Couverture de INNO_067

Article de revue

Angélina Armandy, Madina Rival (2021), Innovation publique et nouvelles formes de management public, Doc en poche, Regard d’expert, Paris, La Documentation française, 209 p.

Pages 239 à 241

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1La lecture de l’Innovation publique et les nouvelles formes de management public est un vrai plaisir. Cet ouvrage est à la fois original, utile et magnifiquement présenté.

2Il est original dans la mesure où l’innovation est rarement associée à des méthodes ou des outils de management, mais désigne le plus souvent des objets ou des processus. Autrement dit, on associe plus généralement l’innovation aux sciences de l’ingénieur, aux technologies visibles, alors qu’ici, il s’agit de sciences humaines et sociales.

3Il est utile car il associe la réflexion à l’action, croise le regard d’enseignants-chercheurs en management public et celui des acteurs. Angélina Armandy et Madina Rival, les deux auteures, sont des chercheuses mais aussi des praticiennes du management dans un établissement d’enseignement supérieur, le Conservatoire national des arts et métiers (Cnam). Elles ont travaillé avec un groupe de 9 universitaires et 26 praticiens qu’elles citent et remercient. Ainsi l’ouvrage est une mine de renseignements pratiques, que l’on ne trouve nulle part ailleurs.

4Enfin, il est magnifiquement présenté : La Documentation française a effectué un travail remarquable qui mérite d’être souligné car il facilite grandement la lecture. Quant aux auteures du livre, elles ont fait preuve de rigueur et de simplicité pour rendre abordables des questions complexes.

5Le secteur public représente en France, comme dans de nombreux pays, plus de 50% du PIB et 25% de l’emploi salarié. Pourtant, lorsqu’on parle de management, on pense plutôt aux grandes entreprises. Mais l’État et les collectivités territoriales ne sont pas des entreprises. Il est donc heureux qu’un ouvrage vienne rappeler l’existence d’un management public avec ses spécificités et une dynamique trop peu connue. Ainsi, la chronologie des politiques transversales de modernisation de l’État, de 1968 à nos jours (p. 108) est impressionnante. Contrairement à la « réforme », l’innovation doit être fun and sexy (p. 34). Malheureusement, le mot « modernisation » ne montre pas que le changement repose sur une création, une idée nouvelle. Il s’agit ici d’innovations portant sur la dimension technologique (le numérique), organisationnelle, ressources humaines (RH) et sociale (p. 45).

6L’ouvrage comporte trois grands chapitres. Le chapitre 1, De quoi l’innovation publique est-elle le nom ? (pp. 13-42), définit rigoureusement les concepts en se fondant sur la littérature académique sans rendre la lecture fastidieuse du fait d’innombrables références bibliographiques souvent inutiles. Il est indispensable de savoir exactement de quoi on parle. Le chapitre 2, Etat des lieux de l’innovation publique (pp. 43-103), traite des services d’appui à la modernisation de l’État et de leur financement (les institutions avec un très utile inventaire de celles-ci), des dispositifs à rayonnement étatique et territorial (les laboratoires d’innovations publiques et les start-up d’État et des territoires, deux voies fort intéressantes) et, enfin, de la diffusion de l’innovation pratique (une mine de renseignements dont peu de personnes ont une vision d’ensemble). Le chapitre 3, Innovation publique et mutation du management public (pp. 105-196), pose des questions de fond issues d’un croisement de la théorie et de la pratique. Après la définition des concepts (chapitre 1) pour décrire clairement les actions (chapitre 2) vient, dans ce chapitre 3, une prise de recul permettant de faire des constats et de se poser les questions de fond.

7Les constats mettent en lumière l’accélération de la transformation publique, dont le public n’a pas conscience, avec un tableau récapitulatif couvrant la période 2011-2020 (pp. 176 et 177), décrivant les conséquences de la digitalisation de la société, l’apparition de nouvelles formes d’apprentissage, la mise à disposition d’outils pour encadrer ou faciliter la transformation, l’emprunt de méthodes et d’un vocabulaire issus du privé, les changements dans la politique RH et le besoin de nouvelles compétences.

8La synthèse de l’ouvrage prend la forme de 10 questions que vous n’oseriez pas poser (pp. 181-196). Cette forme originale et stimulante pose notamment les questions de fond suivantes :

  • Y a-t-il une innovation spécifique au secteur public ?
  • Le management public est-il innovant de la même manière dans tous les pays ?
  • Paris est-il le centre de l’innovation publique ?
  • Peut-on évaluer l’innovation publique ?
  • L’État peut-il encore innover dans le cadre de la crise de la Covid19 ?
  • L’innovation publique est-elle une mode managériale ou une réalité ?
  • Quel rapport l’innovation publique entretient-elle avec la démocratie ?
  • Est-il forcément bénéfique d’innover dans le secteur public ?

10Bien sûr, les auteures apportent leurs réponses à ces questions de fond, mais les réflexions et la documentation qui nous sont livrées permettent à chacun de se forger sa propre opinion sur un phénomène, l’innovation publique, qui nous concerne tous.

11Nous pouvons néanmoins donner ici un rapide aperçu de la représentation de l’innovation publique et des nouvelles formes de management que donnent les auteures. Elle s’inscrit dans un mouvement mondial caractérisé par une plus grande attention portée aux besoins des usagers et citoyens, une simplification des procédures et politiques publiques et la numérisation (p. 184).

12Les demandes des usagers et citoyens, qu’ils se considèrent comme des clients ayant le droit d’être exigeants ou les détenteurs d’un pouvoir politique, se font plus pressantes et sont à l’origine de nombreuses innovations. Il s’ensuit un management participatif, plus décentralisé, capable de concevoir des solutions organisationnelles hybrides associant organisations publiques et privées, faisant appel aux sciences comportementales, susceptible de répondre à des situations de crise. Il s’agit de créer de la valeur publique avec le public et évaluée par le public.

13Si la simplification des procédures et politiques publiques ainsi que la numérisation répondent à des besoins du public, ces innovations peuvent aussi répondre à des contraintes économiques et conduire à des conflits. Par exemple, la numérisation donne accès 24/24 et 7/7 à certains services sans se déplacer, mais exclut nos 11 millions de concitoyens souffrant d’illettrisme numérique (p. 189).

14Enfin, nos co-auteures dénoncent l’impasse du Nouveau management public, rejoignant la position de M. Guénoun et N. Matyjasik (En finir avec le New Public Management, IGPDE, 2019). Il s’agit d’une mode managériale prônant des pratiques standardisées indépendamment de leur pertinence dans un contexte particulier. Le « solutionnisme » n’est pas la solution (p. 187).

15En conclusion, je souligne qu’il est heureux qu’il y ait des universitaires capables de traiter de théories, d’observer des pratiques et de poser des questions de société dans un même ouvrage.


Date de mise en ligne : 04/02/2022

https://doi.org/10.3917/inno.067.0239

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