Couverture de IMIN_014

Article de revue

Le père dû ou le compagnon imaginaire

Pages 143 à 160

Notes

  • [1]
    Doubleau : épaisse solive sur laquelle reposent les chevêtres d’un plancher. Les lecteurs comprendront au fil du texte mon choix du pseudonyme.
  • [2]
    Le choix de prénoms commençant tous deux par la première lettre de l’alphabet n’est justement pas fortuit, d’après ce qui précède.
  • [3]
    On serait en droit de se demander si la profusion de soins chirurgicaux n’antécéderait pas déjà une demande de fusion régressive viscérale au sein du couple mort/renaissance. Ce médecin est à ce point adulé par Mme D. qu’il est entré dans sa chair, il a pu en quelque sorte la féconder instrumentalement et court-circuiter la mère. D’ailleurs, 2 ans1/2 après le début de la thérapie Mme D. dira « Pour Alain (fils), le gynécologue que j’avais, risquait d’être en congé. J’ai vu le docteur qui m’a accouché(e) (sic !) ».
  • [4]
    « De manière générale, une association répétée entre deux formes saillantes (A) et (B) (non prégnantes) produit une modification de la topologie définie par contiguïté-similitude dans l’espace des saillances : (A) et (B) y deviennent proches l’une de l’autre, en sorte que si l’une (A) devient prégnante, l’autre (B) participera de cette prégnance. Le phénomène de l’extinction par absence de renforcement peut s’interpréter comme un éloignement de la forme source; et si une forme saillante investie (X) s’est associée à une autre forme saillante (Y) en l’absence de renforcement, (Y) devient inhibitrice, c’est-à-dire, se comporte comme une forme source auxiliaire – ou un pré-programme qui modifie le flux de la prégnance de (X) vers la source en le détournant vers le puits auxiliaire (Y). » Thom R. Commentaires de l’ouvrage de Le Ny J.F. Le conditionnement et l’apprentissage, 1988, Paris, P.U.F., réédition, in Esquisse d’un sémiophysique, 1980, InterEditions, Paris. La notion d’extinction laisse ainsi des traces dans la langue. Elle se révèle dans le « doublet », mots identiques quant à leur étymologie mais entrés dans la langue par des voies différentes et présentant d’ordinaire des sens différents ! « Auscultare » devient « écouter ». Ultérieurement, la description médicale a recours à la racine latine pour inventer « ausculter ». « Cadentia » donne origine à « chance », et par des voies parallèles, l’influence de l’italien « cadenzia » donnera origine en français à « cadence ». L’écart qui sépare « écouter » de « ausculter », celui qui sépare « chance » de « cadence » représente le doublet. Quel est donc la qualité de cet espace qui distend le doublet ? Binswanger apporte indirectement une réponse : « l’espace de la vision est fini et il y a en lui un haut et un bas réels, un devant et un derrière, une droite et une gauche (cet espace de la vision est donc notre espace orienté selon un ici absolu). L’espace mathématique est incorporel, muet et incolore, l’espace de la vision corporel, coloré et sonore. Dans l’espace sensoriel en tant que lieu de séjour du corps, la direction du haut vers le bas a immédiatement la signification de la direction de l’effet de la pesanteur ou de la direction de la chute, c’est pourquoi l’ensemble des relations de position devient, pour la perception irréfléchie, un moyen de représentation de l’opposition du léger et du lourd, de l’ascension et de la chute, de la charge et du portage. » Binswanger L., Le problème de l’espace en psychopathologie, 1998, Presses Universitaires du Mirail, p. 85. Une vaste recherche serait d’ailleurs à entamer, à la lumière de la sémiophysique, sur le glissement sémantique opérant dans les proverbes. Tomber dans les pommes qui remplace tomber dans les pâmes... Contrairement à ce que signalent maints dictionnaires quant au soidisant glissement sémantique populaire, je crois qu’il s’agit plutôt d’un phénomène d’extinction de la source de l’expression. En effet, cela fait bien longtemps que les femmes ne s’évanouissent plus en société en référence à une transcendance qui les absorberait à cet instant pour dévier et absoudre leur hystérie. Et si cela était, on préférera l’expression d’« état comateux ».
  • [5]
    Anzieu D. (1995), Le moi-peau, Paliers de la construction de l’enveloppe psychique et du Moi, Dunod, pp. 219-20.
  • [6]
    Ka, dans la spiritualité égyptienne est la force vitale et créatrice de l’individu, son double qui détermine sa personnalité. Le Ka est modelé par le créateur Khnoum sur sa roue de potier, parallèlement au corps et naît avec l’individu. (...) Puis il le déposait comme une graine dans le corps de la mère. C’est ainsi, à l’origine du monde, que Khnoum créa les dieux. Pour cette raison, on l’appelait « Père des pères, mère des mères » Damiano-Appia M., Dictionnaire encyclopédique de l’Ancienne Égypte et des civilisations nubiennes, 1999, Gründ, pp. 145 et 152.
  • [7]
    Le châtelet, au Moyen Âge, était un petit château, sorte d’avant-poste destiné à protéger ou défendre une route, un pont...
  • [8]
    Ces « groupes de défense organisés » parlent dans les proverbes qui sont nos reliques psychiques de la cohésion du groupe destinée à prévenir le danger. Dans le haut Moyen Âge apparaît la notion de « cum-panis », « celui qui mange le pain avec moi », mais au fond dans un partage toujours inégal. Le « compagnon » n’est pas mon égal. Il n’est pas « compère », car il dépend de mon pouvoir, ce dernier fût-il déguisé en charité. Le « compagnon » est là par nécessité mutuelle. Je dois composer avec lui, à armes inégales, et il est à mon service. Dans le compagnonnage justement cette asymétrie des rapports est permanente, hiérarchisée en castes selon les savoirs faire. L’asymétrie est démasquée et analysée comme la « plus value » marxiste si bien interprétée par Lacan comme « du plus-de-jouir ». Le double psychique est bien l’ange qui peut faire la bête. Il a toujours une valeur pragmatique.
  • [9]
    On connaît bien dans la pensée occidentale cette propension à faire table rase du passé pour vouloir « recommencer sa vie à zéro ». Les plus grands conquérants ont grandi en ayant à l’esprit la notion de « la découverte pour vivre un monde meilleur ».
  • [10]
    « Le poète donne à l’objet réel son double imaginaire, son double idéalisé. Ce double idéalisé est immédiatement idéalisant et c’est ainsi qu’un univers naît d’une image en expansion » Bachelard G. (1999), La poétique de la rêverie, P.U.F., 5e éd., p. 151.
  • [11]
    « Un grand rêveur rêve son double. Son double magnifié le soutient. » G. Bachelard, op. cit., p. 77.
  • [12]
    C’est bien évidemment dans la matrice, le sein, le centre de la terre, que la fusion symbolique a toutes les chances de réussir.
  • [13]
    Dans un chapitre sur « l’espace thymique », Binswanger rappelle « le concept de force dans son foyer originel (Urheimat), à savoir le Gemüt humain (...), op. cit., p. 82.

1Le 2 février 2001, entre dans mon cabinet une femme en surcharge pondérale et aux allures de fillette. Elle est l’archétype de ces personnes aux parties corporelles disposées en quinconce, rapiécées en première urgence, déambulant cahin-caha. L’effondrement a failli se produire à l’âge de 18 ans lorsque Mme Doubleau [1] apprend de son père qu’il a occupé la place du père géniteur à partir de l’âge de trois ans. Or ce beau-père meurt 2 ans après la révélation. Elle n’a de son géniteur aucun souvenir, puisque la mère confie à sa propre mère la tâche d’élever une enfant à qui le père géniteur ne tenait pas. La mère, quant à elle, projette sans doute en sa fille le souvenir d’un effondrement similaire remontant à la mort de son père lorsqu’elle avait 5 ans. Plus avant encore dans le temps, la grand-mère maternelle de Mme D. « a été élevée par des tantes ». Elle s’est mariée « à quelqu’un peu recommandable, pour embêter la famille », a divorcé et vécu en concubinage avec un homme « pas mieux que le premier ». C’est cet homme qui meurt lorsque la mère de Mme D. a 5 ans. Elle n’utilise le qualificatif de beau-père que pour évoquer le père de son compagnon actuel. En effet, le père qui l’a élevée depuis l’âge de 3 ans reste expressément son « père ». À plusieurs décennies d’écart, un homme a toujours fini par prendre la place des beaux-pères. Mme D. a aussi deux demi-« sœurs » et un demi-« frère », issues du beau-« père » qui l’a acceptée et élevée. Il était cuisinier. Mme D. aurait dû accepter un poste de sténo au ministère, « reçue 3e /200 », mais a préféré vivre professionnellement sur le lieu de l’entreprise nationale où son père la fait entrer, elle et une partie de la famille. Il y a 15 ans, ce « père » est décédé « en trois jours » d’un cancer foudroyant : il avait 41 ans.

2Mme D. a 35 ans au début de nos entretiens. Elle a connu une première relation de 7 ans avec un homme qui la maltraitait; elle vit depuis 11 ans avec « un second homme », et ajoute : « J’ai commencé à vivre depuis que je suis avec J. (son concubin). Et encore plus depuis que j’ai mes enfants » : une fille Aline, 3 ans qui fait des cauchemars, en traitement chez une orthophoniste; un garçon, Alain [2], 7 ans. Mme D. a arrêté de fumer depuis 5 ans, aurait pris 15 kg, admet néanmoins apprécier la bonne chair, tout comme son mari dont le père est mort jeune, il y a 5 ans.

3Que vient-elle chercher en thérapie ? « Aline et Alain, j’aime pas quand ils ne sont pas bien dans leur peau ». Alain parle de mort, dit-elle. Mme D., quant à elle, se plaint de fortes dissensions dans le couple.

4Elle vient en somme, identifier sa position de mère et de femme au sein d’une famille restreinte. Elle fréquente en effet peu la fratrie et supporte difficilement l’emprise de sa belle-mère sur le père des enfants. Mme D. hait également sa mère, cause de tous les désordres qui, depuis sa naissance, ont bouleversé sa vie. Pendant la première année de la thérapie, toute une série de métaphores inconscientes émergeront du discours plaintif et viendront s’échouer dans mon cabinet : « Est-ce que j’ai été un “poids” pour ma mère ? », « Ma mère, quand elle promettait et qu’elle ne venait pas, j’avais du mal à le “digérer”. », « Je suis arrivée dans une famille en brûlant les étapes : chez ma mère, du jour au lendemain; chez ma grand-mère, du jour au lendemain. Je suis arrivée “comme un cheveu sur la soupe”. » Un rêve nocturne inaugural annonce bien évidemment que sous la couche adipeuse gît le désir affiché de l’absorption non intégrée d’une fusion d’amour parentale. L’angoisse ancestrale de destruction me prévient que Mme D. est sujette aux tentatives de suicide :

5

« J’étais dans une pièce avec plein de gens. On n’avait pas de peau... que les os. Ils étaient là pour retirer la peau, la viande qu’on avait sur les os. Quelqu’un me disait que j’avais encore de la peau, là; qu’il fallait me la retirer ».

6Et elle versera à la plainte, 3 mois plus tard : « Mes sœurs sont grandes et un peu maigres, toujours maquillées et tirées à quatre épingles. Alors que moi, je suis petite et grosse ». Nous y sommes. Mme D. veut retrouver le père inconnu, et à cette fin le rencontrer idéalement dans la mort. Cela lui permettrait d’annihiler la malédiction trans-générationnelle. Aussi est-elle prête à sacrifier sa vie pour que ses enfants vivent selon un idéal dont la concrétisation lui sera restée inaccessible.

7Je sais qu’en tant qu’analyste, je dois accéder à son désir qui, dans le transfert, prendra la forme d’une mort symbolique. Mme D. accepte le cadre thérapeutique qui inclut la condition primordiale de rêver éveillée une séance sur deux. Je crois, en effet, comme l’expérience nous l’enseigne que l’état de fusion symbolique auquel Mme D. souhaite accéder implicitement, nécessite la mise en place d’une forte rythmicité dans la cure. Je serai le « bon-père » auprès de « la fillette ».

8Analysons à présent la qualité du regard qui imprègne tellement Mme D., porté aux géniteurs.

1 – La présence inconsciente du géniteur et des géniteurs passés

9« Je ressemble surtout à cet homme-là ». Mais il est peu nommé. D’ailleurs elle n’en possède aucun portrait. Sa mère non plus. Par contre, des photos de la fille et de la mère, prises par le géniteur, existent. Mme D. se compare, pourtant, bébé au portrait de bébé de sa mère : « Les autres ne savent pas si c’est moi ou elle (mère) ». Le ton est donné. Mme D. assimile son malheur aux mésaventures de sa mère, sous le regard d’un père qui est le suppôt d’un Père qui les transcende. À 8 ans, elle monte dans un ascenseur. Le chien qui accompagne la fillette aboie après un homme qui les rejoint : « Il avait peut-être bu, je ne sais pas... ».

1.1 – La mort rôde : l’hypersensibilité à l’environnement

10Mme D. a toujours été extrêmement sensible à l’environnement : « Je me mets sur le côté pour réceptionner tous les sons que je pourrais entendre ». Elle souffre, il est vrai, depuis la petite enfance d’une baisse d’audition. Elle a 1 an et l’ORL qui la suit lui fera subir par la suite 8 interventions chirurgicales [3] qui auront influé, sans conteste, sur l’évolution scolaire : « Quand ma mère accouchait chez ma tante, c’est aussi moi qui m’occupais de mon frère. Elle m’a largué à Saint-Denis avec mon frère, alors qu’elle accouchait. J’avais assez de soucis avec mes oreilles : à force d’avoir des anesthésies, j’avais des pertes de mémoire, j’avais beaucoup de mal à apprendre ». Le médecin en question est sur le point de prendre sa retraite, tout comme la femme autrefois, auprès de qui elle avait entrepris une première psycho-thérapie de 2 ans. Cette femme la « disputait » parfois : « Il y a des fois où j’ai l’impression d’être encore comme une enfant. Des fois, c’est les autres qui “m’ouvrent les yeux” ». C’est sans doute déjà ce rapport à la mort qu’elle attend dans le transfert : que je lui ouvre les yeux, qu’elle accède aux pères géniteurs. Lorsque la mère de Mme D., à 5 ans, arrive dans la chambre funéraire, une sœur l’oblige à voir la morte qui a un drap sur le tête : « Elle aussi, la nuit, a peur de voir des trucs blancs ». Mme D. ajoute : « Moi, j’ai pas voulu voir mon père... Il avait un “truc sur la tête” ». Nous reviendrons sur la présence du « truc sur la tête » plus avant, à propos du reliquat psychique des géniteurs. En tout cas, c’est aussi à cette période fatidique que Mme D. perd « une copine à 20 ans, qui est morte brutalement d’une crise cardiaque. »

11Au cours des 9 dernières années, 3 enfants du beau-« père » décèdent. (Il est vrai qu’ils étaient 9, dont 4 enfants du père. La mère de Mme D. avait elle-même eu 13 enfants, issus des deux mariages). Puis encore une tante et un oncle l’année passée. « Mon grand-père a vu mourir ses deux fils. On a plus de tombes à voir que de personnes ». On pressent bien évidemment la problématique d’une gestion sexuelle qui sacrifie le sort des individus à l’orgasme : « Un autre de mes oncles : mort d’un cancer. Il a facilement laissé tomber son frère; il buvait, trompait sa femme. Il a eu une fille en dehors de sa famille. Elle ressemble comme deux gouttes d’eau à ma mère. J’allais souvent passer les vacances chez eux. »

12Tel est l’atmosphère au sein de laquelle évolue Mme D., mal portée dans son histoire.

1.2 – Anéantissement ou angoisse d’abandon ?

13« J’avais toujours peur dans la maison de ma grand-mère. J’avais toujours peur des fantômes : ils touchaient. Avant, je pouvais être en nage (âge), j’avais toujours une couverture sur moi. C’est souvent dans les vieilles maisons que ça me fait ça ». C’est auprès de sa grand-mère que Mme D. tisse les liens les plus forts. Mais l’insécurité éprouvée dans un retour forcé par les circonstances imprévues auprès d’une mère qui la rejette et la maintient corporellement à distance, amplifie l’angoisse : « Ma grand-mère : quand j’étais là-bas, j’étais bien dans ma peau. (...) J’avais peur qu’elle meurt alors que je dormais dans le même lit ».

14Elle existera pour un temps auprès de la grand-mère maternelle, mais : « Physiquement, je ne ressemblais à personne dans la maison. » Aujourd’hui toujours, c’est ce type d’angoisse qui taraude Mme D. et motive la poursuite de la thérapie : « La peur de la maladie; d’avoir une grave maladie; de ne pouvoir élever mes enfants. (...) Je connais une personne qui a eu un cancer du sein après la naissance de son bébé, 6 mois après, métastases dans les poumons (associée au cancer foudroyant du beau-père). Son bébé n’a que 17 mois. » L’angoisse d’abandon est diffuse dans la relation aux enfants et au père de ses enfants : « J’ai peur qu’il arrive quelque chose, et que tout ça disparaisse : surtout le fait d’être tous les 4 ».

15L’éternelle demande de fusion au père et aux enfants est cautionnée par la crainte de l’éclatement intra-familial : « J’ai toujours peur qu’il me tape. J’ai pas l’impression qu’il ait des sentiments pour moi non plus. Il parlait de séparation. Alain est intervenu : – Tu vas arrêter de dire des choses comme ça ! ». Lorsque la menace lancinante se profile « elle (chienne) était quand même là pour me défendre ». L’animal arrive dans la vie de Mme D., 5 mois après le décès du beau-« père ». Il incarne le père, en constitue un objet transitionnel post mortem et n’a jamais été intégré psychiquement. En ce sens il est un pont aux ramifications multiples, tendu vers l’entourage, au risque d’une demande de fusion insatiable. La chienne est apparue dès les premiers rêves-éveillés.

1.3 – L’objet transitionnel a posteriori

16« Elle remplaçait mon père. Je ne veux pas dire qu’il s’était réincarné, mais je le sentais un peu comme ça ». Mme D. a dû halluciner le chaînon manquant. C’est souvent le cas lorsqu’enfant ou parent décèdent trop tôt. Désemparé par la fracture, l’être humain s’acharne à rétablir un ordre psychique nécessaire au temps du deuil, fût-ce par l’hallucination : « Il n’y a plus que mon père : on a l’impression qu’il (père) est en “double” avec le squelette ». Mme D. a eu un premier chien qui a côtoyé le père adoptif pendant trois ans. Il sera remplacé quelques mois après le décès du père par une chienne. « Les chiens, j’avais dit que je les aimais. Mais les deux hommes (père adoptif et père du concubin), je leur ai pas dit. Je pense qu’ils le savaient... ». Au terme de 6 mois de thérapie, la « petite chienne » apparaît. Elle est déjà la petite D. mais aussi la peluche, et surtout l’enfant transitionnel transférentiel. Se mérite-t-elle, en effet ? « J’ai trop l’impression de trahir ma chienne en acceptant la petite chienne. » « Ce qu’on a vécu, ce que je ressens, il n’y a personne qui pourra me le (l’objet du lien, ou la petite enfance ?) prendre ». Car la chienne, anesthésiée pour cause de cancer, comme le père et partie au moment du décès d’un oncle, est venue raviver la blessure originelle.

17Mme D. est ici rassurée. La soudure du lien pourra être poursuivie en thérapie. Je sais pourtant que les résistances sont aussi fortes que la peur du détachement, comme le montre un rêve nocturne : « J’avais rendez-vous avec vous. Grand hall, comme à la mairie de V. Vous aviez changé de place. Les personnes à qui je demandais où vous étiez ne savaient pas. J’essayais de vous joindre par le portable. Mais ça ne passait plus. Quand je suis arrivée à votre cabinet, l’heure était passée. À un moment, je suis passée comme dans une salle de gym. Le réveil a sonné. J’avais Aline avec moi. » Puis le masochisme qui peut forcer sans doute un enfant à devoir être l’enfant de ses parents lorsqu’il ne les accepte pas, mais aussi le masochisme recherché dans la relation avec le premier compagnon, transparaissent dans la flatterie : « Tout à l’heure, quand je suis arrivée, j’avais pas encore trop le moral. Mais là, ça m’a donné un “coup de fouet”. » Ce qui transparaît aussi dans la plainte de l’enfant qui se plaint au parent : « Mon chef qui veut me faire des coups dans le dos. »

18En tout cas je garde présent à l’esprit mon statut de représentant de celui qui a voulu – indirectement – la tuer dans le ventre de sa mère. Je suis le danger transférentiel auquel Mme D. veut se confronter : « Ma chienne n’aimait pas qu’il y ait du monde derrière mon dos ».

1.4 – Du père dû au père-mari : Une sexualité nouée par la pulsion de mort

19De même, lorsque Mme D. évoque le comportement de son concubin, l’intrication d’une histoire personnelle et les projections participent à l’appréhension de l’espace psychique : « Il n’a toujours pas accepté la mort de son père », s’écrie-t-elle. Ou encore : « Il arrive à tout me rejeter » (elle-même et sur elle-même). Indéniablement, Mme D. est en recherche d’un partenaire sadique chargé de lui faire plaisir dans la souffrance : « Avant, j’avais une façon vulgaire de parler de lui (père géniteur) en disant : – C’est lui qui a sauté ma mère ! On pourrait penser qu’elle était pas spécialement d’accord, alors qu’elle a bien été consentante. » L’assimilation au comportement paternel consiste, pour Mme D. à adopter une attitude de soumission extrême envers le partenaire tout en appréhendant la violence supposée des rapports sexuels qui ont présidé à la conception. Une telle expérience était bien plus forte au contact du premier compagnon : « Je lui disais que des pulsions, je n’en avais pas du tout ». « Elle (chienne) a été un soutien à l’époque où je vivais avec la personne, avec l’ex avec celui avec qui je vivais avant. Ça fait deux fois qu’il tente de se suicider. Là, il a réessayé. Ça ne me fait pas plus réagir que ça (...) Je me suis souvent posé la question s’ils n’avaient pas couché ensemble (lui et mère). (...) Ça me crispe de penser à lui : j’ai les jambes, là, toutes serrées ! » Plus fondamentalement, le symptôme est imputable à la confusion des sentiments des pères géniteurs et des mères (puisque les questions que la fille ose se poser, sont figées pour la mère au plan de l’inconscient) : « Quand mon père est décédé, je n’ai pas eu mes règles pendant 9 mois : c’est le temps d’une grossesse ». C’est le viol de la transmission qui est inscrit au plus profond de la mémoire de Mme D. Ainsi, en rêve-éveillé : « Un serin, léger tout en étant quand même posé. Pas comme la dernière fois où ça faisait quand même un peu fofolle. Là, c’est vraiment serein. Malgré ce paysage, je viens d’avoir un flash de ma fille qui se fait violer. » « C’est un truc qui me prend le corps. Comme toujours, ce que je ressens, c’est toujours au plus profond de moi-même. Ça me prend au plus profond de mon ventre. » « Ses attaques (de concubin), ça ne rentre pas aussi fort à l’intérieur qu’avant : c’est moins douloureux. C’était dans mon ventre et dans mon cœur que ça me faisait mal : tout était serré. J’arrive pas à comprendre pourquoi il est aussi hargneux par moments. Il a dormi dans le lit. Les enfants ont dormi avec moi ». Il est vrai également que Mme D. reproche à sa mère d’avoir « trompé » son mari, qui avait pourtant arrêté de boire... Ligature des « trompes ». (Remarquons l’homophonie du verbe et du nom). Le plus difficile n’est pas de repousser et de condamner le violeur à l’alcoolisme pour le tuer, mais de se débarrasser de sa trace : « S’il disait qu’il me trompait, ça me ferait mal, mais je pense qu’il y a des jours où j’aimerais qu’il disparaisse. C’est pas normal que je pense ça : c’est quand même le père de mes enfants. »

20Il ne lui faut pas « mourir de plaisir », mais « mourir pour le plaisir différé » : « Je me demande si J. ne se rend pas compte que je change. Est-ce que ça ne l’énerve pas qu’il ne puisse pas m’atteindre ? Hier, ça ne m’a pas transpercée comme ça l’avait fait avant. » « Quand J. s’énerve, ça me touche profondément. Mais avant, ça m’aurait secouée à l’intérieur. » « J’ai essayé de protéger mon père (père adoptif) contre ses vacheries à elle (mère), quand elle le trompait. C’est tout juste si elle ne faisait pas ça devant lui. » « Ma mère à 57 ans, s’habille comme les jeunes, boudinée. On dirait une mère maquerelle ! J’ai honte pour elle ». « Elle a bien été contente de me trouver quand mon père est décédé. Je suis arrivée. Elle s’est débarrassée. Elle a trouvé un couillon qui a bien voulu s’occuper de moi. »

21Or, ce père tant souhaité et méprisé à la fois est le compagnon psychique du corps de Mme D. Elle l’exprime inconsciemment sous les traits de son compagnon actuel : « J., quand il y a du monde, tout va bien. Mais quand il n’y a personne, il change de masque. »

22Essayons de préciser, imbriquée au cas, la métapsychologie de la transmission pathologique du double.

2 – Le double et les doublures du père

2.1 – La duplicité du discours symptomatique

23Premièrement, l’engramme symptomatique dans le discours de Mme D. consiste en l’oscillation de la tension psychique d’un pôle à l’autre, et soutenue par une double contrainte. Mme D. se caresse la sphère orale et balbutie : « Je regrette ce qui s’est passé ». Décortiquons la phrase : d’une part, Mme D. est horrifiée par les conditions de sa naissance et se sent coupable du poids imposé à la famille, en tant que sa propre mère; d’autre part, elle a, assurément envie de revivre ce temps passé de petite fille. Telle est l’ambiguïté exprimée dans le mot « regret ».

24Deuxièmement, le trajet de l’oscillation entre les deux polarités, traduit bien l’effort de production d’un couplage. Le temps du trajet oscillatoire vient combler le vide de la parole qui n’a pas fait émerger le corps psychique : « Il y a une belle pelouse. Il y a Aline et Alain. Ils vont commencer à manger; leur père est au barbecue. J’ai encore cette sensation qu’on ne me voit pas, que je n’existe pas. » Ou encore : « J’ai encore l’impression d’avancer, mais sans être là. » Mme D. souhaite par conséquent pouvoir réduire le temps oscillatoire et prendre corps dans les mots : « Pour que ça change, il faut que je me perfectionne au maximum, pour effacer toutes les traces, pour devenir quelque chose de positif. Peut-être quelqu’un plutôt que quelque chose. »

25Le phénomène physique de « l’extinction » [4] est sans doute en grande partie à l’origine de la nécessité d’un double psychologique. Mais cette duplicité est le garant d’un regard externe de soi sur soi. Il constitue en quelque sorte une doublure ou encore la potentialité d’une projection psychique de soi. Mais pour Mme D., « l’extinction » est arrivée sans empreinte initiale ! L’absence psychique de l’empreinte originelle est devenue lancinante : « Il y a des yeux qui brillent derrière les arbres, qui me regardent. » Cinq mois après le début de la thérapie, l’empreinte floue apparaît au plan du regard. Le masquage du visage rend compte de l’impossible identification : « Là, je me retrouve dans un village, la fontaine au milieu de la place. L’homme à la capuche arrive : il s’est retourné. J’ai pas vu son visage, mais il m’a fait peur. Comme s’il avait un visage transparent. Mais je voyais ses yeux. »

26L’autre façon d’évoquer le trouble ressenti du vide psychique réside dans la transparence des êtres et des objets : « Une personne est arrivée : elle était pas là pour me faire du mal. Ma chienne est toujours à côté de moi. Tout le monde s’est poussé pour le laisser passer. Tout le monde se tait. J’ai reconnu personne dans tous ces gens. J’ai l’impression d’être transparente (trans-parente). »

2.2 – Le double statut symbolique et symptomatique des enfants

27Il faut bien comprendre que le corps psychique de Mme D. est éparpillé au gré des désirs des enfants, du concubin, de la mère : « Quand on parle de mes enfants, je pense que c’est de moi qu’on parle. Je mélange peut-être mes enfants à moi ». « Aline, elle me fait un peu peur dans ses... C’est le double de moi. » Jusqu’à présent, pour percevoir sa présence physique, Mme D. a dû imprimer son propre corps en celui de ses enfants : « C’est le plus gros de mes soucis. Samedi, je lui ai mis une fessée. Je me suis fait mal à la main. Il m’a dit : « Je vais appeler le numéro des enfants battus ». Ou alors, il lui a fallu élever exagérément la voix puisque ses mots ont peu de poids symbolique : « Je crie sur les enfants, le fait d’avoir une voix forte, pour bien montrer que je suis là. » De plus, Mme D. a toujours accouché seule, sans la présence d’aucun des membres de la famille. Elle ne s’est donc jamais sentie maîtresse d’une filiation : « Quand ils sont nés, c’était quand même pas ça. Même si pour Aline on a paniqué, il a fallu faire une césarienne d’urgence. Elle avait le cordon autour du cou, qui passait aussi sur le front... Accouchement en catastrophe (...) Aucune des grands-mères n’étaient à côté de moi. » Elle représente aux yeux de sa famille une éternelle origine en puissance et non un individu en évolution. Pire ! Mme D. ne se sent pas née puisqu’elle n’a pas été portée par un amour parental fidèle. Aussi, cherche-t-elle à en comprendre la cause, quitte à se fondre aux ombres du passé : « Je ressemble à personne physiquement (parmi la famille), mais eux (enfants) au moins me ressemblent ! »

28Peu à peu les silhouettes se détachent même si elles ne sont pas encore porteuses d’affects réalisés : « Il y a quelqu’un dans cette maison. Mais la personne reste cachée derrière les rideaux. C’est quelqu’un qui surveille la fenêtre, qui veut se cacher... mais je la sens. J’ai l’impression de voir son ombre : c’est quelqu’un de très méchant. » Est-ce de la méchanceté ou de la surveillance protectrice : « J’ai toujours eu l’impression que ma grand-mère et mon père me surveillaient, me protégeaient. »

29Puisque l’empreinte psychique n’a pas été perçue comme suffisante, Mme D. délègue à ses proches la lourde tâche de la recréer : « Quand il (beau-père) a su que j’étais au courant pour ma naissance, il a dit : “Tu n’as pas à en vouloir à ta mère : c’est moi qui n’ai pas voulu que tu saches !” Entre temps, il est mort. Je n’ai pas pu en parler avec lui. »

30Et c’est bien dans cet espace psychique contigu d’une recréation possible au quotidien, que se meut Mme D. Le double obéit par conséquent à une nécessaire protection naturelle correspondant à un besoin physiologique en développement. D. Anzieu le nomme l’enveloppe « tutélaire » [5] corrélative de l’acquisition du sentiment de continuité de soi. « Personne » a pris la place du Nom au cours de la substitution paternelle. « Personne » est bien vide et privée de sens. Insuffisamment introjecté, le père de substitution est devenu une doublure, un espion qui a joué le rôle du vrai père.

31Mme D. doit donc en appeler aux corps absents : « Une partie de moi s’est éteinte. Une autre partie s’est remise à la place de cette partie éteinte. » Puis, elle doit y invoquer et y transférer les fantômes [6] afin qu’ils prennent une épaisseur de sens au travers du passé recomposé, et vécu comme à la source.

2.3 – Enfouissement, résurgence et dissipation des fantômes

32Dès le 7e mois de thérapie, Mme D. évoque la présence de silhouettes qui hantent ses rêves-éveillés : « Je suis toute seule. Mais depuis le départ, c’est comme s’il y avait une présence. » Elle associe cette présence bien évidemment au père adoptif, mais n’en est pas convaincue : « Il y a quelqu’un avec moi qui marche : c’est la silhouette de mon père, mais c’est pas sa démarche. » Un personnage nouveau sort de l’ombre. Il est couvert d’une capuche. Mme D. évoquera le film Le Nom de la Rose. Dans ce cas, le personnage encapuchonné n’est autre que l’aspect fantasmatique de l’autorité universelle pervertie. Cette présence annonce déjà la cristallisation d’un mal sexuel dans la vie de Mme D. et d’une défaillance dans la sexualité à cause de l’absence du vrai père œdipien : Ainsi, en rêve-éveillé : « Je suis rentrée, mais il y a un squelette assis. Il se transforme en fantôme. Maintenant, c’est mon père. Il me fait un sourire. Je vois pas trop sa tête, mais je devine. » Ou encore : « C’était peut-être cet(te) inconnu(e) avec sa capuche. [À quoi pensez-vous ?] À celui que je connais pas de moi, à celui qui m’a fait, à celui qui m’a abandonnée. Mais là-dessus, c’est aussi bien lui que ma mère, de toute façon, bébé ou après. » Enfin, le drap mortuaire du second mari vu par la mère se transforme en suaire a posteriori, comme si l’empreinte devait s’incruster et se transmettre avant de disparaître à jamais : « J’ai l’impression d’être avec des fantômes. Pas avec un drap blanc. Comme des gens trans-parents. Je vois des visages. Mais ça fait comme... je sais pas comment expliquer... comme si c’était une fumée. Je ne vois que leur tête. Mais ça ne me fait pas peur. On dirait qu’ils se mettent à parler : ça fait du bruit. Comme si ça tournait autour de moi. J’ai l’impression que je vais tomber (...) Je me suis retrouvée dans le cœur d’une tornade, comme si j’allais être aspirée par le bas. Et d’un seul coup, c’est comme si j’avais été éjectée. Et là, c’est calme (...) Il y a à nouveau les enfants avec moi. »

33La doublure se constitue ainsi, à l’image du château fort qu’il faut enceindre d’une enveloppe, c’est-à-dire d’un anneau moins dense que les remparts et matérialisé par un espace creux semi-vide comme le fossé, aérien comme les espaces vides entourant le château et clos de barrières en bois, ou plus vides encore comme les chemins de ronde [7]. Plus fondamentalement, le double est fondé sur la survie organisée autour de la cohésion du groupe, incluant la famille, le clan, etc., indispensable dans l’affrontement des vicissitudes [8].

34Mme D. doit renouer avec une doublure dont elle a perdu les traces.

3 – Création en rêve-éveillé d’un espace transférentiel

3.1 – Analyse transférentielle et contre-transférentielle

35Ce double, elle l’acquiert peu à peu dans le transfert. Le double est d’abord le couple œdipien auquel elle n’a pu accéder à l’origine. « Ça me gêne de le dire. Ça fait plusieurs fois qu’en venant ici, j’ai des sensations que j’ai plus dans mon ventre. Des sensations que je n’avais pas eues depuis longtemps ». Dès les premières séances, Mme D. marque le terrain « J’enlève mes chaussures ici, sinon je vais laisser des odeurs » (Elle veut donc y laisser celles de ses pieds !). Alors, le cadre devient propice à l’alchimie orale corporelle et symbolique que je vais évoquer plus loin : « Je vois une grande cuisine avec plein de cuivres, une grande gazinière en fonte (...) Elle n’aurait pas de murs. » « Avoir de la place pour pouvoir cuisiner autant qu’on veut, en plein air au milieu des arbres. » Peu à peu, le père transférentiel prendra la place des ombres : « Aujourd’hui, ça aurait été l’anniversaire de mon père : il aurait 56 ans. J’étais plus sereine que les années précédentes. [Quand vous parlez de votre père...] Celui qui m’a élevée... L’autre, c’est un fantôme ! » Mme D. en éprouvera toute la terreur : celle de devoir dire bientôt toute la portée de la faute sexuelle : « Au fond de moi, je sais qui est à côté de moi, mais qui est discret. Ça me fait peur. » « Je regarde l’homme à la capuche. Je regarde aussi la porte. Savoir si je dois sortir. Ça m’énerve de rester bloquée. On se parlait pas. Il savait ce que je pense, mes pensées, une interrogation, comme si on faisait de la télépathie, dans un sens. Il ne veut pas me voir, me parler ». Le temps sexuel du transfert est déclaré : « C’est quelqu’un qui est peut-être proche de moi. Quelqu’un qui m’est inconnu, je ne sais pas. Là, par contre, il est presque découvert : il est à-nu. »

3.2 – Le lieu du revécu d’une naissance/renaissance : les préliminaires

36Le cadre thérapeutique, c’est-à-dire la forge, est prêt à se transformer en lieu de résurrection : « Mon père est mort en décembre. Elle, je l’ai eue au mois de mai ». Mme D. invoque alors l’esprit animal, celui qui relie sans doute l’inanimé à l’humain : « Ma chienne pose sa tête sur mon ventre quand j’étais enceinte : ça a bougé ! Elle regarde bizarrement mon ventre. » « J’ai l’impression de ne plus exister. Elle est toute seule, je la vois... Comme si j’existais plus, mais je la vois quand même. » Les souvenirs de la petite enfance sont eux aussi évoqués : « Elle (chienne) est dans l’eau en train de nager. Elle a essayé de grimper sur le rocher mais n’y est pas arrivée. Ça ne la gêne pas. Il n’y a rien dans l’eau : pas de végétation, pas de poissons : il n’y a qu’elle. Dans le fond il y a de grands arbres. Il y a ce grand trou à la place des racines : comme si on ouvrait une fenêtre. Ma chienne tombe mais elle vole en même temps. Elle m’a attrapée par le poignet. On est (naît) toutes les deux : il n’y a rien autour de nous. On arrive sur un chemin en forêt. Elle m’a lâché le poignet pour aller jouer (entendre : j’ai lâché la main à mon père...). Je la regarde jouer comme quand elle était petite. Pourquoi je pleure alors que j’ai une “image heureuse” ? » Les visages sont réunis, se posent sur le berceau biblique. Il s’agit d’une image sans image, d’une image ancienne qui commencera à être dévorée dans quelques instants par l’ogre trans-générationnel : « Il y a un danger qui arrive de l’eau : c’est comme un requin. Ça me fait peur. Alors qu’elle, elle (chienne) reste calme. C’est comme s’il tournait autour, et elle ne le voyait pas. » La solitude psychique tant crainte apparaît « C’est vraiment le vide autour de moi et en même temps dans mon corps. Des racines, il n’y a que l’écorce. C’est pas agréable du tout cette sensation de vide : j’ai froid maintenant. Je suis toute seule. » Puis la petite fille est avalée par le tourbillon régressif du temps : « On tombe toujours comme si on était dans un tunnel, mais à la verticale. » (le tunnel apparaît 8 mois après le début de la thérapie). « C’est comme un tunnel en vert (J’entends aussi “envers”) qui ne sert à rien puisqu’il y a du vide partout. » La petite fille devient elle-même tunnel : « Je suis toujours vide à l’intérieur. Bien qu’elle (chienne) soit à côté de moi. Elle aussi, il y a qu’une enveloppe : il y a rien dedans ».

3.3 – Le socle imaginaire : le creuset de l’alchimiste

37Il faut donc comprendre la thérapie psychanalytique comme le recours nécessaire au creuset symbolique de l’alchimiste... à défaut d’un autre terme qui évoque la part de mystère à laquelle tout individu aspire, et se tient prêt à explorer. Mme D. est assurément, conformément au sens littéral de « kimos », prête à fondre pour renaître purifiée de toute souillure [9]. Mme D. puisera aux sources de son enfance les éléments imprégnés de cette alchimie culinaire : « Il y avait sa belle cuisinière à charbon. Ce qu’elles étaient bonnes ses patates au four ! Ses pierres pour chauffer les pieds à la place des bouillottes ! Son café qu’elle faisait avec une chaussette ! Sur son meuble il y avait des photos de moi, dans un cadre rouge. » N’omettons pas de préciser que la grand-mère a été incinérée, ce qui ne peut qu’inviter Mme D. a vouloir la rejoindre symboliquement dans la dissolution : « Mon père est mort en décembre 86. En 87, j’avais ma chienne. Dans mon idée, c’est toujours lui qui était là. (...) Elle a été incinérée. Elle est à la campagne. Elle n’est pas loin de la maison, au coin. C’est rare que j’y aille. Comme je vais rarement sur la tombe de mon père et de mon beau-père (père de mari), qui est juste à côté. » Le double doit donc se profiler à partir d’une mise en scène spectaculaire, magique et mythique de la refonte psychique. Car le double réinvesti préserve de la folie ou de la mort physique. Analystes « rêveéveillé », nous connaissons l’infime impulsion à transmettre à la corde sur laquelle le patient-funambule avance. L’oscillation douce et nécessaire à l’appréhension du vide sous les pas. La personne qui peut tomber ou bien qui se trouve déjà planant dans l’abîme, est une projection désespérée de soi. L’espace psychique antérieur en est rompu, dépassé, élargi [10]. Très tôt dans son parcours thérapeutique, Mme D. décidera de franchir ce pont sorti de rien, tendu entre un passé en grande partie inconnu et un avenir incertain. Pourtant, elle a saisi le premier cordon de l’écheveau. Le père transférentiel doit l’attraper. Tel serait sans doute, pour Bachelard, le sens du transfert. Le sens des mots glisse peu à peu, brouille le monde observé, fomente un semblant, crée le regard, rétablit la juste distance entre soi et le monde. Le double, c’est le regard, ou encore la juste distance par l’autre, de l’observation de soi. Il faut alors parler de duplicité : le rêveur s’imagine en tant qu’autre-lui-même [11]. La « maison de la mère de mon père », lieu à la campagne où la famille se réunit souvent, devient l’espace qui sert de base aux constructions imaginaires qui succéderont. À la 12e séance déjà, Mme D. arrivait, arborant un T-shirt aux dessins enfantins offrant un panorama constitué de paysages et de fleurs. La tenue est décontractée. Pour la première fois elle évoque les racines d’un arbre : « Elles sont blanches comme la couleur des squelettes qu’on avait en salle de biologie, à l’école ». « L’impression qu’il veut sortir, mais je ne sais pas de quoi, puisqu’il y a rien. » Des lieux de l’enfance fréquentés au contact de la grand-mère transparaissent dans un imaginaire qui renoue avec celui des contes : « Je suis dans une forêt : j’ai l’impression d’être toute petite, le feuillage est très très haut. Tous les arbres sont comme s’ils étaient tous rangés : c’est tous les mêmes. Bien qu’ils soient assez feuillus et assez serrés les uns contre les autres, des rayons de soleil passent à travers... C’est bien clair. Je ressors de la forêt : il y a plein de soleil ». Mme D. s’étonne justement de l’intrication des souvenirs et de son potentiel imaginaire capables de mouvoir les éléments : « C’est bizarre de rêver des choses qui n’ont pas existé et de les mêler à des choses qui ont existé ». Elle s’ouvre alors à une sorte de fécondation cosmique : « C’est le soleil qui perce les feuilles, comme si on avait percé un secret » L’objet transitionnel a posteriori l’accompagne dans la quête initiatique : « Ma chienne est à côté de moi. Il y a mon père qui vient vers moi. Il y a mon frère aussi. Son visage change régulièrement. Par moments, c’est sa tête de maintenant. Par moments, c’est sa tête d’avant. Il y a Alain aussi et Aline. Ils se donnent tous la main. » Se sentant épaulée solidement dans le transfert – car n’oublions pas qu’elle libelle toujours ses paiements au nom de PIERRE Coste – elle peut oser avancer : « Les vieux pont en pierre : je suis protégée. Je ne risque pas de tomber ». Puis les fantômes, c’est-à-dire la part oubliée de soi et de ceux qui n’ont pu la lui forger arrivent au lieu de l’oracle [12] : « On est arrivé à l’arbre. Je ne sais pas comment on est arrivé dedans : blanc c’est, comme un tunnel à la verticale, comme dans les rêves. Comme un puits. On est tombé tous les trois. On n’a pas peur. C’est pas dangereux, c’est pas angoissant (...) Pourquoi il y a jamais leur père ? » Le monde aérien du funambule que j’évoquais plus haut, est transféré dans le puits. Il est tout aussi tangent mais permet à Mme D. de renouer avec sa part d’ombre humaine : « Ma mère était sur un trou. Elle arrive à notre hauteur. On se retrouve tous dans le vide. Les enfants ne s’en rendent pas compte. Elle, elle réalise, mais je vois pas sa tête. J’ai l’impression que je ressens plus que je ne vois. » « Je pense que je pourrais continuer à descendre pour être libérée de cette sensation, mais j’y arrive pas : j’ai la sensation d’être enfermée dans une boîte transparente dessous, sur les côtés. Et au-dessous, j’ai ce couvercle de racines qui m’empoisonne(nt). Je suis toute seule maintenant, dans cette boîte : ma chienne a réussi à sortir, elle m’attend. Moi, je n’arrive pas à sortir. » Mme D. s’est bien assimilée aux disparus : « J’ai l’impression que les racines, elles s’accrochent sur moi, sur mes jambes. » « Il y a mes grands-mères. On a l’impression qu’elles sont sur les racines, mais qu’elles n’ont pas les pieds dessus (...) J’ai l’impression que tous les gens que j’aime, qui sont morts, vont se retrouver là. Ils arrivent tous au bord de l’arbre, sur les branches, comme ma grand-mère, sans les toucher. Et il y a les vivants qui vont les rejoindre. » Mme D. s’imprègne et se nourrit intensément de cette terre aqueuse, pour en intégrer toute la lourdeur et la saveur : « Je suis comme les poissons : j’ai pas besoin de remonter à la surface pour respirer. C’est très reposant. » Alors se produit le quasi ineffable qui nous émerveille toujours en cure : « Ils sont assis autour d’une table : des chiens à leurs pieds. Je ne sais pas s’ils me voient ou pas. Je n’ose pas y aller. J’ai peur de rompre l’ambiance. J’ai peur. Il y a les chiens qui me font la fête. Ils m’attrapent tous les deux par une main (les chiens ? les deux hommes ?). Ils m’ont serrée contre eux. Ils sortent tous les trois (?) de la maison avec les chiens... C’est comme dans l’autre maison : on ne sort pas par la même porte. Je suis en train de marcher avec les chiens. On remonte les collines, on redescend. Je voudrais rentrer, mais j’ai peur que ça s’arrête. On rentre quand même dans la maison. Il n’y a plus de feu. Quelqu’un ressort des bûches. On s’est installé autour du feu. Dans des fauteuils. On ne parle plus, comme si on n’avait pas besoin de se parler pour profiter les uns les autres [13]. J’ai vu à un moment qu’ils avaient disparu mais ils sont toujours là. Je sais pourtant qu’ils vont repartir. Ça y est, ils sont partis. » Ce n’est qu’à l’issu du processus de remontée, lente éclosion, que le regard sur soi lui est rendu : « La lunette je l’ai bien à l’œil. Je ne vois rien, mais je ne peux pas reculer non plus. J’ai l’impression d’être dans le vide, mais en même temps je suis collée à un mur en verre (envers). Je l’ai dans le dos, en en même temps j’ai cette lunette. Ça y est, mon œil est repassé de l’autre côté, et mon corps a suivi comme si j’étais devenue de taille à entrer dans cette lunette et à ressortir à l’autre bout. » Tel est la symbolique de la lunette : renouer avec le corps psychique qui permet de se voir en transcendant les décennies. Lors d’une autre séance, Mme D. transmutera l’absence de corps en corps sacrificiel. En d’autres termes, elle acceptera de se débarrasser de la gangue primitive tant désirée et disséminé dans la forge, pour se fondre au cosmos (au sens bachelardien) : « Il y a une maison. Il y a du feu qui sort de la cheminée. Je m’en vais avec la fumée. Je me retrouve à un autre niveau, plus haut, sur une falaise... Je repars, mais là c’est plus plat. » Puis elle commentera plus loin « J’ai l’impression d’élargir mon horizon ». Enfin sortie, Mme D. peut associer librement ses fantômes aux tracasseries qui la hantent au quotidien : « À un moment, je voyais sa tête, la tête de mon patron et en même temps, l’homme à la capuche, comme si c’était son visage. On a découpé la tête comme dans une photo... Par moments, il y a mon patron qui se met à sa place. »

4 – Conclusions

38J’ai surtout voulu insister à travers la présentation synthétique de cette cure sur les aspects importants de la polarité consubstantielle en l’être humain qui relie le somatique au corps psychique. Ce n’est pas tant le fait de n’avoir pu connaître le père géniteur qui a pu amener Mme D. aux idées de suicide, succombant ainsi au souhait de noces mortuaires. Il faut imputer en partie aux circonstances éducatives au sein du cadre familial l’impossibilité qui a été faite à Mme D. de renouer avec un corps psychique sectionné. En effet, obnubilée par le corps suicidé de la mère qui se risque à la quête obsessionnelle de l’orgasme, obnubilée aussi sans doute par l’hystérie de la grand-mère maternelle qui castrait et tuait les hommes à petit feu en les faisant sombrer dans l’alcoolisme, Mme D., se devait inévitablement d’interroger le désir masculin avant de pouvoir accéder, entière, au désir du masculin. Par-delà la problématique sexuelle identifiée et expérimentée dans le transfert, elle a pu sublimer sa corporéité, donner un sens à sa vie en renouant avec un double personnel trop longtemps resté figé dans l’histoire, à cause de la Faute.

figure im1
Double illusion Adriana et Natacha, acrobates jumelles du Cirque de Moscou.


Mots-clés éditeurs : Autodestruction, Double, Fantôme, Géniteur, Extinction

https://doi.org/10.3917/imin.014.0143

Notes

  • [1]
    Doubleau : épaisse solive sur laquelle reposent les chevêtres d’un plancher. Les lecteurs comprendront au fil du texte mon choix du pseudonyme.
  • [2]
    Le choix de prénoms commençant tous deux par la première lettre de l’alphabet n’est justement pas fortuit, d’après ce qui précède.
  • [3]
    On serait en droit de se demander si la profusion de soins chirurgicaux n’antécéderait pas déjà une demande de fusion régressive viscérale au sein du couple mort/renaissance. Ce médecin est à ce point adulé par Mme D. qu’il est entré dans sa chair, il a pu en quelque sorte la féconder instrumentalement et court-circuiter la mère. D’ailleurs, 2 ans1/2 après le début de la thérapie Mme D. dira « Pour Alain (fils), le gynécologue que j’avais, risquait d’être en congé. J’ai vu le docteur qui m’a accouché(e) (sic !) ».
  • [4]
    « De manière générale, une association répétée entre deux formes saillantes (A) et (B) (non prégnantes) produit une modification de la topologie définie par contiguïté-similitude dans l’espace des saillances : (A) et (B) y deviennent proches l’une de l’autre, en sorte que si l’une (A) devient prégnante, l’autre (B) participera de cette prégnance. Le phénomène de l’extinction par absence de renforcement peut s’interpréter comme un éloignement de la forme source; et si une forme saillante investie (X) s’est associée à une autre forme saillante (Y) en l’absence de renforcement, (Y) devient inhibitrice, c’est-à-dire, se comporte comme une forme source auxiliaire – ou un pré-programme qui modifie le flux de la prégnance de (X) vers la source en le détournant vers le puits auxiliaire (Y). » Thom R. Commentaires de l’ouvrage de Le Ny J.F. Le conditionnement et l’apprentissage, 1988, Paris, P.U.F., réédition, in Esquisse d’un sémiophysique, 1980, InterEditions, Paris. La notion d’extinction laisse ainsi des traces dans la langue. Elle se révèle dans le « doublet », mots identiques quant à leur étymologie mais entrés dans la langue par des voies différentes et présentant d’ordinaire des sens différents ! « Auscultare » devient « écouter ». Ultérieurement, la description médicale a recours à la racine latine pour inventer « ausculter ». « Cadentia » donne origine à « chance », et par des voies parallèles, l’influence de l’italien « cadenzia » donnera origine en français à « cadence ». L’écart qui sépare « écouter » de « ausculter », celui qui sépare « chance » de « cadence » représente le doublet. Quel est donc la qualité de cet espace qui distend le doublet ? Binswanger apporte indirectement une réponse : « l’espace de la vision est fini et il y a en lui un haut et un bas réels, un devant et un derrière, une droite et une gauche (cet espace de la vision est donc notre espace orienté selon un ici absolu). L’espace mathématique est incorporel, muet et incolore, l’espace de la vision corporel, coloré et sonore. Dans l’espace sensoriel en tant que lieu de séjour du corps, la direction du haut vers le bas a immédiatement la signification de la direction de l’effet de la pesanteur ou de la direction de la chute, c’est pourquoi l’ensemble des relations de position devient, pour la perception irréfléchie, un moyen de représentation de l’opposition du léger et du lourd, de l’ascension et de la chute, de la charge et du portage. » Binswanger L., Le problème de l’espace en psychopathologie, 1998, Presses Universitaires du Mirail, p. 85. Une vaste recherche serait d’ailleurs à entamer, à la lumière de la sémiophysique, sur le glissement sémantique opérant dans les proverbes. Tomber dans les pommes qui remplace tomber dans les pâmes... Contrairement à ce que signalent maints dictionnaires quant au soidisant glissement sémantique populaire, je crois qu’il s’agit plutôt d’un phénomène d’extinction de la source de l’expression. En effet, cela fait bien longtemps que les femmes ne s’évanouissent plus en société en référence à une transcendance qui les absorberait à cet instant pour dévier et absoudre leur hystérie. Et si cela était, on préférera l’expression d’« état comateux ».
  • [5]
    Anzieu D. (1995), Le moi-peau, Paliers de la construction de l’enveloppe psychique et du Moi, Dunod, pp. 219-20.
  • [6]
    Ka, dans la spiritualité égyptienne est la force vitale et créatrice de l’individu, son double qui détermine sa personnalité. Le Ka est modelé par le créateur Khnoum sur sa roue de potier, parallèlement au corps et naît avec l’individu. (...) Puis il le déposait comme une graine dans le corps de la mère. C’est ainsi, à l’origine du monde, que Khnoum créa les dieux. Pour cette raison, on l’appelait « Père des pères, mère des mères » Damiano-Appia M., Dictionnaire encyclopédique de l’Ancienne Égypte et des civilisations nubiennes, 1999, Gründ, pp. 145 et 152.
  • [7]
    Le châtelet, au Moyen Âge, était un petit château, sorte d’avant-poste destiné à protéger ou défendre une route, un pont...
  • [8]
    Ces « groupes de défense organisés » parlent dans les proverbes qui sont nos reliques psychiques de la cohésion du groupe destinée à prévenir le danger. Dans le haut Moyen Âge apparaît la notion de « cum-panis », « celui qui mange le pain avec moi », mais au fond dans un partage toujours inégal. Le « compagnon » n’est pas mon égal. Il n’est pas « compère », car il dépend de mon pouvoir, ce dernier fût-il déguisé en charité. Le « compagnon » est là par nécessité mutuelle. Je dois composer avec lui, à armes inégales, et il est à mon service. Dans le compagnonnage justement cette asymétrie des rapports est permanente, hiérarchisée en castes selon les savoirs faire. L’asymétrie est démasquée et analysée comme la « plus value » marxiste si bien interprétée par Lacan comme « du plus-de-jouir ». Le double psychique est bien l’ange qui peut faire la bête. Il a toujours une valeur pragmatique.
  • [9]
    On connaît bien dans la pensée occidentale cette propension à faire table rase du passé pour vouloir « recommencer sa vie à zéro ». Les plus grands conquérants ont grandi en ayant à l’esprit la notion de « la découverte pour vivre un monde meilleur ».
  • [10]
    « Le poète donne à l’objet réel son double imaginaire, son double idéalisé. Ce double idéalisé est immédiatement idéalisant et c’est ainsi qu’un univers naît d’une image en expansion » Bachelard G. (1999), La poétique de la rêverie, P.U.F., 5e éd., p. 151.
  • [11]
    « Un grand rêveur rêve son double. Son double magnifié le soutient. » G. Bachelard, op. cit., p. 77.
  • [12]
    C’est bien évidemment dans la matrice, le sein, le centre de la terre, que la fusion symbolique a toutes les chances de réussir.
  • [13]
    Dans un chapitre sur « l’espace thymique », Binswanger rappelle « le concept de force dans son foyer originel (Urheimat), à savoir le Gemüt humain (...), op. cit., p. 82.
bb.footer.alt.logo.cairn

Cairn.info, plateforme de référence pour les publications scientifiques francophones, vise à favoriser la découverte d’une recherche de qualité tout en cultivant l’indépendance et la diversité des acteurs de l’écosystème du savoir.

Avec le soutien de

Retrouvez Cairn.info sur

18.97.9.173

Accès institutions

Rechercher

Toutes les institutions