Notes
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[1]
Circulaire n° 91-304 du 18 novembre 1991, Scolarisation des enfants handicapés à l’école primaire, classes d’intégration scolaire (Clis).
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[2]
Circulaire n° IV-70-83 du 9 février 1970 et circulaire n° 76-197 du 25 mai 1976.
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[3]
Loi n° 75-534 du 30 juin 1975, D’orientation en faveur des personnes handicapées (JO du 1er juillet 1975).
-
[4]
Intervention au Sénat, le 3 avril 1975.
-
[5]
Loi n° 75-535 du 30 juin 1975, Relative aux institutions sociales et médico-sociales (JO du 1er juillet 1975).
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[6]
Circulaire 82/2 et n° 82-048 du 29 janvier 1982, Une meilleure mise en œuvre d’une politique d’intégration en faveur des enfants et adolescents handicapés.
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[7]
Circulaire n° 90-082 du 9 avril 1990, Mise en place et organisation des réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté.
-
[8]
La déficience est l’altération d’une structure ou fonction psychologique, physiologique ou anatomique de l’organisme. Elle correspond aux aspects lésionnels du handicap. L’incapacité renvoie à toute réduction partielle ou totale des comportements ou activités considérés comme normaux pour un être humain. Elle correspond aux aspects fonctionnels du handicap. Le désavantage résulte, pour un individu donné, d’une déficience ou d’une incapacité qui limite ou interdit un rôle normal. Il correspond aux aspects situationnels du handicap.
-
[9]
Loi 2005-102 du 11 février 2005, Pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.
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[10]
Désignation des élèves dans les textes organisant les classes de perfectionnement en 1909 puis en 1964.
1La préoccupation « adaptative » est constitutive, dès la loi du 28 mars 1882, de l’école républicaine. La démarche préventive a longtemps pris la forme d’une lutte contre l’inadaptation des élèves aux contraintes et aux performances exigées à l’école. Divers dispositifs et classes spéciales constituèrent le secteur particulier de l’Adaptation et de l’intégration scolaire (AIS). En 1909, les premières d’entre elles seront les classes de perfectionnement. Ces classes seront remplacées près d’un siècle plus tard par les Classes d’intégration scolaire (Clis) [1]. La création des classes spéciales a toujours été accompagnée de tentatives, souvent infructueuses, de descriptions des publics d’enfants auxquels elles étaient destinées. Les débats qui ont suivi ont, en une quarantaine d’années, abouti à une inversion du paradigme de l’inadaptation. En effet si, longtemps, l’inadaptation fut celle qu’on attribuait aux élèves et à leurs familles, aujourd’hui, textes et circulaires tentent de conformer l’École à leurs besoins particuliers dans une perspective d’intégration, voire d’inclusion. Ce renversement se lit dans la transformation des noms de ce secteur de l’enseignement scolaire, passé de l’Adaptation et de l’intégration scolaire (AIS) à l’actuelle dénomination des Enseignements adaptés (EA). Ainsi, la problématique adaptative pose initialement l’existence d’une catégorie d’enfants inadaptés à l’école pour ensuite œuvrer dans le sens de leur adaptation supposée nécessaire. Dans un second temps, des catégorisations sont créées mais elles restent aléatoires et, progressivement, l’évolution de dispositifs insatisfaisants amène à vouloir adapter non plus les élèves mais les enseignements.
De l’enfant inadapté à l’enfant à adapter
2L’ordonnance du 6 janvier 1959 prolonge la scolarité obligatoire jusqu’à 16 ans à compter de la rentrée 1967. Elle donne progressivement à l’ensemble des enfants accès à la classe de 6e. L’accroissement du nombre de ceux qui poursuivent une scolarité, en cohérence avec le principe républicain d’éducabilité, active un double mouvement : celui de la prévention de l’échec et de l’inadaptation scolaire. Plus le nombre d’élèves augmente, plus les difficultés apparaissent.
3En 1970 [2] sont créés les Groupes d’aide psycho-pédagogique (Gapp). Ils témoignent de la volonté d’adapter les élèves de toutes les catégories sociales aux exigences de l’école secondaire et en même temps de créer des structures passerelles d’accès à la scolarisation ordinaire. Dans le premier degré, ces Gapp se composent d’un psychologue et d’un ou de plusieurs rééducateurs. Ils interviennent par le biais de rééducations psychopédagogiques ou psychomotrices, pratiquées individuellement ou avec des petits groupes d’enfants. Les élèves qui bénéficient de ces rééducations peuvent, le plus souvent, continuer à fréquenter une classe ordinaire. En même temps que les Gapp naissent des sections ou des classes d’adaptation dans les écoles maternelles, d’autres destinées à des enfants handicapés ou encore des classes d’adaptation dans le second degré. Le texte organisant ces sections et ces classes prévoit des procédures systématiques de révision de l’orientation des enfants. Ceux-ci ne doivent y séjourner que de manière transitoire.
4La loi de 1975 [3] est rédigée dans le même esprit. Elle s’inspire du rapport Bloch-Lainé présenté en 1967 au premier ministre, qui avait pour titre : « Étude du problème général de l’inadaptation des personnes handicapées ».
5À l’évidence, ce rapport essayait d’établir une transition entre le concept d’inadaptation et celui de handicap. Il retenait d’ailleurs des définitions similaires pour les deux termes. La notion de handicap sera le nouveau paradigme des années 1970, bien que la loi de 1975 ne donne pas de définition précise de ce terme. La ministre de la santé de l’époque, Simone Veil, s’en explique ainsi : « Sera désormais considérée comme handicapée toute personne reconnue comme telle par les commissions départementales. La notion doit rester, si l’on veut éviter des exclusions dans l’avenir, très évolutive et s’adapter aux situations qui pourraient se présenter ultérieurement » [4].
6L’idée directrice de cette loi est l’intégration des personnes handicapées, avec pour corollaire la place faite aux « inadaptés », handicapés ou non, au sein de la société. À l’école, deux textes importants organisent la prise en charge et les commissions d’orientation des élèves inadaptés et handicapés [5]. Malheureusement, les pratiques au sein des établissements scolaires contredisent l’esprit de la loi et les classes d’adaptation, comme les classes de perfectionnement, sont elles aussi des structures ségrégatives se heurtant le plus souvent au refus des enseignants d’accueillir ces enfants dans leurs classes ordinaires. Une circulaire, en 1982 [6] ne manquera pas de rappeler l’esprit de la loi de 1975 rappelant que l’intégration des jeunes handicapés en milieu ordinaire est la priorité du plan intérimaire 1982-1983.
7L’action des Gapp n’a pas été sérieusement évaluée. Dans de nombreuses académies, les postes, souvent incomplets – constitués d’un seul psychologue scolaire et d’un enseignant spécialisé – sont transformés en postes de classes d’adaptation fermées jusqu’en 1990 avant d’être progressivement remplacés par les Réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté (Rased) [7]. Ceux-ci reposent sur une organisation différente, le regroupement pédagogique. En regroupant ponctuellement les enfants en difficultés ou en situation de handicap pour des activités de remédiation, du même coup on impose leur présence quotidienne dans les classes ordinaires. La même logique prévaut dans la rédaction des textes qui organise les structures d’accueil du second degré, en renforçant systématiquement la dimension professionnelle des Sections d’enseignement général adapté (Segpa) ou, en 1995, avec la création des premières Unités pédagogiques d’intégration (Upi). De nombreuses circulaires de rentrée des années 2000 réaffirment le droit à la scolarisation des enfants handicapés ou des enfants qualifiés autrefois d’inadaptés. La réaffirmation de ce droit prend la forme d’un rappel au devoir d’accueil de ces enfants. Néanmoins, il sera encore nécessaire de spécifier dans la loi de 2005 l’obligation d’inscription de ces élèves dans leur école, collège ou lycée de quartier ou de secteur.
Les personnels exerçant dans ces dispositifs ont pour mission la prévention des difficultés scolaires ou des handicaps. La mission préventive est progressivement étendue aux enseignants des classes ordinaires. Ainsi, l’histoire de ces classes et dispositifs est constitutive d’un mouvement qui évolue vers l’idée que le traitement de la difficulté et du handicap se fait impérativement au sein des dispositifs scolaires de droit commun avec, en complément, des aides au regard des besoins particuliers des élèves.
Catégorisation des élèves et dispositifs : écueils
8À la suite des travaux du Britannique Philip Wood, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) publie en 1980 une nouvelle définition du handicap et une classification de ses modalités. Le cadre conceptuel de la notion de handicap comporte trois parties : la déficience, l’incapacité et le désavantage [8]. Dans ce prolongement, la loi de 2005 [9] réaffirme la notion de besoin éducatif spécial et permet ainsi la démédicalisation de la notion de handicap. La situation de la personne handicapée est désormais envisagée en rapport avec son environnement social et culturel. Aujourd’hui, l’école est sommée de répondre – toujours au nom du principe d’éducabilité de tous – aux besoins spécifiques des élèves. Cette obligation sort du cadre particulier du handicap et concerne aussi des élèves à haut potentiel, comme nous l’avons démontré par ailleurs (Cellier, 2007). Le droit à l’éducation prend désormais la forme d’une réponse de l’État au caractère singulier de l’apprenant et, en conséquence, ne peut plus être uniforme mais adapté aux situations particulières des élèves.
9Si une telle injonction plonge les personnels dans des abîmes de complexité, c’est que les différentes catégorisations d’élèves en usage jusqu’alors ont souvent joué en défaveur de ceux-ci, les assignant à des classes ségrégatives. Dans le passé, l’élève considéré comme arriéré ou débile léger [10] toujours en difficulté d’apprentissage se trouvait scolarisé en classe de perfectionnement puis, à partir de 1964, en Section d’éducation spécialisée (SES). Nous l’avons vu, les classes d’adaptation jouèrent très souvent, elles aussi, le rôle de structures de relégation, en contradiction avec les textes qui les organisaient. Dans ces conditions, les dimensions préventive et curative furent très peu mises en œuvre et reléguées aux seuls enseignants spécialisés. Cette relégation s’adossa au concept de handicap socioculturel, largement partagé par bon nombre d’enseignants de classes ordinaires. En considérant les difficultés d’adaptation aux exigences de l’école comme une affaire de spécialistes, ceux-ci se trouvaient exonérés de la responsabilité de dispenser une éducation réussie pour l’ensemble des élèves. Venue des États-Unis dans les années 1960, la notion de handicap socioculturel a servi de fondement à une pédagogie compensatrice, où le défaut éducatif familial est censé être la cause de la difficulté d’adaptation scolaire. Largement combattue par de nombreux chercheurs (Hugon et Vial, 2010, p. 21-31), cette notion a contribué à médicaliser l’échec scolaire et à dispenser les enseignants d’une réflexion pédagogique en profondeur sur la diversification des situations d’apprentissage présentées à ces élèves.
10L’évolution des politiques publiques concernant les zones sensibles a permis dans de nombreux endroits le développement de pratiques éducatives locales, partenariales et concertées. La loi de 2005 a étendu la responsabilité publique en matière d’accueil des personnes en situation de handicap.
11Les dispositifs périéducatifs de la réussite éducative (DIV, 2007) contribuent activement à la prévention de l’inadaptation scolaire et sociale en complément des actions de droit commun. Cependant, la description euphémistique d’« enfant fragile », sur laquelle repose la réussite éducative, ne risque-t-elle pas de réactiver, par endroits, les présupposés idéologiques de la notion de handicap socioculturel ?
12L’histoire de l’intégration scolaire est là pour nous rappeler le cheminement d’une école peinant à prendre en compte les besoins éducatifs spécifiques des élèves. La réussite éducative allie désormais deux points de vue : celui de l’entrée territoriale qui prévalait dans l’action publique en matière de zones sensibles et celui des parcours individuels. En ce sens, elle demeure cohérente avec la prise en compte de la singularité des enfants. Pour autant, loin d’une pédagogie ségrégative de la compensation, le partenariat entre les animateurs de la réussite éducative et les enseignants doit porter sur des pédagogies d’aide et de soutien des élèves et de leurs familles, affranchies des postulats idéologiques qui les desservent.
Bibliographie
Bibliographie
- Cellier H., 2007, Précocité à l’École : le défi de la singularité. Idéologies, dispositifs, pédagogie, Paris, L’Harmattan, collection « Savoir et Formation ».
- Délégation interministérielle à la ville (DIV), 2007, Projet de réussite éducative, Saint-Denis La Plaine, Les éditions de la DIV.
- Hugon M. et Vial M., 2010, « Anormalité, débilité, inadaptation, handicap socioculturel, fragilité : une histoire sans cesse recommencée ? », SpécifiCITés, revue de l’Association CITéS, Université Paris Ouest Nanterre La Défense, n° 2, janvier, éd. Matrice/Paris Nanterre.
- Loi n° 75-620 du 11 juillet 1975, relative à l’éducation (JO du 12 juillet 1975).
- Loi 2005-102 du 11 février 2005, Pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.
Notes
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[1]
Circulaire n° 91-304 du 18 novembre 1991, Scolarisation des enfants handicapés à l’école primaire, classes d’intégration scolaire (Clis).
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[2]
Circulaire n° IV-70-83 du 9 février 1970 et circulaire n° 76-197 du 25 mai 1976.
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[3]
Loi n° 75-534 du 30 juin 1975, D’orientation en faveur des personnes handicapées (JO du 1er juillet 1975).
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[4]
Intervention au Sénat, le 3 avril 1975.
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[5]
Loi n° 75-535 du 30 juin 1975, Relative aux institutions sociales et médico-sociales (JO du 1er juillet 1975).
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[6]
Circulaire 82/2 et n° 82-048 du 29 janvier 1982, Une meilleure mise en œuvre d’une politique d’intégration en faveur des enfants et adolescents handicapés.
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[7]
Circulaire n° 90-082 du 9 avril 1990, Mise en place et organisation des réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté.
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[8]
La déficience est l’altération d’une structure ou fonction psychologique, physiologique ou anatomique de l’organisme. Elle correspond aux aspects lésionnels du handicap. L’incapacité renvoie à toute réduction partielle ou totale des comportements ou activités considérés comme normaux pour un être humain. Elle correspond aux aspects fonctionnels du handicap. Le désavantage résulte, pour un individu donné, d’une déficience ou d’une incapacité qui limite ou interdit un rôle normal. Il correspond aux aspects situationnels du handicap.
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[9]
Loi 2005-102 du 11 février 2005, Pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.
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[10]
Désignation des élèves dans les textes organisant les classes de perfectionnement en 1909 puis en 1964.