Notes
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[1]
Bien que désigné par le terme Alzheimer, le PAQ concerne toutes les maladies neurocognitives dégénératives.
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[2]
Un GMF est généralement composé de 6 à 10 médecins de famille et des infirmières qui assurent les soins primaires de 8000 à 15 000 patients (Pineault et al., 2016).
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[3]
Cette généralisation est en cours depuis juin 2016.
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[4]
Les quatre RUIS rattachés aux quatre facultés de médecine existantes au Québec se sont vu octroyer le mandat de « favoriser la concertation, la complémentarité et l’intégration des missions de soins, d’enseignement et de recherche des établissements de santé ayant une désignation universitaire » (MSSS, 2015, en ligne). Ils épaulent les chargés de projets régionaux dans leur mandat de soutien à l’implantation des projets locaux.
1 Historiquement conçus pour répondre à des besoins aigus, sur le court terme, les systèmes sociosanitaires doivent aujourd’hui opérer de grandes transformations pour mieux répondre aux besoins multidimensionnels et évolutifs des personnes atteintes de maladies chroniques (Nasmith et al., 2010). Cela requiert d’utiliser des processus de gouvernance qui favorisent la mise en place de ces importants changements (Baker, Denis, 2011). Ce type de processus a longtemps été envisagé en termes d’approches top-down ou bottom-up. La première approche considère le changement à travers un contrôle hiérarchique de la mise en œuvre afin que les actions s’incarnent telles que planifiées, dans une logique de chaîne de commandement, alors que la seconde approche compte sur l’émergence de changements incrémentaux du local vers le global (Hassenteufel, 2012). Or, nous savons aujourd’hui que certaines dimensions du changement requièrent une approche top-down, alors que d’autres nécessitent plutôt une approche bottom-up (Greenhalgh et al., 2004).
2 Depuis les deux dernières décennies, l’usage du concept de gouvernance pour réfléchir à l’implantation des politiques publiques est grandissant, notamment dans le domaine de la santé et des services sociaux. Son utilisation permet de repenser les espaces de régulation collective entre les acteurs qui composent les systèmes sociosanitaires et de mieux saisir la complexité des processus permettant de générer les résultats souhaités (Contandriopoulos, 2008), en décloisonnant la traditionnelle relation binaire entre les approches top-down et bottom-up (Touati et al., 2007). Cette perspective envisage la gouvernance comme étant un processus d’interaction continue entre les divers paliers. De ce point de vue, le changement et sa conduite se pensent comme une action collective découlant d’une gouvernance distribuée (Touati et al., 2007). En ce sens, Lacroix et St-Arnaud définissent la gouvernance comme suit : « L’ensemble des règles et des processus collectifs, formalisés ou non, par lequel les acteurs concernés participent à la décision et à la mise en œuvre des actions publiques. Ces règles et ces processus, comme les décisions qui en découlent, sont le résultat d’une négociation constante entre les multiples acteurs impliqués » (2012, p. 26). Dans les systèmes sociosanitaires, elle se distribue entre trois grands paliers :
- Le palier décisionnel, qui concerne les décideurs, élabore des orientations basées sur le système collectif de valeurs, met à disposition des ressources générales et requiert une connaissance de l’environnement du système sociosanitaire (Denis, 2002 ; Denis et al., 2015).
- Le palier managérial, représenté par les gestionnaires et les chargés de projet, s’intéresse aux aspects plus techniques de la gestion, tels que les processus fonctionnels par lesquels les orientations formulées par les acteurs décisionnels se mettent en œuvre. Pour ce faire, les acteurs managériaux travaillent à la bonne répartition des ressources, à l’opérationnalisation des changements, à leur accompagnement et à la promotion de leurs finalités (Cloutier et al., 2016 ; Denis et al., 2009 ; Denis et al., 2015).
- Le palier clinique, qui se rapporte aux professionnels de la santé et des services sociaux, concerne la dispensation des services, la gestion des connaissances et la nécessaire adaptation des changements aux réalités locales (Brault et al., 2008 ; Pomey et al., 2008).
4 On voit donc aisément que ces trois paliers sont complémentaires et interdépendants (Lacroix, St-Arnaud, 2012 ; Touati et al., 2015 ; Touati et al., 2006). Néanmoins, malgré le caractère incontournable de ces deux derniers attributs, plusieurs études portant sur l’implantation des politiques publiques visant la transformation du système sociosanitaire font état de certains problèmes récurrents, en particulier la trop forte centralisation de la gouvernance et le manque d’accompagnement dans la mise en place des changements de pratique (Couturier, Etheridge, 2012 ; Fleury, Denis, 2010 ; Lévesque et al., 2009 ; Vedel et al., 2011). La répétition de ces problèmes nuit à la complémentarité de la gouvernance telle que définie plus haut, ce qui se traduit par les difficultés à équilibrer les importants principes de l’adaptabilité des changements au contexte local et du respect des principes fondamentaux guidant la politique publique. Pour trouver cet équilibre, il importe de mobiliser des processus de gouvernance qui favorisent la décentralisation de certaines responsabilités vers les acteurs locaux de même que la mise en place de dispositifs d’accompagnement du changement (Couturier, Etheridge, 2012 ; Fleury, Denis, 2010 ; Lévesque et al., 2009 ; Vedel et al., 2011). L’implantation du Plan Alzheimer du Québec (PAQ) se démarque sur ces deux aspects, comme nous le montrerons dans les prochaines sections. Le PAQ offre donc un terrain propice pour mieux comprendre comment ce type de processus influence la mise en place des changements de pratique.
Le cas du Plan Alzheimer du Québec
5 En 2007, le Ministère de la Santé et des Services Sociaux (MSSS) a mandaté un comité d’experts pour élaborer le PAQ [1] (Bergman, 2009). En s’appuyant à la fois sur les données probantes, sur la concertation des acteurs du système sociosanitaire québécois et sur leur analyse du contexte québécois, les membres du comité ont présenté un plan comprenant 24 recommandations, allant de la prévention des maladies neurocognitives dégénératives à l’amélioration des soins de fin de vie (Bergman, 2009). À la suite de l’adoption du plan, une stratégie ministérielle de mise en œuvre a été élaborée (Bergman, Bouchard, 2012).
Les principes fondamentaux de l’initiative publique
6 Bien que les recommandations du plan concernent l’ensemble du continuum de soins, la stratégie de mise en œuvre choisie par les décideurs s’est focalisée sur les recommandations visant le rehaussement des soins et services primaires pour les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer (MA) ou des autres troubles neurocognitifs (TNC) majeurs vivant à domicile (MSSS, 2012a). S’inscrivant en phase avec les Conférences de consensus sur le diagnostic et le traitement de la démence (Moore et al., 2014), le plan québécois promeut le rehaussement de la capacité des Groupes de médecins de famille (GMF [2]) à assurer le diagnostic et le suivi global des personnes atteintes de ces maladies et de leurs proches, dans la communauté. Cette orientation se distingue de la pratique usuelle qui dirige plutôt les personnes atteintes dans les ressources spécialisées, telles que les cliniques de la mémoire (Bergman, 2009). Sur le plan clinique, cette focalisation sur les soins et services primaires s’incarne par la constitution d’équipes interprofessionnelles assurant, sur le long terme, le suivi global des personnes atteintes de la MA ou d’un TNC majeur (Bergman, 2009). Ainsi, ce passage d’un système centré sur les soins spécialisés à un autre système orienté vers les soins primaires transforme les normes, procédures et modes de fonctionnement, formels et informels qui étaient jusqu’alors au cœur du système sociosanitaire.
7 Concrètement, l’objectif ministériel de rehaussement de la capacité des GMF a été opérationnalisé par la systématisation du diagnostic et par la mise en place d’un suivi holistique des personnes atteintes de ces maladies, par des équipes interprofessionnelles, au sein des GMF (MSSS, 2012a). Les infirmières œuvrant dans ces organisations ont vu leurs responsabilités accrues ; le ministère leur a attribué la fonction de coordonnatrice de soins pour les personnes atteintes de ces maladies et leurs proches et leur a confié de nouvelles tâches cliniques, comme des évaluations cognitives en collaboration avec les médecins (MSSS, 2012a). D’autres catégories de professionnels historiquement absentes des GMF, notamment les travailleuses sociales, ont été invitées à se joindre à ces organisations pour compléter les équipes interprofessionnelles (Bergman, 2009). Le rôle de ces nouveaux professionnels n’était cependant pas défini dans les documents ministériels (Bergman, 2009 ; MSSS, 2012a ; MSSS, 2012b).
Une décentralisation de responsabilités vers les acteurs locaux
8 Le MSSS a développé un appel de propositions visant le développement de projets locaux, financés annuellement à la hauteur de 250 000 $ par projet retenu, pour une période de deux ans (2014-2016) (MSSS, 2016). Cette première phase d’implantation visait à expérimenter les changements proposés dans le PAQ via des innovations locales en grande partie bottom-up, afin d’en tirer des apprentissages et d’identifier des pratiques prometteuses qui pourraient être généralisables, dans le cadre d’une seconde phase d’implantation couvrant l’ensemble du territoire québécois (Bergman, Bouchard, 2012) [3]. À cette fin, l’équipe ministérielle a formalisé dans un document les orientations prioritaires, les mécanismes de mise en œuvre à privilégier et les échéanciers (MSSS, 2012a). Un cahier de charges opérationnalisait les fondamentaux de la politique publique sous forme de cibles, même si les acteurs locaux disposaient d’une marge de manœuvre concernant les moyens à mobiliser pour apporter les changements (MSSS, 2012b). Par exemple, les acteurs concevant les projets locaux devaient identifier les types de professionnels qui composeraient l’équipe interprofessionnelle de leur GMF, définir leurs rôles, et établir les mécanismes de collaboration inter-professionnelle privilégiés localement. De plus, la volonté ministérielle de décentraliser certaines responsabilités vers les acteurs locaux a fait en sorte que les professionnels pratiquant dans les GMF étaient désignés comme les principaux responsables de la conception des projets (ex. : la rédaction de la proposition) et de la mise en place des changements (ex. : le pilotage local des transformations), accompagnés au besoin par des chargés de projet régionaux, ce qui est rare dans le système sociosanitaire québécois. Les équipes de professionnels pouvaient également utiliser des ressources financières pour embaucher des chargés de projet locaux afin d’être soutenues dans la réalisation des tâches administratives (MSSS, 2012a).
9 Les deux documents formalisant les modes de fonctionnement et les objectifs de l’appel de propositions ont été diffusés auprès des professionnels qui travaillent au sein des GMF et de leurs partenaires (MSSS, 2012a). Ceux ayant un intérêt étaient conviés à rédiger une proposition en phase avec l’initiative ministérielle et leur réalité locale. Cette proposition requérait un engagement formel des principaux partenaires impliqués, à savoir des professionnels pratiquant dans les GMF, des gestionnaires rattachés aux Centres de santé et des services sociaux (CSSS), responsables de l’aide à domicile, et des professionnels œuvrant dans les organisations spécialisées. L’équipe ministérielle a accepté 19 des 34 propositions de projet reçues (MSSS, 2016). Les acteurs ministériels ont retenu les projets locaux qui étaient en phase avec les principes fondamentaux de l’initiative publique et se sont assurés que les projets étaient répartis sur l’ensemble du territoire québécois de façon à tenir compte des variations entre les contextes régionaux.
Un dispositif d’accompagnement du changement
10 Dans le but de soutenir l’implantation de ces 19 projets locaux, un dispositif d’accompagnement du changement fut élaboré par l’équipe ministérielle (MSSS, 2012a). En concertation avec d’autres organisations gouvernementales, universitaires et associatives, l’équipe du ministère a développé des formations, divers outils cliniques et des guides de cheminement clinique (Bergman, Bouchard, 2012). De plus, quatre chargés de projets régionaux issus des quatre Réseaux universitaires intégrés de santé (RUIS) [4] ont reçu le mandat d’accompagner les équipes de professionnels des projets sur leur territoire, de soutenir ces équipes lorsqu’elles étaient confrontées à des enjeux locaux, de diffuser les outils cliniques et les formations, ainsi que de faciliter la liaison entre l’équipe ministérielle et les équipes locales, afin qu’elles puissent partager leurs préoccupations respectives (MSSS, 2012a). L’équipe ministérielle et les chargés de projets régionaux se rencontraient toutes les deux semaines pour discuter de l’implantation des projets. Ce groupe d’acteurs était alimenté par les résultats d’une équipe de recherche sélectionnée de façon indépendante, par un appel de candidatures, dont les dossiers ont été évalués par les pairs. Considérant que cette recherche est de type translationnel, une multitude d’échanges ont eu lieu entre des membres de l’équipe de recherche et le ministère, afin de favoriser le partage des connaissances scientifiques et de soutenir leur utilisation. Le rôle de cette équipe consistait à étudier la mise en œuvre et les effets de ces projets (Bergman, Bouchard, 2012).
Figure 1 – Modèle d’accompagnement de la mise en place du changement
Figure 1 – Modèle d’accompagnement de la mise en place du changement
11 Ainsi, les processus de gouvernance mobilisés dans la phase expérimentale du PAQ se distinguent de ceux déployés dans le cas des autres politiques publiques visant la transformation du système sociosanitaire québécois, en raison de la décentralisation de plusieurs responsabilités vers les acteurs locaux et par la mise en place d’un important dispositif d’accompagnement du changement. Dans cet article, nous allons explorer comment les processus de gouvernance privilégiés dans la phase expérimentale du PAQ auront permis, ou non, de réaliser les changements institutionnels, en trouvant l’équilibre entre l’adaptabilité de la politique publique au contexte local et le respect de ses principes fondamentaux.
Cadre théorique
La théorie néo-institutionnelle
12 Cette étude s’inscrit dans la perspective de la théorie néo-institutionnelle, qui définit les institutions comme étant des « construits sociaux et politiques, issues de conflits et des procédures, des séquences d’action standardisées, plus ou moins coordonnées et contraignantes, qui gouvernent des interactions entre individus » (Lascoumes, Le Galès, 2012, p. 88). Sur le plan historique, les travaux néo-institutionnalistes ont porté sur les pressions faisant en sorte que les organisations, ayant des missions communes, développent des formes organisationnelles similaires au fil des années (Rouleau, 2007). Ainsi, dès le début des années 1980, DiMaggio et Powell ont démontré que les organisations tendent à se maintenir en raison de forces coercitives, normatives ou mimétiques s’exerçant sur elles (1983).
13 Par la suite, d’autres travaux inspirés de cette théorie ont remis en question l’adoption routinière, voire harmonieuse, des institutions par les organisations et les acteurs qui les composent (Battilana, D’Aunno, 2009 ; Slimane, Leca, 2010). Plusieurs études ont ainsi démontré comment des acteurs, appelés entrepreneurs institutionnels, pouvaient utiliser leur leadership et leur influence pour transformer l’institution de manière à promouvoir leurs intérêts (Rival et al., 2008). Si le contexte institutionnel demeure évidemment prégnant, les organisations et les acteurs créent eux aussi les institutions : le changement institutionnel est alors perçu « comme un processus de traduction dans lequel les organisations se comportent comme des éditeurs du changement et non comme des relais » (Slimane, Leca, 2010, p. 57). La présente étude s’ancre plus précisément dans un tel courant d’analyse.
Le travail institutionnel
14 Nous privilégions un courant du néo-institutionnalisme explorant le travail intentionnel effectué par l’ensemble des acteurs pour créer, maintenir ou déstabiliser l’institution, à savoir le travail institutionnel (Lawrence, Suddaby, 2006). Ce courant théorique permet de centrer l’analyse sur les actions posées par une diversité d’acteurs pour changer l’institution, plutôt que de mettre l’accent sur les effets inertiels de l’institution, ou sur la seule capacité d’action d’un entrepreneur institutionnel, qui peut difficilement générer les changements à lui seul (Battilana, D’Aunno, 2009 ; Lawrence, Suddaby, 2006 ; Slimane, Leca, 2010). En nous focalisant sur le travail institutionnel des décideurs, des chargés de projet et des professionnels, nous souhaitons mieux saisir comment les particularités des processus de gouvernance ont orienté les actions posées par ces acteurs pour changer l’institution et comment cela a influencé (ou non) l’implantation de la politique publique. Nous avons porté une attention particulière aux tensions entre l’adaptation des changements aux réalités locales et le respect des principes fondamentaux orientant la politique publique.
15 Nous utilisons une typologie présentant les quatre types de travaux institutionnels nécessaires pour implanter une politique publique visant la transformation d’un système sociosanitaire.
- Le travail structurel prend la forme des actions déployées « to establish formalized roles, rule systems, organizing principles, and resource allocation models that support a new policy framework » (Cloutier et al., 2016, p. 266). Ces actions visent la transformation des composantes régulatrices du système. Dans le cas à l’étude, ce travail réalisé par les décideurs s’incarne notamment par la distribution de ressources financières supplémentaire pour réaliser un projet local.
- Le travail conceptuel prend la forme des actions déployées « to establish new belief systems, norms, and interpretive schemes consistent with the new policy » (Cloutier et al., 2016, p. 266). Il s’agit du travail effectué pour développer et promouvoir le modèle innovant proposé par la politique publique. L’appropriation du nouveau modèle, par les acteurs locaux, est nécessaire pour lui donner un sens local. Dans le cas qui nous occupe, le travail réalisé par les experts ayant rédigé le PAQ se focalise sur le rehaussement des soins primaires, en s’appuyant sur les modèles de gestion des maladies chroniques et des pratiques collaboratives.
- Le travail opérationnel prend la forme des actions déployées « to implement concrete actions affecting the everyday behaviors of frontline professionals that are directly linked with the new policy » (Cloutier et al., 2016, p. 266). Alors que le travail structurel et conceptuel prépare les changements, le travail opérationnel représente les initiatives spécifiques et circonscrites pour mettre en œuvre le changement institutionnel. Contrairement au travail conceptuel, qui tend à amener les changements vers un autre modèle considéré comme étant novateur, le travail opérationnel tend à maintenir les anciens modes de fonctionnement, car il doit s’appuyer en partie sur eux pour procéder aux transformations. Dans le cas à l’étude, ce type de travail s’incarne notamment par la nouvelle répartition locale de tâches effectuées par les professionnels et les organisations.
- Le travail relationnel relie le travail structurel, opérationnel et conceptuel. Il prend la forme des efforts investis en vue de « building linkages, trust, and collaboration between people involved in reform implementation » (Cloutier et al., 2016, p. 266). Cette forme de travail a aussi pour effet de produire des compromis entre l’idéal promu par la politique publique et les réalités institutionnelles, ce qui peut amener une dilution des changements qui avaient été initialement proposés. Dans le cas à l’étude, il s’incarne notamment par l’accompagnement de la mise en place des changements de pratique, par des chargés de projets régionaux et locaux.
17 Ainsi, ces quatre travaux institutionnels s’articulent les uns avec les autres ; le travail structurel balise les changements possibles, le travail conceptuel constitue le modèle idéal qui guide les changements devant être implantés, le travail opérationnel est l’aboutissement concret au plan local du projet transformateur et le travail relationnel est l’activité de liaison entre les différents travaux. Ceux-ci sont réalisés par des acteurs situés sur plusieurs paliers de gouvernance, ce que reconnaît de facto l’initiative ministérielle en décentralisant une partie du travail conceptuel et opérationnel vers les acteurs locaux.
Méthode de recherche
18 L’étude a été réalisée à partir de trois collectes de données.
19 a) Une analyse rétrospective de contenu (Cellard, 1997) de deux sources documentaires, soit l’appel de propositions ministérielles (2012) ainsi que chacune des propositions de projet qui ont été rédigées par les acteurs locaux (2013). Chaque projet comptait en moyenne douze pages.
20 b) Huit entretiens semi-dirigés d’environ 60 minutes ont été faits auprès d’acteurs-clés ayant participé aux niveaux national et régional à la mise en œuvre du PAQ. Ces entretiens ont été retranscrits sous forme de verbatim et une analyse thématique a été effectuée à l’aide du logiciel Nvivo 8 (Paillé, Mucchielli, 2016). Nous avons combiné les logiques déductive et inductive, à partir de catégories construites sur les concepts clés du travail institutionnel qui ont été présentés plus haut, auxquelles nous avons associé des sous-catégories émergentes, en vue d’analyser les actions posées pour réaliser le changement institutionnel (Mayer, Deslauriers, 2000). Nous nous sommes également intéressés à l’adhésion des divers groupes d’acteurs aux transformations institutionnelles et à leur capacité à les adapter aux réalités locales. Les entretiens ont eu lieu entre les mois de février et d’avril 2015.
21 c) 15 groupes de discussion focalisés d’une durée moyenne de 105 minutes ont été conduits auprès de gestionnaires et de professionnels ayant pris part à autant de projets locaux. Chacun des groupes se composait en moyenne de cinq participants, ce qui nous a permis de rencontrer 76 acteurs (professionnels et gestionnaires). Une fiche synthèse a été conçue à partir des mêmes éléments utilisés pour analyser les entretiens. Aussi, une seconde écoute de chacun des groupes de discussion nous a permis de contre-valider le contenu de ces fiches et de procéder à l’analyse des données à l’aide d’une grille thématique, mettant en comparaison chacun des projets ayant été implantés. Les groupes de discussion focalisés ont été faits entre les mois d’août et d’octobre 2015.
22 L’équipe ayant mené cette recherche fut sélectionnée dans le cadre d’un concours évalué par un comité de chercheurs et cette étude est couverte par un certificat émis par le Comité d’éthique de l’Hôpital général juif de Montréal. Des membres de cette équipe ont participé à des rencontres de travail avec le MSSS afin de favoriser le partage des connaissances et de soutenir leur utilisation. Puisqu’il existe un risque que les participants donnent les réponses attendues dans ce type d’étude, nous avons pris des précautions pour que les participants puissent s’exprimer librement. Effectivement, les personnes ayant collecté les données n’étaient pas les mêmes que celles qui interagissaient régulièrement avec le MSSS. Nous avons garanti l’anonymat des participants et leur avons clairement mentionné à plusieurs reprises que cette étude est indépendante du MSSS. Pour autant, on ne peut pas être certain que tous les participants aient pleinement internalisé ce message, bien que nous soyons confiants d’avoir pris les mesures nécessaires pour que chacun d’eux puisse s’exprimer librement.
Résultats
23 Les résultats de notre étude seront exposés en fonction des matériaux théoriques que nous avons évoqués précédemment. Tout d’abord, nous présenterons la place du travail structurel dans le cadre de cette initiative publique. Ensuite, nous explorerons le processus d’appropriation du travail conceptuel par les acteurs locaux et les principaux enjeux qui en ont émergé. Finalement, nous allons approfondir la façon dont a été réalisé le travail opérationnel, caractérisé par une décentralisation de l’action vers les acteurs locaux, puis nous ferons état des raisons pour lesquelles le travail relationnel s’est avéré crucial pour favoriser l’équilibre entre l’adaptation des changements aux réalités locales et le respect des principes fondamentaux régissant la politique publique.
La place du travail structurel dans cette initiative ministérielle
24 L’octroi de nouvelles ressources financières, par les décideurs, est perçu par les acteurs locaux comme étant l’élément déclencheur ayant permis d’impulser concrètement les changements, sauf dans quelques cas où les équipes étaient déjà mobilisées dans des innovations locales en phase avec le PAQ. En fait, le financement permet de passer d’un travail conceptuel (le PAQ et la focalisation sur les soins primaires) dont la forme est reconnue en principe par tous les participants, à la mise en œuvre des changements dans les GMF. Cette impulsion à l’innovation locale a été conditionnée par le travail de l’équipe ministérielle qui a conçu une initiative visant à améliorer les pratiques à l’intérieur des paramètres structurels existants (ex. : la systématisation du diagnostic des personnes atteintes de MA et des autres TNC majeurs dans les soins primaires, la consolidation des équipes inter-professionnelles dans les GMF, l’amélioration de la coordination entre ces acteurs et la formation des professionnels œuvrant dans les soins primaires sur les soins à dispenser aux personnes atteintes de ces maladies), plutôt qu’à transformer les composantes régulatrices du système sociosanitaire (ex. : ne pas créer une nouvelle structure organisationnelle). Les nouvelles ressources financières octroyées pour l’implantation du PAQ ont donc impulsé les changements, bien qu’en raison du type d’initiative développé par les décideurs, peu de travail structurel ait été accompli lors de la mise en place des changements.
Le travail conceptuel réalisé par les acteurs locaux
Les types de projets ayant été conçus
25 Le travail conceptuel auquel se sont livrés les décideurs avait utilement balisé les changements attendus (amélioration du diagnostic et du suivi par le biais d’équipes interprofessionnelles dans les soins primaires), par des guides formels, même si les professionnels disposaient d’une marge de manœuvre pour concevoir leurs projets locaux et s’approprier les orientations ministérielles. Par exemple, ils pouvaient choisir les types de professionnels à embaucher, identifier les tâches à réaliser par ces derniers et définir les mécanismes d’échanges inter-professionnels à privilégier localement. Cette marge de manœuvre a permis d’adapter les changements selon leur réalité. Par exemple, certaines équipes dans des GMF avaient déjà amorcé l’amélioration des soins dispensés aux personnes atteintes de ces maladies avant même l’implantation du PAQ, en formant les professionnels et en réorganisant les services. Ces GMF ont donc plutôt privilégié l’ajout de travailleuses sociales dans leur équipe, car les infirmières étaient déjà mobilisées et compétentes vis-à-vis du suivi dispensé aux personnes atteintes de la MA et des autres TNC majeurs. De même, dans une autre région, particulièrement excentrée, il y avait une absence de soins spécialisés et il est donc apparu nécessaire pour les acteurs locaux de développer ce type de soins pour soutenir les professionnels œuvrant dans les soins primaires lorsqu’ils rencontrent des cas cliniques plus complexes.
26 Bien que les documents ministériels soulignaient l’importance pour les professionnels œuvrant dans les GMF de contribuer aux activités de diagnostic et de suivi des personnes atteintes de ces maladies, cinq projets ont mis l’accent sur le repérage de ces personnes dans les GMF, en conservant le modèle traditionnel d’organisation des soins dans lequel la prise en charge de ces usagers est déléguée aux organisations spécialisées. Parmi les 15 projets étudiés, deux visaient à ajouter des ressources professionnelles dans les CSSS, trois dans les GMF, six de façon partagée entre les GMF et les organisations spécialisés et quatre seulement dans les organisations spécialisées. Cette distribution des nouvelles ressources professionnelles traduit à la fois une nécessaire adaptation aux contextes locaux et une mise à distance de l’orientation fondamentale visant l’amélioration des soins primaires dans les GMF. Cette grande variabilité correspondait dans certaines situations à des besoins locaux, alors dans d’autres cas, elle relevait d’une incompréhension des priorités ministérielles, voire d’une tentative de maintien des anciennes formes institutionnelles, comme nous le montrerons dans les prochaines sections. Dix des projets étaient pour leur part en phase avec les principes fondamentaux du PAQ, et donc, globalement centrés sur les soins primaires.
Les acteurs locaux ayant participé à la réalisation du travail conceptuel
27 La mobilisation des acteurs locaux résultait habituellement d’une impulsion venant de la plus grande organisation du territoire, à savoir le CSSS, d’un médecin œuvrant dans une organisation spécialisée et, dans quelques cas, de médecins pratiquant dans les GMF. Cette variété des engagements révèle une mobilisation différenciée des médecins, alors que l’initiative ministérielle valorisait la mobilisation du corps médical en raison de son importance dans la structuration des trajectoires de soins pour les clientèles visées. Chacun des partenaires impliqués dans le projet devait approuver la proposition soumise à l’équipe ministérielle, ce qui a fait en sorte que les propositions de projets locaux ont généralement été signées par des médecins pratiquant dans les GMF et dans les organisations spécialisées, par des acteurs rattachés aux CSSS et, dans quelques cas, par des acteurs du milieu associatif. Toutefois, malgré la signature de chacun des acteurs œuvrant dans les GMF, leur niveau d’implication réelle dans le travail conceptuel fut très variable. Effectivement, en dépit de la volonté ministérielle de désigner les professionnels œuvrant dans les GMF en tant que maîtres d’œuvre des changements, il s’est globalement avéré difficile pour ces derniers de concevoir les projets locaux en raison de l’insuffisance de capacités opérationnelles des médecins pratiquant dans les GMF pour réaliser la conception et la rédaction du projet : « On voulait beaucoup que ce soit les GMF eux-mêmes qui pilotent la chose, qui répondent à l’appel de propositions, et ça, ce fut difficile […]. C’était de prendre le temps carrément de s’asseoir et de l’écrire. Même si l’appel de propositions était court, même si c’était bref, il y avait quelque chose de très pratico-pratique qui faisait en sorte qu’ils pouvaient avoir de la difficulté à le faire » (Acteur national).
28 Dans environ la moitié des projets, les médecins pratiquant dans les GMF ont grandement contribué à la réalisation du travail conceptuel avec leurs partenaires, alors que dans l’autre moitié, ils ont formellement signé la proposition, sans être concrètement impliqués dans sa conception. Dans quatre cas, les médecins œuvrant dans les GMF avaient déjà développé des projets pour améliorer les soins dispensés aux personnes atteintes de ces maladies, dans leur organisation, avant même la mise en œuvre du PAQ. Pour eux, le fait de participer activement à la conception du projet allait donc de soi, puisque l’appel de propositions constituait une occasion de poursuivre les changements qu’ils avaient entamés et d’être reconnues dans leur démarche. Dans quatre autres cas, les médecins œuvrant dans les GMF n’avaient pas entamé la mise en place de ces changements avant l’implantation du PAQ, mais ils avaient activement été impliqués dans la conception des projets. Dans ces cas, ce sont surtout les partenaires qui ont concrétisé les aspects administratifs et logistiques, tels que la rédaction des projets et la liaison des partenaires. Dans sept autres projets, les médecins exerçants dans les GMF ont formellement signé la proposition, bien qu’ils aient très peu participé à la conception du projet. Dans tous ces cas, ce travail a avant tout été mené à bien par leurs partenaires : « Ça reflète peut-être que souvent on fait des projets pour les GMF et que c’est d’autres qui pensent au lieu que ce soit eux » (Médecin pratiquant dans une organisation spécialisée). Ces projets sont généralement plus orientés vers d’autres organisations que les GMF (ex. : CSSS, cliniques de la mémoire).
29 Par ailleurs, le travail relationnel effectué par les chargés de projets régionaux ne s’est mis en place que tardivement, soit au moment de l’implantation des projets locaux, plutôt que lors de la phase de conception. Ainsi, le manque de capacités opérationnelles des médecins œuvrant dans les GMF, combiné à l’absence de dispositif formel d’accompagnement des professionnels dès l’étape de la conception des projets, a fait en sorte que le soutien des acteurs locaux reposait surtout sur la présence variable de partenaires. Certains de ces partenaires ont néanmoins perçu l’appel de propositions comme une occasion d’obtenir davantage de ressources pour bonifier leur offre de services. Ces jeux de pouvoir pour l’usage des ressources ont donc permis à des acteurs d’orienter des projets locaux sur leurs propres priorités et modes de fonctionnement, ce qui a eu pour effet dans bien des cas de maintenir les anciennes formes institutionnelles et d’entraver l’adhésion des médecins pratiquant dans les GMF à la mise en place des changements de pratique dans leur organisation, comme nous le montrerons dans les prochaines sections.
Le travail opérationnel et relationnel réalisé pour mettre en place les changements de pratique
30 La mise en œuvre opérationnelle des projets a pris forme par la planification et le suivi de l’implantation par les acteurs locaux ayant conçu le projet, l’embauche de chargés de projets locaux et de professionnels dédiés au PAQ, la formation des cliniciens et l’arrimage avec leurs partenaires.
La décentralisation du travail opérationnel vers les acteurs locaux
31 La grande latitude accordée par l’équipe ministérielle pour la conception des projets locaux a engendré une décentralisation de la responsabilité du travail opérationnel vers les acteurs locaux. Ceux-ci avaient donc la responsabilité d’identifier les changements devant être instaurés et d’en effectuer le suivi (ex. : les besoins de formation des professionnels, les types de professionnels embauchés, les mécanismes d’échanges inter-professionnels privilégiés), ce qui les a menés à adopter une posture de gestion de projet et d’ajustement continue, plutôt qu’une posture attentiste par rapport aux directives ministérielles et régionales : « On était un peu dans une ouate temporaire, de deux ans, mais qui nous permet dans le fond de bâtir et de développer le projet à un rythme qui n’est pas obligé de suivre le rythme de la clinique régulière. Donc, ça nous a permis de développer, de réfléchir et de bâtir au fur et à mesure » (Chargé de projet local). Cette dynamique favorable à l’innovation et à l’adaptation a été facilitée dans certains projets par l’embauche de chargés de projets locaux ayant comme rôle de faire les tâches administratives (ex. : embauche de personnel, collaboration avec les autres organisations, suivi du processus d’implantation avec les chargés de projet régionaux), mais aussi une part du travail relationnel en favorisant la cohésion entre les divers acteurs locaux et en assurant le lien avec les chargés de projet régionaux. Cet allègement de tâches administratives a été perçu par les professionnels, en particulier par les médecins portant ces changements dans les GMF, comme l’un des importants facilitateurs de la mise en œuvre du changement. Plusieurs de ces professionnels ont clairement affirmé qu’ils n’auraient pas été en mesure de réaliser le projet local et les tâches administratives qui en découlaient, sans le soutien supplémentaire des chargés de projet locaux.
32 Les retards dans la mise en œuvre du travail relationnel se sont aussi prolongés dans la lenteur des acteurs nationaux à produire et à diffuser les guides de pratique et les outils cliniques. En raison des délais supplémentaires à ce niveau, les outils cliniques et les guides n’ont pas été diffusés aux acteurs locaux dès les premiers mois du lancement des projets, de sorte que certains de ces acteurs ont dû développer localement leurs propres outils, ce qui a accaparé une grande quantité de leur temps et de leur énergie.
Les enjeux opérationnels découlant de la participation variable des médecins dans la conception des projets
33 L’implication variable des médecins œuvrant dans les GMF au moment de la conception des projets s’est poursuivie durant la réalisation du travail opérationnel. Effectivement, cela s’est traduit par un niveau d’engagement très différencié de ces médecins, allant de la figure du médecin porteur de l’amélioration des soins dispensés aux personnes atteintes de la MA et des autres TNC majeurs, dans les GMF, qui se sent enfin reconnu et soutenu dans son désir d’améliorer ses pratiques, jusqu’au médecin résistant et refusant de collaborer à une initiative qui lui semblait imposée : « Il n’y avait pas de lien entre le CSSS et nous, ils nous ont implantés ça à leur façon, et non pas de façon à adapter le changement au fonctionnement du GMF, comment on peut voir les patients ici, comment on pouvait l’intégrer. C’était comme une façon d’hôpital » (Médecin pratiquant dans un GMF).
34 Même si la plupart des GMF comprenaient quelques médecins qui se montraient plus réticents face à la concrétisation des changements de pratique, la présence de médecins promouvant l’amélioration des soins dispensés aux personnes atteintes de ces maladies dans les GMF, rapidement engagés dans le processus de conception et dans le travail de formation, contribuait à promouvoir l’importance des changements institutionnels dans l’organisation, à montrer leurs faisabilités et à exposer les effets positifs qui en découlaient. Ainsi, cela a facilité l’adhésion des collègues aux nouvelles pratiques professionnelles et la mise en place des équipes inter-professionnelles.
35 A contrario, l’absence de médecins promoteurs du changement dans certains GMF a généralement causé un ralentissement, voire un blocage dans la mise en place des changements dans ces organisations, malgré la mise en place d’un important dispositif d’accompagnement des changements : « Il ne peut pas y avoir un agent de changement externe au GMF qui vient bousculer à l’interne et dire que c’est comme ça qu’il faut faire et tout, ça prend un médecin à l’interne qui est bien positionné et qui assume son rôle » (Médecin pratiquant dans une organisation spécialisée). « Au début, ce fut difficile de convaincre les milieux d’aller leur donner de la formation. Ça peut avoir l’air drôle dit comme ça, mais on avait un projet, on avait des ressources, et il a fallu beaucoup de temps avant de réussir à convaincre le monde de nous laisser aller dans les GMF » (Chargé de projet local). Ces médecins, peu impliqués dans la conception des projets, percevaient souvent le PAQ comme une initiative externe et imposée, voire top-down. Ceux-ci pouvaient user de leur grande autonomie professionnelle pour refuser de s’investir dans la mise en place des changements et ainsi maintenir les anciennes formes institutionnelles. Cela était pourtant contraire à la volonté du ministère de favoriser la participation des professionnels, mais le manque de travail relationnel a effectivement éloigné le locus du changement de l’intérieur des GMF.
Le travail relationnel comme vecteur de la médiation des priorités ministérielles et des réalités locales
36 Les équipes locales ayant éprouvé davantage de difficultés au cours de la réalisation du travail opérationnel ont obtenu un soutien plus rapproché de la part des chargés de projet régionaux. Ce soutien visait prioritairement à opérer un recentrage sur les objectifs fondamentaux de la politique publique et à davantage mobiliser les divers professionnels dans la mise en œuvre des changements, notamment en s’assurant qu’ils leur apparaissent sensés et en montrant les effets positifs des changements découlant d’autres projets locaux. La présence de ces chargés de projet a aussi favorisé le partage des pratiques pertinentes développées dans des GMF plus avancés : « On a eu beaucoup de soutien du chargé de projet [régional], beaucoup de soutien. Cela a été une condition très très gagnante parce que je ne pense pas que le projet aurait pu continuer, ça n’aurait pas fonctionné. Puis aussi, il y avait d’autres projets plus avancés. Ils avaient déjà développé des outils, donc il y a eu comme une volonté de partager ces outils. Nous autres, ça nous a grandement profité. On a tout de suite mis en place des outils et des formations qui étaient déjà préparés et qui étaient tout à fait bien construits » (Chargé de projet local).
37 En plus de favoriser le partage de pratiques pertinentes et d’outils expérimentés entre GMF, les chargés de projet régionaux ont également contribué au développement d’adaptations locales ayant des configurations variées, ce qui a permis d’atteindre un équilibre entre les objectifs ministériels et l’adaptation aux réalités de terrain. Parmi les cinq projets ayant rencontré plus de difficultés sur le plan du travail opérationnel, trois ont dû être revus en profondeur, en raison d’une trop grande focalisation sur les besoins des CSSS ou du développement de soins spécialisés qui ne semblait pas justifiée par le contexte local. D’autres projets ont globalement été maintenus dans leur forme initiale, malgré certains écarts significatifs, lorsque cela semblait répondre à des enjeux locaux, selon les chargés de projet régionaux et les acteurs ministériels. Par exemple, dans un projet mené en milieu rural, la constitution d’une clinique de la mémoire semblait justifiée étant donné l’absence de services spécialisés pour appuyer les professionnels exerçant dans les organisations offrant des soins primaires. La présence des chargés de projet a aussi contribué à apporter des ajustements mineurs, en insistant par exemple sur l’arrimage de ces services spécialisés avec ceux qui sont offerts par les professionnels œuvrant dans les GMF et sur l’importance de développer des formations pour mieux outiller ces mêmes professionnels. Enfin, le travail relationnel a contribué à recentrer les projets sur les soins primaires dans les GMF où étaient maintenues sans aucune justification les anciennes formes institutionnelles. Toutefois, ces recentrages ont suscité une incertitude de quelques mois au niveau local, ce qui a entraîné des retards sur le plan de la mise en œuvre des changements. L’insertion d’un dispositif humain centré sur le travail relationnel (les chargés de projet) représente donc la condition fondamentale de l’équilibrage entre une approche top-down et une approche bottom-up, entre la nécessaire adaptation locale et le tout aussi nécessaire respect des principes fondamentaux guidant la politique publique.
La concentration du travail relationnel sur les projets ayant des difficultés opérationnelles
38 Les enjeux découlant du manque d’accompagnement au moment de la conception des projets ont eu un double effet durable, qui s’est manifesté dans la difficulté à mobiliser certaines équipes locales lors de la mise en œuvre des changements prévus et dans la captation du travail relationnel pour le soutien plus important de certains projets. Effectivement, dans les équipes locales ayant moins de difficulté à réaliser le travail opérationnel, la contribution des chargés de projets régionaux consistait en règle générale à faire circuler l’information entre eux et l’équipe ministérielle : « On sentait que les chargés de projet [régionaux] avaient plus de proximité avec certains projets, mais disons que nous, nous étions autonomes. On nous a dit que nous n’avions peut-être pas besoin d’un encadrement serré » (Médecin pratiquant dans un GMF). Cette articulation entre les paliers de gouvernance a été grandement appréciée par les acteurs locaux, même si les professionnels dans les équipes plus avancées auraient souhaité eux aussi recevoir un soutien relationnel intensifié sur des objets cliniques spécifiques. Si la contribution des chargés de projets régionaux pour réaliser le travail relationnel est unanimement soulignée, les ressources d’accompagnement se sont révélées insuffisantes, notamment en raison des efforts d’ajustement qui ont dû être faits pour pallier les lacunes rencontrées lors de la phase initiale de conception des projets. Finalement, si la focalisation du travail relationnel sur les projets rencontrant des difficultés d’implantation apparaît comme un compromis raisonnable en cours d’action, ce choix s’est néanmoins avéré coûteux sur le plan du travail relationnel, et, in fine, en termes de travail opérationnel.
Discussion
39 L’implantation des projets locaux découlant du PAQ a été caractérisée par l’octroi d’importantes marges de manœuvre aux acteurs locaux pour que ceux-ci puissent localement s’approprier le travail conceptuel et être au cœur de la réalisation du travail opérationnel. Ainsi, la distribution de ces responsabilités aux acteurs locaux, peu commune dans le système sociosanitaire québécois (Couturier, Etheridge, 2012 ; Lévesque et al., 2009 ; Vedel et al., 2011), a dans l’ensemble favorisé la mobilisation d’équipes de professionnels qui se sentaient impliquées et reconnues dans la mise en place des changements de pratique, ce qui a grandement favorisé l’émergence des innovations. Cette dynamique a aussi contribué à l’appropriation des cibles ministérielles, au regard des conditions locales de pratique et à la mise en place d’une gouvernance orientée sur la résolution des enjeux vécus localement. Ainsi, le cas du PAQ révèle l’importance de mobiliser des processus de gouvernance qui favorisent la distribution de certaines responsabilités conceptuelles et opérationnelles vers les acteurs locaux, bien que ces expérimentations aient également démontré l’importance de disposer d’une forme d’autorité afin de soutenir la mise en place cohérente des changements (Touati et al., 2015), notamment en termes de clarté des orientations diffusées, d’arbitrage des jeux de pouvoir locaux, de soutien administratif des équipes de professionnels ou de conception et de diffusion des guides de pratique et des outils cliniques. En plus de cette distribution des responsabilités, la concrétisation d’une innovation requiert la présence d’acteurs transversaux pour effectuer la traduction des fondamentaux du changement et partager à plus grande échelle les connaissances développées localement (Nogues, Tremblay, 2019), comme en témoigne le travail relationnel effectué par les chargés de projet régionaux. Cela renforce l’idée qu’il est requis de surpasser une conception antagonique des logiques top-down ou bottom-up afin de viser à obtenir une complémentarité entre les divers paliers de gouvernance concernés par les changements promus (Lacroix, St-Arnaud, 2012 ; Touati et al., 2015).
40 Bien que la distribution partielle de la responsabilité du travail conceptuel et opérationnel au niveau local ait été positive dans son ensemble, il a été possible d’observer que certains projets ont maintenu les anciennes formes institutionnelles et ont par conséquent dévié des fondamentaux conceptuels promus par l’initiative publique. La marge de manœuvre qui a été volontairement laissée aux acteurs locaux pour adapter les changements peut en partie expliquer certains de ces écarts, en raison du processus d’appropriation locale en grande partie attendu et souhaité par le ministère. Nos résultats révèlent toutefois que ces écarts avec les fondamentaux s’expliquent moins par une marge de manœuvre qui aurait été trop importante, que par un décalage temporel entre la conception des projets locaux et la mise en place du dispositif d’accompagnement des changements. De fait, le travail d’appropriation du modèle conceptuel initialement requis de la part des acteurs locaux, sans travail relationnel pour accompagner la préparation de la transformation institutionnelle, a fait en sorte d’éloigner le locus du changement des GMF sur le plan opérationnel, notamment en raison des jeux de pouvoir locaux pour l’usage des ressources. Cela s’est révélé problématique dans plusieurs projets et a capté une grande partie du travail relationnel qui a été déployée plus tardivement pendant l’opérationnalisation des projets. Les décideurs ont donc minimisé le caractère durable de l’effet de l’initiation des changements (Sun, Scott, 2005). Ainsi, s’il importe que les efforts des concepteurs et des promoteurs des politiques publiques portent tout autant sur la conception de la politique et l’accompagnement des changements que sur son évaluation (Greenhalgh et al., 2004), ce qui est bien connu, notre étude apporte une contribution supplémentaire en montrant que la phase de conception des innovations constitue une tache aveugle du travail relationnel.
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Mots-clés éditeurs : Travail institutionnel, Accompagnement des changements, Soins primaires, Innovation en santé, Changements institutionnels, Gouvernance
Date de mise en ligne : 04/09/2019.
https://doi.org/10.3917/inno.060.0145Notes
-
[1]
Bien que désigné par le terme Alzheimer, le PAQ concerne toutes les maladies neurocognitives dégénératives.
-
[2]
Un GMF est généralement composé de 6 à 10 médecins de famille et des infirmières qui assurent les soins primaires de 8000 à 15 000 patients (Pineault et al., 2016).
-
[3]
Cette généralisation est en cours depuis juin 2016.
-
[4]
Les quatre RUIS rattachés aux quatre facultés de médecine existantes au Québec se sont vu octroyer le mandat de « favoriser la concertation, la complémentarité et l’intégration des missions de soins, d’enseignement et de recherche des établissements de santé ayant une désignation universitaire » (MSSS, 2015, en ligne). Ils épaulent les chargés de projets régionaux dans leur mandat de soutien à l’implantation des projets locaux.