Notes
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[1]
La relation entre technologie (discours sur les techniques) et innovation doit être précisée ici. D’un point de vue étymologique, le mot technologie vient du grec technología (??????????). Il renvoie à l’état de l’art (sciences appliquées), aux savoir-faire (artisanat, procédés) et aux outils utilisés (machines). Il inclut ainsi la connaissance, les compétences, les métiers… Par extension, la technologie constitue un discours sur les techniques (ensemble de procédés employés pour produire une œuvre) et peut également se référer aux systèmes ou aux méthodes d’organisation susceptibles de mettre en place les savoir-faire. L’innovation est quant à elle le résultat de l’action d’innover. Le terme, emprunté au latin « innovatio », traduit les idées de changement, de création, de nouveauté. Dans ce qui suivra, nous considérerons que la technologie constitue un moyen d’innover, une fuite en avant vers la création. Cette articulation entre innovation et technologie est d’ailleurs contenue dans l’expression « innovation technologique », retenu par l’OCDE (manuel d’OSLO, 1992) pour expliquer les changements qui se produisent au sein de la firme considérée individuellement : « On entend par innovation technologique de produit la mise au point/commercialisation d’un produit plus performant dans le but de fournir au consommateur des services objectivement nouveaux ou améliorés. Par innovation technologique de procédé, on entend la mise au point/adoption de méthodes de production ou de distribution nouvelles ou notablement améliorées. Elle peut faire intervenir des changements affectant – séparément ou simultanément – les matériels, les ressources humaines ou les méthodes de travail » (1997, p. 9).
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[2]
“If it looks as it does, this is just as obviously due to the unremitting efforts of people to improve according to their lights upon their productive and commercial methods, i.e., to the changes in technique of production, the conquest of new markets, the insertion of new commodities, and so on. This historic and irreversible change in the way of doing things we call "innovation" and we define: innovations are changes in production functions which can-not be decomposed into infinitesimal steps” (Schumpeter, 1935, p. 4).
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[3]
L’Union européenne s’est saisie de ce dossier dans le milieu des années 1990. La stratégie communautaire pour la gestion des déchets (30/07/1996) insiste à la fois sur la responsabilité du producteur (Gillet, 2002) et la nécessité de couvrir l’ensemble du cycle de vie des produits (principes 24, 25 et 26 de la directive européenne). Le 6e programme communautaire d’action pour l’environnement (il couvre la période allant du 22 juillet 2002 au 21 juillet 2012) s’est donné pour objectif de réduire de 50 % la quantité finale de déchets ménagers et assimilés en 2020 (20 % en 2010) et de 70 % des déchets générés par les activités de BTP (Ranke, 2011). La directive 2008/98/CE sert aujourd’hui de base à la règlementation européenne en matière de déchets.
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[4]
En France, c’est l’article 46 de la loi n°2009-967 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’Environnement, qui est consacrée à la gestion des déchets. Les objectifs nationaux visent à améliorer le taux de recyclage matière et organique à 35 % en 2015 (45 % en 2020) et à porter le taux de recyclage des déchets d’emballages ménagers et déchets banals des entreprises à 75 % en 2012.
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[5]
L’aluminium est présent dans un grand nombre de produits : boîtes de conserves, emballages de café, gâteaux et chocolat, barquettes de surgelés, aérosols, cosmétiques. Il a une position stratégique dans les industries aérospatiales (fusée Ariane, Airbus…), automobiles, ferroviaires…
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[6]
Il s’agit d’une roue polarisée qui tourne à 2600tr/mn, à côté du tapis sur lequel circulent les déchets. La roue polaire composée en périphérie de pôles d’aimant nord et sud alternés, crée par sa rotation un champ magnétique alternatif. Ce champ magnétique alternatif induit un courant alternatif dans les emballages aluminium passant à proximité. L’opposition de phase entre le champ magnétique alternatif de la roue polaire et le champ magnétique résultant du courant alternatif induit dans l’aluminium provoque l’éjection des nodules d’aluminium. Selon leur poids, les déchets d’aluminium sont éjectés à l’horizontale (c’est le cas des bricks de lait qui comportent une feuille d’aluminium) ou selon une parabole (les boîtes de boisson). Ils tombent dans des bacs distincts pour être recyclés de manière différente.
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[7]
Ce capteur se présente sous la forme d’un tiroir placé sous la bande de convoyage. Dans ce tiroir est placée une matrice magnétique permettant de localiser un ou plusieurs objets, grâce à une électronique performante et un calculateur ultra rapide qui permet de faire face à des flux très élevés. Dans le cas de l’aluminium, ce capteur est capable de spécifier s’il s’agit d’un produit rigide ou semi-rigide (boîte de conserve, barquette, aérosol…) ou d’un produit souple (briques de lait…)
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[8]
Trommel ou séparateur hydraulique qui se base sur les différences de densité, de forme, de portance de l’air… Cette technologie intervient en tant que préparateur de flux, facilitant la séparation des déchets.
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[9]
Christensen (2006, p. 2) parle de « Collaboration between different industries for mutual economic and environmental benefit ».
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[10]
Chertow (2007, p. 13) a identifié ce que l’on pourrait appeler des pré-conditions à la symbiose (collaboration, effets de synergie offerts par la proximité géographique), il s’agit notamment de répertorier les externalités positives (partage d’une ressource ou d’une matière, solution technique…).
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[11]
En 2009, le rapport Développement Eco-responsable et TIC (DETIC) établi par Michel Petit pour le compte du Conseil Général de l’Industrie de l’Énergie et des Technologies, soulignait que l’arrivée de l’Internet, des objets et du « Cloud Computing » allait changer profondément le paysage de l’usage des TIC. Le rapport préconisait la mise en place « d’un observatoire de recherche stratégique sur les impacts du "Cloud Computing" et de lancer des travaux de recherche sur les innovations autour du ‘Cloud Computing’ pour favoriser leur développement en France » (2009, p. 20). Ces activités pourraient être prises en charge par les Pôles de Compétitivité, fédérant l’action des industriels, des centres de recherche académiques et de l’INRIA.
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[12]
Ranke (2011) précise que le secteur des technologies de l’information et de la communication(TIC) est devenu en l’espace de quelques années un segment majeur de l’économie des principaux pays industrialisés avec une contribution directe de 5,9 % du PIB en Europe (et 7,5 % aux États-Unis). Au-delà du secteur lui-même, les TIC contribuent au développement de tous les autres secteurs économiques, les TIC représentant en effet plus de 50 % de la croissance de la productivité en Europe.
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[13]
Précisons que ces calculs ne prennent pas en compte le bilan carbone lié aux différents transports de ces équipements (logique de délocalisation et d’externalisation) jusqu’au client final et la consommation électrique nécessaire pour les faire fonctionner.
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[14]
D’après le rapport Mobile Toxic Waste du Basel Action Network (BAN, 2007), les téléphones portables sont composés (en poids) en moyenne de 45 % de plastiques (PVC, ABS enduit de bromure retardateur de flamme), 40 % de circuits imprimés, 4 % pour l’affichage à cristaux liquides, 3 % de magnésium, 8 % de métaux dispersés (cadmium, mercure…).
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[15]
Doreen Fedrigo et John Hontelez (2010, p. 11) s’interrogent sur la pertinence du concept « green growth » : “Green growth is a term more often used now, especially in the framework of the various economic recovery and stimulus packages, although it is still unclear what precisely this phrase means”.
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[16]
Ouvert en 1997 par HP et Noranda, le centre de recyclage informatique de Roseville en Californie, traite entre 3000 et 4000 tonnes de matériel par mois. Les ordinateurs, les serveurs et les imprimantes y sont broyés. La matière première (le plastique) ainsi obtenue, est revendue. HP a également mis en place un programme d’incitation au recyclage à destination des consommateurs : une collecte à domicile facturée de 13 à 34 dollars, en échange d’un coupon pour une réduction jusqu’à 50 dollars sur un achat de produit HP.
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[17]
Aux États-Unis, l’État du Maine a voté en 2005 une loi obligeant les fabricants informatiques à prendre financièrement en charge le recyclage de leurs produits. Il fut suivi par l’État de Washington en 2006. L’État de Californie a choisi d’imposer au consommateur une taxe supplémentaire à l’achat, qui alimente un fonds destiné aux fabricants qui recyclent. Au final, ce sont près de 30 États qui ont étudié le dossier des déchets électroniques.
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[18]
Aux États-Unis, les associations Computer Take Back Campaign et As You Show militent auprès des entreprises d’informatique (intervention à l’occasion des assemblées générales d’actionnaires) et des législateurs pour réduire les risques sanitaires et environnementaux posés par l’accumulation de matériel informatique vétuste, porteur de métaux toxiques comme le mercure, le plomb…).
1L’année 1987 coïncide avec deux évènements, d’une portée tout à fait différente, mais qu’il convient de rapprocher pour comprendre les relations qui se sont tissées au fil du temps entre les adeptes de la technologie (principalement des ingénieurs) et les initiateurs du développement durable. 1987, c’est avant tout la date de parution du rapport des Nations Unies (World Commission on Environment and Development, WCED, 1987), Our Common Futur, plus connu sous le nom de rapport Brundtland. Le développement est dit durable s’il « répond aux besoins présents sans compromettre la capacité des générations futures à satisfaire les leurs ». Cette définition a cependant très vite soulevé la plus vive inquiétude parmi la communauté des écologistes et des environnementalistes (Jansson, 1988 ; Daly, 1990). D’une part, elle ne précisait pas quel type de développement fallait-il rechercher (Dilworth, 1994). D’autre part, l’idée même de développement était étroitement liée à un certain niveau de croissance. Les membres de la Commission, en la personne de son secrétaire général Jim MacNeill, encourageaient même les Etats à rechercher cette croissance : « what we called the growth imperative. The world’s economy must grow and grow fast if it is to meet the needs and aspirations of present and future generations. The Commission estimated that a five to ten-fold increase in economic activity would be needed over the next half century just to raise consumption in developing countries to more equitable levels. An energy use alone would have to increase by a factor of eight, just to bring developing countries, with their present populations, up to the level now prevailing in the industrial world. I could cite similar factors for food, water, shelter, and the other essentials of life » (MacNeill, 1989, p. 18).
2Mais 1987, c’est également la date de parution d’un article intitulé « Des stratégies industrielles viables » dans la revue Scientific American et coécrit par Robert Frosch et Nicolas Gallopoulos, tous deux responsables de la recherche chez General Motors. La notion d’écologie industrielle y fait son apparition (Dannequin, Diemer, Petit, Vivien, 2000). Elle est issue de la communauté des ingénieurs et cherche à apporter une réponse pragmatique (contenu opérationnel) à la question du développement durable. Robert Frosch (1995, p. 148) la définit comme « l’ensemble des pratiques destinées à réduire la pollution industrielle ». Suren Erkman (1998) a matérialisé cette idée par un sous-titre évocateur « mettre en pratique le développement durable dans une société hyper-industrielle ». L’écologie industrielle peut être ainsi présentée comme une nouvelle pratique du management environnemental (Dannequin, Diemer, 2009). Elle répond aux besoins des entreprises, qui sous la pression des lois, des règlements, des normes et de la concurrence, cherchent à intégrer l’environnement à leurs stratégies. Nouvelle pratique soit, mais qui doit être initiée par les ingénieurs (Diemer, Labrune, 2007). En effet, ces derniers doivent relever un quadruple défi : valoriser les déchets (passer des bads aux goods) ; boucler les cycles en minimisant les rejets ; dématérialiser les produits (accroître la productivité des ressources) et procéder à la décarbonisation de l’énergie (évolution vers un système industriel moins gourmand en énergie fossile).
3Pure coïncidence ou acte manqué, il semblerait que le problème posé par le rapport Brundtland (The world’s economy must grow and grow fast) ait trouvé une réponse dès sa parution. La solution aux problèmes environnementaux était même à portée de main. Notre salut consisterait à placer l’innovation et la technologie [1] au cœur du développement durable. L’Agence Internationale de l’Energie (AIE) a récemment conforté cette « croyance » en évoquant une révolution technologique à faible teneur en carbone. Dans son rapport Energy Technology Perspectives (2010), l’AIE précise que “this book demonstrates that a portfolio of existing and new technologies will be needed to address these challenges [achieving the needed 50 % reduction by 2050], and lays out both the priority areas for action and the mechanisms that can help deliver change” (2010, p. 2). Il serait ainsi possible de ramener les 28 gigatonnes (Gt) de CO2 émises dans le monde aujourd’hui à près de 14 Gt en 2050 (scénario Blue Map) contre 57 Gt (scénario de base), si on ne faisait rien. Et ce, sans renoncer à notre confort matériel et en continuant à répondre aux besoins des pays du Sud. Pour parvenir à ce résultat, des investissements considérables seront nécessaires. Dans le scénario Blue Map, ils sont évalués à près de 750 milliards de dollars par an jusqu’à 2030, et 1600 milliards de dollars par an de 2030 à 2050, soit plus de 46 000 milliards de dollars (1,5 % du PIB mondial par an de 2010 à 2050).
4Au-delà des chiffres, il convient surtout de s’interroger sur la pertinence d’un tel discours. Est-ce que la technologie et l’innovation constituent bien le cœur du développement durable ? L’unique réponse aux problèmes environnementaux ? N’est-on pas en train d’ériger un mythe, susceptible de limiter les efforts individuels et collectifs à consentir ?
5Pour répondre à ces questions, nous procéderons en trois temps. Dans un premier temps, nous montrerons que la contrainte environnementale recommande aux industriels de procéder à un ensemble d’opérations de rationalisation de la production : optimisation des consommations énergétiques et matérielles, minimisation des déchets à la source, réutilisation des déchets pour servir de matières premières à d’autres processus de production… Dès lors, si la technologie consiste à apporter une solution « technique » au recyclage des déchets, elle devra être nécessairement associée à une innovation organisationnelle (symbolisée par la symbiose industrielle de Kalundborg) pour constituer une véritable réponse au défi environnemental. Nous nous situons ainsi dans le cadre de l’innovation schumpéterienne (Dannequin, 2004, 2006), plus précisément celui du caractère évolutionniste du processus capitaliste [2] : « l’impulsion fondamentale qui met et maintient en mouvement la machine capitaliste est imprimée par les nouveaux objets de consommation, les nouvelles méthodes de production et de transport, les nouveaux marchés, les nouveaux types d’organisation industrielle, tous éléments créés par l’initiative capitaliste » (Schumpeter, 1951, p. 164). Ainsi l’innovation ne concerne pas simplement les processus productifs, mais aussi l’organisation de l’activité économique et les formes institutionnelles (Sylos-Labini, 2007). Dans un second temps, nous préciserons que si la technologie doit être mise au service des générations futures, il convient de dissocier le mythe de la véritable révolution environnementale (Neurynck, 2006). La dématérialisation du capitalisme, suggérée par les Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication (NTIC), illustre un tel dilemme. Les économies tant attendues des innovations technologiques ont souvent été annihilées par les effets rebonds de ces mêmes innovations (exemple de la consommation de papier suite à l’utilisation des ordinateurs). L’ère de l’ordinateur se matérialiserait non pas par plus de productivité, mais bien par un gaspillage inexorable des ressources naturelles. Enfin, dans un troisième temps, nous démontrerons que la clef du développement durable réside dans la combinaison de technologies, d’innovations organisationnelles et de changements dans les modes de vie. Les industriels et les consommateurs devront changer leurs habitudes s’ils veulent améliorer leur bien-être, sans souffrir de la dégradation de l’environnement. Une autre manière de dire que l’écologie industrielle doit fusionner avec l’écologie politique afin de proposer un modèle de sortie de crise (Cohen, 2009).
Du traitement des BADS à la symbiose industrielle de Kalundborg
6Depuis quelques années, le traitement et le recyclage des déchets constituent un enjeu important (Soulage, 2010). Il s’agit à la fois d’économiser de la matière première (développement de l’éco-conception et de l’éco-production) et de réduire le volume de nos rejets (principe de la responsabilité élargie des producteurs, amélioration du tri-sélectif, filières de recyclage). Les pressions croissantes des autorités européennes [3] et nationales [4] mais également des associations ont amené les entreprises à privilégier des politiques d’optimisation de l’utilisation des ressources naturelles en circuit fermé. Tel un écosystème naturel, la société humaine cherche à recycler les déchets ou à donner une seconde vie aux produits finis. Dans le cas de l’aluminium [5] (les emballages ménagers en aluminium sont estimés en France à 45 000 tonnes par an), le recyclage permet d’économiser les ressources naturelles et jusqu’à 95 % de l’énergie nécessaire à la production d’aluminium brut. Comme le verre, ce matériau conserve sa valeur après usage. Il peut être recyclé à l’infini. Ainsi, en plus de réduire la production de déchets, l’utilisation de matières premières résiduelles comme intrants dans les procédés industriels constitue une source significative d’avantages comparatifs (Esty, Porter, 1998).
7Cette logique industrielle s’appuie cependant sur un double processus : une technologie (le tri magnétique par machine à courants de Foucault [6], le tri par détecteur-éjecteur [7], le tri aéraulique [8], le tri électrostatique, le tri mécanique par criblage ou le tri optique par couleur permettent de conditionner l’aluminium par balles et de l’envoyer ensuite dans les usines de recyclage où il sera broyé, puis fondu) et une innovation organisationnelle (on entend par là, la mobilisation d’un certain savoir, de compétences ; la mise en place d’une démarche collective visant à maximiser l’usage des matières résiduelles ; la création d’une dynamique institutionnelle apte à créer le changement…). En effet, l’innovation ne se limite pas à un simple défi technologique (système mécano-biologique, processus de méthanisation, bioréacteur…), elle doit être replacée dans des conditions concrètes d’application (production, consommation) : « La réflexion sur le développement et la diffusion des technologies de tri automatique des déchets est bien sûr à mener dans une logique de filière (collecte, tri, traitement…). Développer les technologies de tri plus performantes n’a de sens que si l’ensemble de la chaîne est optimisé. Il convient de souligner que le tri à la source des déchets, par les usagers eux-mêmes reste plus efficace, du moins si les pratiques évoluent en ce sens. Développer les actions d’information et d’éducation des usagers et des industriels sur le tri amont des déchets est donc probablement un levier intéressant. Dès lors, on peut imaginer que le tri aval soit à terme dédié au traitement de flux résiduels de déchets » (Ranke, 2011). Le défi organisationnel, souvent ignoré, soulève quant à lui, la question de la mise en œuvre des innovations (qu’elles soient majeures ou incrémentales) : « Les connaissances et les changements qui ont permis à une entreprise… de diminuer les pertes et le gaspillage associés aux déchets ne sauraient se réduire à des mesures d’ingénierie environnementale placées sous la seule responsabilité de services techniques. L’ampleur des changements réalisés montre, au contraire, le développement d’une véritable logique d’apprentissage s’articulant autour d’une redéfinition des compétences-clés, de l’entreprise et reposant sur une large participation des employés » (Boiral, Kabongo, 2004, p. 176).
8Les tenants de l’écologie industrielle l’ont bien compris, ils ont rapidement placé l’innovation organisationnelle au centre de leur approche, fascinés qu’ils étaient, par la symbiose de Kalundborg (Lifset, 2006, p. 6). La symbiose de Kalundborg illustre la nécessaire interdépendance entre plusieurs processus de production de différentes firmes et le bouclage des flux de matière et d’énergie à mettre en œuvre à l’intérieur d’une zone d’activité industrielle (Vivien, 2003). Chertow (2004, p. 2) en donne une définition [9] explicite : “Industrial symbiosis engages traditionally separate industries in a collective approach to competitive advantage involving physical exchanges of materials, energy, water, and/or by products. The keys to industrial symbiosis are collaboration and the synergistic possibilities offered by geographic proximity”. La symbiose industrielle de Kalundborg comprend six partenaires industriels et un acteur public, distants les uns des autres de quelques centaines de mètres seulement, et reliés entre eux par un réseau de pipelines ad hoc (Christensen, 2006). La Centrale électrique Asnaes est la plus puissante du Danemark. D’une capacité de 1500 MW, elle est alimentée au mazout puis au charbon (après le 1er choc pétrolier). Elle emploie près de 250 personnes. Statoil est la plus grande raffinerie de pétrole du Danemark. Elle a une capacité supérieure à trois millions de tonnes de pétrole par an et emploie 350 salariés. Novo Nordisk est la plus grande société danoise de biotechnologies, l’un des principaux producteurs d’enzymes industriels et d’insuline. Elle emploie près de 3500 personnes. Gyproc est une société suédoise dont l’usine de Kalundborg produit des panneaux de construction en gypse (14 millions de m2 par an). Elle emploie 165 personnes. Soilrem est une usine de retraitement des sols pollués par les métaux lourds et les hydrocarbures. Elle emploie 65 personnes. Noveren est la propriété de 9 municipalités. Elle retraite près de 126 000 tonnes/an de déchets. Enfin, la Municipalité de Kalundborg est un acteur public qui participe activement au projet industriel. Le fonctionnement de l’écosystème Kalundborg peut être présenté de la manière suivante (Nahapétian, 2002 ; Christensen, 2006 ; Diemer, Labrune, 2007). L’eau, sous forme liquide ou de vapeur, constitue le déchet valorisé de la manière la plus systématique (Keckler, Allen, 1998). Elle provient soit directement du lac Tisso, distant d’une quinzaine de kilomètres, soit du réseau de la municipalité de Kalundborg. La raffinerie de Statoil fournit de l’eau usée pour refroidir la centrale électrique Anaesvaerket. Cette dernière vend de la vapeur à la raffinerie Statoil, à Novo Nordisk (pour ses tours de fermentation), à Gyproc ainsi qu’à la municipalité de Kalundborg pour son réseau de chauffage urbain à distance. La centrale électrique vend même de l’eau chaude à une ferme d’aquaculture qui élève des turbots.
9La symbiose de Kalundborg a permis de tirer les trois enseignements suivants. Il s’agit avant tout d’un processus spontané, qui s’est progressivement (de 1961 à 2007) mis en place sur des bases commerciales qui satisfont toutes les entreprises. Suren Erkman note que « les échanges obéissent aux lois du marché », 1998, p. 26). Chaque livraison de « déchets » entre les partenaires fait l’objet d’une négociation séparée et confidentielle. La symbiose industrielle de Kalundborg apparaît sous la forme d’un « réseau environnemental » de plus de 20 accords commerciaux bilatéraux entre 6 firmes et une municipalité. Trois types de projets ont vu le jour : le recyclage de l’eau (12 projets), l’échange d’énergie (6 projets) et le retraitement des déchets (7 projets). Depuis 1996, le « Symbiosis Institute » constitue la mémoire vivante de cette réussite industrielle. Ensuite, le succès du système repose sur une bonne communication entre les partenaires : « Communication is more important than technology » (Christensen, 2006, p. 48). Trois facteurs sont ici essentiels : la confiance mutuelle « Participants must fit, but be different », la proximité géographique « There has to be a short physical distance between the participants », le style de management (partage de certaines valeurs), « There has to be a short mental distance between the participants » (ibid). Enfin, pour devenir opérationnel, ce système doit être intégré dans l’organisation structurelle des entreprises. Dans le domaine du management, l’écologie industrielle entraîne des conséquences majeures. D’une part, elle remet en cause la focalisation de l’entreprise sur le produit. En effet, il s’agit de donner autant d’importance à la valorisation des déchets. D’autre part, les entreprises doivent établir une sorte de Management over the fence, c’est-à-dire une chaîne collaborative pour assurer une gestion optimale des ressources. Le fait d’optimiser tous les flux de matière et d’énergie mobilisés par les entreprises (de la matière première jusqu’au produit fini) se traduit « tôt ou tard par une performance et une compétitivité accrue » (Erkman, 1998, p. 33). Pour améliorer l’efficacité d’un tel système, il sera cependant nécessaire de favoriser certains panachages industriels (ceci renvoie aux biocénoses industrielles) propices aux échanges de déchets et de ressources (Brings Jacobsen, Anderberg, 2004) et de mobiliser des savoirs (scientifiques, techniques, juridiques, commerciaux) destinés à repenser l’activité en fonction des possibilités de valorisation interne ou externe des résidus. Cet apprentissage organisationnel doit être compris en tant que processus d’acquisition, de production et de diffusion des connaissances (d’où l’importance des apports transversaux et interdisciplinaires) permettant à une organisation de s’adapter collectivement aux changements de son environnement et de mettre en place de nouvelles pratiques.
10À la suite du succès de Kalundborg, de nombreux travaux (Chertow, 2007, Zhu et al., 2007, Beers et al., 2007) ont cherché à cerner la nature et les caractéristiques de la symbiose afin de la reproduire [10] ailleurs. Une série d’initiatives et de projets ont vu le jour. Le concept de « parc éco-industriel » a été conçu dans les années 1990 (Chertow, 1999, Peck, 2001). Il s’agit d’une zone dans laquelle les entreprises coopèrent pour optimiser systématiquement l’usage des ressources et la valorisation des déchets (parcs de biodéchets). L’échelle appropriée du parc dépend du contexte économique, politique et culturel du territoire (Brullot, 2006) mais également des effets de synergie (une entreprise, située à une grande distance du complexe industriel, peut être intégrée au parc, si elle est la seule à maîtriser une technologie ou à recycler un déchet dangereux). Suren Erkman (2004, p. 5) préfère parler de « réseaux éco-industriels » (dont les parcs représenteraient un cas particulier) toutefois on pourrait également rapprocher les parcs du concept de « Districts industriels », une forme d’organisation industrielle et territoriale, chère à Marshall (1919) et à Becattini (2003, 2001).
Technologie et dématérialisation
11Dans son ouvrage intitulé Vers une écologie industrielle, Suren Erkman (1998, p. 88) note que « si l’on veut atteindre un niveau de vie élevé pour une population mondiale en augmentation, tout en minimisant les impacts sur l’environnement, il faudra obtenir plus de services et de biens à partir d’une quantité de matière identique, voire moindre. Telle est l’idée de base de la dématérialisation, qui consiste, en d’autres termes, à accroître la productivité des ressources ». D’un point de vue pratique, le scénario de la dématérialisation implique la mise en place de stratégies (industrielles mais aussi politiques) visant à réduire les flux de matières et d’énergie (Schandl, Turner, 2009). Trois arguments sont ici mobilisés par les tenants de l’écologie industrielle.
12(1) Il est possible, grâce à l’innovation et au progrès technique, d’utiliser proportionnellement moins de flux de matière et d’énergie, « l’industrie des télécommunications offre un exemple spectaculaire de substitution technologique : 25 kg de fibre de verre suffisent pour fournir des services équivalents à une tonne de cuivre » (Erkman, 1998, p. 88).
13Les années 1990 ont vu l’émergence et la consolidation de stratégies proactives qui s’inscrivent dans une nouvelle économie de services, dite économie de la fonctionnalité. Les entreprises visent ainsi à privilégier la vente de l’usage des fonctionnalités associées à un bien plutôt que le bien lui-même (Rifkin, 2000 ; Bourg, Buclet, 2005). Dans cette perspective, elles sont amenées à optimiser l’utilisation des biens et services producteurs de richesses, en créant la valeur d’usage la plus élevée et la plus durable possible, tout en minimisant l’utilisation des ressources et d’énergie engagée dans cette production (logique de recyclage) : « cette nouvelle approche commerciale, qui repose sur l’accès à un service plutôt que sur la vente d’un produit, est porteuse d’un effort potentiel de réduction des coûts écologiques de la production dans de nombreux secteurs industriels » (Rifkin, 2000, p. 116). C’est ainsi que Microsoft a lancé le 19 octobre 2010, une version en ligne de sa suite Office, en s’engageant dans la sphère de l’informatique dématérialisée (on parle de cloud computing ou de nuage informatique). En effet, la Firme de Redmond propose aux entreprises de tester un nouveau service, baptisé Office 365, qui inclut les versions en ligne du traitement de texte Word, du tableau Excel, du diaporama Powerpoint et de la messagerie Exchange. Ces services en ligne pourront être dorénavant loués, ce qui pourrait permettre aux entreprises de les utiliser plus facilement tout en s’abstenant d’acheter, d’installer et d’assurer la maintenance des logiciels. Les entreprises qui s’engageraient dans la voie du cloud computing pourraient en tirer quatre bénéfices majeurs (Caenen, 2011) : (i) une diminution des coûts d’infrastructure susceptible d’abaisser les barrières à l’entrée (notamment dans l’édition et la commercialisation de logiciels en mode Software as a Service, SaaS) et de dégager des capacités d’investissements dans des projets qui impactent directement l’activité de l’entreprise (recherche de gains de compétitivité). (ii) une simplification de la façon de construire et de consommer les services des technologies de l’information, les entreprises disposeraient ainsi plus rapidement des applications métier dont elles ont besoin (les petites entreprises auraient ainsi recours à des moyens de calcul intensif dans le secteur du multimédia) ; (iii) une transformation des entreprises par le déploiement rapide de nouvelles activités opérationnelles (les entreprises seraient ainsi plus réactives, elles pourraient expérimenter de nouveaux services et les redéployer massivement sans investir dans des salles informatiques) ; (iv) la multiplication des innovations de rupture et la recomposition des chaines de valeur (accès immédiat aux marchés mondiaux pour les nouveaux produits et services, conception collaborative de nouveaux produits, partage des informations sur la supply chain…).
14D’une certaine manière, le logiciel libre (qui mutualise la R&D et la maintenance) et le cloud computing seraient en train de transformer notre rapport à l’innovation [11], nous serions proches, comme le souligne Denis Ranke, d’une « innovation destructrice telle que la conçoit Joseph Schumpeter, c’est-à-dire une innovation capable de changer les positions sur le marché » (2011, p. 67). Le cloud computing pourrait bien représenter 20 à 25 % du marché informatique à l’horizon 2020. Dans un rapport intitulé Economic and Social Impact of Software & Software-Based Services (2010) et réalisé par le Cabinet PAC (Pierre Audion Consultants) pour le compte de la Commission Européenne, cette dernière fait du Cloud Computing, une priorité pour les 10 prochaines années : « The study analyses the development of the software market and industry from today until 2020 and develops strategic recommendations to improve the competitive position of the European software industry. The ‘package of recommendations’ as described below is twofold: on one hand it addresses the support of developments in the direction of Cloud Computing, Mobility and Open Source Software, which will be of benefit for the European software market and industry. On the other, it addresses obstacles like market fragmentation, lack of standards and interoperability, procurement policies, skills, R&D financial support and lack of networks, which hinder the development of competitive software industry » (2010, pp. 5-6).
15(3) Le métabolisme industriel donne une cartographie de l’ensemble des composants biophysiques du système industriel. En pratique, il consiste à établir des bilans de masse décrivant le substrat matériel et immatériel de toute activité socio-économique et ses interactions avec l’environnement. L’analyse du cycle de vie des produits (Life Cycle Analysis) est généralement couplée avec celle du coût du cycle de vie (Life Cycle Costing), laquelle consiste à mesurer les coûts à chaque étape du cycle de vie d’un produit ou d’un service. Ainsi l’ingénieur aurait en sa possession un outil lui permettant de choisir la combinaison la plus efficiente (du point de vue technique, environnemental et économique).
16Si la dématérialisation est présentée comme une solution viable en matière de développement durable, elle soulève dans le même temps, quelques interrogations, en particulier lorsqu’il s’agit d’évaluer les réels bénéfices de l’innovation.
17La première interrogation renvoie au mythe de l’innovation. Le développement des activités humaines nous a longtemps laissé croire que la solution résidait dans l’amélioration des techniques. Or celles-ci se réduisent souvent à un gain de productivité, elles ne répondent pas à la question de la croissance « exponentielle » de la consommation des ressources naturelles. L’histoire économique (notamment les différentes révolutions industrielles) tend à montrer que tous les grands bonds du progrès technologique ont été déclenchés par la découverte et la maîtrise d’une nouvelle source d’énergie et que les innovations ont été suivies d’un accroissement substantiel de la consommation de cette énergie. Heimz Schandl et Graham Turner (2009, p. 865) notent à ce sujet que « Historical research has shown that for many industrial economies, carbon intensity has been continuously decreasing for more than a century… At the same time, overall carbon emissions have grown exponentially ». Le phénomène plus connu sous le nom « d’effet rebond » ou de « paradoxe de Jevons » (Schipper, 2000 ; Huesemann, 2003), rappelle ainsi que toutes les nouvelles technologies entraînent une augmentation de la consommation globale. Ainsi, les gains potentiels dus aux perfectionnements techniques seraient plus que compensés par l’accroissement des quantités consommées.
18Les effets rebond sont généralement classés en trois catégories ; effet direct, indirect ou macroéconomique. Les rebonds à effet direct peuvent être décomposés en deux sous-effets : (i) effets revenus ou produits (les consommateurs peuvent répondre à la diminution des prix ou/et l’augmentation de leurs revenus en augmentant leur demande pour le service énergétique, les entreprises peuvent réagir en augmentant l’utilisation de cette énergie dans leur production) et (ii) effets de substitution (les consommateurs peuvent répondre à la baisse du prix d’un service énergétique en substituant ce service à d’autres de manière à consommer encore plus de biens, les entreprises peuvent utiliser le service énergétique le plus économique pour d’autres inputs). Greening et al. (2000), Sorrell (2007) ont estimé que les rebonds à effet direct dans le cas de services aux consommateurs (utilisation de la voiture et du chauffage) pouvaient réduire de 10 à 30 % les gains potentiels d’une innovation dans les pays développés. Dans le secteur informatique, Suren Erkman note que « les ordinateurs étaient censés reléguer le papier au rang de curiosité historique…or c’est exactement l’inverse qui s’est produit : aux États-Unis, la consommation annuelle de papier à écrire et à imprimer est passée de 7 à 22 millions de tonnes entre 1956 et 1986 » (1998, p. 90). À côté des rebonds à effet direct, il existe également des rebonds à effet indirect. Sorrell (2007) a montré que les investissements et les technologies d’économie d’énergie nécessitaient de l’énergie pour être mises en place, dès lors, cette dépense d’énergie destinée aux améliorations elles-mêmes pouvait réduire les économies d’énergies réalisées. Ainsi, l’isolation thermique permet de réduire la consommation d’énergie et fournit un certain confort dans une résidence, cependant les matériels d’isolation ont besoin d’énergie pour être fabriqués, transportés et installés. Dominique Bourg rappelle que « les ordinateurs consomment moins qu’il y a 10 ou 15 ans, mais le nombre d’utilisateurs a considérablement augmenté, et les appareils sont plus puissants ; leur usage s’est transformé et démultiplié. On s’attend ainsi à ce que la consommation d’électricité relative à l’informatique triple d’ici à 30 ans à l’échelle de la planète » (2010, p. 1). Enfin, les améliorations de l’efficacité énergétique à l’échelle microéconomique peuvent se combiner et générer plusieurs mécanismes macroéconomiques : des effets sur les prix du marché (la baisse des prix du marché de l’énergie favorise une plus grande utilisation générale des services liés à l’énergie et une reprise de la demande d’énergie), des effets composites (l’efficience énergétique dans les processus de production favorise les secteurs les plus énergivores, des secteurs pour lesquels les consommations d’énergie représentent une part importante des coûts de production, un tel résultat peut entraîner une augmentation de la demande pour les biens et les services à forte intensité énergétique, puis au final un changement global de la spécialisation du pays) ou des effets sur la croissance économique (une augmentation globale de la productivité énergétique de l’économie stimule davantage la production et la croissance, ce qui peut entraîner une augmentation de la demande d’énergie). Lorsque les mécanismes de rebond (directs, indirects et macro-économiques) se combinent, les économies d’énergie réalisées risquent de ne pas être à la hauteur des attentes. Dans le dernier rapport de l’Institut Breakthrough (2011), Jenkins, Nordhaus et Shellenberger ont conclu que « improvements in energy efficiency will have correspondingly greater impacts on economic growth, driving a much larger rebound in the consumption energy (and other economic inputs) than otherwise predicted » (2011, p. 26). La dématérialisation impliquerait donc une réflexion sur les moyens de rendre les services plus frugaux en matière et en énergie.
19La deuxième interrogation concerne la place et l’ambivalence des services dans nos sociétés. Si la dématérialisation doit passer par une tertiairisation de l’économie, il convient de noter que l’économie des services pose d’importantes limites à la réduction des flux de matières et d’énergies. Les NTIC, véritable incarnation technologique des services [12], ne se réduisent pas à une diminution des déplacements grâce aux échanges à distance. D’une part, les NTIC occasionnent une empreinte énergétique croissante sur l’ensemble de l’écosystème (du point de vue de l’empreinte carbone, les NTIC seraient actuellement au niveau du transport aérien avec cependant une croissance plus élevée). Ce dilemme a été clairement rappelé dans deux rapports, réalisés pour le compte du Ministère de l’industrie. Le rapport DETIC (2009) précise que les centres de données et les salles informatiques (data centers) en Europe ont vu leur demande énergétique augmenter d’une manière significative, « entre 2003 et 2006, la consommation énergétique des équipements et des infrastructures pour serveurs a progressé de près de 35 % » (Petit, 2009, p. 124). Selon l’IDIC pour 2006 – 2011, la demande en énergie des centres de données devrait passer de 37 TWh à 77 TWh si aucune mesure n’est prise (les auteurs du rapport estiment qu’une action concertée dans ce domaine aurait permis d’économiser près de 12 milliards d’euros en coûts énergétiques sur cette même période, soit une économie d’énergie d’environ 60 % par rapport à l’évolution d’un scénario du type « laisser-faire »). Le rapport Technologies 2015 note quant à lui que « les TIC peuvent en effet avoir un effet de levier considérable autour des problématiques de développement durable et contribuer à une réduction des émissions carboniques par une réduction des déplacements (visioconférences, télé-relève). Les TIC pourraient contribuer à réaliser un tiers des réductions d’émissions de GES (gaz à effet de serre) fixées par le gouvernement à l’horizon 2020. Dans le même temps, le secteur des TIC doit apprendre à gérer les consommations qu’il induit, puisqu’il représente près de 15 % de la consommation électrique » (Ranke, 2011, p. 65). D’autre part, les NTIC restent encore fortement liées aux biens matériels. Or ces derniers sont très gourmands en inputs et en intrants (tableaux 1 et 2).
Marché mondial des NTIC
Marché mondial des NTIC
Consommation énergétique de différents composants matériels
Consommation énergétique de différents composants matériels
20Enfin, une étude intitulée Computers and the Environnement, réalisée par Ruediger Kuehr et Eric Williams (2003) pour le compte de l’ONU, a révélé que les composants électroniques assemblés dans les ordinateurs étaient un danger avéré pour l’environnement. Ces chercheurs ont établi que pour produire un ordinateur de bureau avec un écran de 17 pouces, soit 24 kg de matière utilisée, il fallait l’équivalent de près de deux tonnes de ressources naturelles : soit 240 kg de combustible, 22 kg de produits chimiques et près de 1,5 tonne d’eau claire [13]. La fabrication d’une puce mémoire de 32MB DRAM en silicium de 2 grammes, pièce qui permet de transformer l’information au sein de chaque ordinateur, nécessite 1,2 kg de matières fossiles, 72 grammes de produits chimiques et 32 litres d’eau pure. La quantité de matière et d’énergie nécessaire pour produire une puce est ainsi disproportionnée par rapport à la taille du produit (équivalent de 600 fois son poids). Par comparaison, les combustibles fossiles nécessaires à la production d’une automobile ne représentent qu’une à deux fois son poids (Grégoriades, 2007). Cette soif de matière et d’énergie [14] génère également des problèmes de toxicité (plomb dans les tubes cathodiques des écrans, cadmium pour les revêtements de protection, mercure et lithium dans les batteries, aluminium dans les disques durs…) et de recyclage des produits (plus de 150 millions d’ordinateurs sont aujourd’hui vendus dans le monde par jour).
21La troisième interrogation concerne l’articulation entre dématérialisation et durabilité. Il est en effet possible que la dématérialisation du produit s’accompagne d’une matérialisation de sa consommation (Azam, Pouchol, 2009). Ceci est notamment le cas lorsque l’on achète de plus en plus de biens fragiles et difficilement réparables. Selon une étude LH2 réalisée en avril 2009 pour le compte du Comité 21, les moins de 35 ans témoignent d’une connaissance du concept de développement durable supérieure à la moyenne (42 % contre 39 %), cependant « ils sont dans le même temps sujets à des comportements d’hyperconsommation, caractérisés par un renouvellement accéléré de l’achat – notamment les produits high-tech à la fois gourmands en énergie et soumis à une obsolescence rapide – et par une faible prise en compte du caractère de durabilité ou de l’empreinte environnementale du produit ou du service » (CAS, 2011, p. 3). S’il convient de penser les économies de flux à la fois en termes de production et de consommation (Bourg, 2010), encore faut-il que l’offre durable soit abondante et visible sur les marchés, ce qui est loin d’être le cas.
La modification des modes de production et de consommation
22À la fin des années 1980, Frosch et Gallopoulos avaient précisé qu’un écosystème industriel efficace ne s’établirait que « si les réformes de la production s’accompagnent de modifications des habitudes de consommation et des traitements des produits consommés (exemple du tri des ordures bien présent dans des pays comme le Japon, la Suède et la Suisse) » (1989, p. 114). L’écologie industrielle en appelle ainsi à de profonds changements dans les modes de production et de consommation. Il s’agit d’initier un schéma de Sustainable Production and Consumption (Tukker, Cohen, Hubacek, Mont, 2010). Les économies d’énergie et le recyclage constituent aujourd’hui une première étape dans ces changements. Il faut néanmoins aller plus loin. La structure sociale et économique de nos modèles a quelque chose de pervers : le fait qu’une entreprise cherche à grossir aussi vite que possible (taille critique) pour tirer les fruits du système capitaliste (rentabilité à court terme), amène cette dernière à s’engager dans un processus continu d’innovations (logique schumpeterienne de la création-destruction) afin de mettre sur le marché des produits et des services de moins en moins chers. Jackson (2009) propose de développer une « macroéconomie de la soutenabilité », autrement dit, un modèle économique qui ne se contente pas d’associer des valeurs écologiques à différents scénarii de croissance, mais qui propose une relecture de la logique sociale qui anime le consumérisme en stimulant des valeurs hédoniques (acceptation de soi, altruisme, auto responsabilisation…). Les modèles économiques doivent être adaptés pour fournir des « capabilities for flourishing within limits » (2009, p. 107).
23Les changements envisagés mettent en évidence le rôle de l’État, des entreprises et des consommateurs. L’État a un rôle clé, il doit insuffler une véritable dynamique à l’aide d’instruments tels que les subventions (financement des éco-labels, encouragement des initiatives spontanées telles que les circuits courts, AMAP), la fiscalité (reformulation d’une taxe climat énergie, crédit d’impôt sur les énergies renouvelables, tarifs progressifs sur l’eau et l’électricité, système bonus – malus), la formation (éducation au développement durable dès le plus jeune âge, sensibiliser les adultes à des moments clés de la vie ), les dispositifs institutionnels (télétravail, signes distinctifs tels que les labels, l’éco-conception…) et le financement de la recherche (investissements dans l’innovation technologique mais également sociale). Les politiques publiques en matière de consommation durable devront s’attacher à prendre en compte les aspects psychosociaux de la consommation, les systèmes de valeurs et les réflexes routiniers des consommateurs. Malheureusement, tant que la stabilité économique dépendra de la croissance intensive et extensive, tout porte à croire que l’État sera tiraillé entre deux objectifs : soutenir les structures sociales qui renforcent la matérialisation de la consommation afin de continuer à doper la croissance, et donner une réelle impulsion à la consommation durable.
24De leur côté les entreprises vont devoir réinventer les conditions d’émergence et de mise en place de l’innovation. Il faut ainsi analyser dans quelles conditions, elle peut être techniquement, socialement et économiquement viable. La mise en œuvre de nouveaux équipements (éco-innovation) et la mise au point de nouveaux produits (prévention et gestion des déchets dans le cycle du produit) doivent prendre en compte l’ensemble des valeurs sociétales dont la préservation de l’environnement fait partie. Le réel challenge consiste à donner une certaine cohérence à un ensemble d’actions et de pratiques. L’éco-innovation doit engendrer des modèles de consommation de nouveaux produits et de services qui ont un faible impact sur l’environnement (Kaenzig, Wüstenhagen, 2009). L’éco-efficience doit initier un véritable déplacement sémantique, de la coopération et de la compétition vers la coopétition, c’est-à-dire d’une réflexion linéaire (analyse du processus industriel et de sa rentabilité à court terme) vers une approche circulaire (partage des données, circuit fermé, analyse collective du besoin du client). L’approche en termes de supply chain, qui suppose que l’on étudie toutes les différentes étapes de la création de la valeur, doit internaliser les différents impacts des produits et des services sur l’environnement. Au final, l’identité et l’objectif de l’entreprise doivent s’aligner sur sa contribution sociale et écologique (Gladwin, 2000). C’est un véritable défi à long terme car les questions que doivent se poser les industriels (quelle est l’empreinte écologique et sociale de mon activité ? Mes clients ont-ils réellement besoin de nos produits ou simplement de leurs fonctions ou services ? Est-ce que les efforts sont concentrés sur les produits de nécessité ? Est-ce qu’une valeur « authentique a été créée ? …) butent trop souvent sur la nécessité de faire du profit et de réduire les coûts. La mise en œuvre du développement durable doit donc entraîner des changements radicaux dans la stratégie des entreprises, dans la motivation de leurs dirigeants, dans l’utilisation des systèmes d’information… Les industriels ne doivent pas se contenter de vendre des green products [15], ils ont également l’obligation d’amener les consommateurs à demander des biens ayant une valeur environnementale plutôt que des biens énergivores en matière et en énergie (il s’agit de réduire l’empreinte carbone). Cette révolution passe par des programmes d’apprentissage interne (culture d’entreprise, citoyenneté, civisme) pour stimuler la prise de conscience, diffuser les valeurs organisationnelles et les principes éthiques, sceller des partenariats avec d’autres entreprises, instaurer un climat de confiance vis-à-vis des consommateurs… Les entreprises qui parviendront avec succès à capter l’attention du futur consommateur seront celles qui auront réussi à instaurer une nouvelle vision de la consommation, « a sustainable consumption ». Selon Randall Krantz (2010, p. 7), « sustainability can serve as an innovation platform to reinvigorate the global economy, aligning improved living standards with less reliance on consumption of natural resources ».
25Cette “consommation soutenable” (Tukker, Cohen et al., 2006) implique que les consommateurs agissent en citoyens, et non plus en tant que maximisateurs d’utilité. Il sera donc nécessaire de se focaliser sur le comportement et la structure des choix du consommateur. La consommation soutenable (ou durable) implique un triple changement (Laville, 2011, p. 29) : (i) un changement dans les finalités de la consommation (qui ne doit plus apparaître comme la principale voie d’accès au bien-être et le symbole majeur des relations sociales) ; (ii) un changement dans les pratiques et les comportements (amenant les citoyens à satisfaire leurs besoins par une consommation plus respectueuse des hommes et de la planète) ; (iii) un changement de culture et des modes de vie (visant à rééquilibrer l’ensemble des valeurs matérielles et immatérielles, les objets relatifs à un échange ou non marchands…). L’éducation au développement durable devient ainsi une question vive, à laquelle industriels [16], politiques [17], associations [18]… doivent apporter une réponse.
26Cette réponse passera forcément par un rééquilibrage des forces, les trois dimensions du développement durable (économie, environnement, social) doivent donner lieu à un égal traitement (Diemer, 2010). Les industriels qui initieront une telle démarche (analyse transdisciplinaire) seront capables d’apporter des solutions innovantes. Ils pourront, par la même occasion, fournir une information appropriée auprès de consommateurs qui aspirent à faire des « choix soutenables » (prix, qualité, origine, marque, impact environnemental…). Sans ce sursaut collectif, l’espèce humaine risque de découvrir les méfaits de la « bulle environnementale » (Munasinghe, 2010).
Conclusion
27À la fin des années 1980, la communauté des ingénieurs a cherché à répondre à la question environnementale en proposant un corpus théorique (écologie industrielle) reposant sur la mise en valeur de la technologie. L’innovation technologique (destinée à réduire les déchets et à économiser les flux de matières et d’énergie) et l’innovation organisationnelle (la symbiose industrielle de Kalundborg) furent ainsi présentées comme des solutions viables à court et long terme (valorisation systématique des déchets, bouclage des cycles, dématérialisation des produits, décarbonisation de l’énergie). La mise en évidence des effets rebond et des coûts cachés (dépenses énergétiques des NTIC) a cependant montré que la technologie ne pouvait résoudre, à elle seule, tous les maux de la société. Les industriels et les consommateurs doivent procéder à un ensemble d’opérations de rationalisation dans leurs modes de production (éco-conception, labels, comptabilité environnementale…) et de consommation (rééquilibrage entre le matériel et l’immatériel, meilleure perception du rapport qualité-prix, comportements plus favorables au progrès social, valorisation du non marchand). Il ne s’agit pas d’un retour à la bougie, mais d’initier un profond changement dans la société. La décroissance prônée par Nicholas Georgescu-Roegen (1995) et les tenants de l’écologie politique, doit nous engager dans cette voie. Il convient de substituer le développement qualitatif à la croissance quantitative et exponentielle. C’est à ce prix qu’il sera possible de découpler la croissance économique et les atteintes à l’environnement.
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Mots-clés éditeurs : ecosystème, métabolisme, innovation organisationnelle, dématérialisation, technologie
Mise en ligne 21/02/2012
https://doi.org/10.3917/inno.037.0073Notes
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[1]
La relation entre technologie (discours sur les techniques) et innovation doit être précisée ici. D’un point de vue étymologique, le mot technologie vient du grec technología (??????????). Il renvoie à l’état de l’art (sciences appliquées), aux savoir-faire (artisanat, procédés) et aux outils utilisés (machines). Il inclut ainsi la connaissance, les compétences, les métiers… Par extension, la technologie constitue un discours sur les techniques (ensemble de procédés employés pour produire une œuvre) et peut également se référer aux systèmes ou aux méthodes d’organisation susceptibles de mettre en place les savoir-faire. L’innovation est quant à elle le résultat de l’action d’innover. Le terme, emprunté au latin « innovatio », traduit les idées de changement, de création, de nouveauté. Dans ce qui suivra, nous considérerons que la technologie constitue un moyen d’innover, une fuite en avant vers la création. Cette articulation entre innovation et technologie est d’ailleurs contenue dans l’expression « innovation technologique », retenu par l’OCDE (manuel d’OSLO, 1992) pour expliquer les changements qui se produisent au sein de la firme considérée individuellement : « On entend par innovation technologique de produit la mise au point/commercialisation d’un produit plus performant dans le but de fournir au consommateur des services objectivement nouveaux ou améliorés. Par innovation technologique de procédé, on entend la mise au point/adoption de méthodes de production ou de distribution nouvelles ou notablement améliorées. Elle peut faire intervenir des changements affectant – séparément ou simultanément – les matériels, les ressources humaines ou les méthodes de travail » (1997, p. 9).
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[2]
“If it looks as it does, this is just as obviously due to the unremitting efforts of people to improve according to their lights upon their productive and commercial methods, i.e., to the changes in technique of production, the conquest of new markets, the insertion of new commodities, and so on. This historic and irreversible change in the way of doing things we call "innovation" and we define: innovations are changes in production functions which can-not be decomposed into infinitesimal steps” (Schumpeter, 1935, p. 4).
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[3]
L’Union européenne s’est saisie de ce dossier dans le milieu des années 1990. La stratégie communautaire pour la gestion des déchets (30/07/1996) insiste à la fois sur la responsabilité du producteur (Gillet, 2002) et la nécessité de couvrir l’ensemble du cycle de vie des produits (principes 24, 25 et 26 de la directive européenne). Le 6e programme communautaire d’action pour l’environnement (il couvre la période allant du 22 juillet 2002 au 21 juillet 2012) s’est donné pour objectif de réduire de 50 % la quantité finale de déchets ménagers et assimilés en 2020 (20 % en 2010) et de 70 % des déchets générés par les activités de BTP (Ranke, 2011). La directive 2008/98/CE sert aujourd’hui de base à la règlementation européenne en matière de déchets.
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[4]
En France, c’est l’article 46 de la loi n°2009-967 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’Environnement, qui est consacrée à la gestion des déchets. Les objectifs nationaux visent à améliorer le taux de recyclage matière et organique à 35 % en 2015 (45 % en 2020) et à porter le taux de recyclage des déchets d’emballages ménagers et déchets banals des entreprises à 75 % en 2012.
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[5]
L’aluminium est présent dans un grand nombre de produits : boîtes de conserves, emballages de café, gâteaux et chocolat, barquettes de surgelés, aérosols, cosmétiques. Il a une position stratégique dans les industries aérospatiales (fusée Ariane, Airbus…), automobiles, ferroviaires…
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[6]
Il s’agit d’une roue polarisée qui tourne à 2600tr/mn, à côté du tapis sur lequel circulent les déchets. La roue polaire composée en périphérie de pôles d’aimant nord et sud alternés, crée par sa rotation un champ magnétique alternatif. Ce champ magnétique alternatif induit un courant alternatif dans les emballages aluminium passant à proximité. L’opposition de phase entre le champ magnétique alternatif de la roue polaire et le champ magnétique résultant du courant alternatif induit dans l’aluminium provoque l’éjection des nodules d’aluminium. Selon leur poids, les déchets d’aluminium sont éjectés à l’horizontale (c’est le cas des bricks de lait qui comportent une feuille d’aluminium) ou selon une parabole (les boîtes de boisson). Ils tombent dans des bacs distincts pour être recyclés de manière différente.
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[7]
Ce capteur se présente sous la forme d’un tiroir placé sous la bande de convoyage. Dans ce tiroir est placée une matrice magnétique permettant de localiser un ou plusieurs objets, grâce à une électronique performante et un calculateur ultra rapide qui permet de faire face à des flux très élevés. Dans le cas de l’aluminium, ce capteur est capable de spécifier s’il s’agit d’un produit rigide ou semi-rigide (boîte de conserve, barquette, aérosol…) ou d’un produit souple (briques de lait…)
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[8]
Trommel ou séparateur hydraulique qui se base sur les différences de densité, de forme, de portance de l’air… Cette technologie intervient en tant que préparateur de flux, facilitant la séparation des déchets.
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[9]
Christensen (2006, p. 2) parle de « Collaboration between different industries for mutual economic and environmental benefit ».
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[10]
Chertow (2007, p. 13) a identifié ce que l’on pourrait appeler des pré-conditions à la symbiose (collaboration, effets de synergie offerts par la proximité géographique), il s’agit notamment de répertorier les externalités positives (partage d’une ressource ou d’une matière, solution technique…).
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[11]
En 2009, le rapport Développement Eco-responsable et TIC (DETIC) établi par Michel Petit pour le compte du Conseil Général de l’Industrie de l’Énergie et des Technologies, soulignait que l’arrivée de l’Internet, des objets et du « Cloud Computing » allait changer profondément le paysage de l’usage des TIC. Le rapport préconisait la mise en place « d’un observatoire de recherche stratégique sur les impacts du "Cloud Computing" et de lancer des travaux de recherche sur les innovations autour du ‘Cloud Computing’ pour favoriser leur développement en France » (2009, p. 20). Ces activités pourraient être prises en charge par les Pôles de Compétitivité, fédérant l’action des industriels, des centres de recherche académiques et de l’INRIA.
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[12]
Ranke (2011) précise que le secteur des technologies de l’information et de la communication(TIC) est devenu en l’espace de quelques années un segment majeur de l’économie des principaux pays industrialisés avec une contribution directe de 5,9 % du PIB en Europe (et 7,5 % aux États-Unis). Au-delà du secteur lui-même, les TIC contribuent au développement de tous les autres secteurs économiques, les TIC représentant en effet plus de 50 % de la croissance de la productivité en Europe.
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[13]
Précisons que ces calculs ne prennent pas en compte le bilan carbone lié aux différents transports de ces équipements (logique de délocalisation et d’externalisation) jusqu’au client final et la consommation électrique nécessaire pour les faire fonctionner.
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[14]
D’après le rapport Mobile Toxic Waste du Basel Action Network (BAN, 2007), les téléphones portables sont composés (en poids) en moyenne de 45 % de plastiques (PVC, ABS enduit de bromure retardateur de flamme), 40 % de circuits imprimés, 4 % pour l’affichage à cristaux liquides, 3 % de magnésium, 8 % de métaux dispersés (cadmium, mercure…).
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[15]
Doreen Fedrigo et John Hontelez (2010, p. 11) s’interrogent sur la pertinence du concept « green growth » : “Green growth is a term more often used now, especially in the framework of the various economic recovery and stimulus packages, although it is still unclear what precisely this phrase means”.
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[16]
Ouvert en 1997 par HP et Noranda, le centre de recyclage informatique de Roseville en Californie, traite entre 3000 et 4000 tonnes de matériel par mois. Les ordinateurs, les serveurs et les imprimantes y sont broyés. La matière première (le plastique) ainsi obtenue, est revendue. HP a également mis en place un programme d’incitation au recyclage à destination des consommateurs : une collecte à domicile facturée de 13 à 34 dollars, en échange d’un coupon pour une réduction jusqu’à 50 dollars sur un achat de produit HP.
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[17]
Aux États-Unis, l’État du Maine a voté en 2005 une loi obligeant les fabricants informatiques à prendre financièrement en charge le recyclage de leurs produits. Il fut suivi par l’État de Washington en 2006. L’État de Californie a choisi d’imposer au consommateur une taxe supplémentaire à l’achat, qui alimente un fonds destiné aux fabricants qui recyclent. Au final, ce sont près de 30 États qui ont étudié le dossier des déchets électroniques.
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[18]
Aux États-Unis, les associations Computer Take Back Campaign et As You Show militent auprès des entreprises d’informatique (intervention à l’occasion des assemblées générales d’actionnaires) et des législateurs pour réduire les risques sanitaires et environnementaux posés par l’accumulation de matériel informatique vétuste, porteur de métaux toxiques comme le mercure, le plomb…).