Notes
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[1]
2016 est la dernière année où le nombre de divorces est issu des seules décisions de justice. À partir de 2017 (application de la loi du 18 novembre 2016), les divorces peuvent également prendre la forme d’un acte d’avocat, enregistré par un notaire : cela représenterait environ 26 000 divorces par consentement mutuel en 2017 et 50 000 en 2018 (Haut Conseil de la famille, de l’enfance, et de l’âge, 2020).
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[2]
Nombre de divorces dans une promotion fictive de 100 mariages dont les taux de divorce seraient à chaque durée de mariage égaux à ceux observés l’année considérée (Insee).
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[3]
Pendant les dernières années, l’indicateur conjoncturel de divortialité s’est stabilisé, voire, a légèrement diminué (2010-2014).
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[4]
Il s’agit ici des ruptures de Pacs pour séparation, une autre part s’expliquant par un mariage (qui se substitue alors au Pacs).
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[5]
Première union pour le premier des conjoints répondant à l’enquête, mais pas nécessairement pour son ou sa partenaire.
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[6]
La diversification des formes conjugales s’est en effet accompagnée d’une augmentation constante de la part de naissances hors mariage, de moins de 7 % en 1970 à 62 % en 2020.
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[7]
Au total, 28 % des enfants ne résident qu’avec un seul de leurs parents (en famille monoparentale ou au sein d’une famille recomposée), soit environ 4 millions d’enfants.
Au cours des dernières décennies, les trajectoires conjugales se sont diversifiées et l’on observe notamment une multiplication des expériences conjugales à l’échelle de la vie. Les parcours de vie des enfants et leur environnement familial s’en sont trouvés profondément modifiés. Ce « point de repère » propose un panorama général des séparations et présente les configurations familiales contemporaines les plus fréquentes ainsi que différentes formes de fragilités qui entourent la séparation.
Des unions moins durables qu’autrefois
1 Sur le temps long, le nombre annuel de divorces a fortement augmenté en France entre le début des années 1970 et le milieu des années 1980 (voir figure 1), une augmentation soutenue, entre autres, par l’introduction du divorce par consentement mutuel en 1975. Il s’est ensuite stabilisé autour de 120 000 (124 800 en 2016 [1]), avec un pic en 2005 suite à l’adoption de la loi 2004-439 du 26 mai 2004 visant à simplifier, pacifier et accélérer les procédures de divorce. L’indicateur conjoncturel de divortialité [2] est ainsi passé de 12 divorces pour 100 mariages en 1970 à 47 en 2016, marquant une tendance bien plus forte aux séparations de nos jours [3] (Bellamy, 2016).
2 Toutefois, la statistique du divorce offre une vision très incomplète des séparations. Au cours de la même période en effet, le nombre de mariages n’a cessé de décliner au profit de l’union libre et plus récemment du Pacs (voir figure 1) et, entre 2011 et 2014, environ 265 000 ruptures d’unions libres et 31 800 ruptures de Pacs ont eu lieu par an [4], soit plus que le nombre annuel moyen de divorces pour la même période (128 700). Bien que cela tienne en partie au fait que chaque année se forment davantage de nouvelles unions libres que de nouveaux mariages et que ces mariages suivent le plus souvent une période de cohabitation, les personnes en union libre ont, à tout âge, une probabilité plus forte de se séparer que les personnes mariées ou pacsées (Costemalle, 2017, p. 103). Notons également que les unions de même sexe (les couples de femmes plus encore que des couples d’hommes) se révèlent moins durables que les unions hétérosexuelles (Marteau, 2019).
Évolution du nombre annuel de mariages, Pacs, naissances hors mariage et divorces depuis 1970
Évolution du nombre annuel de mariages, Pacs, naissances hors mariage et divorces depuis 1970
Champs : Mariages, divorces, naissances hors mariage : France métropolitaine. Pacs : France hors Mayotte jusqu’en 2013 et y compris Mayotte à partir de 2014.3 Outre la forme de l’union, la présence d’enfants est un autre facteur à prendre en compte pour analyser les ruptures car elle réduit la probabilité de se séparer, notamment au sein des unions libres (Žilincíková, 2017). Cette tendance peut tenir à un effet de sélection : le souhait d’avoir des enfants est davantage l’apanage de couples qui se projettent dans la durée. Enfin, certains parents, une fois prise la décision de se séparer, continuent à vivre sous le même toit, parfois plusieurs années, afin de préserver leurs enfants de la séparation (Rault et Régnier-Loilier, 2020).
4 Globalement, tous types d’unions et de situations parentales confondus, la propension à se séparer n’a cessé d’augmenter au cours des dernières décennies. Un quart des premières unions cohabitantes [5] débutées entre 2000 et 2009 étaient rompues avant leur cinquième anniversaire contre moins d’une sur dix parmi celles débutées trente ans plus tôt (voir Figure 2).
Part des premières unions toujours en cours à différentes durées d’union, par cohorte
Part des premières unions toujours en cours à différentes durées d’union, par cohorte
Champ : Première union cohabitante (données pondérées).Lecture : 75 % des unions débutées entre 2000 et 2009 étaient toujours en cours avant leur cinquième anniversaire.
Diversification des configurations familiales dans lesquelles vivent les enfants
5 Que les unions rompues aient été ou non contractualisées, elles impliquent bien souvent des enfants mineurs [6] (environ 380 000 enfants chaque année). C’est majoritairement le cas des divorces, soit 68 %, contre 44 % des ruptures d’une union libre ou d’un Pacs (41 %) (HCFEA, 2020).
6 Les séparations parentales viennent redéfinir la morphologie des familles. En 2016, parmi les familles comptant au moins un enfant mineur, 77 % étaient des couples avec enfant(s) et 23 % des familles monoparentales (la mère étant à la tête du foyer dans 8 cas sur 10) (Insee, 2020). Ces dernières sont en constante augmentation depuis le milieu des années soixante-dix ; elles représentaient alors moins de 8 % des familles (Bodier et al., 2015) et résultaient majoritairement du décès d’un des conjoints, tandis qu’aujourd’hui elles sont dans plus de trois quarts des cas consécutives à une séparation.
7 Ces ruptures d’union s’accompagnent régulièrement de recompositions familiales, à la faveur des remises en couple plus fréquentes. Les structures familiales dans lesquelles évoluent les enfants se sont ainsi largement diversifiées. En 2018, 68 % d’entre eux vivent avec leurs deux parents, 21 % dans une famille monoparentale et 11 % dans une famille recomposée (Algava et al., 2020) [7]. Parmi les familles recomposées, 48 % comprennent à la fois des enfants issus du couple actuel et des enfants issus de l’union précédente de l’un ou des deux conjoints ; 10 % comprennent des enfants sans lien de parenté, que chacun des conjoints a eus d’une précédente union (Bloch, 2020). À ces situations résidentielles s’ajoutent de nombreuses autres configurations familiales qui varient selon le jour, la semaine ou la période de l’année en fonction du lieu de résidence des enfants chez leurs parents respectifs (Lapinte et Buisson, 2017). Celles-ci sont toutefois plus difficilement repérables de façon précise dans la statistique.
Lieu de résidence des enfants et parentalité
8 La loi du 4 mars 2002 relative à l’autorité parentale a instauré le principe de la coparentalité par-delà la séparation comme norme juridique de la parenté, autour de la notion « d’intérêt de l’enfant », invitant au maintien du lien entre les enfants et leurs deux parents. Si le principe de l’autorité parentale partagée est très largement appliqué (dans 98 % des divorces et 93 % des séparations de parents non mariés), la résidence partagée reste minoritaire en France : 86 % des enfants dont les parents ne vivent pas ensemble résident principalement chez leur mère, 2 % chez leur père et 12 % sont en résidence partagée la moitié du temps chez chacun de leurs parents (soit 480 000 enfants), une proportion qui a été multipliée par deux en dix ans (Bloch, 2021). Notons toutefois que si les prévalences sont assez différentes selon la source considérée (données administratives – fiscales, Cnaf –, enquêtes ou encore jugements de divorce) ou le champ (âge des enfants, temps écoulé depuis la séparation), toutes convergent et indiquent une forte augmentation de la résidence partagée, tendance commune à la plupart des pays occidentaux.
9 La proportion d’enfants en résidence alternée croît avec l’âge (Algava et al., 2019). Ce mode de résidence demeure rare pour les enfants en bas âge et il diminue à nouveau dans la deuxième partie de l’adolescence (à partir de 15 ans). Les caractéristiques sociales des parents et le type d’arrangement sont également liés : haut niveau de revenu et diplômes supérieurs sont plus souvent associés à l’alternance de la résidence des enfants. Celle-ci dépend également du degré de judiciarisation de la séparation : elle est plus fréquente dans la procédure de divorce par consentement mutuel (Biland et Gollac, 2020). Notons enfin que les pères les plus engagés dans la parentalité avant la séparation tendent davantage à rester investis auprès de leurs enfants après la séparation (Haux et Platt, 2021).
Séparations et vulnérabilités
10 Les conséquences d’une séparation sont nombreuses, tant pour les parents que les enfants. Du côté des relations intergénérationnelles, l’absence de contact entre un père séparé et ses enfants touche par exemple près d’un enfant mineur sur dix (Régnier-Loilier, 2016). Cet éloignement est plus fréquent en l’absence de résidence alternée dans l’année qui suit la séparation, il est socialement situé (étant davantage le fait des pères les moins diplômés, ayant de faibles revenus) et s’accentue une fois l’enfant devenu majeur.
11 La séparation des parents est en outre associée à un moindre niveau de bien-être des enfants à l’âge adulte (dépression, solitude, stress, évitement de l’attachement) (Schaan et al., 2019) ou encore à un niveau d’éducation et une position sociale plus faibles, notamment chez ceux qui étaient jeunes au moment de la rupture (Le Forner, 2020). Ces liens entre séparation et devenir des enfants sont toutefois difficiles à interpréter car ils relèvent de mécanismes complexes : effets de sélection des parents séparés ou encore effets indirects de la séparation (par exemple, la diminution du niveau de vie après une rupture peut conduire à une augmentation du temps de travail des parents et donc à une baisse du temps passé avec l’enfant).
12 De façon générale, la séparation s’accompagne d’une précarisation sur le plan économique qui, si elle concerne les deux parents, touche davantage les femmes. Une femme sur deux séparée en 2011 (quel que soit le statut conjugal) et ayant la résidence de ses enfants a connu une baisse de son niveau de vie d’au moins 20 % dans l’année qui a suivi, contre une baisse de 10 % pour la moitié des hommes dans la même situation. Si cette diminution des ressources s’atténue dans les années qui suivent, c’est davantage le cas pour les hommes que pour les femmes, à la faveur de remises en couple et d’évolutions professionnelles favorables plus fréquentes pour eux. Pour les femmes, l’atténuation de la perte de ressources tient davantage à leur entrée ou leur retour sur le marché de l’emploi, ou encore à une augmentation de leur temps de travail (Bonnet et al., 2021).
13 Ces différences entre pères et mères séparés se retrouvent dans les conditions de vie des enfants mineurs. En 2018, 41 % de ceux résidant en famille monoparentale vivent sous le seuil de pauvreté monétaire (soit deux fois plus que pour l’ensemble des enfants), le parent avec lequel ils vivent (le plus souvent la mère) n’ayant pas d’emploi dans un tiers des cas. Ils se retrouvent ainsi dans des situations résidentielles plus précaires (logements plus petits et surpeuplés, plus souvent dans le parc locatif et en logements sociaux). Les enfants résidant avec leur père sont mieux lotis : ils sont en moyenne moins nombreux dans le logement que ceux qui résident avec leur mère seule ; la superficie du logement est supérieure et le père en est plus souvent propriétaire ; il est plus souvent en emploi et exerce une profession de cadre (Algava et al., 2021).
14 Au-delà des conséquences économiques, le processus de séparation apparaît aussi comme une période d’exposition aux violences au sein du couple (affectant donc les enfants), soit parce que celles-ci représentent le motif même de la rupture, soit parce que l’un des membres du couple refuse la séparation. Si la décohabitation des ex-partenaires permet parfois de sortir de ces situations, elle ne suffit pas toujours à marquer un coup d’arrêt aux violences entre eux, notamment les faits de jalousie, de dénigrement et les violences verbales qui peuvent perdurer après la séparation (voir Brown et Mazuy dans ce numéro). De façon générale, les femmes sont largement surexposées à ces violences et les atteintes les concernant sont plus graves et ont des conséquences plus durables, allant parfois jusqu’à la peur de se remettre en couple (Brown et al., 2020). Dans la mesure où les conséquences économiques d’une séparation sont en partie amorties par la formation d’une nouvelle union, ces femmes qui restent seules cumulent ainsi les handicaps (conditions économiques dégradées, fragilité psychologique et isolement).
Bibliographie
Bibliographie
- Algava É., Bloch K. et Robert-Bobée I., 2021, Les familles en 2020 : 25 % de familles monoparentales, 21 % de familles nombreuses, Insee Focus, n° 249.
- Algava É., Penant S. et Yankan L., 2019, En 2016, 400 000 enfants alternent entre les deux domiciles de leurs parents séparés, Insee Première, n° 1728.
- Algava É., Bloch K. et Vallès V., 2020, En 2018, 4 millions d’enfants mineurs vivent avec un seul de leurs parents au domicile, Insee Première, n° 1788.
- Bellamy V., 2016, 123 500 divorces en 2014. Des divorces en légère baisse depuis 2010, Insee Première, n° 1599.
- Biland É. et Gollac S. (dir.), 2020, Justice et inégalités au prisme des sciences sociales, rapport final de recherche, Mission de Recherche Droit et Justice.
- Bloch K., 2020, En 2019, 800 000 beaux-parents habitent avec les enfants de leur conjoint, Insee Première, n° 1806.
- Bloch K., 2021, En 2020, 12 % des enfants dont les parents sont séparés vivent en résidence alternée, Insee Première, n° 1841.
- Bodier M., Buisson G., Lapinte A. et Robert-Bobée I., 2015, Couples et familles : entre permanences et ruptures, in Couples et familles, Insee, coll. « Insee Références ».
- Bonnet C., Garbinti B. et Solaz A., 2021, The flip side of marital specialization : the gendered effect of divorce on living standards and labor supply, Journal of Population Economics, vol. 34, n° 2, p. 515-573.
- Brown E., Dupuis J. et Mazuy M., 2020, Au sein du couple, des situations de violences genrées et asymétriques, in Brown E., Debauche A., Hamel C. et Mazuy M., Violences et rapports de genre. Enquête sur les violences de genre en France (chapitre 5), Ined, coll. « Grandes enquêtes », p. 183-215.
- Costemalle V., 2017, Formations et ruptures d’unions : quelles sont les spécificités des unions libres ?, in Formations et ruptures d’unions, Insee, coll. « Insee Références », p. 95-110.
- Haux T. et Platt L., 2021, Fathers’ Involvement with Their Children Before and After Separation, European Journal of Population, n° 37, p. 151–177.
- Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge (HCFEA) 2020, Les ruptures de couples avec enfants mineurs (dossier adopté le 21 janvier).
- Insee, 2020, Familles, Tableaux de l’économie française, Fiche 3.4 « Ménages – Familles », coll. Insee Références, p. 28-29.
- Lapinte A. et Buisson G., 2017, Vivre dans plusieurs configurations familiales, Insee Première, n° 1647.
- Le Forner H., 2020, Age at Parents’ Separation and Achievement : Evidence from France Using a Sibling Approach, Annals of Economics and Statistics, n° 138, p. 107-163.
- Marteau B., 2019, La séparation chez les couples corésidents de même sexe et de sexe différent, Population, vol. 74, n° 4, p. 521-550.
- Rault W. et Régnier-Loilier A., 2020, Continuer à vivre sous le même toit après avoir décidé de se séparer, Population et sociétés, n° 582.
- Régnier-Loilier A., 2016, Séparation conjugale et rupture du lien père-enfants : des causes multiples, in Martial A. (dir.), Des pères "en solitaire" ? Ruptures conjugales et paternité contemporaine, Presses universitaires de Provence, coll. « Penser le genre », p. 29-47.
- Schaan V. K., Schulz A., Schächinger H. et Vögele C., 2019, Parental divorce is associated with an increased risk to develop mental disorders in women, Journal of Affective Disorders, n° 257, p. 91-99.
- Žilincíková Z., 2017, Quel est l’effet des enfants sur la stabilité des mariages et des cohabitations ? Comparaison européenne, Population, n° 72, p. 677-699.
Notes
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[1]
2016 est la dernière année où le nombre de divorces est issu des seules décisions de justice. À partir de 2017 (application de la loi du 18 novembre 2016), les divorces peuvent également prendre la forme d’un acte d’avocat, enregistré par un notaire : cela représenterait environ 26 000 divorces par consentement mutuel en 2017 et 50 000 en 2018 (Haut Conseil de la famille, de l’enfance, et de l’âge, 2020).
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[2]
Nombre de divorces dans une promotion fictive de 100 mariages dont les taux de divorce seraient à chaque durée de mariage égaux à ceux observés l’année considérée (Insee).
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[3]
Pendant les dernières années, l’indicateur conjoncturel de divortialité s’est stabilisé, voire, a légèrement diminué (2010-2014).
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[4]
Il s’agit ici des ruptures de Pacs pour séparation, une autre part s’expliquant par un mariage (qui se substitue alors au Pacs).
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[5]
Première union pour le premier des conjoints répondant à l’enquête, mais pas nécessairement pour son ou sa partenaire.
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[6]
La diversification des formes conjugales s’est en effet accompagnée d’une augmentation constante de la part de naissances hors mariage, de moins de 7 % en 1970 à 62 % en 2020.
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[7]
Au total, 28 % des enfants ne résident qu’avec un seul de leurs parents (en famille monoparentale ou au sein d’une famille recomposée), soit environ 4 millions d’enfants.