Couverture de INSO_128

Article de revue

Concilier travail et famille

Deux valeurs fortes en concurrence

Pages 60 à 71

Note

  • [1]
    Cet article n’engage pas la DARES.
English version

1Comment résoudre les contradictions et les dysfonctionnements supportés par les couples (et surtout par les femmes) face à l’équation travail/famille ? Quelles seraient les bases d’une nouvelle politique familiale qui pourrait tenir compte à la fois de l’égalité hommes/femmes devant le travail et du souhait de mettre au monde des enfants ? L’enquête récente “Bébés et employeurs” de l’OCDE offre des pistes à explorer.

2Le travail et la famille sont les deux valeurs qui contribuent le plus fortement à définir l’identité des personnes : c’est ce que confirme la récente enquête “Histoire de vie - Construction des identités”, menée par l’INSEE et d’autres partenaires entre 2002 et 2003, qui vise à analyser les différentes composantes de l’identité des Français [1].

3Interrogées sur la question de savoir quels sont les trois thèmes qui leur “correspondent le mieux” ou “qui permettent de dire qui [elles sont]”, 86 % des personnes mentionnent la famille dans l’un de leurs trois premiers choix et 76 % la placent en premier (voir tableau 1). La famille apparaît comme le “pilier des identités” (Houseaux, 2003). Le travail – plus précisément “le métier, la situation professionnelle, les études” – vient en deuxième position : 40 % des personnes interrogées le mettent dans leurs trois premiers choix, 7 % en premier.

4L’idée que les scores de la famille pourraient s’expliquer principalement par le fait qu’elle est devenue une “valeur-refuge” en raison d’une plus grande dureté du monde du travail n’est pas confirmée : en effet, les scores réalisés par la famille sont quasiment identiques selon les catégories socioprofessionnelles (CSP), qui ne sont pas toutes également touchées par les difficultés rencontrées dans la sphère du travail (licenciements, chômage, bas salaires, précarité…). Les plus nombreux à choisir la famille sont ceux qui vivent en couple avec des enfants, les moins nombreux étant ceux qui vivent seuls sans enfant et sans jamais avoir eu d’enfant, et qui ont entre 45 et 60 ans. Néanmoins, à tout âge, même chez les personnes sans conjoint et n’ayant jamais eu d’enfant, la proportion de celles qui citent la famille reste supérieure à 60 %.

Tableau 1

Thèmes d’identification

Tableau 1
% des personnes ayant cité au moins une fois le thème Votre famille 86 Votre métier, votre situation professionnelle, vos études 40 Vos amis 37 Une passion ou une activité de loisirs 29 Les lieux auxquels vous êtes attachés 28 Vos origines géographiques 9 Un problème de santé, un handicap 7 Vos opinions politiques ou religieuses ou vos engagements 6 Votre physique ou votre apparence 6 Champ : population entière (8 403 individus). Source : enquête “Histoire de vie - Construction des identités”, INSEE 2003, tiré de Garner, Méda, Senik (2005).

Thèmes d’identification

5Lorsque l’on demande aux personnes de hiérarchiser l’importance respective qu’elles accordent à la famille et au travail, 66 % des actifs en emploi répondent que “le travail est assez important mais moins que d’autres choses (vie sociale, vie familiale, vie professionnelle, etc.”, et 25 % qu’il est “très important mais autant que d’autres choses” (Garner, Méda, Senik, 2005).

6Deux éléments semblent essentiels à ce que l’on pourrait appeler une “identité par le travail” forte, qui implique d’accorder à ce dernier plus ou autant d’importance qu’à la famille : appartenir aux CSP les plus élevées (cadres et indépendants) et ne pas avoir de charge de famille. La présence d’enfants diminue en effet systématiquement l’importance relative accordée au travail, mais beaucoup plus fortement pour les femmes non cadres que pour les hommes. Loin de manifester un moindre attachement au travail des femmes avec enfants, ce résultat met en évidence que le fait de mener de front vie professionnelle et vie familiale a pour les femmes un coût d’opportunité et que travail et famille ne sont pas seulement deux valeurs mais aussi deux activités qui entrent en concurrence l’une avec l’autre.

Travail et/ou famille : le choix des femmes

7Avoir une famille (ou encore, comme le suggère bien l’expression, avoir une charge de famille) c’est concrètement, assurer un certain nombre de tâches matérielles et psychologiques qui prennent du temps et qui peuvent, de surcroît, être génératrices de tensions et de charge mentale. Les tâches familiales et domestiques représentent en effet un poids considérable.

8Le temps domestique est, en quantité, très lourd, puisqu’il constitue pour la moyenne des femmes le deuxième temps, devant le temps de travail et de formation (Économie et statistique, 2002 ; Dumontier, Pan Ké Shon, 1999). Si l’on ne considère que le noyau dur des tâches domestiques, les femmes en assurent en moyenne près de 80 %. Surtout, la constitution d’une famille se traduit par un alourdissement et une spécialisation des rôles (Brousse, 1999-2000) : l’arrivée d’un enfant s’accompagne en effet non seulement d’un surcroît de tâches mais aussi d’une rigidité accrue de l’emploi du temps (rythmes biologiques de l’enfant, rythmes des institutions ou des services d’accueil et de garde, puis de l’école). Cet accroissement des tâches est principalement assumé par les mères. Non seulement les pères consacrent environ trois fois moins de temps aux activités parentales que les mères, mais le rythme de leur participation à ces activités est très différent de celui des mères : “Au-delà du temps total consacré aux activités parentales ou domestiques, ce sont donc aussi plus souvent les femmes qui se trouvent au bout du compte « disponibles » pour s’adapter aux rythmes des enfants” (Algava, 2002).

9Contrairement à la société suédoise (Daune-Richard, 2000), par exemple, la société française ne s’est pas radicalement adaptée à la révolution de l’activité féminine : elle est restée organisée autour des mêmes principes qu’auparavant, lorsque les femmes travaillaient peu ou travaillaient de manière plus imbriquée dans la sphère familiale, et qu’elles constituaient des réservoirs de temps pour toute la famille. N’ont été révisés ni la norme de travail à temps plein, ni la manière dont les entreprises peuvent tenir compte de la vie privée de leurs salariés, ni les horaires scolaires, ni la quantité et les horaires des modes de garde (en tout cas pas de manière suffisante), ni le partage des tâches domestiques. On n’a pas organisé la compatibilité de la vie professionnelle et de la vie familiale des familles, on n’a pas pensé les deux espaces et les deux temps ensemble, de façon globale. On a laissé les femmes accéder à l’activité sans réviser de fond en comble les modes de fonctionnement des institutions et en conservant comme grand principe organisateur la notion de libre choix.

10Deux éléments rendent cette situation plus grave. D’une part, la pénurie de modes de garde. En 2003, pour les deux tiers des enfants de 0 à 3 ans, le mode de garde principal au cours d’une semaine normale était constitué par les parents, c’est-à-dire, dans la quasi-totalité des cas, par la mère (Ruault, Daniel, 2002). Contrairement aux pays du Nord, la France n’a pas mis en place un véritable droit à la garde des jeunes enfants. D’autre part, la politique familiale française fait place à des inspirations et à des dispositifs contradictoires, et notamment à un dispositif qui rend attractif l’arrêt d’activité pour les femmes faiblement qualifiées et dont les salaires sont peu élevés. Face à une situation caractérisée par une insuffisance des modes d’accueil des jeunes enfants – en termes de quantité et d’amplitude horaire ; par une incitation financière à se retirer pour trois ans du marché du travail ; par l’inadaptation des organisations du travail, notamment du point de vue des horaires ; et par la très faible implication des pères, les conséquences sont nettes : les taux d’emploi sont moins élevés pour les mères peu diplômées avec deux enfants ; celles qui restent dans l’emploi rencontrent des difficultés de conciliation ; des inégalités professionnelles prennent leur racine dans cette situation.

Inégalités professionnelles et difficultés de conciliation

11Les taux d’activité et d’emploi féminins ont considérablement augmenté ces trente dernières années. Malgré tout, de fortes différences subsistent entre les taux d’emploi des hommes et des femmes entre 25 ans et 54 ans, puisqu’on constate encore un écart de 15 points. Les taux d’activité féminins restent déterminés par la présence et l’âge des enfants, et entre 25 ans et 54 ans, les mères sont moins souvent présentes sur le marché du travail que les autres femmes, alors que les hommes qui ont des enfants sont au contraire plus souvent actifs que les autres (Bigot, 2004). Les différences les plus fortes concernent les mères de deux enfants ou plus dont l’un a moins de 3 ans. Les différences concernent tant les taux d’emploi que la durée (temps partiel/temps complet) de celui-ci (voir tableau 2).

Tableau 2

Activité, emploi et chômage selon le statut matrimonial et le nombre d’enfants en 2003 (en %)

Tableau 2
En couple • Sans enfant • 1 enfant de – de 3 ans • 2 enfants, dont au moins 1 de – de 3 ans • 3 enfants ou +, dont au moins 1 de – de 3 ans • 1 enfant âgé de 3 ans ou + • 2 enfants âgés de 3 ans ou + • 3 enfants ou + âgés de 3 ans ou + Non en couple • Sans enfant • 1 enfant ou + Ensemble Taux d’activité Dont à temps complet à temps partiel au chômage Femmes 75,1 74,0 80,2 58,3 36,3 79,9 83,5 68,1 52,9 45,5 81,7 67,1 Hommes 92,2 86,1 97,1 96,7 95,6 92,4 96,1 94,8 59,1 58,2 88,8 79,2 Femmes 46,5 51,2 57,0 27,6 12,7 52,2 48,4 31,0 34,0 29,7 50,7 42,0 Hommes 84,0 76,9 90,1 88,0 83,5 83,9 90,0 86,0 44,9 43,9 76,0 68,6 Femmes 21,8 16,2 13,5 24,1 17,9 21,2 28,8 28,9 10,5 8,7 17,3 17,7 Hommes 3,1 3,7 1,8 3,1 3,7 3,6 2,4 2,4 4,5 4,5 4,8 3,6 Femmes 6,9 6,6 9,8 6,5 5,8 6,5 6,3 8,2 8,4 7,1 13,7 7,4 Hommes 5,2 5,5 5,3 5,6 8,5 4,9 3,8 6,5 9,8 9,8 8,0 7,0 Lecture : en 2003, 74,0 % des femmes vivant en couple sans enfant sont actives : 51,2 % travaillent à temps complet, 16,2 % à temps partiel et 6,6 % sont au chômage. Champ : France métropolitaine, personnes âgées de 15 à 59 ans. Source : INSEE, enquête “Emploi” 2003 et INSEE, “Regards sur la parité” 2004.

Activité, emploi et chômage selon le statut matrimonial et le nombre d’enfants en 2003 (en %)

12Le fait qu’il existe des dispositifs incitatifs au retrait d’activité des femmes (telle l’Allocation parentale d’éducation, devenue, depuis 2004, complément de libre choix d’activité) contribue à rendre la politique familiale française contradictoire par rapport à la politique d’emploi, qui vise, au contraire, à développer les taux d’emploi des hommes et des femmes. Depuis l’extension de l’APE au deuxième enfant, on sait que les taux d’activité des mères de deux enfants ont chuté. L’APE contribue à distinguer deux populations de femmes : celles pour lesquelles le montant de l’allocation, faible et forfaitaire, n’est pas incitatif et celles, employées et ouvrières, pour lesquelles il l’est. Plusieurs enquêtes ont mis en évidence que les femmes qui se retiraient de l’activité étaient principalement des employées et des ouvrières, et une enquête récente vient de montrer clairement que, lorsqu’elles reprennent le travail, ces femmes retrouvent des postes moins qualifiés qu’auparavant (Algava, Bressé, 2005).

13La décision des femmes qui se retirent de l’activité au moment de la naissance d’un enfant n’est pas seulement le résultat d’un calcul financier rationnel : elle semble plutôt résulter de la conjonction de plusieurs facteurs, parmi lesquels les conditions de travail de l’emploi précédent jouent un grand rôle. Une enquête DARES/CREDOC a ainsi mis en évidence que, parmi les femmes qui s’étaient arrêtées à la naissance d’un enfant, la moitié avaient des horaires de travail incompatibles avec une vie familiale normale (travail le samedi, le dimanche, tôt le matin ou tard le soir) et que, parmi les éléments qui auraient pu les faire rester en emploi, la modification de ces conditions et notamment un aménagement horaire constituaient ce qui aurait été le plus à même de les faire changer d’avis (Méda, Simon, Wierink, 2003). Les femmes qui restent en emploi sont, quant à elles, fréquemment confrontées à des difficultés de conciliation (Garner, Méda, Senik, 2005).

14La majeure partie des inégalités professionnelles (différences de salaires, segmentation horizontale et verticale) prennent leur racine dans la répartition déséquilibrée des tâches familiales et domestiques et dans cette idée qu’il revient aux femmes de prendre en charge le jeune enfant. On constate donc qu’un gain collectif (le maintien d’un taux de fécondité haut) s’accompagne d’un fort coût d’opportunité pour les seules femmes, dont l’accès à l’emploi et les carrières sont moins assurés.

Quels sont les objectifs à poursuivre ?

15Les solutions qui peuvent être apportées pour corriger les dysfonctionnements de la conciliation entre travail et famille dépendent essentiellement de deux facteurs : la valeur accordée par la société au travail des femmes et, plus généralement, à l’idée qu’hommes et femmes ont un droit identique à l’emploi ; l’état des débats sur les rapports entre fécondité et activité féminine.

16Depuis une dizaine d’années, sous le double effet de l’annonce du rétrécissement de la population active et de la pression européenne (le Conseil européen de Lisbonne a affiché comme objectif l’obtention d’un taux d’emploi de 60 % pour les femmes en âge de travailler dans tous les États membres, d’ici à 2010), s’est affirmée l’idée qu’il est souhaitable que la plus grande partie des femmes travaillent pour financer la protection sociale et pour pallier les éventuelles carences en main-d’œuvre. De façon moins conjoncturelle, plusieurs autres raisons peuvent être mobilisées pour illustrer qu’il est souhaitable que toutes les femmes travaillent : la nécessité pour elles d’être indépendantes financièrement, surtout dans un contexte de rupture des unions et de recomposition des familles ; le fait que l’emploi des mères est le meilleur rempart contre la chute des enfants dans la pauvreté ; la montée ininterrompue du niveau d’éducation des filles ; la justice enfin, qui implique qu’hommes et femmes aient accès de la même manière aux libertés et aux contraintes qu’offre le travail.

17Ce principe d’égalité se heurte concrètement en France à différentes oppositions : le principe de “libre choix” de travailler ou de ne pas travailler – qui n’est en fait exercé que par les femmes, et qui peut être contraint par l’absence de modes de garde adaptés ; le discours de certains psychologues qui rappellent l’importance de la présence de la mère auprès du jeune enfant au plus jeune âge ; l’existence d’allocations incitatives au retrait d’activité et le manque de places d’accueil pour les jeunes enfants ; l’indifférence de la plupart des employeurs à l’égard de ce qui se déroule dans la sphère privée et, par conséquent, l’inadaptation des politiques de temps de travail aux contraintes familiales ; enfin, la crainte que l’activité féminine soit contradictoire avec le maintien d’une forte fécondité.

18Or, les recherches internationales récentes ont montré que la corrélation entre les taux de fécondité et le taux d’activité des femmes, négative auparavant, était devenue fortement positive. Par ailleurs, comme en témoignent plusieurs rapports récents de l’OCDE (OECD, 2002-2003-2004-2005), les pays ayant mis en place des dispositifs améliorant la conciliation entre travail et famille sont également ceux où les taux d’activité féminins sont les plus élevés. En revanche, les pays où il existe peu de modes de garde sont également ceux où les taux de fécondité sont peu élevés. Ainsi, Jeanne Fagnani rappelle qu’en Allemagne, où aucun dispositif institutionnel de masse n’existe pour la prise en charge des enfants de 0 à 3 ans, 32 % des femmes arrivées en fin de période de fécondité n’ont pas eu d’enfant. Dès lors, et de façon assez nouvelle, les deux objectifs de maintien du taux de fécondité et d’élévation du taux d’emploi féminin n’apparaissent plus contradictoires mais au contraire très liés. Les atteindre de manière simultanée suppose de très nombreuses adaptations des dispositifs et des politiques et, plus généralement, la mise en place d’une politique familiale globale, mieux articulée avec une politique de l’emploi et du temps de travail.

Quelle politique familiale ?

19Avoir un enfant continue d’être considéré, en France, comme un frein à l’activité professionnelle, plus encore pour les femmes que pour les hommes, et la manière dont la vie professionnelle des hommes et des femmes est organisée a une influence sur le nombre d’enfants qu’ils ont l’intention d’avoir ainsi que sur le moment de la conception pour plus du tiers d’entre eux (Cette, Dromel, Méda, 2005). Si nous voulons poursuivre à la fois les deux objectifs d’égalisation des taux d’emploi féminin et masculin et de réalisation, par les individus, de leur souhait d’avoir des enfants ainsi que de disposer du temps nécessaire à leur éducation, c’est sans aucun doute une nouvelle politique familiale qui est requise. Une politique familiale qui ne soit pas contradictoire avec le souhait et le besoin pour les femmes de travailler ; une politique qui prenne en considération non seulement les contraintes de coût que génère la constitution d’une famille mais aussi les contraintes de temps ; une politique qui cesse d’être tiraillée par des influences contradictoires.

20Permettre aux hommes et aux femmes ayant des enfants de concilier vraiment leur vie professionnelle et leur vie familiale, c’est non seulement compenser le coût de l’enfant, notamment pour les familles les plus modestes, mais c’est aussi et sans doute d’abord permettre aux mères, seules ou en couple, de continuer à travailler et, dès lors, redessiner fortement certains pans de la politique familiale, comme nous y invite d’ailleurs l’analyse détaillée des pays scandinaves et les leçons que tire l’OCDE de sa grande enquête “Bébés et employeurs” :

  • c’est d’abord supprimer toute incitation pour les mères à se retirer de l’activité à l’arrivée d’un enfant. Cela passe par une réduction considérable de la durée pendant laquelle peut être versé le complément d’activité de libre choix (à six mois par exemple, dans la suite de ce que le récent rapport d’Hubert Brin a commencé à proposer), par le fait que l’allocation versée soit proportionnelle aux revenus antérieurs au lieu d’être forfaitaire, enfin par la préférence donnée aux modalités de temps partiel plutôt qu’au retrait complet. Rappelons que l’ex-APE coûte 2,7 milliards d’euros, dont une large partie pourrait donc être utilisée différemment ;
  • c’est ensuite mettre en place, comme dans les pays du Nord, un vaste service d’accueil des enfants, rendant effectif un véritable droit à la garde des jeunes enfants pour l’ensemble des parents ;
  • cela passe également par des mesures incitant les pères à prendre leur part des congés et des aménagements du temps de travail disponibles, comme c’est le cas en Suède ou en Norvège ;
  • cela passe enfin par une profonde refonte des organisations du travail, celles-ci devant être repensées pour permettre aux hommes et aux femmes parents de jeunes enfants ou ayant à charge de vieux parents des modulations du temps de travail, comme cela existe dans les pays du Nord. Une politique familiale moderne devrait en effet pouvoir intervenir, y compris sous forme d’incitations financières, dans les politiques d’entreprises non seulement en ce qui concerne la garde (crédit d’impôt), mais également en ce qui concerne la mise en place d’organisations du travail compatibles avec la vie familiale. Les solutions en œuvre dans les pays du Nord, qui combinent en effet des durées moyennes hebdomadaires de travail assez faibles (34 heures pour le Danemark) et des facilités de réduction du temps de travail, notamment par la possible fragmentation des congés parentaux sous forme de réductions journalières, ont montré leur efficacité. Pour pouvoir concilier plus aisément leur vie professionnelle et leur vie familiale, les parents d’enfants de moins de 8 ans sont en effet en droit d’écourter leur journée de travail de deux heures, avec une réduction correspondante du salaire.
Les analyses approfondies de l’OCDE sur treize pays mettent en effet en évidence que la conciliation de hauts taux d’activité féminins et de haut taux de fécondité est possible ; que dans ces cas la politique familiale se concentre plus sur des services aux familles (modes d’accueil) que sur des allocations, surtout quand celles-ci incitent les femmes à rester à la maison ; et enfin, que la question du temps de travail est centrale. Mettre au cœur de la politique familiale française le double objectif d’égalisation des taux d’emploi masculin et féminin et d’articulation des temps de la vie : voilà la révolution que la politique française pourrait entamer pour conforter un modèle européen en cours de constitution. ?

Bibliographie

Bibliographie

  • E. Algava, “Quel temps pour les activités parentales ?”, DREES, Études et résultats, mars 2002.
  • E. Algava, S. Bressé, “Les bénéficiaires de l’allocation parentale d’éducation : trajectoires d’activité et retour à l’emploi”, Études et résultats, n° 399, 2005.
  • J.-F. Bigot, “Enquête sur l’emploi 2003”, INSEE Première, n° 958, avril 2004.
  • C. Brousse, “La répartition du travail domestique entre conjoints reste largement spécialisée et inégale”, France, portrait social, 1999-2000.
  • G. Cette, N. Dromel et D. Méda, “Conciliation entre vies professionnelle et familiale et renoncement à l’enfant”, Revue de l’OFCE, n° 92, 2005.
  • G. Cette, N. Dromel et D. Méda, “Les pères entre travail et famille”, Recherches et prévisions, n° 76, juin 2004.
  • A.-M. Daune-Richard), “Women’s Work between the Family and Welfare State : Part-time Work and Childcare in France and Sweden”, paper for the annual meeting of the Society for the advancement of Socio-economics, London, July 2000.
  • F. Dumontier et J.-L. Pan Ké Shon, “En treize ans, moins de temps contraints et plus de loisirs”, INSEE Première, n° 675, octobre 1999.
  • Économie et statistique, nos 352-353, 2002.
  • J. Fagnani, “Un travail et des enfants. Petits arbitrages et grands dilemmes”, Bayard, 2000.
  • H. Garner, D. Méda et C. Senik, “Conciliation, les leçons des enquêtes auprès des ménages”, Travail et emploi, n° 102, 2005.
  • F. Houseaux, “La famille, pilier des identités”, INSEE Première, n° 937, décembre 2003.
  • D. Méda, Le temps des femmes, pour un nouveau partage des rôles, Champs-Flammarion, 2002.
  • D. Méda, M.-O. Simon et M. Wierink, “Pourquoi certaines femmes s’arrêtent-elles de travailler à la naissance d’un enfant ?”, Premières synthèses, n° 29.2, juillet 2003.
  • OCDE, Perspectives de l’emploi, 2002.
  • OECD, Babies and Bosses : Reconciling Work and Family Life, vol. 1-4, 2003-2005.
  • M. Ruault et A. Daniel, “Les modes d’accueil des enfants de moins de 6 ans : premiers résultats de l’enquête réalisée en 2002”, Études et résultats, n° 235, DREES, 2003.

Note

  • [1]
    Cet article n’engage pas la DARES.
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