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Article de revue

Contrepoint - Coup d'œil sur la loi Loucheur

Page 31

1Parmi les lois qui ont contribué à organiser le secteur du logement social à partir de la fin du XIXe siècle en France, celle qui porte le nom de son promoteur, Louis Loucheur (1872-1931), présente la caractéristique originale de s’être intéressée au mode de financement de la construction dans la perspective d’aider les familles modestes à accéder à la propriété immobilière. Votée en 1928, elle s’inscrit, quoiqu’avec de nombreuses nuances, dans l’esprit des dispositions de deux lois qui l’avaient précédée : la loi Siegfried de 1894, qui avait ouvert la voie en proposant des mesures fiscales incitatives en faveur des accédants à la propriété, et la loi Strauss qui, en 1906, constatant la faible efficacité d’un dispositif seulement fiscal, rendit obligatoire l’instauration d’au moins un comité de patronage des Habitations à bon marché (HBM) dans chaque département et autorisa les communes et les départements à faire des dons de terrains et à cautionner les activités des sociétés HBM.

2D’autres initiatives, comme la création des sociétés de crédit immobilier (loi Ribot de 1908), et surtout l’affirmation du devoir de l’État d’intervenir dans le développement du logement social (loi Bonnevay de 1912) avaient complété le dispositif lorsque la Première Guerre mondiale éclata. À la fin de celle-ci, dans un contexte démographique très défavorable aggravé par les lourdes pertes dues au conflit, l’état des lieux de l’habitat populaire est alarmant. Il l’est non seulement dans les villes de l’Est de la France, qui ont été partiellement détruites pendant la guerre, mais également dans le pays tout entier, où l’insalubrité du logement proposé aux travailleurs de l’industrie et à leurs familles pose de graves problèmes sanitaires : « En 1926, un Parisien sur quatre vit dans une demi-pièce. 320 000 personnes vivent en garnis, soit 100 000 de plus qu’en 1912. Dans les villes de plus de 50 000 habitants, un tiers des ménages vit dans des espaces surpeuplés ou insuffisants. Les investisseurs privés se désengagent. Les prix s’envolent… et l’augmentation des taux d’intérêt pèse sur les emprunts » [1].

3Pour répondre à cette situation et tenter de relancer une politique familiale, les pouvoirs publics engagent dans l’entre-deux-guerres une politique novatrice de logement social dont la loi élaborée par le ministre du Travail et de la Prévoyance sociale, Louis Loucheur, constitue la pierre angulaire. Elle prévoit un programme de financement public pour la construction de 200 000 HBM et de 60 000 logements à loyers moyens ainsi que de très nombreux et généreux aménagements financiers sur critères sociaux. En dépit de sa courte vie (elle ne fut effective que pendant cinq ans), elle permet à de nombreux employés et ouvriers d’acquérir des pavillons dans les banlieues des grandes villes. Simple et assez souple, le dispositif prévoit l’intervention financière de l’État pour favoriser un habitat populaire jusqu’alors soutenu par les seules initiatives privées. Les particuliers peuvent emprunter à un taux très faible les sommes nécessaires à l’achat d’un terrain et à la construction d’un pavillon tout en conservant la liberté de choisir les plans, les matériaux et l’entrepreneur de leur choix, la qualité du travail étant supervisée par un architecte d’État. Les effets de la crise économique mondiale touchant une Europe déjà bien affaiblie par la guerre, ces dispositions, malgré leur popularité, ne furent pas reconduites en 1933 et les facilités d’accession à la propriété furent supprimées en 1935. Mais la loi Loucheur était définitivement entrée dans l’histoire du logement social.


Date de mise en ligne : 13/11/2014

https://doi.org/10.3917/inso.184.0031

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