le processus de codification de ces textes. L’on n’ose pas imaginer l’obésité prochaine du code de commerce. Il faudra sans aucun doute que la chirurgie esthétique soit employée pour que celui-ci conserve une dimension raisonnable.
11Le « code Savary », en dépit de ses faiblesses, va s’appliquer au-delà de la Révolution jusqu’à la promulgation du code de commerce en 1807 après une grosse colère de l’Empereur provoquée par les faillites des fournisseurs aux armées et le risque de faillite de la nouvelle Banque de France [21].
12Par une sorte de paradoxe, alors que la Révolution de 1789 prônait l’égalité, il fut admis qu’il y aurait un code civil et un code de commerce. La logique eût voulu un code unique pour tous les Français [22]. La Révolution ne se préoccupa pourtant pas de la création d’un nouveau droit pour pallier les carences patentes du « code Savary », elle laissa celui-ci poursuivre son délitement.
13Sous le Consulat, le retour à la vie normale des affaires conduisit à nouveau à s’interroger sur l’opportunité de codifier le droit commercial qui avait eu tendance au cours du siècle, à se développer hors du « code Savary », frappé rapidement d’obsolescence. Le code, promulgué par la loi du 15 septembre 1807, sauf s’agissant de l’introduction de l’excellente ordonnance sur la marine, manqua dès sa naissance d’envergure. Il va connaître la décodification progressive tout au long des deux siècles qui suivirent. La question de la recodification s’est alors posée. La passion des codes va conduire à la mise en place d’une codification administrative « à droit constant » systématique au cours des dernières années du XXe siècle et au début du XXIe siècle. Le code de commerce fut l’un des « grands » codes. On verra qu’il est plus un « gros » code.
14Deux ans après sa promulgation à la « sauvette » par ordonnance (aucune campagne de presse ne laissait à penser la sortie imminente d’un nouveau code, aucune manifestation en l’honneur du nouveau code ne fut organisée), le code a été ratifié par le Parlement dans la discrétion par un cavalier législatif ajouté à la loi n°2003-7 du 3 janvier 2003 portant réforme de la profession d’administrateur de mandataire-liquidateur [23]. Par un phénomène légistique étrange, le Parlement avait d’ailleurs déjà modifié des textes qu’il n’avait pas encore ratifiés. Cela avait même conduit à penser que l’ensemble du texte avait été implicitement ratifié.
15Il ne fait aucun doute que les trois codes de 1673, de 1807 et de 2000 furent souhaités par les gouvernants. La question qui se pose est celle de savoir si leur contenu et leur structure furent, et sont pour le dernier-né, adaptées aux besoins qu’ils entendaient satisfaire : clarté, efficacité, accès aisé. Déjà on sent poindre la critique. Celle-ci ne peut être que nuancée.
16À première vue, le premier code a régi les relations commerciales pendant plus d’un siècle et semble même avoir été considéré comme acceptable par les Révolutionnaires (1673-1807). Le second a été maintenu en vigueur, fût-ce au prix d’un amaigrissement frappant pendant près de deux siècles (1807-2000). La durée qui sépare les codes n’est cependant pas nécessairement révélatrice de leur qualité. Le premier fut vite dépassé. Le second plus encore puisqu’il n’était à bien des égards que la reprise du précédent. Dans ces deux cas, il y a eu un phénomène de création du droit commercial hors du code. Par un effet paradoxal, la médiocrité du code a conduit à la décodification. Quant au dernier, peut-il comme code-compilation prétendre satisfaire au seuil du XXIe siècle aux besoins du commerce et à la connaissance du droit commercial ? Il est permis d’en douter. Dès lors, au constat de l’inadaptation des trois codes de commerce successifs (2), répondra l’esquisse d’une codification adaptée (3).
2 UNE CODIFICATION INADAPTÉE AU COMMERCE
17La codification et le commerce semblent former un couple bien difficile à unir pour longtemps. L’une fige le droit. L’autre est mouvement permanent. Il s’ensuit qu’il paraît y avoir incompatibilité entre la codification et la réalité du commerce (2.1). Le phénomène d’inadaptation procède aussi de la méthode de codification adoptée au fil du temps, de l’ordonnance de Colbert sur le commerce de terre au code de commerce de 2000 (2.2).
2.1 Une codification qui ignore la réalité du commerce
18Au fond, les trois codes fixent le droit d’hier et ignorent la réalité des affaires de leur temps ou n’embrassent pas les évolutions décelables à l’heure de leur rédaction.
2.1.1 Le « code Savary » ou la codification du droit médiéval dépassé
19 L’ordonnance de Colbert sur le commerce de terre codifia en quelque 122 articles la pratique commerciale médiévale, au moment où ce même Colbert fit sienne, bien avant que lord Maynard Keynes ne formalisât le phénomène, une politique de l’État en faveur du développement de l’économie et ne promût l’industrie et les manufactures. Saint-Gobain, aujourd’hui grande multinationale, fut créé en 1665 par ordonnance royale avec privilège du monopole des verres et glaces. Il fallait créer une industrie nationale pour cesser de dépendre de Venise [24].
20L’ordonnance sur le commerce de terre a eu pour qualité essentielle d’être la première codification du droit applicable au commerce. Son succès fut considérable en et hors de France. Le « code Savary » simplifia et clarifia le droit coutumier, trop mouvant pour un commerce qui voulait les mêmes règles partout dans le royaume. Toutefois, cela ne doit pas cacher qu’il n’apporta rien de neuf [25]. Il ne fut qu’une compilation ordonnée du droit médiéval en vigueur. Très vite, ce défaut d’anticipation, par exemple s’agissant des sociétés commerciales de capitaux naissantes, provoqua un développement du droit commercial hors le code. S’il marqua son temps, c’est plus par l’apport du grand commentaire qu’en fit Savary. Sans le texte explicatif et complétif, il n’y aurait pas eu de code. Le code était bien « le code Savary » [26].
21Le droit du commerce ne supporte la codification que si elle reste ouverte à toutes les évolutions. La rigidité du droit semble incompatible avec le mouvement économique. D’ailleurs, dès 1700, les députés du Conseil du commerce décidèrent qu’il fallait combler ses lacunes. Tout au long du XVIIIe siècle, les marchands réclamèrent sa révision. Louis XVI décidera, sous l’influence des nouvelles idées économiques, de le réformer.
22En 1778, une commission de trois personnes fut nommée et un « projet Miromesnil » [27] vit le jour. Le « code Miromesnil » reprit en les modernisant les règles du « code Savary ». Il se présente sous la forme d’articles commentés pour souligner ce qui le rapproche ou le distingue du « code Savary ». Ce défaut de créativité et le refus du ministère de la Justice de l’époque, d’appuyer Miromesnil sur les quelques améliorations proposées, montrent la déliquescence du pouvoir et de la société. Un peu comme dans les systèmes épuisés, la réforme ne suffit plus, il faut la révolution. Toutefois, il faut reconnaître qu’avec une certaine audace, la « Commission Miromesnil » proposa de retirer à la justice civile, en raison des délais invraisemblables qui y avaient cours, une large part du contentieux commercial, notamment le droit des faillites, pour le confier aux tribunaux de commerce. Ce fut son arrêt de mort. Le Parlement de Paris, qui eût vu disparaître les « épices » versées par les plaideurs, enterra promptement le projet insolent. Il est plus aisé de comprendre pourquoi, lors de la Révolution, la question du droit codifié pour le commerce n’a pas paru essentielle. Le code inappliqué au profit du contrat et des usages ne méritait pas l’attention immédiate. De plus, le Consulat installé, seul le Code civil va intéresser le consul, puis l’empereur Bonaparte. Il est lui, un code révolutionnaire qui fonde le futur.
2.1.2 Le code de commerce de 1807 ou l’histoire de la décodification
23 La prolongation du passé dans la codification impériale de 1807 est patente. En 1801, une Commission de réforme de sept membres fut établie auprès du ministère de l’Intérieur dont le commerce dépendait. Cette commission ne fut pas composée de grands juristes, mais de juges ou d’anciens juges au tribunal de commerce. Son président, Gorneau, avocat très compétent, n’était pas Portalis. Le membre le plus marquant fut un certain Vital Roux, autodidacte brillant qui voulait la séparation du droit applicable au commerce et du droit civil [28]. L’approche de ces hommes « de terrain » se voulut résolument pratique. Même si certains progrès furent faits par rapport au « code Savary », notamment pour clarifier le droit des faillites, la qualité du projet était très médiocre. De plus, le Conseil d’État, passionné par la rédaction finale du Code civil, ignora pendant cinq ans les travaux de la Commission de codification du droit commercial [29]. Ce n’est que lorsqu’ils furent tancés par l’Empereur que les Conseillers d’État découvrirent un projet endormi dans leurs tiroirs. Le code n’a pas bénéficié des soins apportés au Code civil. Gorneau, qui avait été consulté par la « Commission Miromesnil », fit extraire des archives le texte de la Commission. Le « nouveau » code est une copie du droit de l’Ancien Régime alors que les corporations ont disparu, que la société a changé d’organisation et de paragdime de manière fondamentale et que le commerce est en pleine effervescence. Le code, rédigé par des praticiens qui voulaient apporter plus de clarté et de certitude dans le corpus juris, est médiocre. Cela est vrai de sa structure et de son contenu. Cela tient à ses objectifs.
24Quant à la forme, il suffit de signaler que l’article 1 du code relatif à la notion de commerçant faisait référence à la pratique habituelle et professionnelle des actes de commerce et que ceux-ci n’étaient définis qu’aux articles 632 et suivants.
25Quant au fond et aux objectifs, le code de commerce napoléonien est exemplaire du défaut de vision prospective et d’accompagnement de la mutation économique en cours. Il s’agissait, non d’encourager la créativité des commerçants, mais de les contrôler. Napoléon 1er voulait que les commerçants ayant failli à leurs engagements fussent punis. La plus importante partie du code fut donc consacrée à la faillite et à la banqueroute, puis aux livres de commerce pour mieux surveiller le commerçant, ce délinquant potentiel. Pis encore, les sociétés commerciales de capitaux ne pouvaient être constituées qu’avec une autorisation du gouvernement, révocable ad nutum.
26Les effets d’un tel code furent affligeants. Les commerçants durent utiliser d’autres formes de sociétés, d’autres moyens de financement peu favorables à l’expansion économique et à la protection des actionnaires. Les commandites par actions furent un excellent moyen pour tromper les petits épargnants. Balzac a eu des lignes sévères dans ses romans sur ces sociétés. Par ailleurs, le code du commerce est devenu celui des commerçants. Une approche subjective liée à la personne a supplanté l’approche plus réaliste par l’activité. C’est là une des séquelles héritées de la copie servile du « code Savary » inscrit dans la tradition corporatiste. Ce fut l’action de la jurisprudence du XIXe siècle que de privilégier à nouveau une approche objective du code de commerce. Le plus grave fut l’ignorance du mouvement capitaliste. Rien ne fut mentionné au code sur le crédit, presque rien sur la vente (un seul article) et sur le droit des groupements.
27Le code de 1807 va connaître le sort du « code Savary ». Il fut progressivement ignoré car inapte à répondre aux besoins du commerce ou à assurer les protections idoines contre les pratiques scandaleuses. Lorsque le législateur intervint, il fut vidé de son contenu. Dès 1838, le livre II sur les faillites fut remplacé par une loi spéciale. Plus tard, tout le droit des sociétés fut inscrit dans des lois particulières. Au début du XXe siècle, le fonds de commerce, le bail commercial furent organisés dans des lois spéciales. Le droit bancaire, le droit de la concurrence, le droit de la propriété intellectuelle, le régime des valeurs mobilières et des bourses des valeurs, la monnaie, les relations monétaires internationales, le régime des exportations et des importations restèrent hors du code. À la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’étatisme triomphant réduisit encore un peu la place des personnes commerçantes puisque l’économie fut placée entre les mains de l’État. La Commission de réforme présidée par le professeur Escarra va très vite renoncer devant l’ampleur de la tâche. Dans le premier article de la Revue trimestrielle de droit commercial publié en 1948, Escarra écrit à propos du code de commerce qu’il « était déjà vieux à sa naissance » [30]. Le programme qu’il trace pour élaborer un nouveau code est fort ambitieux. Il écrit que [31] : « Bien plus que d’une révision ou d’une refonte, c’est en réalité d’une réforme complète de notre droit commercial qu’il s’agit. » Tout de suite, il ajoute : « Y a-t-il lieu d’établir un code spécial ou est-il préférable de soumettre tous les citoyens et toutes les formes de leurs activités à un code unique ? C’est le problème de l’autonomie du droit commercial ou de l’unité du droit privé.» [32] Il affine son propos en indiquant qu’il doute de l’opportunité « de maintenir une opposition constante, dans tous les domaines, entre les institutions du droit privé général et les institutions propres au commerce ». Il est saisissant près de cinquante ans après ces lignes de voir combien Escarra avait le pressentiment de l’évolution et de l’unification des institutions juridiques des opérateurs économiques, peu important qu’ils soient qualifiés ou non de commerçants. De là à croire que les bonnes réformes ne peuvent être le fruit que d’auteurs ayant par formation, métier ou passion, le recul qui permet à partir du passé, d’envisager actuellement le droit pertinent pour un futur encore flou.
28Depuis la création de la Communauté européenne, les règlements établis par les Institutions européennes et les directives, qui impliquent une législation adaptée dans chaque pays membre, achevèrent d’épuiser le code. Bientôt, il ne compta guère plus qu’une vingtaine d’articles originaires de 1807. Le phénomène de décodification fut permanent depuis 1838 jusqu’à 2000 [33].
29En 1990, Bruno Oppetit, à l’issue de son étude sur l’expérience française de codification du droit, considérait qu’il y avait peu d’espoir de voir un jour renaître un code de commerce digne de ce nom en France [34]. Et pourtant, après une période d’incertitude, le Gouvernement en accord avec la Présidence de la République décida en 1999, que l’année 2000 serait celle des codes « à droit constant » et parmi eux, une place de choix fut réservée au code de commerce.
2.1.3 Le code de commerce du 18 septembre 2000 ou le faux-né de la codification « à droit constant »
30 Le nouveau code de commerce, aujourd’hui en vigueur, est le fruit, comme nombre d’autres [35], d’une passion forte des gouvernements de la France pour la codification. M. Michel Rocard, alors Premier Ministre, lança en 1989, une Commission supérieure de codification, non pour réformer le code de commerce, la tentative des années cinquante ayant échoué avec la commission créée en 1947 [36] et présidée par Escarra [37], mais pour codifier un droit épars dans une myriade de lois et de décrets. L’idée était simple. Les citoyens et les justiciables ont un droit constitutionnel à l’accès aisé à la loi. Il fallait réorganiser le droit pour qu’il leur fût possible de connaître le droit. La maxime «Nemo censetur ignorare legem» impose la compilation ordonnée des textes. La Commission administrative, créée par un décret du 12 septembre 1989, présidée par M. Guy Braibant, vice-Président du Conseil d’État [38] et animée par Madame Arrighi de Casanova, a beaucoup travaillé pour que la compilation soit achevée dans des délais raisonnables. Elle a dû malheureusement renoncer à une véritable action réformatrice et créative. Cela n’était pas inscrit dans sa mission, bien au contraire puisqu’elle l’estima trop ambitieuse et lourde [39].
31Le projet fut un moment abandonné. Puis, en novembre 1999, en accord avec le Président de la République, Jacques Chirac [40], M. Lionel Jospin, Premier Ministre, fit voter par le Parlement une loi d’habilitation du gouvernement pour une codification généralisée du droit. Le Conseil constitutionnel valida dans son intégralité le projet [41] qui fut promulgué. Le Gouvernement avait neuf mois pour promulguer par ordonnance, les nouveaux codes « à droit constant ».
32Contre l’espoir de certains, le pari fut tenu et un nouveau code, préparé par la « Commission Braibant », du moins la partie législative – les textes réglementaires devant faire l’objet d’une codification administrative ultérieure –, fut publié le 21 septembre 2000 [42]. Même si ce nouveau code prête le flanc à la critique, force est d’admettre qu’il n’entendait pas changer les textes, mais les rendre accessibles [43].
33Il fut publié comme s’il ne s’agissait que d’une simple circulaire administrative. Quel départ misérable pour une codification qui, sous ses faux airs modestes de codification à droit constant, entend faire œuvre majeure pour l’entrée dans le nouveau siècle. Sans vouloir abuser de la comparaison, le code de commerce français veut renaître à une date marquante comme l’avait voulu l’empereur d’Allemagne pour le BGB en 1900. À dire vrai, en apparence, ce n’est qu’une rédaction administrative qui, en principe, ne changeait rien aux textes compilés. En réalité, comme l’écrit dans une excellente formule notre collègue Françoise Auque, il s’agit d’une codification « à droit presque constant » [44].
34Le nouveau code de commerce est une compilation. Il en a les qualités. Il en a aussi les défauts. Il est indiscutable qu’il a apporté au vieux code épuisé un rajeunissement et une structure satisfaisante. Elle a été empruntée à la « Commission Escarra » et, de ce point de vue, il faut en savoir gré aux rédacteurs [45]. La doctrine qui aspirait à un « véritable » code n’a pas été tendre avec le nouveau code. Chaque auteur y est allé de sa critique [46]. Il a même fallu que les magistrats qui avaient tenu la plume expliquent la démarche suivie dans une grande revue juridique pour que celles-ci soient plus nuancées [47]. Il y a un code neuf. Il y a un code construit. Il y a un code à apprendre et cela irrite les juristes qui avaient leurs usages, leur savoir, leurs automatismes. Tout cela est sans grande importance. Les errata ont été publiés lorsqu’il était possible juridiquement d’agir ainsi. Des textes législatifs furent votés pour pallier les difficultés les plus lourdes de sens. Ainsi, une loi dite MRCEF du 11 décembre 2001 va ravaler plusieurs textes. Sur le fond, les remarques faites à propos des deux premiers codes s’imposent à nouveau. Il s’agit, mais il ne pouvait guère en être autrement, d’une consolidation du droit antérieur. Il y a un regret latent dans la doctrine critique de ne pas avoir un code novateur. À dire vrai, la tentative était risquée et vraisemblablement vaine car il faut s’interroger sur le lieu de pouvoir normatif : est-il encore situé au sein du Parlement français, ou est-il installé dans les institutions de l’Union européenne [48] ? Lorsque l’on feuillette un code de commerce publié par l’un ou l’autre des grands éditeurs privés, il est frappant de constater qu’entre septembre 2000 et mars 2004, les grands textes modificateurs ont rendu la version de 2000 obsolète. Que l’on songe à la loi du 15 mai 2001 portant « nouvelles régulations économiques » et modifiant le droit des sociétés commerciales, le droit de la concurrence, à celles du 1er août 2003, l’une sur la sécurité financière, l’autre relative à l’initiative économique. Vaine, la tentative le serait donc aussi parce que le commerce est peu enclin à l’enfermement, à la rigidité des codes. Le droit commercial serait rétif à la codification ! La codification contemporaine est-elle celle qu’il faut à la matière appréhendée ?
35Les critiques ont d’ailleurs plus porté sur la technique de la codification que sur le fond. C’est lorsque la technique perturbe l’application du droit substantiel que les auteurs se sont irrités le plus.
2.2 Une méthode de codification inappropriée
36La méthode de codification a été critiquée pour les trois codes. Celui de 1673 a été considéré avec ses 122 articles comme « squelettique », sans contenu. Celui de 1807, joignant les deux ordonnances sur le commerce de terre et de mer, a gagné en masse avec 648 articles, mais il était mal construit. Quant au code de 2000 qui a plus de 1300 articles, il ne résiste pas à l’épreuve de la consolidation [49]. Au-delà des questions de structure, la question est de savoir si l’objectif de rendre le droit accessible peut être atteint en envisageant une codification « à droit constant » qui ignore la jurisprudence.
2.2.1 L’ordonnance de mars 1673 : un « code Savary » squelettique dont le contenu est hors le code
37 Le code ne comporte, par exemple, que quatorze articles sur les sociétés et ne connaît que les sociétés de personnes [50] alors que naissaient en pratique les premières sociétés de capitaux sous forme de commandite par actions. Il ne réserve que dix-huit articles aux juridictions commerciales et trois traitent des agents de change. Pis, le titre 1 sur « le commerce en général » est un fourre-tout dont la logique reste à découvrir.
38Ce premier code des affaires en Europe doit son réel succès, comme signalé plus haut, à l’important commentaire que Savary, l’auteur du code, fit paraître en 1675. Ce livre qui fut connu sous le titre « Le parfait négociant » comporte 67 chapitres. Chaque chapitre éclaire les articles du code et en donne le mode d’emploi au travers de formules-types.
39Ce livre, traduit en anglais, en allemand, en italien et en néerlandais, connut huit éditions de 1675 à 1721. Il fut au XVIIIe siècle ce que sont, dans les différents pays, les encyclopédies pratiques. On peut noter avec intérêt et une pointe d’amusement, qu’à l’époque si on ne parlait pas de charges sociales ou d’éthique dans les sociétés commerciales, une clause des statuts devait prévoir qu’avant toute distribution de bénéfices, l’aumône devait être donnée à un hospice, un hôpital ou à une œuvre de bienfaisance. La norme pourrait peut-être inspirer les réformateurs du financement de la sécurité sociale.
2.2.2 Le code napoléonien de 1807 : un code faussement nouveau
40 Cela a été dit, ce code est un « faux-né » pour remettre en vigueur le « code Savary » en incluant cependant les créations de la pratique, telles les sociétés de capitaux et la société d’actionnaires qui deviendra la société anonyme avec la responsabilité limitée des apporteurs de capitaux et un embryon de contrôle des comptes par des syndics ou des censeurs et bientôt des commissaires aux comptes.
41Par ailleurs, puisque telle était la cause de la colère de l’Empereur, la faillite est mieux définie pour ne s’appliquer qu’aux commerçants contrairement à l’Ancien Régime. Un long chapitre de 200 articles lui est consacré. Il est disproportionné. Il est déjà inadapté. Ce sera l’une des premières modifications importantes en 1838 et même avant pour les signes infamants de la banqueroute.
42Le premier livre du code de commerce napoléonien est encore plus un « bric-à-brac », un galimatias législatif, que celui du « code Savary ». 189 articles pour régir les commerçants, les livres de commerce, les sociétés, les effets de commerce, les bourses de commerce, les agents de change…
43Quant au livre II sur le commerce maritime, il est la copie conforme d’une partie de l’ordonnance de Colbert sur la marine. Il faut reconnaître une petite nouveauté avec l’assurance maritime. Toutefois, rien n’est dit des assurances en général.
44Sur le plan formel, rappelons que si le commerçant est défini au premier article du code comme celui qui pratique habituellement les actes de commerce, mais que ceux-ci ne sont définis qu’à l’article 632 [51].
45Son état, lors de la recodification en 2000, est critique. Seuls 150 articles subsistent et moins de 30 dans leur formulation de 1807. La décodification du droit commercial a anéanti le code. Si les éditeurs privés, Dalloz d’abord, Litec ensuite, n’avaient continué à publier chaque année un « code de commerce » comprenant les articles survivants et les lois et les décrets ayant été publiés au cours des deux siècles, l’idée même de code de commerce aurait fondu comme neige au soleil. À nouveau, comme pour le « code Savary », le code napoléonien ne va vivre que par les écrits des professeurs de droit qui en rendent la compréhension et l’interprétation constructive possibles. Si Pardessus, professeur à la Faculté de droit de Paris, conseiller à la Cour de cassation et député, pratiqua encore l’exégèse du code, à la fin du siècle, Edmond Thaller, Charles Lyon-Caen et Louis Renault publièrent de grands traités qui ignorèrent heureusement le plan du code.
46Le code amaigri, ne put être réécrit par la « Commission Escarra » de 1947 à 1953. En effet, comme en parallèle une autre commission devait réformer le Code civil, Escarra, en dépit de son programme ambitieux [52], jugea plus sage de suspendre les travaux de rénovation. Il est vrai qu’il se demandait s’il était opportun de légiférer séparément du droit commun de l’activité économique. Une fois encore le Code civil provoqua l’effacement du code de commerce. Le dépeçage se poursuivit au cours des années et il ne semblait ni probable, ni souhaité qu’un nouveau fût promulgué [53]. Et pourtant vint le code de 2000.
2.2.3 Le code de commerce du 18 septembre 2000 : un code « obèse »
47 Le code prend de l’ampleur. Il veut presque trop embrasser. Il a des qualités de structure car, avec perspicacité, les rédacteurs suivirent le plan que la « Commission Escarra » avait établi avant de disparaître [54]. Oppetit serait sans doute satisfait puisqu’il voulait un code unique [55]. Encore que voyant sa taille, voyant ses multiples objets, il aurait vraisemblablement nuancé son propos. Sur la méthode d’engraissement du code, il fallait faire des choix. Ceux qui ont été faits ont leur rationalité, mais celle-ci souligne les limites mêmes du processus. Cela est vrai pour la technique dite de la codification à droit constant (2.2.3.1), de la détermination des matières regroupées dans le code (2.2.3.2), de la dissociation entre les textes législatifs et réglementaires (2.2.3.3).
2.2.3.1 La codification-compilation ou codification « à droit constant »
48 Il est à la fois aisé de comprendre qu’une codification administrative ne peut que compiler les textes en vigueur et que, de ce simple fait, elle se trouve dans la situation inconfortable de celui qui prétend ne pas réécrire et qui ne peut faire autrement, ne serait-ce que pour harmoniser les rédactions successives, pour utiliser la conjugaison au temps de la codification. Le droit n’est pas constant. Il ne peut être qu’en permanente évolution. La codification même à droit constant conduit à « un droit remanié, remodelé, transfiguré qui s’oppose au droit ancien éclaté… » [56]. Il faut alors entendre l’expression seulement comme la volonté de ne pas modifier la norme par le fait de son insertion dans un code. Soit, mais le procédé implique inéluctablement des modifications. Le législateur en habilitant le gouvernement a d’ailleurs envisagé le point en lui permettant des corrections esthétiques. Ainsi, les futurs ne sont pas admis en droit positif car le droit est. Son présent intègre le futur et régit le plus souvent le passé s’il ne heurte pas les droits fondamentaux des sujets de droit. Ainsi, le code prend le risque des oublis, des doublons, des abrogations mal venues. Ainsi encore, la suppression des titres des textes et des divers chapitres ou sections antérieurs ou le choix d’une place particulière dans le nouveau code ne peut qu’influer sur le sens qui pourrait être donné ultérieurement à certaines dispositions. Le droit constant n’exclut donc pas l’écriture inconstante et, par ricochet, peut conduire dans l’immédiat ou à terme à une lecture qui n’est pas celle que le texte intégré avait antérieurement à la codification. En dépit des soins attachés par ses rédacteurs à ne pas violenter le droit en vigueur, la technique de la codification à droit constant n’a pu éviter quelques maladresses. Parfois furent codifiés des textes abrogés. Une version ancienne d’une disposition a été intégrée alors qu’elle avait été modifiée. Des textes qui devaient être codifiés ont disparu ou encore certaines normes se retrouvent en doublon à deux chapitres différents. Ces défauts de jeunesse ne semblent pas justifier les critiques virulentes qui ont été faites par la doctrine [57]. D’ailleurs, des corrigenda furent publiés très vite et lorsqu’il fallut une intervention législative, le Parlement fut très coopératif.
49Quelques difficultés sérieuses retiennent l’attention [58]. D’abord, la liste des abrogations de textes légaux dans la mesure où certains textes abrogés en modifiaient d’autres. Il peut être ardu de savoir si l’abrogation vaut aussi pour ces dispositions. À dire vrai, là encore, le raisonnement logique de l’interprétation à droit constant permet de conclure que tel ou tel texte n’est pas par la nature même de la codification à droit constant, modifié.
50Ensuite, très délicate à apprécier est la technique dite « des codes pilotes et des codes suiveurs ». Le mécanisme consiste, pour rendre le droit plus aisé à trouver et à comprendre, de considérer qu’une disposition qui peut être intégrée dans différents codes est qualifiée comme appartenant à tel code particulier qui servira de pilote aux codes suiveurs. Il faudra un grand talent légistique aux bureaux des différents ministères pour coordonner leur action réformatrice et s’assurer que les suiveurs suivent ou que les pilotes conduisent. Le nouveau code de commerce peut être, tour à tour, pilote et suiveur. Il y a déjà des exemples de modification de textes oubliant que l’article de loi que le Parlement entend modifier n’existe plus en tant que tel puisqu’il a été codifié. Enfin, les tables officielles de concordance entre les nouveaux et les anciens textes ne sont pas parfaites.
51Comme l’écrit Nicolas Molfessis, « les illusions de la codification à droit constant (au regard) de la sécurité juridique » ne peuvent que conduire à la prudence [59]. Cela n’a pas été, semble-t-il, la règle quant à la détermination des matières ayant vocation à s’insérer dans le code de commerce.
2.2.3.2 La codification confuse de normes juridiques a-commerciales
52 « Codifier est un art difficile », écrivent M. Terré et Mme Outin-Adam [60]. Il faut dès lors reconnaître que le travail de la « Commission Braibant » et tout particulièrement de Mme Arrighi de Casanova et de M. Douvreleur au sein du ministère de la Justice est un produit de l’intelligence. Le regret est que les choix qui ont été faits ne paraissent pas nécessairement convaincants. Peut-être eut-il fallu méditer ce qu’Escarra écrivait, en 1948, à propos de sa propre mission codificatrice lorsqu’il se demandait s’il était opportun de rédiger dans un code propre au commerce des dispositions qui, hier, mais plus encore aujourd’hui, régissent de nombreux agents économiques qui n’ont pas cette qualité, de nombreux actes juridiques qui ne sont pas objectivement spécifiques au commerce, en ignorant d’autres actes ou situations juridiques qui s’en rapprochent [61]. Les normes a-commerciales ou encore normes civiles sont incluses dans un code de commerce.
53Il peut sembler regrettable d’avoir voulu tout réunir en un seul code de commerce oubliant l’interpénétration du droit civil et du droit commercial. Pourquoi, par exemple, vouloir intégrer au code de commerce, le droit des « procédures collectives » (ancien droit de la faillite) alors que ce droit s’applique à toutes les entreprises civiles ou commerciales dotées de la personnalité morale et qu’il doit très prochainement être étendu aux professionnels libéraux ? Pourquoi vouloir codifier le droit des sociétés commerciales au code de commerce et laisser au Code civil les dispositions générales et celles qui sont relatives aux sociétés civiles ? Bien des sociétés civiles ou commerciales particulières ne trouvent pas place dans la codification. Comme cela a été observé, notamment par le professeur Guyon, un code des sociétés ou des groupements d’affaires regroupant l’ensemble des dispositions de droit commun, celles qui sont générales aux sociétés civiles et aux sociétés commerciales pour envisager en dernier lieu dans chaque bloc les sociétés et groupements particuliers, eût été plus raisonnable.
54De même, le droit de la bourse est intégré au code monétaire et financier et séparé du droit des sociétés qui font appel public à l’épargne alors que le lien entre les deux est étroit. La technique du code-pilote et du code-suiveur n’a même pas été employée. Bref, à vouloir tout codifier dans l’urgence, la clarté et la lisibilité de loi dont la quête était alors proclamée, ne sont pas toujours atteintes.
55Cela veut sans aucun doute dire que la notion même de code de commerce est obsolète en termes substantiels. Les Italiens, comme les autres législateurs qui ont abandonné l’idée d’un code propre aux commerçants, l’ont compris depuis plus d’un demi-siècle. Cela signifie aussi que les activités dites civiles ne sont que des formes particulières de l’activité économique.
56Plus sérieux reste le défaut de créativité ou l’ignorance qu’un code n’est rien sans la jurisprudence. C’est toute la question de ce que signifie le droit constant. Le droit ne se réduit pas aux seules normes édictées par le législateur et le gouvernement. Comme le dit dans une image éclairante Catherine Thibierge, la texture du droit est complexe [62]. Le droit, dit-elle, peut être souple ou dur. Il peut aller du non-droit de Carbonnier au droit d’ordre public impératif. Cela signifie pour le codificateur qu’il lui faut savoir prendre en compte toutes les sources du droit et au premier chef la jurisprudence des Cours supérieures internes et européennes. Faute de le faire, le juriste au service du citoyen, de l’acteur économique, du justiciable ne peut connaître le droit. Alors pourquoi ne pas nourrir le code des décisions quasi normatives des juges supérieurs ? À défaut, le code est trompeur. Il n’exprime pas le droit vivant. Si l’on ajoute que les règlements communautaires doivent être faciles à connaître, il faut leur faire place ou au moins en donner la référence dans le code.
57Il est aisé d’objecter qu’un code ne peut tout contenir. Cela est vrai et faux à la fois. En effet, cela est possible. Les éditeurs privés savent le faire. Les hautes juridictions précisent les arrêts qu’elles estiment déterminants pour l’application des normes positives. Elles indiquent donc les principes qui s’insèrent dans la norme lue. L’intégration de cette lecture à la norme en commande la nature. Subsidiaire au texte édicté, la lecture jurisprudentielle participe à son contenu. Elle est norme, dans et avec la norme, quand ce n’est pas hors ou contre la norme. Le débat sur la nature de la jurisprudence ne sera clos que lorsqu’il sera admis qu’il en est ainsi et que les juges appliqueront la norme nouvelle qui résulte de la combinaison subtile de l’écriture et de la lecture du texte initialement édicté par l’autorité législative ou réglementaire [63]. En tout cas, le code de commerce amputé de la jurisprudence n’est pas l’expression du droit constant. Il est tout au mieux une compilation positiviste de normes abstraites, alors que le droit, sur le continent européen, comme dans les pays de Common Law, n’est pleinement droit que lorsque le juge le dit tel. Le principe du droit anglais The judge made law n’est plus un principe énonciatif du droit propre à la tradition anglaise de Common Law, c’est un principe commun à tous les systèmes de droit vivant [64]. Le raisonnement peut être poursuivi avec l’exemple des avis, directives, opinions, lignes directrices, circulaires qui émanent des autorités chargées de mettre en œuvre les dispositions légales. Par exemple, les instructions des autorités des marchés financiers, notamment l’autorité américaine [65], participent à la détermination du contenu de la norme que doit respecter l’émetteur de titres sur le marché financier. Apparaît incidemment une dimension internationale que le code de commerce envisagé dans sa forme classique ou actuelle est inapte à prendre en compte.
58Un dernier défaut du code de commerce de 2000 mérite l’observation. En effet, si son obésité actuelle n’est pas insupportable, c’est parce que le code est amputé de l’ensemble des textes régissant les matières intégrées qui ne sont pas de valeur législative selon la Constitution française.
2.2.3.3 La codification-dissociation ou la fausse clarté du droit positif
59 Une codification partielle du droit positif au motif du caractère impératif de la dissociation constitutionnelle entre les textes législatifs et réglementaires ajoute à l’absence de lisibilité du droit du commerce. Certes, ce handicap est temporaire. Le ministère de la Justice, quatre ans après avoir publié la partie législative du code, se préparerait à codifier la partie réglementaire. La circulaire ministérielle qui accompagnait la mise en place de la Commission de codification recommandait une publication rapide de la seconde partie du code. Dans la conception actuelle, il apparaîtra immédiatement que l’obésité du code va devenir dangereuse, insupportable. Pour le code lui-même, qui en sortira tout boursouflé. Le papier-bible utilisé par les éditeurs des codes, rouge et bleu, résout le problème du poids, mais il montre les limites de la compilation.
60Plus important encore est que la division adoptée en deux parties, législative et réglementaire, n’a de sens qu’en termes de pouvoir constitutionnel d’édiction. Audelà pour le lecteur, ce qui compte c’est le lien substantiel entre les textes, abstraction faite de leur nature. Il faut qu’ils puissent être lus de manière cohérente. C’est dire qu’il conviendrait d’insérer les textes qui sont édictés par décret du gouvernement en suite ou dans les interstices des articles de nature législative.
61En définitive, la codification des normes propres aux commerçants semble, depuis 1673 jusqu’à nos jours, être marquée par l’échec. Il ne semble pas possible de faire œuvre magistrale, comme cela fut pour le Code civil français en 1804 ou le BGB allemand en 1900. Serait-ce que la matière est allergique à la codification ? Seraitce qu’il faut penser la codification en fonction de la matière ?
3 UNE ESQUISSE DE CODIFICATION NOUVELLE POUR LE DROIT DU COMMERCE DU XXIE SIÈCLE
62Le législateur contemporain est, plus encore que par le passé, victime des groupes de pression, politiques et sociaux. Il lui est donc impossible de légiférer sans passion en s’appuyant sur la raison et en recherchant l’équilibre et l’harmonie. Pour faire un grand code de commerce en 2000, il eût fallu avoir l’audace d’en commander la rédaction à des rédacteurs indépendants comme cela fut fait jadis pour le Code civil, ou naguère pour les grandes réformes du droit de la famille avec Jean Carbonnier ou Pierre Catala. Même si leur œuvre a été écornée lors du passage au Parlement, la pertinence de la loi, la qualité de son écriture ont été assurées. C’est dire qu’une codification de l’ensemble des normes et réglementations du commerce reste possible. La voie administrative a donné tout ce qu’elle pouvait. Il faut suivre d’autres voies. Celle des auteurs, nos collègues Yves Chaput et Nicolas Ronchewski pour la quatre-vingt-dix-neuvième édition du code de commerce Dalloz, Marie-Jeanne Campana pour la seizième édition du code de commerce Litec, mérite l’attention. En 2600 pages, le code est reconstruit selon un plan qui emprunte celui du code officiel, mais qui prend en considération les textes publiés dans d’autres codes ; le pilote appelle bien le suiveur. La jurisprudence et la doctrine qui permettent la compréhension des normes inscrites viennent en complément au fil des articles. À l’évidence, les praticiens, les étudiants et leurs professeurs s’y trouvent bien. Alors pourquoi ne pas agir de concert pour que l’État qui est à la source des normes propose un code dont l’usage n’est pas seulement de justifier l’existence des textes lors de leur publication, mais devienne véritablement la table du droit commercial et économique ? Pour aller jusqu’au bout du raisonnement, l’obligation constitutionnelle de lisibilité et d’accessibilité au droit devrait conduire les organes émetteurs des normes à rendre sans intérêt la publication privée [66].
63Comme il semble indiscutable qu’il est utile d’avoir un accès facile aux textes, certaines questions se posent. D’abord, il faut tenter de répondre à celle que se posait Escarra en 1948. S’il faut un code de commerce, que doit-il contenir (3.1) ? Ensuite, et c’est une question méthodologique, une codification virtuelle du droit du commerce ne paraît-elle pas plus pertinente au début du troisième millénaire (3.2) ?
3.1 Une codification du droit du commerce : quelles normes ?
64Le code doit contenir le droit vivant du commerce. Il faut codifier tout à la fois les principes cardinaux du droit du commerce et les dispositions qui permettent ou régulent le réel. Ce n’est pas une proposition antinomique. C’est la question que se posait Escarra [67]. Il écrivait, et c’est toujours exact, que « l’alternative est entre un code complet duquel ne seraient exclus que certains contrats qui ont acquis leur autonomie comme le transport maritime et aérien, voire tous les types de transports, et un code qui ne traiterait qu’un petit nombre de règles de principe, dont le choix serait du reste singulièrement difficile, et maintenir des lois particulières pour chaque institution… ». Il ajoutait quelques lignes plus loin : « En réalité, qu’il s’agisse de codes ou de lois, l’idéal du législateur devrait être de n’accueillir qu’un nombre restreint de dispositions d’ordre public, lapidairement rédigées, et de rejeter tous les textes n’ayant qu’une valeur énonciative ou interprétative, puisque ceux-ci peuvent être écartés par la volonté des parties. » [68] Réactualisée, la pensée d’Escarra devrait conduire à un code de commerce fortement aminci, allégé, épuré où les cadres essentiels à la détermination du statut impératif du commerçant se trouveraient réunis. Des codes particuliers seraient consacrés aux dispositions énonciatives propres aux différentes institutions et contrats propres à l’activité commerciale avec l’intégration des données du droit de l’Union européenne et celles du commerce international.
65Ainsi pourraient être codifiés l’essentiel, d’une part, et le réel contingent, d’autre part. En dehors des principes, les codes pourraient être rédigés en contemplation, non seulement de l’expérience du passé, mais aussi des phénomènes économiques et sociaux qui nourrissent l’évolution du commerce. Il est assez vain de vouloir mettre dans un même code, sous un même régime juridique, le petit boutiquier et la grande firme multinationale ou de régler l’ensemble du droit des sociétés avec l’entreprise individuelle. Les normes indispensables à la première pour la sécurité de l’ensemble des opérateurs, investisseurs, salariés, étouffent la seconde. Cela signifie encore qu’il faut éviter les codes obèses. Dans une certaine mesure, c’est le critère de la taille qui prime sur l’activité et ce, même lorsque l’activité appelle la surveillance ou l’intervention des autorités de régulation, le critère de la taille, de l’importance de l’effet qui va commander la norme. Le harnais de l’éléphant ne convient pas au poney agile. L’expérience de deux siècles de décodification du fait des pouvoirs publics incapables de nourrir le code de commerce lors des multiples réformes a conduit à la publication de codes multiples et très spécialisés par les éditeurs privés selon la démarche proposée par Escarra.
66Ce qui est remarquable s’agissant de ces codes tient en trois choses : une excellente codification à droit constant, une diversification des codes selon les besoins des clients, une prise en compte permanente de la jurisprudence et une participation de la doctrine. Les codistes, internes ou externes, des deux grandes maisons ont un art remarquable, très apprécié des praticiens du droit, pour actualiser les codes, tant du point de vue législatif, jurisprudentiel que doctrinal. Alors qu’il n’y avait plus qu’un résidu de code officiel, les codes de commerce privés étaient tenus à jour chaque année, selon une structure moderne correspondant à la place réelle des institutions commerciales. Le lecteur y trouve le texte à jour, l’ancien texte si une question de mise en œuvre dans le temps se pose, la jurisprudence et les références à la doctrine [69]. Récemment, les codes ont même pris une nouvelle physionomie avec l’ajout de commentaires synthétiques par des auteurs spécialistes, ainsi les Juriscodes Litec ou les codes commentés de Dalloz [70]. Parfois, enfin, des « méga-codes » sont publiés. Ils sont à eux seuls des encyclopédies du droit vivant. Il en est ainsi du code de commerce Dalloz. Mieux encore, les praticiens peuvent choisir d’acquérir des codes spécialisés dans un secteur du droit commercial ou dans un domaine où droit civil et droit des entreprises commerciales s’entremêlent. Ainsi, trouve-t-on des codes : des assurances, des baux, des sociétés, des procédures collectives (faillites), de la communication, etc. C’est là assurément un phénomène qui exprime l’aptitude du droit du commerce à se soumettre à la codification pour que l’accès aux normes et leur compréhension soient assurés en même temps que la difficulté à vouloir tout embrasser en un même et unique volume selon un critère dogmatique trop souvent dépassé en raison de l’attraction des méthodes commerciales pour les professions qui restaient en dehors.
67Le droit de l’Union européenne, la législation – règlements, directives communications, lignes directrices – et la jurisprudence de la Cour de justice de Luxembourg, et le droit produit par la Cour européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales de Strasbourg s’imposent aux États, aux juges et aux gouvernements. Dès lors, la production du droit du commerce se trouve en partie externalisée. Il convient d’intégrer ces deux sources dans le corpus juris de l’activité économique et commerciale. Actuellement, ce sont les éditeurs privés qui le font avec la publication de codes spécialisés [71]. L’aventure de la codification européenne du droit du commerce ne fait que commencer. Que l’Union devienne un simple marché unique ou qu’elle prospère vers les objectifs que lui fixèrent les pères fondateurs : Jean Monnet, Robert Schuman, Henri Spaak, Walter Halstein et Winston Churchill… Or, dans le système juridique de l’Union européenne, en l’état du Traité de Rome, il n’est pas toujours aisé de dissocier ce qui est européen et ce qui est national. L’imbrication des droits rend la codification fort délicate. Quant à l’aptitude à la codification du droit international du commerce, force est d’observer que l’approche purement nationale est vaine ou en tout cas très insuffisante dès lors qu’il s’agit du commerce hors Union européenne. En effet, les normes habituelles du droit des conflits de lois permettent aux parties à un contrat international d’évincer toutes les règles qui ne sont pas d’ordre public de leur convention. Vouloir codifier la lex mercatoria est une gageure. Reprendre dans des textes nationaux les normes conventionnelles et les grandes décisions des panels de l’Organisation mondiale du commerce pourrait être envisagé.
68En définitive, il est clair qu’il est assez vain de vouloir codifier en un code classique toutes les dispositions nationales, européennes et internationales. Si l’aventure devait être envisagée, c’est l’outil informatique qui devrait être exploité.
3.2 Une codification virtuelle du droit économique et commercial ou la codification de la complexité
69La codification virtuelle passe par le développement d’une arborescence électronique des textes. Elle permet une actualisation permanente et une appréhension par strates du droit du commerce selon la question dont la solution est recherchée.
70La complexité du droit du commerce tient à la fois à la rapide évolution des règles et des pratiques et à la multiplicité des normes qui doivent être respectées. L’imagination créatrice est essentielle dans une société complexe et vivante. La stabilité de la norme devient un facteur d’étouffement. Il faut sans cesse actualiser la norme en vigueur, soit pour pallier l’insuffisante réponse du droit, soit pour combattre un comportement que le droit ne prohibe pas ou qu’il n’avait pu appréhender avec l’efficacité suffisante par l’interprétation judiciaire des principes cardinaux. La fiabilité et la prévisibilité de la règle juridique imposent que le besoin de droit soit satisfait par l’énonciation précise de ce qui est possible et de ce qui est prohibé. Il n’est guère possible de lutter contre l’inflation législative dans les sociétés complexes et ouvertes. Il faut alors utiliser les moyens qu’offrent la révolution cybernétique et l’informatique.
71L’informatique permet par la multiplicité des mots d’entrée, la myriade des liens possibles, un véritable séquençage du droit, comme elle a permis celle du génome humain. Certes, le recours à l’informatique juridique suppose que les opérateurs acquièrent une double compétence en droit et en techniques informatiques appliquées. C’est là la chose la plus facile du monde pour ceux qui naissent avec les méthodes. En revanche, le codificateur doit bien connaître la linguistique juridique et le droit. Il peut ainsi, non pas l’écrire en « langage informatique », mais ouvrir l’accès aux normes et aux données appliquées du droit. La France a les équipes de juristes formés à l’informatique [72], aptes à piloter les qualifications juridiques et les liens nécessaires à un réseau de normes pour le commerce.
72À l’heure de « l’informatique pour tous », n’aurait-il pas été plus judicieux de reconstruire le code de commerce sous une forme numérisée ? Les textes auraient été conservés dans une nouvelle architecture. Les mots-clefs auraient permis de trouver aisément les bons textes et la jurisprudence. Mieux, le langage naturel des citoyens aurait pu être intégré dans les moteurs de recherche publics. L’accessibilité du droit aurait ainsi été garantie conformément à la Constitution. Tout aurait été changé, sans que rien ne le soit. L’avantage du système serait aussi de faire apparaître les contradictions, incohérences et incompatibilités, les malfaçons, les frictions de textes, les correctifs apportés par les juges.
73La voie peut toujours être empruntée. Elle l’est déjà, là encore, par les éditeurs privés, mais l’accès à leur production ne peut être gratuite. Elle pourrait l’être par les pouvoirs publics. À cet égard, il faut saluer la création d’un « service public de la diffusion du droit par l’Internet » par un décret du 7 août 2002 [73]. Ce service est assuré par le site Légifrance [74] sous l’autorité du Secrétaire général du Gouvernement et exploité par la direction des journaux officiels. Il comporte les traités et accords liant la France, les règlements et directives émanant des autorités de l’Union européenne, la Constitution, les codes, les lois et les actes réglementaires, les conventions collectives étendues, la jurisprudence des juridictions et la pratique décisionnelle des autorités de l’Union et du Conseil de l’Europe, du Conseil constitutionnel, de la Cour de cassation, du Conseil d’État et du tribunal des conflits, ainsi que les journaux et bulletins officiels.
74Le support est développé, mais il faut constater qu’en l’état, il ne comporte pas de liens et de mots-clefs et reste d’une ergonomie perfectible. Il faut attendre encore pour que le justiciable puisse avoir accès aux informations pertinentes aptes à l’aider à appréhender avec ses conseils une solution aux problèmes juridiques qui le préoccupent.
75Par ailleurs, avec une procédure informatique d’analyse et de synthèse, le droit peut être découvert par champs ou strates particuliers : ratione materiae, selon le domaine et la question ; ratione loci, selon le besoin à satisfaire ; ratione temporis, selon qu’il s’agit d’appliquer une loi ancienne ou nouvelle [75]. Cela permet aussi d’avoir une information juridique sinon instantanée, du moins très rapide [76].
4 CONCLUSION
76Par une sorte de paradoxe, l’examen des codes de commerce qui ont jalonné l’histoire législative française montre que la codification du droit du commerce est encore à faire. Les trois codes officiels ont été utiles et bienvenus. Toutefois, ils ne donnaient pas, ou il n’offre pas pour le dernier, une vision réelle du droit applicable. Il n’y aura pas de réel accès au droit économique et commercial sans que les moyens exceptionnels de l’informatique ne soient pleinement exploités. Le véritable accès au droit applicable impose l’actualisation permanente. L’évolution du commerce implique une codification jamais achevée, sans cesse mise à jour et éclairée par la jurisprudence et la doctrine. L’ère de la codification informatique bouleverse les systèmes classiques de codification en même temps qu’elle les pérennise puisqu’à la fois, l’informatique n’impose pas de modification substantielle et souligne les points d’achoppement entre normes.
Notes
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[*]
Professeur à l’Université Paris-Dauphine, Directeur de l’Institut de droit économique, fiscal et social, Doyen honoraire de la Faculté de droit, d’économie et de gestion d’Orléans. Courriel : jjoel. moneger@ dauphine. fr. Cet article a pour base une communication faite en 2002, à l’Université catholique argentine de Buenos Aires. V. J. Alterini y otros, La codificación, raices y prospectiva, t.1 El Código Napoleón, Educa, Editorial de la Universitad Católica Argentina, Buenos Aires, 2003 ; Dikaion, Revista de fundamentacion y actualidad juridica, Facultad de derecho de la Universidad de la Sabana, Colombia, 2002 (Año 16), n°11, p. 74 s.
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[**]
Flexible droit, LGDJ, Paris, 10e éd., 2001, p. 20. Revue Internationale de Droit Économique — 2004 — pp. 171-196
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[1]
Cf. Max Weber, Sociologie du droit, PUF, Paris, 1986, p. 195 s. ; B. Oppetit, De la codification, D. 1996, chron., 33. Sur la codification, Oppetit est l’auteur de référence ; du même : L’expérience française de la codification en matière commerciale, D. 1990, chron., I ; La décodification du droit commercial, in Études offertes à R. Rodière, Dalloz, Paris, 1982, p. 189 s. Voir également R. Cabrillac, Les codifications, PUF, coll. Dr. fondamental, Paris, 2002.
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[2]
La Medjéllé turque de 1864 doit être citée avant les codes, tunisien en 1906, marocain en 1913, mais aussi libanais en 1931, égyptien en 1948, mauritanien en 1980, parmi d’autres. Sur ces codes : S. Jahel, Code civil et codification dans les pays du monde arabe, in Université Panthéon-Assas (Paris II), Le Code civil, un passé, un présent, un avenir, éd. Dalloz, Paris, 2004, p. 831 s. ; P. Gannagé, L’influence du Code civil sur les codifications des États du Proche-Orient, in Le Code civil, Livre du bicentenaire, éd. Dalloz-Litec, Paris, 2004, p.595 s.; J. Monéger, Biographie du code des obligations et contrats, de la réception à l’assimilation d’un code étranger dans l’ordre juridique marocain, Rev. mar. dr. et éco. dév. (RMDED), 1984, p.16 à 65.
-
[3]
Marcelo Urbano Salerno, La codificación sus raises y prospectiva, tributo al bicentenario del Código Napoleón, El derecho, 2002, n°10.487, p. 1 ; G. Rabello, Bicentenaire du Code civil : l’Argentine, in Le livre du bicentenaire, op. cit., p.539 s. Pour l’Amérique latine en général, v. A. Wald, L’influence du Code civil en Amérique latine, in Le Code civil, un passé, un présent, un avenir, op. cit., p. 855 s. et in J. Alterini y otros, La codificación, raices y prospectiva, t.2, La codificación en América, Educa, Editorial de la Universitad Católica Argentina, Buenos Aires, 2004.
-
[4]
Cf. les ouvrages préc. et R. Cabrillac, La symbolique des codes, in L’avènement du Droit, Mélanges F. Terré, Dalloz-PUF-Éditions du juris-classeur, Paris, 1999, p.211 s.; D. Tallon, Grandeur et décadence du Code civil français, in Mélanges M. Fontaine, Larcier, Bruxelles, 2003.
-
[5]
J. Gaudemet, La codification, ses formes et ses fins, in La codification et l’évolution du droit, XVIIIe Congrès de l’I.D.E.F., Louisiane, 3-9 nov. 1995, Rev. jur. et pol., Indépendance et coopération, 1986, p. 239 s.
-
[6]
Il faut cependant tenir compte, à l’actif du code français, qu’il a servi de modèle en Amérique latine en Argentine et au Mexique, v. J. Anaya, El influjo del Código francés en la codificación, in J. Alterini y otros, La codificación, raices y prospectiva, t. 1, op. cit., p.99 s.; J. Sanchez Cordero, Mexique, in La circulation du modèle juridique français, travaux de l’ass. H. Capitant, Litec, Paris, 1993, t. XLIV, p.172 s.
-
[7]
F. Portalis, Essai sur l’utilité de la codification, Paris, 1844, p.IX. Voir aussi Alfredo Mordechai Rabello, Montesquieu et la codification du droit privé (Le code Napoléon), Rev. int. dr. comp.2000, p. 147.
-
[8]
Sur ce point infra, 2e partie.
-
[9]
Cf. Emma Ben Merzouk, La sécurité juridique en droit positif, thèse Paris II, 2003. L’auteur considère que, contrairement aux droits allemand et communautaire, il n’y aurait pas en droit positif français, au sens strict du terme, de principe de sécurité juridique, mais que celle-ci serait un droit naturel.
-
[10]
J. Fourré, Les codifications récentes et l’unité du droit, Petites affiches, 1985, n 138, p.11. Selon l’auteur, « À défaut, elle (la codification) disjoint tout autant dans une société en voie d’éclatement.»
-
[11]
Œuvres, Vol. VII, Dialogues.
-
[12]
V. Y. Lequette, Quelques remarques à propos du projet de code civil européen de M. von Bar, D. 2002, p. 2202-2214 et les auteurs cités, notamment Louis Vogel (sous la dir.), Droit global, Unifier le droit, le rêve impossible ?, éd. Panthéon-Assas, Paris, 2001 ; D. Tallon, L’avenir du Code en présence des projets d’unification européenne du droit civil, in Le Code civil, un passé, un présent, un avenir, op. cit., p. 997 s. ; B. Fauvarque-Cosson, Faut-il un code européen ?, RTD civ. 2002, p. 463 et les réf. Adde: Y. Lequette, Recodification civile et prolifération des sources internationales, in Le livre du bicentenaire, op. cit., p. 171 s.
-
[13]
Parmi de nombreux travaux, voir UMR de droit comparé de Paris, Variations autour d’un droit commun. Travaux préparatoires, Société de législation comparée, Paris, 2001 ; C. von Bar, Le groupe d’études sur un code civil européen, Rev. int. dr. comp. 2001, p. 127 s. ; Les perspectives d’avenir d’un code civil européen, Conférence donnée à la Cour de cassation le 12 avril 2002, Rev. int. dr. comp. 2002 et Les Annonces de la Seine, 3 juin 2002, n°33 ; Denis Tallon, Vers un droit européen des contrats, in Mélanges offerts à André Colomer, Litec, Paris, 1993, p. 494 s.
-
[14]
Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen concernant le droit européen des contrats, Bruxelles, 11.07.2001, COM(2001) 398 final. hhttp:// www. europa. eu. int ;JOCE 11.09.01.
-
[15]
V. Guy Braibant, v° Codification, Encyclopédie Universalis ; Bruno Oppetit, De la codification, op. cit., p.36 s.; Jean-Louis Sourioux, Codification et autres formes de systématisation du droit à l’heure actuelle. Le droit français, in Journées de la Soc. de législation comparée, Rev. int. dr. comp.1989, n°spéc., p.145 s. ; François Terré et Anne Outin-Adam, Codifier est un art difficile, D. 1994, chron., p.99 s. ; Nicolas Molfessis, Les illusions de la codification à droit constant et la sécurité juridique, RTD civ. 2000, p. 186 s. et p.656 s.; Georges Wiederkher, v° Lois et Décrets, Rép. civ. Dalloz ; Joël Monéger, chron., RTD com. 2000, p. 851 s.
-
[16]
F. Portalis, Essai sur l’utilité de la codification, Paris, 1844, p.IV, cité par B. Oppetit, op. cit., p.36.
-
[17]
Op. cit.
-
[18]
En France, les éditions Dalloz furent les premières à innover en ce sens. Elles ont été rejointes par les éditions du Jurisclasseur. Les codes rouges et les codes bleus se disputent la prééminence dans les palais de justice et les amphithéâtres.
-
[19]
Il faut reconnaître que certains des codes issus de la recodification de 2000 suivent l’exemple de la pratique éditoriale privée. Ainsi, existe-t-il un code de l’éducation qui recense tous les textes applicables en ce domaine.
-
[20]
Savary était un marchand connaissant parfaitement le droit commercial italien en sa qualité d’intendant du duc de Mantoue pour ses biens situés en France.
-
[21]
Celle-ci, comme dans certaines sociétés américaines aujourd’hui, avait prêté beaucoup d’argent à ses gérants qui se trouvaient dans l’impossibilité de rembourser à l’échéance.
-
[22]
Romuald Szramkiewicz, Histoire du droit des affaires, Montchrestien, Paris, 1989, n°685.
-
[23]
Art. 50-1.
-
[24]
À côté de ces premières grandes compagnies privées protégées, existèrent les manufactures du roi pour l’industrie du luxe. Elles étaient au service du roi, ainsi la manufacture des Gobelins qui existe toujours ou les manufactures royales qui étaient des entreprises privées subventionnées par le roi. Ce fut le cas de l’industrie textile qui fut créée en France par des fabricants hollandais aidés par le roi.
-
[25]
R. Szramkiewicz, op. cit., n°318.
-
[26]
Cf. infra 2.2.1.
-
[27]
Appelé aussi « projet Montaran » du nom de l’un des membres de la Commission. Sur ce code : E. Blum, Le projet de révision attribué à Miromesnil de l’ordonnance de mars 1673 sur le commerce, Nouv. Rev. histor. de dr. fr. et étr. 1913, p.511 s.; H. Lévy-Bruhl, Les origines du Code de commerce français, in Studi in memoria di Aldo Albertoni, Padova, 1938, t. III, p.221-224 ; Un projet de Code de Commerce à la veille de la Révolution, le projet Miromesnil (1778-1789), Imp.nat., Paris, 1932 ; P. Reulos, Une source du code de commerce : le projet Miromesnil, RTD com. 1948, p. 224 s.
-
[28]
Il prônait même le développement du commerce et la création d’écoles de commerce hors la Faculté.
-
[29]
Jean-Guillaume, baron Locré, qui fut Secrétaire général du Conseil d’État commente le code dans un ouvrage de 10 volumes consacré à L’esprit du code de commerce publié de 1807 à 1813 et reproduit les travaux préparatoires en 31 volumes dans Législation civile, commerciale et criminelle de France, Paris, 1827 à 1832. Ces deux publications sont encore aujourd’hui des ouvrages de référence.
-
[30]
À propos de la révision du code de commerce, RTD com. 1948, p. 3.
-
[31]
Ibid., p. 4.
-
[32]
Op. cit., loc. cit. L’auteur indique que la question est purement académique puisqu’il existe deux commissions de réforme.
-
[33]
Bruno Oppetit, L’expérience française de codification en matière commerciale, D. 1990, chron., 1, préc., spéc. p.2 et 3 ; du même, De la codification, D. 1996, chron., 33, préc.
-
[34]
Op. cit., p.6.
-
[35]
Par ex. les codes monétaire et financier, de la consommation, de l’urbanisme, de la construction et de l’habitation, de l’éducation, de la famille, de l’action sociale, de la santé publique…
-
[36]
Décret du 24 juin 1947.
-
[37]
Voir les observations de Jean Escarra, RTD com. 1948, p. 3, préc. et 1952, p. 244.
-
[38]
Il s’agit du plus haut membre du Conseil d’État, la présidence appartenant au Premier Ministre.
-
[39]
5e Rapport d’activité de la Commission, 1994, p.6 et 7.
-
[40]
Celui-ci avait été favorable à la codification lorsqu’il était Premier Ministre.
-
[41]
Déc. n°99-421 DC, 16 déc. 1999, JO 22 déc. 1999, p.19042.
-
[42]
Ordonnance n° 2000-912 du 18 septembre 2000 relative à la partie législative du code de commerce, JO n°219 du 21 septembre 2000, p. 14783. La Constitution française (art. 34) dissocie le pouvoir de légiférer entre le Parlement pour les principes et le Gouvernement pour les textes d’application.
-
[43]
V. J. Arrighi de Casanova, Le Conseil d’État et les travaux de (re)codification, in Le livre du bicentenaire, op. cit., p. 141 s.
-
[44]
La codification des baux commerciaux à droit presque constant, JCP G 2000, p.2003.
-
[45]
Nos obs. RTD com. 2000, préc., p. 853.
-
[46]
Parmi de nombreux articles, v. D. Bureau et N. Molfessis, Le nouveau code de commerce : une mystification, D. 2001, chron., p.366 s.; Ph. Reigné et T. Delorme, Une codification à droit trop constant. À propos du Code de commerce, JCP E 2001, act. n°1, p. 2 ; S. Guy, La codification : une utopie, RFD const. 1996, p. 307 ; T. Le Bars, Nouvelles observations sur la codification « à droit constant » du code de commerce, JCP E 2000, p.2164 ; A. Lienhard et C. Rondey, Incidences juridiques et pratiques des codifications à droit constant, D. 2000, chron., p. 523 s. ; H. Moysan, La codification à droit constant ne résiste pas à l’épreuve de la consolidation, JCP G 2002, p.1231 et, pour une version longue, Droit administratif, avril 2002, p.6.
-
[47]
C. Arrighi de Casanova et O. Douvreleur, La codification par ordonnances. À propos du Code de commerce, JCP G 2001, I, 285 ; G. Braibant, Utilité et difficultés de la codification, Droits 1996, t. 24, p. 73 s.
-
[48]
Infra, 3.
-
[49]
H. Moysan, op. cit.
-
[50]
Les sociétés générales ou sociétés en nom collectif, la société en commandite et la société en participation, société non révélée aux tiers et qu’on appelait alors la société anonyme ; cf. R. Szramkiewicz, op. cit., n°372 s.
-
[51]
Cette maladresse a été corrigée dans la version de 2000.
-
[52]
Supra, 2.1.3.
-
[53]
Les praticiens n’aiment guère que les textes qu’ils connaissent changent. S’ils admettent l’évolution, ils n’apprécient pas de reconstruire leurs références mentales vis-à-vis de nouveaux numéros. Cela permet pourtant à certains de découvrir ce qu’ils n’auraient pas dû oublier ou ignorer.
-
[54]
Cf. RTD com. 1952, p.544.
-
[55]
L’expérience française de codification en matière commerciale, op. cit., p. 5.
-
[56]
Cf. V. Lasserre-Kiesow, La compréhensibilité des lois à l’aube du XXIe siècle, D. 2002, p. 1157 s. ; v. aussi A. Lienhard, sous cass. 1re civ., 27 févr. 2001, D. 2001, p.1025 s ; N. Molfessis, RTD civ. 1997, p. 778 s. ; D. Bureau et N. Molfessis, Le nouveau code de commerce ? Une mystification, op. cit., p. 361 s.
-
[57]
Cf. Hervé Moysan, op. cit.; Dominique Bureau et Nicolas Molfessis, op. cit.
-
[58]
Roger Saint-Alary, Les codifications administratives et le progrès du droit en France, in La codification et l’évolution du droit, op. cit., n°3/4, p. 738 s. L’auteur souligne que les premières codifications administratives remontent à 1934 avec le code des impôts. Il indique que l’une des clés du succès est l’exhaustivité du code. Adde: J. Arrighi de Casanova, art. préc., in Le livre du bicentenaire, op. cit.
-
[59]
RTD civ. 2000, p.186 s et 656 s., préc. et J. Monéger, RTD com. 2000, préc., p. 852.
-
[60]
D. 1994, chron., préc., p.99.
-
[61]
Art. préc., in RTD com. 1948, préc., p.5.
-
[62]
Le droit souple, réflexion sur les textures du droit, RTD civ. 2004, p.599 s. Rapp. de J.-G. Belley (sous la dir.), Le droit soluble. Contributions québécoises à l’étude de l’internormativité, LGDJ, coll. Dr. et soc., Paris, n°16, 1996.
-
[63]
En France, un arrêt majeur a été rendu par la Cour de cassation en application des principes déduits par la Cour européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le 23 janvier 2004 (RTD com. 2004, p. 74, obs. J. Monéger ; JCP E 2004, II, 514, note J. Monéger) aux termes duquel le législateur ne peut interférer par une loi nouvelle sur le déroulement des affaires en cours devant les juridictions. La solution a été approuvée par la doctrine quasi unanime. Quelques jours après cet arrêt, la Cour d’appel de Versailles a refusé de rouvrir les débats comme le lui demandait l’une des parties. Même si cela est une extrapolation à partir de l’attitude des juges, l’une des explications susceptibles de la fonder est de considérer que la jurisprudence nouvelle ne peut, comme la loi, recevoir application dans les instances pendantes devant les juridictions du fond. Si cette manière de voir était admise par la Cour de cassation, force lui serait de mettre en place un mécanisme clair permettant de savoir s’il y a nouveauté, c’est-à-dire création ou modification de la norme de droit ad futurum. La jurisprudence se veut source du droit, mais elle entend le nier pour se conformer aux principes de la séparation des pouvoirs et à l’article 5 du Code civil, mais cela est une hypocrisie qui n’a plus de sens dans la société contemporaine. Les textes ne peuvent souvent acquérir leur plein sens sans que les hautes juridictions en affinent le sens. À l’évidence, l’atteinte aux expectatives légitimes des justiciables qui ont fondé leur action et la formalisation de leurs prétentions sur la base de la norme, dans sa totalité et sa complexité de norme écrite et lue, mérite une réflexion approfondie, voire une interrogation de la CEDH (cf. J. Monéger, Si Versailles m’était conté ou du revirement de jurisprudence, Loyers et copropriété, 2004, n°3).
-
[64]
Les exemples pourraient remplir la revue. Ainsi le droit constitutionnel, tout ou presque le droit administratif et une large part du droit privé, dont le droit international privé, remplissent les conditions posées par le principe du droit dit par le juge.
-
[65]
Pour s’en convaincre, il suffit de considérer qu’une société transnationale est tenue par les normes des différents pays où elle émet des titres. Inévitablement, la norme la meilleure va pénétrer la norme la plus faible.
-
[66]
Mathieu, La sécurité juridique : un produit d’importation dorénavant «made in France» (à propos des décisions 99-421-DC et 99-422-DC du Conseil constitutionnel), D. 2000, n°4, point de vue, p. VII ; E. Schoettl, Codification par ordonnances, AJDA 2000, p.31 s. ; M.-A. Frison-Roche et W. Baranès, Le principe constitutionnel de l’accessibilité et de l’intelligibilité de la loi, D. 2000, chron., p. 361 s. Adde: B. Beignier (sous la dir.), La codification, Dalloz, coll. Thèmes et commentaires, Paris, 1996.
-
[67]
Art. préc., p.5.
-
[68]
Ibid.
-
[69]
Par ex., le code de commerce publié par Litec et les éditions du Jurisclasseur, réalisé par le professeur Marie-Jeanne Campana.
-
[70]
Par ex. Code des baux, Litec, 3e éd., par J. Lafond, B. Saintourens et B. Vial-Pedroletti, Dalloz, 15e éd., 2004.
-
[71]
Code européen des affaires, Dalloz, 1995 ; Code européen des personnes, Dalloz, 1996 ; Code de la Convention européenne des droits de l’homme, Litec, 2000.
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[72]
Sous l’impulsion du professeur Pierre Catala, la formation de l’Université de Montpellier en informatique juridique a essaimé dans de nombreuses universités, notamment de Paris (Paris I Panthéon-Sorbonne et Paris XI, Faculté Jean Monnet).
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[73]
Décret n°2002-1064 du 7 août 2002, JO du 9 août 2002, p. 13655.
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[74]
http:// www. legifrance. gouv. fr
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[75]
Voir Cary de Bessonnet, Informatisation juridique et codification en Louisiane, in La codification et l’évolution du droit, op. cit., n°3/4, p 596 s.
-
[76]
Actuellement, la Cour de cassation, le Conseil constitutionnel et le Conseil d’État publient sur leur site propre les grandes décisions dont la connaissance est nécessaire à bref délai. Le site Légifrance déclare avoir des codes actualisés dans les dix jours qui suivent la publication au Journal officiel. Il est probable que ces délais pourront être réduits rapidement.