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Article de revue

Mobilité observée et fluidité sociale en France de 1977 à 2003

Pages 6 à 17

Notes

  • [1]
    On peut le constater en comparant les effectifs de la table de mobilité sociale de 2003, publiée en page 345 de Données sociales 2006, à ceux qui peuvent être obtenus, pour le même champ, à partir des tableaux détaillés IR3P1T01 et IR3P2T01 du volume « Insee Résultats » correspondant [3], eux-mêmes très proches de ce que fournit directement le fichier d’enquête.
  • [2]
    Les huit tables de mobilité sont disponibles sur demande auprès de l’auteur (louisandre. vallet@sciencespo.fr) qui remercie le Réseau Quetelet pour la mise à disposition des fichiers d’enquête.
  • [3]
    Pour plus de détails sur ce point, voir les travaux de l’auteur [6] (pp. 17-18).
  • [4]
    Pour plus de détails techniques sur ces modèles, voir Vallet (1999, pp. 34-51) [6] ou Thélot et Vallet (2000, pp. 17-18) [5].
  • [5]
    Connu en France sous le nom d’algorithme RAS, il a été proposé en 1940 par le statisticien William Deming et le démographe Frederick Stephan. Partant d’un tableau de contingence et de marges différentes que l’on souhaite lui ajuster, il consiste, dans son principe, à effectuer des ajustements proportionnels (ou « règles de trois »), d’abord sur les lignes du tableau (pour ajuster la nouvelle marge ligne), puis sur les colonnes du tableau ainsi obtenu (pour ajuster la nouvelle marge colonne), ensuite de nouveau sur les lignes du tableau qui vient d’être obtenu (pour réajuster la nouvelle marge ligne), etc. Au fil des itérations, l’algorithme converge progressivement vers un tableau de contingence qui est doté des deux marges désirées, mais a conservé les odds ratios du tableau initial. Il a été utilisé dès 1966 par le sociologue américain Otis Dudley Duncan : étudiant la mobilité sociale à Indianapolis entre 1910 et 1940, il souhaitait savoir si tout le changement dans la table de mobilité résultait de la seule transformation des distributions marginales.

1 Les analyses récentes de la mobilité ont substitué le couple mobilité observée / fluidité sociale à la distinction antérieure entre mobilité structurelle et mobilité nette. Le régime de fluidité d’une société se combine à l’état des distributions socioprofessionnelles des fils (ou filles) et des pères, propre à un moment historique, pour donner à voir la mobilité observée à cet instant dans la société considérée. Le régime de fluidité exprime donc la force et la forme du lien entre origine et position, abstraction faite de la structure sociale,

2 et peut être décrit par des techniques statistiques. Mobilité observée et fluidité sociale ne varient pas nécessairement de concert. Par exemple, la seconde peut rester inchangée alors que la première augmente en raison d’un changement économique qui écarte la structure sociale des fils (ou filles) de celle des pères.

3 Conduite selon ces deux points de vue, différents et complémentaires, et dans la nomenclature des six groupes socioprofessionnels, la présente étude vise à actualiser un travail antérieur qui portait sur la société française entre 1953 et 1993 [6], lui-même prolongé dans un programme de comparaison internationale [7] [8]. Elle permettra aussi de préciser une première analyse, publiée dans Données sociales 2006 [1], qui utilisait déjà l’enquête de 2003, mais reposait sur des données un peu approximatives [1] . Par comparaison à cette publication, on utilisera les quatre enquêtes « Formation et qualification professionnelle » de 1977, 1985, 1993 et 2003, pour étudier la mobilité sociale des hommes mais aussi celle des femmes, retenant ainsi pour l’analyse l’ensemble des hommes et femmes français âgés de 35 à 59 ans, actifs ayant un emploi ou anciens actifs ayant eu un emploi. Afin de caractériser l’origine sociale, on n’utilisera en revanche que la situation professionnelle du père (ou tuteur, ou encore père adoptif) au moment où l’homme ou la femme interrogée cessait de fréquenter régulièrement l’école ou l’université [2] .

Transformation de la structure sociale

4 En un quart de siècle, la structure socioprofessionnelle des hommes et femmes s’est profondément transformée (tableau 1). Avec l’effondrement des agriculteurs exploitants et l’affaissement de la part relative des artisans, commerçants et chefs d’entreprise – deux mouvements encore plus nets parmi les femmes que parmi les hommes – les deux groupes d’indépendants qui, en 1977, représentaient plus d’un cinquième de la population considérée de chaque sexe, ne pèsent plus en 2003 que 12,2 % des hommes et 5,7 % des femmes. À l’inverse, et à l’exception notable du groupe des ouvriers dont, pour les deux sexes, le poids a diminué, la part des groupes socioprofessionnels de salariés – cadres et professions intellectuelles supérieures, professions intermédiaires, employés – a constamment progressé en 25 ans, parmi les hommes comme parmi les femmes. Les mêmes grandes transformations de la structure socioprofessionnelle – affaiblissement des groupes d’indépendants, croissance de tous les groupes de salariés, y compris, cette fois, des ouvriers – sont également lisibles au travers des distributions d’origine sociale.

TABLEAU 1

Origines et positions sociales en 1977, 1985, 1993 et 2003

HOMMES 1977 1985 1993 2003
Origines Positions Origines Positions Origines Positions Origines Positions
1. Agriculteurs exploitants 25,4 10,3 20,9 7,6 15,8 4,7 13,5 4,1
2. Artisans, commerçants et chefs d’entreprise 16 11,5 15,3 12,2 13,1 10,5 12,5 8,1
3. Cadres et professions intellectuelles supérieures 5 10,6 6,5 15,5 8,2 18 8,8 19,2
4. Professions intermédiaires 7,5 20,2 9,8 21,5 11,4 23,6 12,8 24,6
5. Employés 8,4 8,8 9 9,4 11,5 9,9 10,8 11,4
6. Ouvriers 37,7 38,6 38,5 33,8 40 33,3 41,6 32,6
Total 100 100 100 100 100 100 100 100
ID origines-positions 19,6 21,1 22,0 22,8
ID 1977-2003 15,4 (origines) 15,6 (positions)
N (population) 6473000 7089000 7931000 8896000
N (enquête) 9880 9783 4570 9764
figure im1
FEMMES 1977 1985 1993 2003
Origines Positions Origines Positions Origines Positions Origines Positions
1. Agriculteurs exploitants 24,5 11,6 19,7 7,2 15,8 4,1 11,8 2,1
2. Artisans, commerçants et chefs d’entreprise 15,3 10,2 13,8 9,1 13,1 5,7 12,9 3,6
3. Cadres et professions intellectuelles supérieures 4,4 3 5,8 5,5 8,8 9,1 8 10,2
4. Professions intermédiaires 8,3 13,4 10,3 17,7 10,9 20,6 13,6 22,7
5. Employés 8,9 40,9 8,8 42,2 11,3 43,9 11,6 48,7
6. Ouvriers 38,6 20,9 41,6 18,3 40,1 16,6 42,1 12,7
Total 100 100 100 100 100 100 100 100
ID origines-positions 37,1 40,8 42,6 48,4
ID 1977-2003 15,1 (origines) 24,3 (positions)
ID hommes-femmes 2,2 33,4 3,6 32,8 0,7 34 2,5 37,3
N (population) 5850000 6780000 7814000 8945000
N (enquête) 5753 6510 4594 10504
figure im2

Origines et positions sociales en 1977, 1985, 1993 et 2003

Lecture : en 1977, 10,3 % des hommes étaient agriculteurs exploitants et 25,4 % étaient fils d’un agriculteur exploitant. À la même date, la valeur de l’indice de dissimilarité (ID) entre origines et positions valait 19,6 : il aurait fallu que 19,6 % des hommes changent de position sociale pour que structure des origines sociales et structure des positions sociales deviennent identiques.
Champ : hommes et femmes français âgés de 35 à 59 ans, actifs occupés ou anciens actifs occupés à la date d’enquête.
Insee, enquêtes « Formation et qualification professionnelle » de 1977, 1985, 1993 et 2003.

5 L’ampleur de ces transformations de la structure socioprofessionnelle en 25 ans a été semblable – environ 15 points – pour les deux sexes, du point de vue de leurs origines sociales et, pour les hommes, du point de vue de leurs positions sociales. Elle apparaît en revanche plus forte – environ 24 points – s’agissant des positions sociales des femmes. Sans doute cela doit-il être mis en lien avec le changement intervenu dans la population féminine considérée : les femmes qui n’avaient pas d’emploi au moment de l’enquête, mais qui en avaient eu un auparavant, y représentaient 36,7 % en 1977, contre seulement 27,1 % en 2003. Enfin, quelle que soit la date d’enquête, l’écart est faible voire négligeable entre les sexes, s’agissant de la distribution des origines sociales, mais il est considérable et s’est encore accru pour celle des positions sociales, près de la moitié des femmes étant en 2003 classées dans le groupe socioprofessionnel des employées.

TABLEAU 2

Décomposition de la mobilité observée en 1977, 1985, 1993 et 2003

Hommes 1977 1985 1993 2003
Immobilité sociale ( %) 42,1 38,4 36,7 36,6
Mobilité non verticale ( %) 39 38,1 34,8 33,1
Mobilité de statut ( %) 30,8 29,7 26 23,8
Mobilité horizontale ( %) 8,2 8,4 8,7 9,3
Mobilité verticale ( %) 18,9 23,5 28,5 30,3
Mobilité ascendante ( %) 14,9 18,7 22,3 23,2
Mobilité descendante ( %) 4 4,8 6,2 7,2
Mobilité non verticale / Mobilité verticale 2,1 1,6 1,2 1,1
Mobilité ascendante / Mobilité descendante 3,7 3,9 3,6 3,2
Mobilité vers le groupe des cadres ( %)
Femmes
8 11,7 13,8 14,6
1977 1985 1993 2003
Immobilité sociale ( %) 33 29,7 26,7 23,4
Mobilité non verticale ( %) 52,9 52 49,3 50,3
Mobilité de statut ( %) 31,3 28,8 27,2 25,1
Mobilité horizontale ( %) 21,6 23,2 22,1 25,2
Mobilité verticale ( %) 14,1 18,4 24 26,3
Mobilité ascendante ( %) 6,4 9,2 13,1 14,6
Mobilité descendante ( %) 7,7 9,1 10,9 11,7
Mobilité non verticale / Mobilité verticale 3,8 2,8 2,1 1,9
Mobilité ascendante / Mobilité descendante 0,8 1 1,2 1,2
Mobilité vers le groupe des cadres ( %) 2,1 3,9 6,2 7,6
figure im3

Décomposition de la mobilité observée en 1977, 1985, 1993 et 2003

Lecture : l’immobilité sociale correspond à la diagonale du tableau de mobilité. La mobilité est décomposée en une part non verticale et une part verticale. La première est une mobilité de statut (entre les groupes 1 ou 2 d’une part, et les groupes 3 à 6 d’autre part) ou bien une mobilité horizontale (entre les groupes 1 et 2 ou bien entre les groupes 5 et 6). La seconde est mesurée au sein des seuls groupes de salariés, ordonnés selon trois niveaux (le groupe 3, le groupe 4, les groupes 5 et 6), en distinguant alors les mouvements intergénérationnels ascendants et descendants.
Champ : hommes et femmes français âgés de 35 à 59 ans, actifs occupés ou anciens actifs occupés à la date d’enquête.
Insee, enquêtes « Formation et qualification professionnelle » de 1977, 1985, 1993 et 2003.

6 Point notable, l’écart entre les marges des tableaux de mobilité a régulièrement crû. En 2003, ce sont 22,8 % des hommes et 48,4 % des femmes qui devraient « changer de groupe socioprofessionnel » pour que distribution des origines sociales et distribution des positions sociales deviennent identiques. C’était le cas de 19,6 % des premiers et 37,1 % des secondes en 1977. Si l’écart croissant entre les marges est susceptible d’avoir pour conséquence une plus forte mobilité, on ne saurait pourtant interpréter ces indices de dissimilarité comme la mesure rigoureuse d’une « mobilité structurelle » – c’est-à-dire qui ne serait liée qu’à l’évolution de la structure sociale entre les deux générations observées – pour en déduire ensuite, par soustraction à la mobilité totale, une quantité de « mobilité nette » qui refléterait alors le degré d’ouverture de la société. En effet, l’enquête statistique est par construction représentative de la structure socioprofessionnelle des « fils » et des « filles » pour l’année considérée et, du fait de l’intervention de divers phénomènes démographiques, la distribution de leurs origines sociales ne correspond rigoureusement à aucune structure sociale effective du passé [3] . En outre, l’interprétation en termes de mobilité structurelle rencontrerait une limite encore plus évidente lorsqu’il s’agit de comparer deux structures socioprofessionnelles dont l’une est féminine (les « filles »), alors que l’autre est masculine (leurs pères).

Accroissement de la mobilité observée

7 La proportion totale d’individus classés dans le même groupe social que leur père a effectivement décliné, plus nettement parmi les femmes – de 33 % en 1977 à 23,4 % en 2003 – que parmi les hommes – de 42,1 % à 36,6 % – (tableau 2).

8 Compte tenu de la définition des groupes socioprofessionnels, on propose ici de décomposer la mobilité totale en la somme d’une mobilité non verticale et d’une mobilité verticale. La première correspond elle-même soit à une mobilité de statut – entre les groupes d’indépendants et ceux de salariés – soit à une mobilité horizontale entre des groupes que l’on considère ne pas pouvoir hiérarchiser – entre agriculteurs exploitants et artisans, commerçants et chefs d’entreprise, ou encore entre employés et ouvriers. La mobilité verticale, quant à elle, est alors mesurée au sein des seuls groupes de salariés, ordonnés selon trois niveaux – cadres et professions intellectuelles supérieures, puis professions intermédiaires, enfin employés et ouvriers – et l’on peut alors distinguer les mobilités intergénérationnelles ascendante et descendante.

9 En suivant cette grille de lecture, l’accroissement de la mobilité observée en 25 ans correspond avant tout à un renforcement de la mobilité verticale car, pour les deux sexes, la mobilité de statut a décliné et la mobilité horizontale n’a que légèrement augmenté. Plus précisément, en 1977, 18,9 % des hommes et 14,1 % des femmes avaient connu une trajectoire intergénérationnelle dans l’échelle sociale des groupes de salariés, mais c’est le cas de 30,3 % des premiers et 26,3 % des secondes à l’aube du XXIe siècle. En un quart de siècle, la dimension proprement hiérarchique de la mobilité sociale s’est donc affirmée. À la fois mouvements ascendants et mouvements descendants sont devenus plus nombreux. Au sein de la population masculine, les premiers sont plus de trois fois plus fréquents que les seconds même si, après avoir culminé en 1985, ce rapport a depuis lors décliné. Inversement, au sein de la population féminine, alors qu’en 1977 les trajectoires descendantes supplantaient légèrement les trajectoires ascendantes, les secondes sont devenues un peu plus nombreuses que les premières depuis lors. En 2003,les mouvements ascendants restent toutefois beaucoup plus fréquents parmi les hommes (23,2 %) que parmi les femmes (14,6 %), alors que l’inverse est vrai des mouvements descendants (7,2 % et 11,7 % respectivement). On soulignera enfin qu’avec l’expansion du groupe des cadres et professions intellectuelles supérieures, la part de la population totale qui a rejoint ce milieu social sans y avoir grandi s’est constamment accrue : en 25 ans, elle est passée de 2,1 % à 7,6 % des femmes et de 8 % à 14,6 % des hommes.

Inflexion des destinées sociales et des recrutements sociaux

10 Examinons maintenant l’évolution en un quart de siècle des destinées professionnelles des hommes et femmes originaires des différents milieux sociaux (tableau 3). Si nombre de transformations sont communes aux deux sexes et portent ainsi la marque de l’infléchissement général de la structure sociale, toutes ne le sont pas. Au total, le maintien dans la catégorie paternelle est devenu moins fréquent, en 25 ans, parmi les fils et filles d’agriculteurs exploitants, d’artisans, commerçants et chefs d’entreprise ainsi que d’ouvriers. Mais la chute de l’immobilité a été beaucoup plus forte pour les filles d’indépendants que pour les fils d’indépendants, conséquence probable de la raréfaction progressive du statut d’aide familiale. L’immobilité sociale est restée très stable, mais à des niveaux très différents, parmi les fils et filles d’employés. En revanche, si la proportion de filles de cadres et professions intellectuelles supérieures comme de professions intermédiaires qui le sont elles-mêmes a augmenté, il n’en a pas été de même parmi les hommes originaires des mêmes groupes : l’immobilité est restée stable pour les premiers et a diminué pour les seconds.

11 On relèvera ainsi que, si les femmes originaires de tous les milieux sociaux ont profité de la forte expansion des emplois de cadres et professions intellectuelles supérieures – la fréquence de cette destinée sociale croît en effet en 25 ans, quelle que soit la catégorie paternelle – il n’en a pas été de même parmi les hommes : en 2003 comme en 1977, c’est un peu plus de cinq fils de cadres sur dix qui sont demeurés dans le même groupe socioprofessionnel que leur père et, même si elle s’effectue à un niveau élevé, cette stabilité contraste avec l’augmentation de la destinée de cadres intervenue dans les autres milieux sociaux, c’est-à-dire parmi les fils d’agriculteurs exploitants, d’artisans, commerçants et chefs d’entreprise, de professions intermédiaires, d’employés et d’ouvriers.

TABLEAU 3

Destinées sociales selon le milieu d’origine en 1977, 1985, 1993 et 2003

Fils (Filles) 1 2 3 4 5 6 Total
Pères
1. Agriculteurs exploitants 1977 37 (39) (8) (1) 10 (7) (29) 36 (16) 100
1985 32 (30) (8) (2) 13 (11) (33) 34 (16) 100
1993 25 (20) (7) 10 (2) 15 (15) (41) 35 (15) 100
2003 28 (11) (4) (6) 18 (20) (47) 32 (12) 100
2. Artisans, commerçants et chefs d’entreprise 1977 (3) 29 (21) 14 (5) 21 (16) (42) 26 (13) 100
1985 (2) 28 (19) 19 (9) 21 (23) (38) 24 (9) 100
1993 (2) 28 (10) 22 (12) 20 (25) (41) 21 (10) 100
2003 (1) 21 (6) 23 (14) 24 (25) (46) 22 (8) 100
3. Cadres et professions intellectuelles supérieures 1977 (2) 10 (6) 51 (20) 26 (40) (31) (1) 100
1985 (0) (6) 57 (28) 24 (37) (26) (3) 100
1993 (0) (3) 51 (33) 24 (31) (29) (4) 100
2003 (0) (3) 52 (33) 24 (37) (25) (2) 100
4. Professions intermédiaires 1977 (1) (12) 22 (5) 39 (28) 11 (43) 18 (11) 100
1985 (1) 11 (6) 30 (10) 33 (32) 10 (39) 16 (12) 100
1993 (1) (4) 32 (15) 33 (31) 10 (42) 17 (7) 100
2003 (0) (3) 32 (16) 33 (33) 10 (42) 18 (6) 100
5. Employés 1977 (1) (9) 16 (4) 31 (19) 16 (52) 27 (15) 100
1985 (1) (8) 21 (5) 30 (23) 16 (52) 23 (11) 100
1993 (0) (4) 19 (11) 32 (25) 14 (49) 27 (11) 100
2003 (1) (3) 20 (9) 29 (25) 18 (52) 27 (10) 100
6. Ouvriers 1977 (4) (8) (1) 20 (9) (46) 57 (32) 100
1985 (2) (7) (2) 22 (12) 11 (49) 49 (28) 100
1993 (1) (5) (3) 23 (15) 10 (49) 49 (27) 100
2003 (1) (3) 10 (4) 23 (16) 13 (56) 47 (20) 100
figure im4

Destinées sociales selon le milieu d’origine en 1977, 1985, 1993 et 2003

Lecture : en 1977, parmi 100 fils d’agriculteurs exploitants, 37 étaient eux-mêmes agriculteurs exploitants. À la même date, parmi 100 filles d’agriculteurs exploitants, 39 étaient elles-mêmes agricultrices exploitantes (données en italiques entre parenthèses).
Champ : hommes et femmes français âgés de 35 à 59 ans, actifs occupés ou anciens actifs occupés à la date d’enquête.
Insee, enquêtes « Formation et qualification professionnelle » de 1977, 1985, 1993 et 2003.

12 Adoptons désormais, pour les hommes et les femmes, le point de vue complémentaire du recrutement social des différents groupes socioprofessionnels (tableau 4). L’autorecrutement des agriculteurs exploitants est resté très stable et très important tout au long de la période étudiée, mais celui des agricultrices, qui était déjà moins prononcé, semble avoir décliné au profit d’une origine plus fréquente dans le groupe ouvrier. Les artisans, commerçants et chefs d’entreprise, hommes et femmes, sont moins souvent issus de familles d’indépendants aujourd’hui que par le passé, et environ un sur trois est enfant d’ouvrier en 2003. Avec l’expansion des cadres et professions intellectuelles supérieures, la part des membres de ce groupe qui en sont eux-mêmes issus est restée stable parmi les hommes et a un peu diminué parmi les femmes. Leur recrutement dans des familles appartenant aux autres groupes de salariés – notamment professions intermédiaires et ouvriers – est en revanche devenu plus fréquent ; en 2003,environ un homme ou une femme cadre ou profession intellectuelle supérieure sur cinq a grandi dans une famille ouvrière. De 1977 à 2003 et pour les deux sexes, c’est en premier lieu dans le groupe des employés, puis dans celui des professions intermédiaires que le recrutement dans le même milieu social est demeuré le plus faible. À l’inverse, en un quart de siècle, l’autorecrutement au sein du groupe ouvrier a encore augmenté pour s’établir aujourd’hui à un niveau très élevé : en 2003, près de deux ouvriers ou ouvrières sur trois ont grandi dans le même milieu social. Corrélativement, la part de ceux qui sont fils ou filles d’un agriculteur exploitant a régulièrement diminué.

TABLEAU 4

Recrutements sociaux selon la position occupée en 1977, 1985, 1993 et 2003

Fils (Filles) 1 2 3 4 5 6
Pères
1. Agriculteurs exploitants 1977 90 (82) 18 (19) (7) 13 (13) 18 (17) 23 (19)
1985 88 (83) 16 (18) (6) 12 (13) 15 (15) 21 (17)
1993 85 (76) 11 (19) (5) 10 (11) 12 (15) 17 (14)
2003 89 (64) 11 (12) (7) 10 (11) (11) 13 (11)
2. Artisans, commerçants et chefs d’entreprise 1977 (4) 40 (31) 22 (25) 17 (18) 15 (16) 11 (10)
1985 (4) 35 (29) 19 (22) 15 (18) 11 (12) 11 (6)
1993 (7) 35 (23) 16 (18) 11 (16) 10 (12) (8)
2003 (7) 32 (20) 15 (18) 12 (14) (12) (8)
3. Cadres et professions intellectuelles supérieures 1977 (1) (3) 25 (30) (13) (3) (0)
1985 (0) (4) 24 (29) (12) (4) (1)
1993 (0) (5) 23 (32) (13) (6) (2)
2003 (1) (5) 24 (26) (13) (4) (2)
4. Professions intermédiaires 1977 (1) (9) 16 (15) 14 (17) (9) (4)
1985 (1) (7) 19 (19) 15 (18) 11 (10) (7)
1993 (3) (8) 20 (18) 16 (16) 12 (10) (5)
2003 (2) 10 (12) 21 (21) 17 (20) 12 (12) (6)
5. Employés 1977 (1) (8) 12 (10) 13 (12) 15 (11) (7)
1985 (1) (8) 12 (8) 12 (12) 16 (11) (5)
1993 (2) (8) 12 (13) 16 (14) 16 (13) (7)
2003 (4) (12) 11 (10) 12 (13) 17 (13) (9)
6. Ouvriers 1977 (11) 25 (30) 18 (13) 37 (27) 40 (44) 56 (60)
1985 (11) 29 (34) 19 (16) 39 (27) 43 (48) 56 (64)
1993 (12) 30 (37) 20 (14) 39 (30) 43 (44) 58 (64)
2003 (22) 32 (39) 22 (18) 40 (29) 48 (48) 60 (64)
Total (à chaque date) 100 100 100 100 100 100
figure im5

Recrutements sociaux selon la position occupée en 1977, 1985, 1993 et 2003

Lecture : en 1977, parmi 100 agriculteurs exploitants ou anciens agriculteurs exploitants, 90 étaient fils d’un agriculteur exploitant. À la même date, parmi 100 agricultrices exploitantes ou anciennes agricultrices exploitantes, 82 étaient filles d’un agriculteur exploitant (données en italiques entre parenthèses).
Champ : hommes et femmes français âgés de 35 à 59 ans, actifs occupés ou anciens actifs occupés à la date d’enquête.
Insee, enquêtes « Formation et qualification professionnelle » de 1977, 1985, 1993 et 2003.

Examen des odds ratios symétriques

13 Tous les développements précédents et les transformations qu’ils révèlent concernent les taux absolus de mobilité, c’est-à-dire la mobilité observée telle que les individus eux-mêmes peuvent en faire l’expérience concrète. Il faut dorénavant prolonger l’examen en adoptant le point de vue complémentaire des taux relatifs de mobilité – ou encore de la fluidité sociale ou du régime de mobilité – qui s’intéresse à la structure, la force et la tendance temporelle éventuelle du lien intrinsèque entre origine et position sociales.

14 Depuis environ quarante ans, la recherche internationale décrit ce lien ou le régime de mobilité sous-jacent à travers la famille des odds ratios qui peuvent être envisagés dans le tableau de mobilité étudié. Chaque odds ratio – ou rapport des chances relatives – exprime l’avantage (ou le handicap) dont disposent les individus d’une première origine sociale, par rapport à ceux d’une seconde, pour atteindre (ou éviter) l’une plutôt que l’autre de deux catégories de destination. Plus la statistique est proche de 1, plus cela signifie que l’inégalité est faible, ou que la concurrence est égale entre les individus des deux milieux d’origine, du point de vue de l’accès aux deux positions sociales. D’un point de vue formel, le odds ratio a l’intérêt de mesurer l’association statistique au cœur du tableau croisé, c’est-à-dire indépendamment des distributions marginales [9]. Cette propriété remarquable a dès lors conduit les sociologues à envisager l’analyse de la mobilité de la manière suivante : lorsqu’il est associé à deux distributions marginales caractéristiques d’un moment historique – l’une pour les positions sociales, l’autre pour les origines sociales – le régime de fluidité sous-jacent que la famille des odds ratios permet de décrire s’actualise dans la configuration de mobilité qui est observée à cet instant dans la société considérée. En elles-mêmes, les transformations de la mobilité observée ayant eu lieu en France entre 1977 et 2003 n’impliquent donc rien quant à une éventuelle variation de la fluidité sociale, les premières pouvant tout aussi bien avoir été produites par l’évolution de la structure sociale, telle que les distributions des origines et des positions sociales la reflètent, au moins approximativement.

TABLEAU 5

Odds ratios symétriques en 1977, 1985, 1993 et 2003

Artisans, commerçants et chefs
d’entreprise
Cadres et professions intellectuelles supérieures Professions intermédiaires Employés Ouvriers
Agriculteurs exploitants 1977 68,1 (34,6) 326,6 (577,5) 224,2 (106,3) 88,6 (60,5) 40,9 (23)
1985 58,5 (34,5) 771,8 (*) 1103,4 (147,1) 99,9 (79,3) 31,6 (27,4)
1993 53 (13,3) 194,9 (1923,1) 109,7 (31,2) 143,5 (37,6) 45,9 (27,1)
2003 137,9 (15,9) 502,0 (206,9) 111,8 (49,7) 199,9 (16,7) 68,8 (16,8)
Artisans, commerçants et chefs d’entreprise 1977 10 (15) 5,8 (3,2) 6,3 (2,7) 8,2 (6,3)
1985 9,8 (10,3) 4,1 (4) 7,6 (3,1) 6,0 (8,3)
1993 7,2 (7,5) 6,1 (3) 6,5 (3) 8,1 (5)
2003 6,6 (5,4) 4,4 (2,3) 7,4 (1,8) 6,9 (4,1)
Cadres et professions intellectuelles supérieures 1977 3,5 (2,7) 10,8 (9,4) 91,7 (410,4)
1985 2,5 (2,3) 7,6 (11,1) 110,8 (109,4)
1993 2,3 (2,2) 4,4 (5,2) 40,9 (67,1)
2003 2,3 (1,8) 5,8 (8,1) 28,8 (63)
Professionsintermédiaires 1977 1,8 (1,8) 6,3 (9,2)
1985 1,8 (1,8) 4,6 (6,4)
1993 1,5 (1,5) 4,3 (7,3)
2003 2,1 (1,6) 3,8 (6,6)
Employés 1977 3,6 (2,3)
1985 3,3 (2,6)
1993 2,4 (2,5)
2003 2,4 (1,9)
figure im6

Odds ratios symétriques en 1977, 1985, 1993 et 2003

* L’échantillon de 1985 présentant un effectif nul dans la case « père cadre ou profession intellectuelle supérieure – fille agricultrice exploitante », l’odds ratio correspondant ne peut être estimé.
Lecture : en 1977, les chances d’être cadre ou profession intellectuelle supérieure plutôt qu’ouvrier étaient 91,7 fois plus fortes pour les fils de cadres ou professions intellectuelles supérieures que pour les fils d’ouvriers. À la même date, les chances d’être cadre ou profession intellectuelle supérieure plutôt qu’ouvrière étaient 410,4 fois plus fortes pour les filles de cadres ou professions intellectuelles supérieures que pour les filles d’ouvriers (données en italiques entre parenthèses).
Champ : hommes et femmes français âgés de 35 à 59 ans, actifs occupés ou anciens actifs occupés à la date d’enquête.
Insee, enquêtes « Formation et qualification professionnelle » de 1977, 1985, 1993 et 2003.

15 S’ils permettent de décrire exhaustivement le régime de fluidité sous-jacent, les odds ratios ont l’inconvénient d’être très nombreux : le tableau de mobilité distinguant k catégories sociales, ils sont au nombre de : equation im7,

16 soit 225 dans le cadre de notre analyse, k valant ici 6. Un ensemble de (k – 1)2 odds ratios de base – soit ici 25 – peut toutefois être considéré, à partir desquels tous les autres peuvent être déduits : il s’agit de tous les odds ratios qui mettent en jeu quatre cellules adjacentes, c’est-à-dire ceux qui s’obtiennent en considérant les origines sociales i et i1 ainsi que les positions sociales j et j1. Plutôt que de considérer cet ensemble de base, on a toutefois choisi de présenter les odds ratios symétriques, c’est-à-dire ceux qui mettent en jeu les mêmes catégories à la fois pour l’origine et la position sociales (tableau 5). Exprimant l’inégalité de la concurrence entre les individus d’origine i et ceux d’origine i’ pour atteindre la première plutôt que la seconde de ces deux positions, ils ont l’avantage d’être d’interprétation aisée.

17 Entamons l’examen par les hommes. Tous les odds ratios qui mettent en jeu les agriculteurs exploitants – la première ligne du tableau – sont très élevés et plutôt croissants au cours du temps, ce qui manifeste à quel point ce groupe social est spécifique et distant de tous les autres du point de vue de la mobilité entre générations. Les odds ratios construits à partir des artisans, commerçants et chefs d’entreprise ainsi que d’un groupe de salariés sont d’intensité beaucoup plus modérée et sont soit plutôt stables, soit légèrement décroissants au fil du temps. C’est en particulier le cas du odds ratio qui met en jeu les cadres et professions intellectuelles supérieures : estimé à 10 en 1977, il vaut 9,8 en 1985, 7,2 en 1993 et 6,6 en 2003. Enfin, cinq des six odds ratios construits à partir de deux groupes socioprofessionnels de salariés manifestent la même tendance : leur valeur est plus faible en 2003 qu’en 1977, la décroissance temporelle étant souvent assez régulière. Par exemple, les chances d’être cadre ou profession intellectuelle supérieure plutôt qu’ouvrier étaient, en 1977, 91,7 fois plus fortes pour les fils de cadres que pour les fils d’ouvriers ; la même statistique vaut 110,8 en 1985, mais 40,9 en 1993 et 28,8 en 2003. Ou encore, les chances d’être profession intermédiaire plutôt qu’ouvrier étaient, en 1977, 6,3 fois plus fortes pour les hommes de la première origine sociale que pour ceux de la seconde, mais le même rapport s’établit à 4,6 en 1985, 4,3 en 1993 et 3,8 en 2003. Bref, de cet examen des odds ratios symétriques pour les hommes, tout particulièrement de ceux mettant en jeu les groupes de salariés, se dégage l’impression que la fluidité sociale se serait légèrement accrue en un quart de siècle. Au demeurant, le même examen mené sur la population féminine procure une conclusion similaire. La tendance à la diminution temporelle semble d’ailleurs y être un peu plus systématique, notamment parce qu’elle concerne aussi certains odds ratios qui mettent en jeu le groupe des agriculteurs exploitants.

Modélisation

18 Si l’examen des odds ratios est suggestif, il n’est pas à lui seul probant. Tout d’abord, parce que l’on s’est contenté de fournir leurs estimateurs ponctuels, négligeant donc l’intervalle de confiance qu’il faudrait construire autour d’eux pour tenir compte de l’aléa des enquêtes sur échantillon. Ensuite, et surtout, parce qu’une analyse plus générale est requise. En suivant une démarche aujourd’hui habituelle dans la recherche internationale sur la mobilité sociale, il faut donc comparer la qualité de l’ajustement aux données de deux modèles statistiques. Ceux-ci ont en commun de reproduire fidèlement les distributions d’origine et de position sociale observées aux quatre dates et ne diffèrent que par l’hypothèse qu’ils expriment sur le régime de mobilité. Le modèle log-linéaire de fluidité sociale constante postule l’invariance temporelle du lien entre origine et position sociales : dans les estimations qu’il produit, tous les odds ratios homologues sont rigoureusement identiques en 1977, 1985, 1993 et 2003. Le modèle log-multiplicatif de différence uniforme – ou modèle Unidiff, ou encore modèle de Xie – suppose que, d’une date à la suivante, tous les odds ratios se sont transformés dans la même direction et que le lien entre origine et position sociales est devenu uniformément plus fort (ou plus faible) ; un paramètre unique capture alors la direction et l’ampleur du changement estimé entre deux enquêtes successives [4] .

19 Le résultat est net. Sur les quatre tables de mobilité masculines, le modèle de différence uniforme s’avère plus proche de la « réalité » – les données observées – que le modèle de constance : la différence de khi-deux vaut 23,5 pour 3 degrés de liberté et est donc statistiquement très significative. Fixé conventionnellement à 1 en 1977, le paramètre log-multiplicatif qui mesure le changement est estimé à 0,957 en 1985, 0,892 en 1993 et 0,879 en 2003, conduisant alors à conclure que le niveau général de la fluidité sociale s’est accru d’environ 12 % en un quart de siècle. Cette variation est toutefois exprimée dans une échelle très abstraite – celle du logarithme des odds ratios – et l’on en donnera plus loin une traduction plus concrète. Même si un test statistique en bonne et due forme conclut que la variation estimée entre 1993 et 2003 n’est pas significative, le modèle qui réalise le meilleur compromis entre qualité de l’ajustement aux données et parcimonie résume par une tendance linéaire la variation de la fluidité sociale : celle-ci aurait augmenté au rythme de 0,5 % par an entre 1977 et 2003.

TABLEAU 6. Circulation sociale résultant de la variation du régime de mobilité entre générations de 1977 à 2003 : trois évaluations (Hommes)

1

Modèle d’évolution uniforme : effet de la variation entre 1977 et 2003, évalué sur la base du modèle de Xie (1992) muni d’un trend linéaire [2003 estimé Xie – 1977 estimé Xie et prolongé en 2003 par Ras]

Fils 1 2 3 4 5 6 Total (en milliers)
Pères
1. Agriculteurs exploitants - 23 +2 +12 +9 +3 - 2 (1201)
2. Artisans, commerçants et chefs d’entreprise +5 - 24 - 1 +1 +3 +16 (1112)
3. Cadres et professions intellectuelles supérieures +2 +5 - 35 +9 +6 +13 (786)
4. Professions intermédiaires +2 +4 - 15 - 15 +2 +22 (1136)
5. Employés +2 +3 +1 - 9 - 10 +13 (960)
6. Ouvriers +13 +11 +39 +4 - 5 - 62 (3702)
Total (en milliers) (369) (719) (1704) (2189) (1013) (2901) (8896)
figure im8

Modèle d’évolution uniforme : effet de la variation entre 1977 et 2003, évalué sur la base du modèle de Xie (1992) muni d’un trend linéaire [2003 estimé Xie – 1977 estimé Xie et prolongé en 2003 par Ras]

Lecture : parmi les hommes français de 35 à 59 ans actifs occupés ou anciens actifs occupés en 2003, on compte 3702000 fils d’ouvriers ; en raison de l’augmentation de la fluidité sociale intervenue entre 1977 et 2003, 62 000 ne sont pas eux-mêmes ouvriers et 39 000 sont cadres ou professions intellectuelles supérieures. La réallocation des positions sociales concerne, en 2003, 202 000 hommes, soit 2,3 % de l’effectif total.
2

Modèle d’évolution diversifiée : effet de la variation entre 1977 et 2003, évalué sur la base du modèle de Goodman-Hout (1998) [2003 estimé Goodman-Hout – 1977 estimé Goodman-Hout et prolongé en 2003 par Ras]

Fils 1 2 3 4 5 6 Total (en milliers)
Pères
1. Agriculteurs exploitants +15 - 19 +47 +37 - 24 - 56 (1201)
2. Artisans, commerçants et chefs d’entreprise - 2 +5 +12 - 5 - 6 - 5 (1112)
3. Cadres et professions intellectuelles supérieures - 2 +11 - 82 +10 +24 +39 (786)
4. Professions intermédiaires +3 +2 - 1 - 32 - 15 +43 (1136)
5. Employés - 2 - 2 - 27 - 22 - 8 +62 (960)
6. Ouvriers - 12 +3 +51 +13 +29 - 84 (3702)
Total (en milliers) (369) (719) (1704) (2189) (1013) (2901) (8896)
figure im9

Modèle d’évolution diversifiée : effet de la variation entre 1977 et 2003, évalué sur la base du modèle de Goodman-Hout (1998) [2003 estimé Goodman-Hout – 1977 estimé Goodman-Hout et prolongé en 2003 par Ras]

Lecture : parmi les hommes français de 35 à 59 ans actifs occupés ou anciens actifs occupés en 2003, on compte 3 702 000 fils d’ouvriers ; en raison de l’augmentation de la fluidité sociale intervenue entre 1977 et 2003, 84 000 ne sont pas eux-mêmes ouvriers et 51 000 sont cadres ou professions intellectuelles supérieures. La réallocation des positions sociales concerne, en 2003, 406 000 hommes, soit 4,6 % de l’effectif total.
3

Données extrapolées sans modèle : effet de la variation entre 1977 et 2003, évalué sur la base des données extrapolées [2003 extrapolé – 1977 extrapolé et prolongé en 2003 par Ras]

Fils 1 2 3 4 5 6 Total (en milliers)
Pères
1. Agriculteurs exploitants +19 - 16 +42 +46 - 31 - 60 (1201)
2. Artisans, commerçants et chefs d’entreprise - 4 - 6 +7 +3 - 13 +13 (1112)
3. Cadres et professions intellectuelles supérieures - 4 +9 - 84 +18 +26 +36 (786)
4. Professions intermédiaires +2 +9 +7 - 51 - 19 +53 (1136)
5. Employés - 2 - 4 - 25 - 29 - 2 +62 (960)
6. Ouvriers - 10 +8 +53 +14 +39 - 103 (3702)
Total (en milliers) (369) (719) (1704) (2189) (1013) (2901) (8896)
figure im10

Données extrapolées sans modèle : effet de la variation entre 1977 et 2003, évalué sur la base des données extrapolées [2003 extrapolé – 1977 extrapolé et prolongé en 2003 par Ras]

Lecture : parmi les hommes français de 35 à 59 ans actifs occupés ou anciens actifs occupés en 2003, on compte 3702000 fils d’ouvriers ; en raison de l’augmentation de la fluidité sociale intervenue entre 1977 et 2003, 103 000 ne sont pas eux-mêmes ouvriers et 53 000 sont cadres ou professions intellectuelles supérieures. La réallocation des positions sociales concerne, en 2003, 466 000 hommes, soit 5,2 % de l’effectif total.
Champ : hommes français âgés de 35 à 59 ans, actifs occupés ou anciens actifs occupés à la date d’enquête.
Insee, enquêtes « Formation et qualification professionnelle » de 1977, 1985, 1993 et 2003.

TABLEAU 7. Circulation sociale résultant de la variation du régime de mobilité entre générations de 1977 à 2003 : trois évaluations (Femmes)

1

Modèle d’évolution uniforme : effet de la variation entre 1977 et 2003, évalué sur la base du modèle de Xie (1992) muni d’un trend linéaire [2003 estimé Xie – 1977 estimé Xie et prolongé en 2003 par Ras]

Filles 1 2 3 4 5 6 Total (en milliers)
Pères
1. Agriculteurs exploitants - 23 - 1 +11 +9 +2 +3 (1053)
2. Artisans, commerçants et chefs d’entreprise +4 - 10 - 5 - 10 +9 +12 (1154)
3. Cadres et professions intellectuelles supérieures +1 +3 - 41 - 8 +38 +7 (719)
4. Professions intermédiaires +3 +2 - 8 - 33 +22 +14 (1218)
5. Employés +2 +1 +6 - 9 - 11 +10 (1037)
6. Ouvriers +14 +5 +38 +50 - 59 - 47 (3763)
Total (en milliers) (186) (318) (915) (2030) (4359) (1136) (8945)
figure im11

Modèle d’évolution uniforme : effet de la variation entre 1977 et 2003, évalué sur la base du modèle de Xie (1992) muni d’un trend linéaire [2003 estimé Xie – 1977 estimé Xie et prolongé en 2003 par Ras]

Lecture : parmi les femmes françaises de 35 à 59 ans actives occupées ou anciennes actives occupées en 2003, on compte 3763000 filles d’ouvriers ; en raison de l’augmentation de la fluidité sociale intervenue entre 1977 et 2003, 47 000 ne sont pas elles-mêmes ouvrières et 38 000 sont cadres ou professions intellectuelles supérieures. La réallocation des positions sociales concerne, en 2003, 266 000 femmes, soit 3 % de l’effectif total.
2

Modèle d’évolution diversifiée : effet de la variation entre 1977 et 2003, évalué sur la base du modèle de Goodman-Hout (1998) [2003 estimé Goodman-Hout – 1977 estimé Goodman-Hout et prolongé en 2003 par Ras]

Filles 1 2 3 4 5 6 Total (en milliers)
Pères
1. Agriculteurs exploitants - 22 - 2 +24 +27 - 10 - 17 (1053)
2. Artisans, commerçants et chefs d’entreprise +4 - 18 - 11 - 15 +25 +15 (1154)
3. Cadres et professions intellectuelles supérieures +1 +5 - 30 +4 +13 +7 (719)
4. Professions intermédiaires +3 +4 +2 - 26 +22 - 5 (1218)
5. Employés +5 +3 - 4 - 10 - 12 +18 (1037)
6. Ouvriers +9 +8 +19 +20 - 39 - 18 (3763)
Total (en milliers) (186) (318) (915) (2030) (4359) (1136) (8945)
figure im12

Modèle d’évolution diversifiée : effet de la variation entre 1977 et 2003, évalué sur la base du modèle de Goodman-Hout (1998) [2003 estimé Goodman-Hout – 1977 estimé Goodman-Hout et prolongé en 2003 par Ras]

Lecture : parmi les femmes françaises de 35 à 59 ans actives occupées ou anciennes actives occupées en 2003, on compte 3763000 filles d’ouvriers ; en raison de l’augmentation de la fluidité sociale intervenue entre 1977 et 2003, 18 000 ne sont pas elles-mêmes ouvrières et 19 000 sont cadres ou professions intellectuelles supérieures. La réallocation des positions sociales concerne, en 2003, 239 000 femmes, soit 2,7 % de l’effectif total.
3

Données extrapolées sans modèle : effet de la variation entre 1977 et 2003, évalué sur la base des données extrapolées [2003 extrapolé – 1977 extrapolé et prolongé en 2003 par Ras]

Filles 1 2 3 4 5 6 Total (en milliers)
Pères
1. Agriculteurs exploitants - 21 - 5 +23 +38 - 12 - 21 (1053)
2. Artisans, commerçants et chefs d’entreprise +5 - 17 - 13 +21 0 +5 (1154)
3. Cadres et professions intellectuelles supérieures 0 +9 - 42 - 5 +25 +13 (719)
4. Professions intermédiaires +1 - 3 +20 - 45 +16 +12 (1218)
5. Employés +5 +6 - 16 - 11 0 +16 (1037)
6. Ouvriers +10 +11 +30 +3 - 28 - 25 (3763)
Total (en milliers) (186) (318) (915) (2030) (4359) (1136) (8945)
figure im13

Données extrapolées sans modèle : effet de la variation entre 1977 et 2003, évalué sur la base des données extrapolées [2003 extrapolé – 1977 extrapolé et prolongé en 2003 par Ras]

Lecture : parmi les femmes françaises de 35 à 59 ans actives occupées ou anciennes actives occupées en 2003, on compte 3763000 filles d’ouvriers ; en raison de l’augmentation de la fluidité sociale intervenue entre 1977 et 2003, 25 000 ne sont pas elles-mêmes ouvrières et 30 000 sont cadres ou professions intellectuelles supérieures. La réallocation des positions sociales concerne, en 2003, 269 000 femmes, soit 3 % de l’effectif total.
Champ : femmes françaises âgées de 35 à 59 ans, actives occupées ou anciennes actives occupées à la date d’enquête.
Insee, enquêtes « Formation et qualification professionnelle » de 1977, 1985, 1993 et 2003.

20 Des résultats semblables sont aussi obtenus lorsque l’analyse des tables de mobilité masculines est restreinte aux seuls groupes socioprofessionnels de salariés, mais deux nuances méritent d’être évoquées. Fixé à 1 en 1977, le paramètre log-multiplicatif est estimé à 0,939 en 1985, 0,799 en 1993 et 0,746 en 2003. Les mesures obtenues pour les deux dernières enquêtes restent donc cette fois bien différenciées et, par comparaison à l’analyse générale, l’amplitude totale du changement est aussi accrue, l’augmentation linéaire de la fluidité sociale étant alors estimée à 1 % par an. Que, dans la modélisation, l’affaiblissement tendanciel du lien entre origine et position sociales apparaisse plus fort au sein des seuls groupes de salariés confirme bien, au demeurant, l’impression que l’examen des odds ratios symétriques avait dégagée.

21 Une conclusion de même nature surgit à l’analyse des tables de mobilité féminines. De nouveau, il faut préférer le modèle de différence uniforme au modèle de constance : la différence de khi-deux, statistiquement très significative, vaut 40,3 pour 3 degrés de liberté. Fixé à 1 en 1977, le paramètre log-multiplicatif est estimé à 1,020 en 1985, 0,877 en 1993 et 0,827 en 2003 : le niveau général de la fluidité sociale se serait donc accru d’environ 17 % en un quart de siècle. Ici encore, le modèle qui réalise le meilleur compromis entre qualité de l’ajustement aux données et parcimonie résume par une tendance linéaire la variation de la fluidité sociale : celle-ci aurait augmenté au rythme de 0,7 % par an entre 1977 et 2003. Que l’affaiblissement tendanciel du lien entre origine et position sociales s’avère un peu plus marqué parmi les femmes que parmi les hommes confirme donc encore ce que suggérait l’examen des odds ratios.

Quelle circulation sociale supplémentaire ?

22 Il faut désormais évaluer les effets concrets de la variation de la fluidité sociale. Si, en effet, celle-ci s’est accrue, c’est que des hommes et des femmes occupent en 2003 des positions sociales qui n’auraient pas été les leurs dans le cas où le régime de mobilité serait demeuré celui de la France de 1977. Partons des tables de mobilité estimées sous un modèle qui décrit correctement les données. Elles sont établies sur un échantillon. À l’aide d’une multiplication par une constante appropriée, nous pouvons en premier lieu ajuster à celle de 2003 les marges caractéristiques de la société française à cette date, c’est-à-dire la distribution socioprofessionnelle des hommes (ou femmes) français, actifs occupés ou anciens actifs occupés âgés de 35 à 59 ans, et celle de leurs pères. Nommons T le tableau ainsi obtenu. Prenons en second lieu la table de mobilité estimée en 1977. En lui ajustant les marges caractéristiques de la société française en 2003, nous obtenons une table contrefactuelle, celle que l’on aurait dû observer en 2003 si le régime de mobilité était demeuré strictement celui de la France du milieu des années 1970. Il suffit pour cela de faire usage d’un algorithme dont la caractéristique essentielle est de préserver les odds ratios, c’est-à-dire le régime de mobilité, de la table initiale [5] . Si l’on convient de nommer T’ le tableau ainsi construit, il reste alors à calculer, cellule par cellule, la différence T – T’ pour rendre visible la circulation sociale qui, en 2003, a résulté de la seule ouverture du régime de mobilité entre générations. De telles évaluations sont présentées séparément pour les hommes (tableau 6) et les femmes (tableau 7).

23 Pour éprouver la robustesse et le degré de précision des conclusions qu’elles procurent, on a en outre effectué le calcul précédent à trois reprises. D’une part, à partir du modèle de différence uniforme avec tendance linéaire, dont on a vu qu’il représentait le meilleur compromis entre simplicité et qualité d’ajustement. D’autre part, en retenant non plus un modèle d’évolution uniforme, mais un modèle d’évolution diversifiée : dû à Goodman et Hout, et généralisant le modèle de Xie, il ne suppose plus que tous les odds ratios ont varié dans la même direction, mais autorise certains à croître alors que les autres décroissent ; un tel modèle décrit donc plus fidèlement les données, au prix d’une complexité plus grande. Enfin, en s’affranchissant de tout modèle statistique pour raisonner directement sur les données d’enquête : on compare alors la table de mobilité observée en 2003 à celle qui aurait dû être obtenue à la même date si le régime de mobilité observé en 1977 s’était exactement prolongé. Dans les tableaux 6 et 7, chaque évaluation figure sous la forme d’un tableau d’effectifs, positifs ou négatifs, dont, par construction, la somme est nulle pour chaque ligne (ou origine sociale) et chaque colonne (ou position sociale). Puisqu’elle s’effectue à l’intérieur des distributions socioprofessionnelles qui caractérisent la société française en 2003, la réallocation des positions sociales résultant de la seule variation du régime de mobilité s’apparente en effet à un jeu à somme nulle, où les positions gagnées par certains ont été perdues par d’autres. Pour plus de lisibilité, on a fait figurer les effectifs en gras chaque fois que les trois évaluations fournissent un résultat convergent, c’est-à-dire de même signe.

24 Dans le cas des hommes, la réallocation des positions sociales liée à la variation du régime de mobilité en un quart de siècle concerne entre 2,3 % et 5,2 % de la population considérée. Il ne s’agit donc pas d’une transformation de grande ampleur, même si l’ordre de grandeur est ici quelque peu incertain. Les trois évaluations convergent pour montrer que la réallocation des positions sociales due à l’évolution de la fluidité correspond à une moindre immobilité au sein des quatre groupes de salariés, elle-même compensée par une circulation sociale plus forte. Par exemple, davantage de fils d’ouvriers sont devenus professions intermédiaires, artisans, commerçants ou chefs d’entreprise, et surtout cadres et professions intellectuelles supérieures. Ou encore, par rapport à ce qu’aurait impliqué la stricte constance de la fluidité sociale, il y a moins de fils d’employés ou de professions intermédiaires qui ont rejoint l’une ou l’autre de ces deux positions, mais davantage qui sont devenus ouvriers. S’agissant des fils de cadres et professions intellectuelles supérieures, le constat est analogue : leur mobilité descendante vers les groupes des professions intermédiaires, employés et ouvriers est devenue plus fréquente, comme semble l’être aussi le fait d’occuper une position d’indépendant non agricole. Enfin, l’infléchissement du régime de mobilité va de pair, parmi les fils d’agriculteurs exploitants, avec une moindre destinée ouvrière comme avec le fait de rejoindre plus souvent une position de cadre ou de profession intermédiaire. Toutes ces évolutions, que les trois évaluations attestent, manifestent bien que, par nature, le relâchement du lien entre origine et position sociales mis en évidence correspond à la fois à un surplus de mouvements ascendants et de mouvements descendants. L’augmentation de la fréquence des déclassements sociaux [4] constitue ainsi, pour partie au moins, l’une des facettes de l’accroissement de la fluidité sociale entre générations.

25 S’agissant des femmes, la réallocation des positions sociales provenant de la variation du régime de mobilité est estimée de façon plus précise, mais demeure également d’ampleur limitée : entre 2,7 % et 3 % de la population totale considérée. À la différence de ce qu’on observait parmi les hommes, elle correspond cette fois à une moindre immobilité sociale dans tous les groupes socioprofessionnels, y compris ceux d’indépendants. De nouveau, le supplément de circulation sociale que les trois évaluations mettent au jour relève à la fois de trajectoires ascendantes – par exemple, des filles d’ouvriers qui deviennent moins souvent employées ou ouvrières et plus souvent professions intermédiaires ou cadres – et de trajectoires descendantes – davantage d’employées qui sont filles de cadres ou de professions intermédiaires par comparaison à ce qu’aurait impliqué la stricte constance de la fluidité sociale.

Conclusion

26 En Grande-Bretagne, ces dernières années, l’idée selon laquelle la mobilité sociale avait diminué et qu’il convenait désormais de la restaurer à son niveau antérieur semble s’être imposée dans les milieux politiques, mais, comme le montrent Goldthorpe et Jackson [2], elle mêle de façon assez confuse des considérations sur les taux absolus et les taux relatifs de mobilité. À partir des données à leur disposition – des données en réalité plus parcellaires que celles qu’il est possible de mobiliser à propos de la France – ils montrent en effet qu’il n’y a pas de signes tangibles que la mobilité observée ait diminué même si, parmi les hommes et en raison des transformations de la structure sociale, la prééminence de la mobilité ascendante sur la mobilité descendante est devenue moins favorable. S’agissant des taux relatifs de mobilité, les mêmes auteurs mettent en évidence une quasi-constance pour les hommes et les femmes. Revenant alors sur la volonté qu’il pourrait y avoir de réduire l’association statistique entre origine et position sociales, ils soulignent enfin que, si les milieux politiques perçoivent bien que l’augmentation de la fluidité sociale va de pair avec un surcroît de mobilité ascendante, ils oublient le fait qu’elle s’accompagne aussi d’une mobilité descendante plus nombreuse.

27 Il est tentant d’établir un parallèle avec nos résultats et la thèse, souvent énoncée en France, de « la panne de l’ascenseur social ». Pour la population des hommes et femmes français de 35 à 59 ans, actifs ayant un emploi ou anciens actifs ayant eu un emploi, l’immobilité sociale entre générations a diminué entre 1977 et 2003 – ou la mobilité observée a augmenté – et ce mouvement s’inscrit dans le prolongement de ce que l’on a pu observer depuis le milieu du XXe siècle [6]. Mais il est vrai que, parmi les hommes et comme dans l’analyse britannique, la prééminence de la mobilité ascendante sur la mobilité descendante a décliné depuis 1985 et cela a pu renforcer le sentiment de l’arrêt de « l’ascenseur social ». Sous l’angle du lien intrinsèque entre origine et position sociales, la tendance temporelle est objectivement plus favorable en France qu’en Grande-Bretagne puisque, dans le prolongement d’un mouvement déjà mis au jour [6], la fluidité sociale entre générations s’est accrue entre 1977 et 2003. Mais ce relâchement du lien entre origine et position sociales, c’est-à-dire cette moindre inégalité des chances sociales, comporte, en raison même de la manière dont elle est mise en évidence, à la fois une face heureuse – un surplus de trajectoires ascendantes – et une face plus sombre – des déclassements sociaux plus nombreux – qui a retenu l’attention ces dernières années.

Bibliographie

  • [1] DUPAYS S., « En un quart de siècle, la mobilité sociale a peu évolué », Données sociales. La société française, édition 2006, Paris, Insee, pp. 343-349.
  • [2] GOLDTHORPE J. H., JACKSON M., « Intergenerational Class Mobility in Contemporary Britain : Political Concerns and Empirical Findings », British Journal of Sociology, 58 (4), 2007, pp. 525-546.
  • [3] MURAT F. ET MICHEAUX S., Formation et qualification professionnelle en 2003, « Insee Résultats », Société n° 64, avril 2007.
  • [4] PEUGNY C., « Éducation et mobilité sociale : la situation paradoxale des générations nées dans les années 1960 », Économie et Statistique, n° 410, 2007, pp. 23-45.
  • [5] THÉLOT C. ET VALLET L.-A., « La réduction des inégalités sociales devant l’école depuis le début du siècle », Économie et Statistique, n° 334, 2000, pp. 3-32.
  • [6] VALLET L.-A., « Quarante années de mobilité sociale en France. L’évolution de la fluidité sociale à la lumière de modèles récents », Revue française de sociologie, 40 (1), 1999, pp. 5-64.
  • [7] VALLET L.-A., « Change in Intergenerational Class Mobility in France from the 1970s to the 1990s and its Explanation : An Analysis Following the Casmin Approach » in Breen R. (ed.), Social Mobility in Europe, 2004, Oxford, Oxford University Press, pp. 115-147.
  • [8] VALLET L.-A., « Une société plus ouverte : la France entre 1970 et 1993 » in Lagrange H. (dir.), L’épreuve des inégalités, 2006, Paris, Presses Universitaires de France, pp. 113-152.
  • [9] VALLET L.-A., « Sur l’origine, les bonnes raisons de l’usage et la fécondité de l’odds ratio », Courrier des statistiques, 2007, 121-122, pp. 59-65.

Date de mise en ligne : 14/04/2014

https://doi.org/10.3917/idee.175.0006

Notes

  • [1]
    On peut le constater en comparant les effectifs de la table de mobilité sociale de 2003, publiée en page 345 de Données sociales 2006, à ceux qui peuvent être obtenus, pour le même champ, à partir des tableaux détaillés IR3P1T01 et IR3P2T01 du volume « Insee Résultats » correspondant [3], eux-mêmes très proches de ce que fournit directement le fichier d’enquête.
  • [2]
    Les huit tables de mobilité sont disponibles sur demande auprès de l’auteur (louisandre. vallet@sciencespo.fr) qui remercie le Réseau Quetelet pour la mise à disposition des fichiers d’enquête.
  • [3]
    Pour plus de détails sur ce point, voir les travaux de l’auteur [6] (pp. 17-18).
  • [4]
    Pour plus de détails techniques sur ces modèles, voir Vallet (1999, pp. 34-51) [6] ou Thélot et Vallet (2000, pp. 17-18) [5].
  • [5]
    Connu en France sous le nom d’algorithme RAS, il a été proposé en 1940 par le statisticien William Deming et le démographe Frederick Stephan. Partant d’un tableau de contingence et de marges différentes que l’on souhaite lui ajuster, il consiste, dans son principe, à effectuer des ajustements proportionnels (ou « règles de trois »), d’abord sur les lignes du tableau (pour ajuster la nouvelle marge ligne), puis sur les colonnes du tableau ainsi obtenu (pour ajuster la nouvelle marge colonne), ensuite de nouveau sur les lignes du tableau qui vient d’être obtenu (pour réajuster la nouvelle marge ligne), etc. Au fil des itérations, l’algorithme converge progressivement vers un tableau de contingence qui est doté des deux marges désirées, mais a conservé les odds ratios du tableau initial. Il a été utilisé dès 1966 par le sociologue américain Otis Dudley Duncan : étudiant la mobilité sociale à Indianapolis entre 1910 et 1940, il souhaitait savoir si tout le changement dans la table de mobilité résultait de la seule transformation des distributions marginales.

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