1Les espaces collaboratifs de travail sont souvent présentés comme des lieux de renouveau contribuant au processus d’innovation des entrepreneurs et des porteurs de projets y ayant recours (Suire, 2013). À travers la mise en réseau de pairs, ils génèrent des effets positifs pour les entrepreneurs et les entreprises installés en leur sein (Pierre, Burret, 2014). On peut alors s’interroger : en quoi ces lieux, qui sont dans leur grande majorité des espaces de co-working, renvoient-ils à un mode d’innovation original ? Dans quelle mesure reposent-ils sur des mécanismes connus de la recherche en entreprenariat et qui sont identifiés dans les clubs et réseaux d’entreprises locaux ?
2Nos propos concernent les espaces collaboratifs de travail ou tiers-lieux à vocation économique, centrés sur l’accueil physique de professionnels indépendants qui partagent des ressources et des connaissances avec le reste de la communauté (Capdevila, 2015). Ils se développent dans les années 2010, même si l’on peut considérer que les lieux d’échanges de savoirs et de sociabilisation ont toujours existé sans être nommés comme tel. On fait par exemple référence au Forum d’Athènes, à l’Agora romaine ou encore aux monastères ou aux cafés de village. Les premiers espaces de co-working sous leur forme contemporaine émergent précisément dans la baie de San Francisco dans l’univers californien du Web 2.0 et du mouvement du logiciel libre (Moriset, 2011).
3Les clubs d’entreprises locaux réunissent quant à eux des dirigeants d’entreprises, majoritairement de PME et de TPE, d’un territoire donné (ville, bassin d’emploi, département, région) et poursuivent des objectifs d’accompagnement et d’échange entre pairs. Un club peut être défini comme une « collection d’acteurs qui poursuit des relations d’échanges répétés et durables et qui, en même temps, n’a pas d’autorité organisationnelle légitime » (Podolny, Page, 1998, p. 59). L’objectif de partage et d’échange des réseaux de dirigeants apparaît très tôt dans les organisations interentreprises, comme dans le cas de la Chambre syndical des fabricants de bronze qui, dès le 19e siècle, « a vocation (…) à réguler la profession et à s’entraider » (Gille in Fraboulet, 2007, p. 26), même si leur motivation d’origine relève davantage d’une volonté corporatiste liée à la défense d’intérêts. La situation évolue avec la création en 1938 du Centre des Jeunes Patrons, le plus ancien mouvement patronal français, devenu Centre des Jeunes Dirigeants, dont l’ambition est de proposer des réflexions et d’offrir des formations à ses membres (Le Bot, 2012). Plus tard, les années 1970 connaissent une vague de développement de ces clubs et réseaux qui commencent à mailler les territoires (Offerlé, 2010). Bien que les clubs d’entreprises actuels puissent encore être considérés comme une forme d’héritage du syndicalisme patronal et des grandes corporations industrielles du 19e siècle, ils ont depuis largement étendu leur spectre d’intervention : mentorat, partage d’expérience, échange de bonnes pratiques, etc.
4Clubs et espaces collaboratifs de travail disposent généralement d’un statut privé (entreprises ou associations), même si les autorités publiques peuvent en être parties prenantes. À ce titre, les collectivités locales montrent un fort engouement pour l’un comme pour l’autre. Les tiers-lieux seraient, dit-on, l’équipement indispensable pour dynamiser un territoire à travers la création d’entreprises innovantes, avec la perspective de créer des emplois et de moderniser l’image de l’action publique locale. Pourtant, les milieux économiques n’ont pas attendu l’émergence des tiers-lieux pour produire de l’innovation collaborative en s’appuyant notamment sur les clubs d’entreprises. Si la plupart de ces tiers-lieux sont concentrés dans les centres urbains, car la densité et le nombre d’entreprises y sont plus élevés, ils s’étendent aussi vers les communes rurales : chaque communauté de communes possède aujourd’hui son propre club d’entrepreneurs. Depuis quelques années, on observe le même phénomène de diffusion spatiale pour les tiers-lieux de travail.
5L’organisation de la collaboration inter-entreprises par des acteurs intermédiaires à l’échelle locale ne semble donc pas être un élément nouveau. Surtout, nous faisons l’hypothèse que les espaces collaboratifs de travail s’appuient sur un modèle proche de celui des clubs d’entreprises pour soutenir leurs membres dans leurs innovations. Malgré des différences a priori notables (public cible, statut des membres), trois dimensions communes au processus d’innovation collaborative peuvent être suggérées : l’importance de la connaissance tacite (i) et du capital social (ii) et la fonction d’intermédiation que ces deux entités représentent (iii).
6L’originalité de nos travaux provient du fait que, malgré une abondante littérature sur le lien entre activité économique et réseaux sociaux, les clubs d’entreprises et les tiers-lieux de travail restent étudiés de manière distincte, sans doute car ils répondent à des problématiques et contextes économiques et sociaux différents. Les analyses présentées sont issues du croisement de ces deux objets de recherche et reposent plus globalement sur la littérature s’intéressant à l’influence des réseaux sur l’innovation et sa diffusion (Ibarra, 1993 ; Capaldo, 2007 ; Choi, Kim, Lee, 2010). Précisons que les travaux sur les tiers-lieux sont plus récents que ceux sur les clubs de dirigeants bien qu’ils soient aujourd’hui en plein développement (Tremblay, Scaillerez, 2017). Aucune étude à notre connaissance n’a encore entrepris de rapprocher nos deux objets d’analyse dont la proximité peut pourtant être mise en évidence, c’est en tout cas l’ambition de cette recherche.
Revue de littérature
7Plusieurs concepts centraux sont mobilisés pour analyser le fonctionnement de nos deux objets d’étude : transfert de connaissance tacite, émergence d’un capital social et d’une communauté et intermédiarité. Notre démarche consiste à revenir sur ces jalons théoriques indispensables à l’interprétation des résultats d’enquête.
La connaissance tacite dans les processus d’innovation
8La connaissance tacite désigne la connaissance qui ne peut être formalisée comme les compétences acquises par l’expérience. Elle jouerait un plus grand rôle dans l’innovation que la connaissance explicite, car elle est plus difficile à imiter : celui qui la détient bénéficie d’un avantage comparatif vis-à-vis de ses concurrents. C’est l’interaction et l’insertion dans les réseaux sociaux qui permet l’échange et la création de connaissances nouvelles contribuant au processus d’innovation (Senker, 1995). L’innovation suit une démarche collective : elle résulte de « l’action créatrice des acteurs en milieu organisé » (Bouteliane, 2005, p. 72). Autrement dit, la mise en œuvre collective des connaissances et compétences permet d’améliorer ou de créer des nouveaux services, produits ou procédés de fabrication. L’interaction et la collaboration interviennent justement au cœur du fonctionnement des tiers-lieux de travail et des clubs d’entreprises.
9Depuis plusieurs décennies, l’organisation des entreprises évolue en effet de modèles hiérarchiques vers des modèles moins intégrés, plus horizontaux, intenses en collaborations et basés sur les réseaux. Pour les TPE et les PME, ces réseaux permettent d’accéder plus aisément à de la connaissance hors marché et réduisent les coûts de transaction, notamment ceux liés à la recherche d’information, inhérents à l’activité économique. C’est dans ce cadre que se développe l’innovation collaborative qui s’oppose à l’innovation verticale, plus intensive en recherche et développement. Dans une société où l’information devient prépondérante, la connaissance s’avère être la matière principale qui transite au sein des réseaux de collaboration. Précisons que la notion de connaissance se distingue des autres savoirs au sens où elle est incarnée par une personne physique (Tanguy, Villavicencio, 2000) et circule donc principalement par les relations sociales entretenues entre individus. Dans ce cadre, fréquenter un réseau offre à ses membres des « occasions de prendre connaissance d’idées et de méthodes nouvelles et que ce partage d’informations et d’expériences les rend plus enclins à adopter des solutions innovantes » (Bevort, 2006, p. 207).
10Yang et Farn (2009) suggèrent par ailleurs que la connaissance tacite est mieux partagée lorsque les relations sont basées sur la confiance. Cette dernière constituerait donc un mode de collaboration propice à la circulation de connaissance tacite (Baillette, 1998). Mais dans quelle mesure l’instauration d’un climat de confiance est-elle une condition nécessaire au bon fonctionnement des tiers-lieux de travail et des clubs d’entreprises, avec la perspective de faciliter la circulation d’information et en conséquence de contribuer au processus d’innovation ?
Le rôle du capital social dans l’innovation
11La capacité d’innovation d’un individu ou d’une entreprise dépend en partie de son capital social, c’est-à-dire de la somme des ressources actuelles et futures issues des réseaux de relations d’un individu ou d’un groupe social (Bourdieu, 1980). Il se distingue en ce sens du capital matériel et du capital humain. Un capital social élevé contribuerait à la réussite entrepreneuriale (Mueller, 2006) : les expériences professionnelles passées et l’environnement local du chef d’entreprise ont par exemple davantage d’importance que son niveau de diplôme, autrement dit son capital humain. C’est la diversité des liens sociaux, hétérophiles et homophiles, qui garantit la plus haute efficacité en termes d’accès aux ressources (Lin, 1995). Un membre d’un réseau cherchera donc un positionnement à la frontière, entre ouverture et fermeture. Par ailleurs, la taille du réseau et le niveau de confiance, éléments constitutifs du capital social, jouent positivement sur les dynamiques des entreprises. Précisément, le capital social revêt un rôle primordial pour la réussite des entreprises à fort contenu technologique. Surtout, un capital social élevé stimule l’innovation qui est, de nos jours, considérée comme le résultat d’un processus dont le succès dépend des interactions et échanges de connaissances impliquant une large diversité d’acteurs (Landry, Amara, Lamari, 2002). Densifier son réseau relationnel en rejoignant une communauté permet d’accroitre son capital social (Dussuc, Geindre, 2012), qui renforcera à son tour la prise de décision de l’entreprise de se lancer dans une démarche d’innovation et sa disposition à innover de manière radicale (ibid).
Des communautés d’entrepreneurs
12Le groupe, autrement dit la communauté, apparaît comme un lieu de création de connaissance et de compétences qui peut être assimilé à un dispositif d’innovation en soi (Peillon, Boucher, Jakubowicz, 2006). Pour certains auteurs, la créativité d’un individu dépend même de sa capacité à intégrer une communauté à l’échelle locale (Bathelt, Cohendet, 2014).
13Parmi les différents types de communautés, les caractéristiques des communautés de pratique conviennent certainement aux clubs et tiers-lieux. Il s’agit de groupes de personnes engagées dans la même pratique qui communiquent à propos de leurs activités et sur des problématiques communes (Lave, Wenger, 1991). Ces communautés correspondent à des espaces de créativité et de circulation de connaissance tacite qui reposent sur un engagement mutuel (réciprocité car on donne du temps dans l’attente d’un retour), une entreprise commune (il existe bien une structure), un répertoire partagé (comme des ressources pour communiquer). Ces collectifs se rapprochent aussi des « BA » japonais (Nonaka, Konno, Toyama, 2001) dans la mesure où les interactions avec leur environnement structurent leur fonctionnement. Le « BA » se traduit comme un espace partagé de relations émergentes entre des individus et entre des individus et leur environnement. Il leur permet de partager du temps et de l’espace et peut être physique (le bureau ou des lieux de travail dispersés), mental (expériences, idées, idéaux) ou une combinaison des deux. Enfin, il requiert une adhésion volontaire formelle (contractuelle) et morale (à des valeurs).
14L’appartenance à une communauté demande généralement d’adhérer à des valeurs, autrement dit à une façon commune de percevoir les relations entre les personnes. Les valeurs partagées entre les membres d’une organisation façonnent les échanges. Quand ces membres ont les mêmes perceptions de la façon d’interagir avec les autres, cela limite les incompréhensions et renforce leur capacité à échanger librement leurs ressources et leurs idées. A contrario, lorsqu’un réseau ne fournit pas de résultats probants pour ses membres, la cause de désaffection peut provenir d’une absence de vision commune (Geindre, 2013). L’émergence d’une communauté n’est pas toujours spontanée, elle requiert souvent l’aide d’acteurs intermédiaires présents dans les espaces de travail collaboratifs et les clubs d’entreprises.
La fonction d’intermédiation pour l’innovation collaborative
15Les travaux de Howells (2006) soulignent largement le rôle de l’intermédiation qui se définit comme un organisme agent ou intermédiaire dans un aspect ou un autre du processus d’innovation, entre deux ou plusieurs parties. Son analyse des systèmes innovants met en évidence l’importance de ces acteurs pour disséminer de l’information et accélérer sa diffusion. Les activités intermédiaires incluent « l’aide pour trouver des partenaires ; l’intermédiation entre deux ou plusieurs acteurs ; la médiation entre organismes qui collaborent déjà ; le soutien sous forme d’avis, de fonds ou d’autres formes de soutien à l’innovation » indiquent Tremblay, Klein, Ben Hassen et Dossou (2012, p. 434). Ces caractéristiques correspondent bien aux activités de nos deux objets d’étude. Les auteurs concluent, après enquête auprès de 50 organismes d’intermédiation, que ces derniers « réalisent des fonctions qui contribuent à soutenir les entreprises pour l’acquisition d’intrants non disponibles à l’interne et incontournables pour le processus d’innovation ». Stankiewicz (1995) reconnait quant à lui l’existence de bridging institutions qui aident à créer des liens entre acteurs économiques. Le fait de favoriser les interactions entre entreprises et entre entrepreneurs est entendu comme un fort levier de l’innovation (Howells, op. cit.). Pour y parvenir, les clubs et les tiers-lieux peuvent s’appuyer sur leur animateur ou leur concierge qui font office de knowledge brokers et de bondary spanners.
16Comme cette revue de littérature le suggère, un certain nombre de similitudes entre les deux objets étudiés peuvent être mis en évidence. Nous proposons d’interpréter les résultats issus de travaux de terrain à la lumière de ce cadre d’analyse.
Méthodologie
17Nous nous appuyons sur deux enquêtes qualitatives conduites par entretiens semi-directifs. La première s’intéresse aux réseaux et clubs locaux de dirigeants, la seconde étudie des espaces collaboratifs de travail (annexe 2). Le premier échantillon est constitué de 25 dirigeants impliqués dans les clubs, soit comme simples membres, soit en y assumant une responsabilité. Pour la seconde enquête, ce sont 19 membres et fondateurs de tiers-lieux de travail, principalement des espaces de co-working, qui ont été interrogés.
18Plusieurs thématiques ont été abordées lors des entretiens avec les membres. Il a premièrement été demandé aux interviewés de revenir sur leur trajectoire personnelle. Nous avons ensuite privilégié les échanges autour du rôle des relations sociales dans leur parcours professionnel. Enfin, la troisième partie des interviews a concerné l’apport spécifique des réseaux dans lesquels ils sont impliqués, qu’il s’agisse de clubs de dirigeants ou d’espaces collaboratifs de travail.
19Pour chaque enquête, l’ensemble des verbatim a été retranscrit, analysé en identifiant les régularités puis regroupé par thématiques. Les discours les plus récurrents ont été repérés en agrégeant des phrases témoins (Savall, Zardet, 2004), qui figurent dans la partie consacrée aux résultats (annexe 1). Des rapprochements entre les témoignages issus des deux enquêtes ont ensuite pu être opérés pour mettre en évidence les similitudes en termes de concepts mobilisés. La méthode d’analyse thématique (Paillé, Mucchielli, 2008) consiste à classer par thème les propos des individus interviewés. Dans ce cadre, un thème est entendu comme « une expression ou une phrase qui identifie ce sur quoi porte une unité de données » (Saldana, 2009, p. 139). Cette technique permet de procéder à un examen discursif des thèmes abordés dans un corpus et d’identifier les occurrences des éléments de discours et les éléments les plus concordants. Précisons que ces données primaires ont été complétées par une recherche documentaire sur les réseaux et espaces concernés (interviews dans la presse, sites internet).
20Les deux enquêtes se sont déroulées en région Bretagne. Même si le choix du terrain reste principalement le fruit d’un opportunisme méthodique (Girin, 1989), il s’est avéré intéressant à plusieurs titres. On y dénombre premièrement une forte densité d’espaces de co-working implantés bien sûr dans les grands pôles urbains mais également de plus en plus dans les villes petites et moyennes [1]. Deuxièmement, les clubs d’entreprises y apparaissent particulièrement actifs : la Chambre Régionale de Commerce en recense près de 300 qui s’organisent eux-mêmes en réseau notamment avec des événements dédiés (ex. Soirée des Réseaux à Lorient, Quai des Réseaux à Vannes, Semaine des Réseaux à Rennes, etc.).
Résultats
21Ces deux enquêtes ont permis de mettre au jour plusieurs résultats confirmant l’opportunité d’un rapprochement entre nos objets d’étude. Tout d’abord, le transfert de connaissance tacite apparaît pour chacun comme l’une de leurs fonctions principales. La nature conviviale des relations sociales contribue de surcroît à fluidifier la circulation de cette forme de connaissances. Par les nouvelles rencontres qu’ils suscitent, tiers-lieux et clubs accélèrent en outre le développement du capital social de leurs membres. Un autre de leurs points communs réside dans l’importance primordiale de l’animateur comme acteur intermédiaire. Enfin, nous mettons en évidence le lien de nos deux objets avec les acteurs publics locaux et le territoire en général.
Des espaces de circulation de la connaissance tacite
22Le partage de connaissances est au centre des prérogatives des clubs d’entreprises [2]. Les temps d’échanges informels entre dirigeants, par exemple lors de voyages, de visites d’entreprises ou avant les assemblées plénières sont autant de moments propices aux interactions.
Verbatim 1 : « Les réseaux se bâtissent de manière informelle, vouloir construire de manière autoritaire n’a pas de sens ».
24Des sujets spécifiques y sont plus facilement abordés que lors des réunions cadrées, avec un ordre du jour défini à l’avance. Ces moments en petit comité constituent des plates-formes d’échanges pour les entrepreneurs. Le dialogue et la réflexion collective qu’ils produisent participent à la traduction des connaissances en concepts plus facilement appropriables, propices à l’émergence d’aptitudes et de savoir-faire nouveaux. Les clubs soutiennent, via leur activité de mise en relation et de socialisation, la transmission de connaissances tacite et cette proximité concourt au processus d’innovation (Boschma, 2004) :
Verbatim 2 : « le réseau fait circuler l’information entre les personnes, il permet de mettre en relation des opportunités, de baigner dans ce milieu ».
26Le partage d’un espace, même temporairement dans le cas des clubs, favorise en effet les rencontres en face-à-face. Parallèlement, la proximité géographique que l’on retrouve dans les tiers-lieux peut aussi favoriser la production de connaissance tacite, à condition que les interlocuteurs aient un intérêt à interagir et qu’ils partagent une confiance mutuelle (Moriset, 2014).
27En somme, ces deux objets, tiers-lieux et clubs, présentent des configurations sociales propices au processus d’innovation reposant sur la circulation de connaissance tacite. Cependant, la confiance entre les membres d’un groupe ne peut être considérée comme un processus spontané. Avant de se faire confiance, il faut faire connaissance, autrement dit, construire une relation sociale avec l’autre :
Des espaces de convivialité et de créativité
29La convivialité, c’est-à-dire la capacité d’une société à favoriser les échanges réciproques entre des personnes ou des groupes, intervient comme une dimension majeure du concept de tiers-lieux, qui sont avant tout, d’après Oldenburg (1989), des lieux de sociabilité et de solidarité. Il faut souligner que ces lieux-là étaient à l’origine, pour reprendre les propos du sociologue américain, des cafés de quartier qui permettaient aux habitants de faire connaissance et de se rendre des services réciproques facilitant leur vie quotidienne. Si les tiers-lieux de travail désignent aujourd’hui souvent des espaces physiques, comme un immeuble, une maison ou un appartement, dans lesquels des individus exercent une activité, l’ambiance conviviale reste une composante essentielle. Elle figure d’ailleurs explicitement comme valeur dans le Manifeste des Tiers-lieux [3], au côté notamment de la création et de la collaboration.
30D’un côté, les tiers-lieux font de l’aménagement, de l’esthétique, de l’ergonomie du lieu et de la personnalité de l’animateur des éléments favorisant la convivialité entre les membres (Pierre, Burret, 2014-2). Les moments conviviaux correspondent à des ateliers, des activités de loisirs ou encore à des afterwork. De l’autre, les clubs, qui ne disposent souvent pas de locaux en propre, organisent des visites d’entreprises, des dîners de gala, des voyages organisés ou des rencontres sportives, sans doute pour répondre aux aspirations d’une population différente, souvent plus âgée et davantage installée dans la vie. Ces clubs produisent de la convivialité et offrent des conditions propices aux échanges en organisant des rencontres régulières et en proposant des temps de liberté à leurs membres, comme en témoignent les deux exemples suivants.
31Le réseau de dirigeants Business Network International prévoit, dans chacune de ses antennes locales, un petit-déjeuner hebdomadaire pour ses adhérents chefs d’entreprise, le vendredi matin de 7 h 30 à 9 h. La formule reste la même dans chacun des groupes locaux : avant de débuter la réunion, trente minutes sont systématiquement consacrées à un moment de détente et d’échange autour d’un café. Autre exemple, les clubs locaux de partenaires des équipes de football proposent à leurs membres de partager un repas convivial avec les joueurs disponibles après le match. La régularité des rencontres et surtout l’ambiance volontairement détendue favorisent l’émergence de liens forts entre les membres (Granovetter, 2000), une condition du transfert de connaissance tacite (Goffin, Koners, 2011) :
Verbatim 4 : « on se développe avec un réseau de partenaires, d’amis ».
33Au-delà du plaisir de partager des instants conviviaux, échanger peut aussi être une question de survie pour l’entreprise, qu’il s’agisse d’une PME ou d’une entreprise individuelle. La nécessité d’entretenir des relations sociales et de partager avec des pairs pour limiter les risques d’échec a été mise en évidence pour les entrepreneurs innovants. Pour ces derniers, l’isolement, qui se traduit par l’absence d’échanges, constitue ainsi le premier facteur d’échec (Krauss, 2009). Précisément, plus l’entreprise est petite, plus le dirigeant doit s’impliquer dans son fonctionnement interne au détriment d’autres tâches comme le dialogue avec des individus externes à la structure. On parle d’effet microcosme (Torres, 2002) lorsqu’un dirigeant focalise son attention sur l’immédiat dans le temps (le terme le plus rapproché, c’est-à-dire le court terme) et dans l’espace (le plus proche physiquement et psychologiquement). Ces éléments sont confirmés par les résultats d’une enquête de la CCI de Paris réalisée auprès de 6 000 entreprises qui montre que 40 % des entreprises ayant un projet d’innovation ont dû l’abandonner faute de trouver des partenaires (Schaefer, Cucherousset, 2015).
34« L’aigle solitaire », expression utilisée par Beyers et Lindahl (1996) pour décrire le travailleur indépendant, doit donc s’entourer pour pouvoir survivre et développer son projet. À ce titre, le travail à domicile, facteur d’isolement, constitue un des principaux maux des travailleurs individuels en recherche de rupture avec l’environnement clos du domicile ou de l’entreprise (Moriset, 2011). C’est justement ce rôle que jouent les tiers-lieux et les clubs d’entreprises.
35Ils deviennent des supports de convivialité lorsqu’ils sont appréhendés comme des moyens d’échapper à l’atomisation et à la frénésie qui caractérisent la vie professionnelle. On perçoit aisément l’apport de ces espaces pour des populations dont les interactions sociales conditionnent le développement de leur activité.
Accroître son capital social grâce aux clubs et aux espaces collaboratifs
36Les clubs et les espaces collaboratifs de travail interviennent en soutien de leurs membres en leur fournissant, par la mobilisation de pairs, des ressources dont ils ne disposent pas du fait, notamment, d’une taille et de moyens limités : apport d’information, aide à la décision, conseils informels, nouvelle clientèle, accompagnement par des dirigeants chevronnés, ouverture géographique. Par les rencontres qu’elle suscite, la fréquentation d’un club ou d’un tiers-lieu permet de sortir de l’isolement et se constituer un carnet d’adresses qu’il s’agira ensuite de mobiliser.
À ce titre, les tiers-lieux de travail et les clubs constituent des réseaux ouverts à des acteurs non centraux, situés plus à la marge : chacun est libre d’y entrer et de partager ses contacts, y compris (et surtout) externes au réseau. Certains clubs exigent de leurs membres de venir accompagnés par un dirigeant extérieur lors des réunions, avec la perspective d’élargir le réseau en l’alimentant en nouveaux liens. On peut les qualifier d’objets connectés, fonctionnant eux-mêmes en réseau, avec parfois un nombre très élevé d’entités et de membres (cf. Encadré 1).Verbatim 5 : « je suis interfacé avec cet autre réseau. Il nous incite à aller rencontrer d’autres entreprises qui pourraient nous intéresser ».
Encadré 1 – Des entités connectées à des réseaux
Du côté des tiers-lieux, la plate-forme « Wework » revendique par exemple 80 000 membres dans le monde et 150 bureaux dans 35 villes. On pourrait également citer, parmi bien d’autres, « The Hub » présent dans 25 villes, la Coopérative des tiers-lieux en Aquitaine ou le Réseau des Tiers-lieux du Québec. Ces groupes, très localisés, dépendent d’entités géographiquement bien plus vastes.
Verbatim 6 : « on continue à s’ouvrir à des nouveaux réseaux. On y fait des rencontres, c’est toujours intéressant. La participation à ces réseaux fait partie de notre culture ».
38En résumé, les motivations des entrepreneurs à devenir membres d’un club d’entreprises rejoignent celles de ceux fréquentant un espace collaboratif : ce n’est pas le réseau en lui-même qui est déterminant mais plutôt sa capacité à générer des relations, autrement dit à créer des lieux de dialogue permettant de rencontrer de nouvelles personnes pour générer de nouvelles idées. Au centre de cette mise en réseau, on retrouve l’animateur :
La figure de l’animateur
40Les animateurs, communément désignés comme « têtes de réseau » pour les clubs ou « concierges » pour les espaces collaboratifs, incarnent cette conscience organisatrice. Il leur incombe la responsabilité de fédérer les membres autour d’un projet et de valeurs. Leur fonction rejoint celle des community managers. Ils peuvent aussi être amenés à sélectionner les membres et exercent en ce sens un contrôle sur la constitution du réseau pour lequel ils doivent être en mesure d’identifier les besoins et de mettre en relation :
Verbatim 8 : « l’animatrice permet de faire les connexions entre les gens finalement. Parce qu’elle sait ce que fait tout le monde, et donc c’est le point de relais ».
42En d’autres termes, ils génèrent de la proximité organisée, c’est-à-dire la capacité qu’offre une organisation de faire interagir ses membres, car la proximité géographique seule ne suffit pas : être implanté sur un même territoire ou fréquenter le même espace physique ne suffit pas pour se connaître et se reconnaître. Regrouper les entreprises sur un territoire ou un lieu ne fonctionne pas systématiquement, l’enjeu est davantage de réussir à rassembler ces acteurs et créer du collectif. L’animateur du club ou du tiers-lieu facilite les interactions en son sein.
Verbatim 9 : « il connaît tout le monde. Si tu veux, tu as un centre névralgique qui est lui et qui fait que ce réseau peut exister, se développer, etc. ».
44Il limite en ce sens les trous structuraux c’est-à-dire les espaces vides entre deux relations dans un groupe.
Verbatim 10 : « le réseau animé par le département est un très bon réseau. Son responsable est quelqu’un qui rapproche les gens » ; « il nous a accompagnés pour aller chercher des aides financières de la part du Conseil Départemental, des aides à l’embauche pour nos premiers consultants ».
46L’animateur, concierge ou tête de réseau, ne se contente pas de favoriser les liens entre les membres, c’est aussi un acteur connecté à l’extérieur, notamment avec l’écosystème local :
Verbatim 11 : « il connaît des gens qui ont travaillé dans notre milieu, il a pu nous mettre en relation facilement » ; « il te dit ‘attends je connais untel, on l’appelle, et on l’a fait des dizaines et des dizaines de fois. Au final en deux ou trois coups de fil, tu as fait tes ponts, et tu te retrouves à avoir quelqu’un au téléphone qui est à Paris ou qui est à Boston ».
48Il assure donc un double rôle d’intermédiation en interne et en externe, ce qui confirme les propos de Brown (2017, p. 1) à propos de l’ouverture des espaces de co-working à l’extérieur : « les bénéfices du co-working dépassent le périmètre des membres […] les liens s’établissent facilement entre les co-workers et les communautés locales (habitants, entreprises) ».
Des objets à la frontière de l’action publique
49L’imbrication avec l’action publique, tant pour les espaces collaboratifs que pour les clubs et réseaux d’entreprises, apparaît comme un élément central de leur fonctionnement. Dans de nombreux cas, les pouvoirs publics locaux soutiennent, voire sont à l’origine de ces initiatives (cf. Encadré 2).
Encadré 2 – Des collectivités qui s’investissent dans les clubs et les espaces collaboratifs de travail
50Si ces exemples illustrent l’implication des collectivités auprès des clubs et des tiers-lieux de travail, ils montrent également leur ambition de participer aux dynamiques économiques locales en soutenant ces dispositifs d’incitation à la collaboration.
51Le degré d’intervention des pouvoirs publics auprès des dispositifs de mise en réseau reste cependant extrêmement variable, allant de la discussion informelle avec les services et les élus au portage direct par une collectivité. Néanmoins, l’institutionnalisation par une charte ou un contrat d’objectifs semble difficilement compatible avec l’agilité indispensable aux clubs et des tiers-lieux. Ils doivent pouvoir évoluer en fonction de leurs membres et s’adapter à leur environnement. De surcroît, la mesure de leur performance exigée par les autorités publiques ne répond pas aux critères classiques d’une organisation : elle dépend bien plus des caractéristiques socio-économiques du réseau que de la seule volonté politique des élus. D’une manière générale, la mise en place d’un milieu innovant ne peut se faire que si le milieu et les innovations en question exploitent le savoir, les connaissances et les réseaux préexistants. Dès lors, il incombe aux pouvoirs publics d’accompagner davantage que de construire ces entités.
52On ne peut en effet pas assimiler les clubs à des équipements publics, comme c’est le cas de certains espaces de co-working portés par les pouvoirs publics locaux. Ils sont parfois considérés comme des équipements à avoir sur son territoire, comme ce fut le cas par le passé avec les pépinières d’entreprises, pour afficher son soutien à l’innovation et l’entreprenariat. Polèse (2011) prévient à ce titre les autorités locales que, s’il n’existe pas de modèle universel de développement pour les villes, on peut voir émerger des stratégies « à la mode » assimilables à des « légendes du développement urbain » (technopôles, spécialisation industrielle, soutien à certains groupes sociaux, etc.), mais ces dernières dévoilent rapidement leur fragilité, notamment vis-à-vis de leur impact sur le développement du territoire.
Discussion
53Au regard des concepts mobilisés, nos résultats montrent que les tiers-lieux de travail ne renouvellent pas pleinement les pratiques collaboratives d’innovation, notamment par rapport aux clubs d’entreprises. À ce titre, nos travaux tempèrent ceux de Denoud et Moeckly (2010) qui présentent les tiers-lieux comme la manifestation de nouveaux modes de travail favorisant la collaboration et la naissance d’idées nouvelles. Autrement dit, les entrepreneurs se sont organisés à l’échelle de leur territoire pour former des communautés et échanger des ressources dans une ambiance conviviale avec l’ambition d’innover, préalablement au développement des espaces de co-working.
54Ces clubs pourraient toutefois être comparés à des tiers-lieux « hors-les-murs » au sens où l’espace dans lequel ils réunissent leurs membres n’est pas fixe, bien qu’il se situe toujours dans un périmètre géographique restreint (la ville, le bassin d’emploi, la région). Le lieu en tant que tel importe peu dans ce cas, du moment qu’il offre des conditions favorables à l’échange et à la convivialité et que la communauté, animée par une personne ad hoc, porte des valeurs. Cette différence liée à la permanence de la localisation s’explique en partie par le fait que dans un cas, ce sont des organisations incarnées par leur dirigeant qui collaborent et que dans l’autre, il s’agit davantage d’individus seuls, des entrepreneurs solitaires, dont le bureau se résume souvent à un ordinateur portable (laptop workers).
55Alors, peut-on aller jusqu’à considérer les clubs d’entreprises comme des tiers-lieux ? Cette proposition serait cohérente avec les travaux de Burret (2017) qui envisagent ces derniers avant tout comme des configurations sociales particulières avant d’être des lieux physiques. Le rapport à l’espace (au lieu) devient alors secondaire par rapport aux autres dimensions comme la dimension communautaire. Ces propos suggèrent en conséquence d’élargir l’acception du terme « tiers-lieu » en ajoutant les clubs d’entreprises aux typologies relevées dans la littérature (Boboc et al., 2014 ; Fabbri, 2016 ; Scaillerez, Tremblay, ibid).
Conclusion
56Malgré certaines finalités et modalités hétérogènes (notamment le statut professionnel des membres, une localisation fixe / mobile, le contexte socioéconomique d’émergence), clubs et espaces collaboratifs de travail partagent l’ambition de favoriser le développement et l’innovation de leurs membres par la collaboration. Cette analogie repose sur au moins trois mécanismes communs que nous avons pu expliciter : transfert de connaissance tacite, émergence d’un capital social et fonction d’intermédiation. Ces résultats mettent en évidence qu’ils réunissent chacun les conditions socio-organisationnelles pour accroître les chances d’émergence de l’innovation : la présence d’une diversité d’acteurs, de multiples connexions entre eux, un regroupement dense de proximité sur un lieu géographique réduit, la motivation intrinsèque des acteurs produite par l’intensité des relations, une autonomie d’action et une rupture des modes de gouvernance classiques. Signalons en revanche qu’aucun des deux ne garantit la production d’innovation, leur intervention se situant en amont du processus, lors de la recherche de ressources.
57Nos travaux incitent enfin à une prise en compte plus globale du processus d’innovation collaborative par le croisement d’objets qui, de prime abord, peuvent sembler très différents. La mise en évidence de ces similitudes engage à poursuivre des réflexions communes à ces « objets réseaux ». Aux côtés des clusters et des grappes d’entreprises, les espaces collaboratifs de travail et les clubs d’entreprises font partie de la famille des « usines à collaborer » présentes à grande échelle sur les territoires et qui reposent sur les mêmes leviers, bien que les modalités d’action diffèrent. Par conséquent, les décideurs locaux, intéressés par leur contribution au développement économique, ne devraient-ils pas les considérer comme une partie d’un tout lorsqu’ils envisagent de soutenir l’innovation dans leur territoire ? De surcroît, n’auraient-ils pas intérêt à susciter les échanges entre ces deux « milieux » que sont l’upperground pour les clubs et le middleground pour les tiers-lieux (Grandadam et al., 2013) ? La question de leur interfaçage constitue selon nous l’une des perspectives de recherche à explorer.
Annexe 1 – Mise en évidence de la proximité des verbatim par des phrases témoins issues des enquêtes
Critères de contenu | Phrases témoins | |
---|---|---|
Espaces collaboratifs (verbatim, fonction) | Clubs d’entreprises (verbatim, fonction) | |
Connaissance tacite : apprentissage collectif, savoirs non codifiables | « L’autre fois, j’ai demandé à L. s’il s’y connaissait, il a pris une heure pour me former ». Formation dispensée gratuitement par un pair | « Il faut être au courant pour pouvoir saisir l’opportunité » Diffusion d’information |
« Et ce qui est intéressant ici c’est que finalement c’est qu’en échangeant avec les autres, déjà c’est un temps de plaisir et on apprend plein de choses » Échanges informels mêlant rencontres et plaisir d’apprendre | « Le club fait circuler l’information entre les personnes, permet de mettre en relation des opportunités, de baigner dans ce milieu » « C’est de l’information qui circule, on sait que nos sous-traitants parlent de nous et inversement » Information liée à la réputation | |
« Donc on parle souvent de boulot, mais pas que. Parce que vraiment, on dit beaucoup de conneries ! » Ambiance conviviale | « Ils nous conseillent sur les nouvelles boîtes qui viennent de s’installer et les personnes qu’on peut rencontrer. Tout cela contribue à notre développement » Apprentissage collectif | |
« D’échange en échange comme ça, j’apprends beaucoup de choses et je commence à avoir une vision encore plus affinée de ce que c’est qu’un projet web ». Acquisition de nouvelles compétences | « Le club nous permet d’échanger de façon informelle entre personnes qui n’ont rien à se vendre l’un l’autre » Savoirs non codifiables | |
Capital social et innovation : accès à un réseau de relations sociales, accès à des ressources potentielles, confiance | « En fait ici, on trouve tout. T’as une solution quasiment à tout et c’est très pratique » Acquisition de nouvelles ressources | « On va faire se rencontrer les membres de ces réseaux sur la base d’animations communes pour donner une cohérence » Accès à un carnet d’adresses |
« Je sais que L. est là à côté, j’irai le voir. Peut-être que ce n’est pas lui qui m’apportera la solution, dans 80 % des cas ça va être ça, mais lui il va me dire : ‘Ah mais pour ça, il faut s’adresser telle personne’ » Mobilisation du réseau social | « Si je ne baigne pas dans cet environnement, si je n’ai pas ces relations, ça ne peut pas fonctionner » Importance des relations sociales | |
« L’autre jour, j’avais besoin d’impressions de catalogues en urgence, donc on sortait du process habituel. J’ai été interrogé, il y a une graphiste qui est à trois bureaux d’ici, elle me dit ‘Oh attends, je te file trois de mes contacts’ » Accès à un carnet d’adresses | « On est plus fort quand on chasse en meute » Effet d’un capital social élevé | |
« Le fait est que ce genre d’espace ne renferme que des gens qui ont des besoins comme nous, que des indépendants qui sont ouverts à 360° à l’autre et qui sait très bien ce que ça peut lui apporter. Et ça c’est une philosophie, c’est un état d’esprit en fait » Potentiel de ressources mobilisables | « On travaille en bonne intelligence. Tout est basé sur la confiance. Si vous trahissez cela, alors ça devient compliqué » Confiance et contrôle social dans le réseau | |
« Il y a peut-être 300 métiers dans la communication et je n’en connais qu’un ou deux. Donc, tu vas t’adresser à la personne à qui tu penses et elle te fait des ponts » Rapidité et efficacité dans la mise en relation | « On a compris qu’il fallait faire partie du réseau pour être visible » Reconnaissance | |
« Ce n’est pas le réseau en lui-même qui est déterminant mais plutôt sa capacité à générer des relations » Accès à des relations sociales | ||
« On trouve de la ressource informationnelle et relationnelle » Accès à la ressource | ||
Fonction d’intermédiation : Mise en relation en interne et en externe, rôle de l’animateur / tête de réseau | « En fait, l’animatrice fait la connexion de tout le monde » Intermédiation interne à la communauté | « Les réseaux dont on dispose avec le secteur de la recherche, pour une entreprise innovante, sont capitaux » Mise en relation de groupes non connectés |
« Elle sait tout, donc c’est vachement bien. Elle permet de faire les connexions entre les gens finalement. Parce qu’elle connaît tout le monde, elle sait ce que fait tout le monde, et donc finalement c’est le point de relais. C’est très intéressant ». Mise en relation en interne | « Le fait de rencontrer d’autres personnes peut générer des opportunités et permettre d’entrer dans une nouvelle filière » Nouveaux partenariats | |
« L’animateur, il fonctionne comme ça. Il identifie quelque chose qui a un potentiel. Il croyait dans mon projet, il passe un coup de fil le lendemain c’est fait » Rôle de passeur de frontière | « Quand on est dans leur réseau, on est nécessairement networké avec d’autres sociétés technologiques qui pourraient vous intéresser dans le développement de votre business » Rôle de passeur de frontière | |
« La Cantine, ça draine plein de gens. L. c’est la tour de contrôle, il a tous les contacts » Rôle de knowledge broker | « On continue à s’ouvrir à des nouveaux réseaux. On y fait des rencontres, c’est toujours intéressant » Mise en relation en externe du club |
Annexe 2 – Liste des espaces collaboratifs et des clubs d’entreprises dont les membres et dirigeants ont été rencontrés
Espaces collaboratifs | Clubs d’entreprises |
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Références
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Mots-clés éditeurs : intermédiation, espaces collaboratifs de travail, capital social, clubs d’entreprises, innovation collaborative
Date de mise en ligne : 25/01/2018
https://doi.org/10.3917/inno.055.0119