Notes
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[1]
Ces probabilités sont objectives : ce sont des données extérieures à l’individu, issues en particulier des fréquences observées des événements considérés.
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[2]
Les chiffres entre crochets renvoient à la bibliographie en fin d’article.
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[3]
Un des premiers apports décisifs a lieu avec Allais [3] et la mise en évidence du paradoxe qui porte son nom.
-
[4]
Amos Tversky décède en 1996. Daniel Kahneman reçoit le Nobel d’économie en 2002. « Le prix a été décerné pour le travail que nous avons réalisé en commun, a-t-il déclaré. Nul doute que, si Amos avait vécu, cela aurait été un prix partagé, et je le considère comme tel [4]. » Dans cette même interview, Daniel Kahneman précise que le pont entre les travaux des psychologues et ceux des économistes a été réalisé grâce à l’économiste Richard Thaler, aujourd’hui chef de file de l’économie comportementale.
-
[5]
(0,30 x 1 000) + (0,20 x (-500)).
-
[6]
(0,25 x 1 500) + (0,22 x (-1000)).
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[7]
Bien que certains principes à l’œuvre dans cette phase puissent être repris dans ces modèles.
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[8]
Bernoulli [5] le supposait déjà. Von Neumann et Morgenstern [1] n’ont néanmoins pas tenu compte de cette hypothèse.
-
[9]
Chez Kahneman et Tversky [2], ce point de référence est déterminé au cours de la phase d’édition.
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[10]
Dans le problème 4, le participant possède 1 000 $. S’il choisit l’option A, son état final de richesse sera soit de 2 000 $ (1 000 $ + 1 000 $) avec une probabilité de 50 %, soit de 1 000 $ (1 000 $ + 0) avec une probabilité de 50 %. S’il choisit l’option B, son état final de richesse sera de 1 500 $ (1 000 $ + 500 $). Dans le problème 5, le participant possède 2 000 $. S’il choisit l’option C, son état final de richesse sera soit de 2 000 $ (2 000 $ - 0) avec une probabilité de 50%, soit de 1 000 $ (2 000 $ - 1 000 $) avec une probabilité de 50 %. S’il choisit l’option D, son état final de richesse sera de 1500 $ (2000 $ - 500 $).
1 On parle de décision face au risque lorsqu’un individu fait des choix dont les conséquences dépendent de la réalisation d’événements auxquels des probabilités [1] sont rattachées. Dans ce domaine, la théorie économique orthodoxe repose sur la théorie de l’utilité espérée de John von Neumann et Oskar Morgenstern [1] [2]. Il s’agit d’un modèle axiomatique de choix rationnel (approche normative) qui prolonge, dans le contexte des choix risqués, le modèle de l’homo œconomicus bien connu dans le contexte des choix en situation de certitude.
2 Très tôt, les expériences réalisées pour étudier la façon dont les individus prennent réellement leurs décisions dans des situations risquées ont remis en cause plusieurs aspects de la théorie de l’utilité espérée [3]. À partir des années 1970, deux psychologues vont jouer un rôle décisif dans la compréhension de l’attitude face au risque. Daniel Kahneman et Amos Tversky [4] vont en effet contribuer à la réalisation de nombreuses expériences relatives à deux questions très liées. La première concerne la prise de décision risquée elle-même. Les expériences menées par les auteurs vont les amener à proposer un modèle descriptif de choix risqués : la théorie des perspectives [2]. Ce modèle, alternatif au modèle normatif de l’utilité espérée, va jouer un rôle fondateur et central dans les développements ultérieurs de la théorie des choix risqués. La deuxième concerne les jugements de probabilités. La théorie de l’utilité espérée suppose implicitement que les individus rationnels traitent parfaitement l’information disponible. En particulier, ils ne font aucune erreur dans l’évaluation des probabilités. Les expériences menées par Kahneman et Tversky, entre autres, vont au contraire révéler que les individus utilisent des heuristiques dans les jugements de probabilités, heuristiques qui mènent souvent à de multiples erreurs de jugement.
Approche normative de décision en situation risquée et remise en cause expérimentale
De l’espérance de gain à l’espérance d’utilité : l’aversion au risque
3 L’objectif de l’approche normative n’est pas de décrire les prises de décisions réelles mais de définir les principes logiques et rationnels que les preneurs de décision doivent suivre, afin d’effectuer un choix dit « rationnel », c’est-à-dire le choix qui « rapporte » le plus, correspondant au meilleur choix. L’être humain est considéré ici comme un statisticien intuitif qui décide de manière isolée et rationnelle, en prenant en compte l’ensemble des alternatives possibles ; son choix étant alors dicté par le principe de maximisation. Ainsi, selon ce principe, les décideurs sont censés passer en revue toutes les alternatives possibles. Ils sélectionnent alors l’option qui présente l’utilité attendue (espérée) la plus importante. Cette utilité attendue se calcule en multipliant la valeur de chaque conséquence possible par sa probabilité et en ajoutant les produits. En d’autres termes, il s’agit de l’état final de richesse offert par chacune des options proposées.
4 Ainsi, voici deux paris :
- Pari A : 30 % de chances de gagner 1 000 € et 20 % de chances de perdre 500 €
- Pari B : 25 % de chances de gagner 1 500 € et 22 % de chances de perdre 1 000€
6 Quel pari choisiriez-vous ?
7 A priori, les décideurs devraient sélectionner le pari A puisque l’espérance mathématique de gain de cette option est plus grande que celle du pari B. En effet, le pariA présente une utilité attendue de 200 € [5] alors que celle du pari B est de 155 € [6].
8 Toutefois, si l’espérance mathématique de gain peut apparaître comme un critère de décision « logique » en situation de risque, il montre rapidement ses limites comme l’illustre l’exemple célèbre du paradoxe de Saint-Pétersbourg.
LE PARADOXE DE SAINT-PÉTERSBOURG
Quelle somme seriez-vous prêt à engager pour participer à ce jeu ?
Selon l’espérance mathématique de gain, nous devrions engager une infinité d’euros. En effet, la valeur monétaire attendue du jeu s’obtient en sommant la valeur attendue de tous les cas possibles, et elle est infinie.
Si « face » intervient dès le premier lancer, on gagne 2 euros. La probabilité pour que cela arrive est d’1 chance sur 2 (soit 1/2), ce qui donne une valeur attendue pour ce coup de 1 € (à savoir ½ x 2 €). Si « face » intervient pour la première fois au 2e lancer, ce qui se produit avec une probabilité de ½ x ½ = 1/4, le gain est alors de 4 € ; ce qui fait une valeur attendue de 1 € pour ce coup (à savoir ¼ x 4). Plus généralement, si « face » apparaît pour la première fois au ne lancer, ce qui se produit avec une probabilité de 1/2n, le gain est alors de 2n € ; ce qui fait une valeur attendue de 1 € pour ce coup (à savoir 1/2n x 2n). La valeur attendue du jeu s’obtient en sommant la valeur attendue de tous les cas possibles, et vaut donc : valeur attendue du jeu = 1 + 1 + 1 + 1+1 +… On somme une infinité de termes qui valent tous 1, la somme est donc infinie.
Pourtant, la plupart des gens engageraient seulement une poignée d’euros, tout au plus. Comment résoudre, ce paradoxe, appelé communément dans la littérature « Le paradoxe de Saint-Pétersbourg » ?
La solution proposée par Daniel Bernoulli [5] consiste à substituer la valeur monétaire attendue du jeu (espérance mathématique de gain) par l’utilité (satisfaction) attendue du jeu (espérance mathématique de l’utilité). Selon Bernoulli, l’utilité que procure un gain de 2 000 € n’est pas le double de celle que procure un gain de 1 000 €, mais moins. Bernoulli propose de prendre comme fonction d’utilité, la fonction logarithme décimal : l’utilité du gain est égale au logarithme du gain. L’utilité attendue du jeu s’obtient alors en sommant l’utilité attendue de tous les cas possibles et vaut 0,60206.
Si « face » intervient dès le premier lancer, on gagne 2 €. La probabilité pour que cela arrive est 1/2, ce qui donne une utilité attendue pour ce coup de 0,1505 (1/2 x log 2). Si « face » intervient pour la première fois au 2e lancer, ce qui se produit avec une probabilité de ½ x ½ = 1/4, le gain est alors de 4 €, ce qui fait une utilité attendue pour ce coup de 0,1505 (1/4 x log 4). Si face intervient pour la première fois au 3e lancer, ce qui se produit avec une probabilité de ½ x ½ x ½ = 1/8, le gain est alors de 8 €, ce qui fait une utilité attendue pour ce coup de 0,1128 (1/8 x log 8). Maintenant, l’utilité attendue du jeu s’obtient en sommant l’utilité attendue de tous les cas possibles, et vaut donc 0,60206. En effet, cette série, bien qu’infinie, se trouve avoir la propriété mathématique d’être « convergente ». Or, puisque l’utilité du gain est égale au logarithme décimal du gain, un joueur rationnel devrait investir à ce jeu 4 € (0,6026 = log (X) soit X = 4 €) et non pas un nombre infini d’euros, comme le laissait penser le résultat obtenu simplement en prenant la valeur attendue.
La fonction d’utilité retenue par Bernoulli est une fonction d’utilité concave (l’utilité s’accroît avec une intensité de plus en plus petite). Cette propriété est essentielle car elle implique une caractéristique centrale de la décision face au risque dans la théorie de l’utilité espérée : les décideurs manifestent dans leur choix une « aversion pour le risque ».
9 Afin d’illustrer l’aversion au risque, imaginons un décideur confronté au choix entre les deux options suivantes (problème 1) :
- un gain certain de 4 €,
- un jeu « J » offrant 50 % de chances de gagner 8 € et 50 % de ne rien perdre
11 Quelle option choisiriez-vous ?
12 Ces deux options ont une valeur monétaire attendue identique (espérance mathématique égale à 4 €). En revanche, la concavité de la fonction d’utilité entraîne que l’utilité attendue attachée à un gain de 4 € est inférieure à 4. Ainsi, l’utilité attendue, associée au jeu « J », est inférieure au gain certain de 4 €. Selon le principe de maximisation de l’utilité espérée, le décideur sélectionnera l’option lui offrant un gain certain de 4 €. Il fait ainsi preuve d’une aversion pour le risque. En effet, en choisissant le jeu « J », le preneur de décision prendrait le risque de « perdre » relativement de l’argent par rapport à un gain potentiel de 4 €, en se donnant simultanément, tout de même, la possibilité de gagner 8 €.
13 Von Neumann et Morgenstern fournissent en 1947 [1] une axiomatique rigoureuse pour la solution proposée par Bernoulli : le modèle va alors devenir un modèle normatif reposant sur des axiomes caractérisant le choix rationnel. Ainsi, ces auteurs systématisent et formalisent le critère d’utilité attendue afin de définir ce que doit être la conduite « idéale » et a priori d’un individu en situation de prise de décision, dans un univers risqué. Ils n’ont pas voulu décrire la prise de décision mais plutôt donner les règles nécessaires à une prise de décision rationnelle.
Résultats expérimentaux : aversion au risque pour les gains et attirance au risque pour les pertes
14 De nombreux résultats expérimentaux viennent confirmer l’existence d’une aversion pour le risque, lorsqu’elle se traduit par la préférence pour un gain certain.
15 Considérons par exemple le problème de décision suivant (problème 2) :
- un gain certain de 500 $,
- un jeu « J » offrant 50 % de chances de gagner 1 000 $ et 50 % de ne rien perdre.
17 Quelle option choisiriez-vous ?
18 Les résultats de Kahneman et Tversky [2] indiquent que 84 % des participants choisissent le gain certain de 500 $ plutôt que le jeu « J », alors que ces deux options présentent une valeur monétaire attendue égale. Par ailleurs, cette configuration de résultats se retrouve même lorsque le pari présente une valeur monétaire attendue plus grande que le gain certain. Par exemple, les participants d’une étude de Kahneman et Tversky [6] préfèrent majoritairement un gain certain de 800 $ à un pari, offrant 85 % de chances de gagner 1 000 $ et 15 % de chances de ne rien perdre. Bien que le pari offre une espérance mathématique de 50 $ supérieure au gain certain, les participants ne veulent pas prendre le risque de gagner ce supplément. Les décideurs seraient donc bien averses au risque.
19 Considérons maintenant le problème de décision suivant (problème 3) :
- une perte certaine de 500 $,
- un jeu « J » offrant 50 % de chances de perdre 1 000 $ et 50 % de ne rien perdre.
21 Quelle option choisiriez-vous ?
22 Dans ce cas, la configuration de résultats observés par Kahneman et Tversky [2] se renverse comparativement au problème 2. En effet, 69 % des participants préfèrent le pari offrant 50 % de chances de perdre 1000 $ à la perte certaine de 500$. Les participants font ainsi preuve d’un comportement de prise de risque. En effet, en choisissant le jeu « J » dans le problème 3, le preneur de décision prend le risque de « perdre » relativement de l’argent par rapport à une perte certaine de 500 $, en se donnant simultanément, tout de même, la possibilité de ne pas perdre d’argent.
23 Pour expliquer cet effet (reflection effect) en particulier ainsi que les déviations fréquentes des choix par rapport aux axiomes de la théorie de l’utilité attendue, Kahneman et Tversky [2] ont proposé une théorie, cette fois-ci « descriptive » de la prise de décision, la théorie des perspectives (prospect theory).
Théorie descriptive de la décision en situation risquée : la théorie des pers pectives (prospect theory)
Phase d’édition et phase d’évaluation
24 Dans la théorie des perspectives, Kahneman et Tversky [1] proposent de représenter le processus mental de la prise de décision au travers de deux phases : une phase d’édition et une phase d’évaluation.
25 La phase d’édition est une phase de préparation qui consiste en une analyse préliminaire des perspectives offertes. Elle correspond le plus souvent à une simple représentation de ces perspectives. Sa fonction est d’organiser, de trier, de reformuler et de simplifier les différentes options, et ce dans le but d’en faciliter l’évaluation.
26 Introduire une telle phase dans la représentation de la prise de décision est sans doute une des caractéristiques de la théorie des perspectives qui l’éloigne le plus des modèles de décision habituels des économistes. Avec cette phase, on suppose en effet qu’un problème de décision n’est pas donné objectivement mais qu’il est « reconstruit », « reformulé » subjectivement par l’individu. De ce point de vue, la théorie des perspectives n’est pas seulement un modèle de choix risqués, mais elle relève également des études sur les aspects cognitifs du traitement de l’information développées par Kahneman et Tversky, abordées plus loin dans cet article.
27 Une des conséquences de l’introduction de cette phase est que deux problèmes de décision objectivement identiques en termes de distributions de probabilités sur les issues possibles pourront ne pas être considérés comme subjectivement équivalents par le décideur. On comprend aisément que ce phénomène, appelé de manière générale « effet de contexte », complique grandement la représentation de la décision, en particulier sous la forme de modèles mathématiques. La phase d’édition ne se retrouvera d’ailleurs généralement pas dans les modèles de choix risqués qui vont se développer après la théorie des perspectives, y compris les modèles qui constituent des prolongements directs de cette théorie [7, 8]. [7]
28 La phase d’évaluation de la théorie des perspectives en revanche va marquer de manière importante la représentation de la décision risquée. C’est elle qui va notamment permettre d’expliquer les résultats expérimentaux que nous avons présentés. Dans cette phase, les perspectives éditées sont évaluées et celle présentant la plus grande utilité subjective est choisie, selon le même principe de maximisation que celui de la théorie de l’utilité attendue [1]. Cependant, la théorie des perspectives se différencie de la théorie de l’utilité attendue en intégrant deux fonctions dans le calcul de l’utilité subjective d’une perspective, à savoir une fonction de la valeur subjective et une fonction de pondération des probabilités. Nous allons détailler ces deux fonctions.
Point de référence, aversion aux pertes, aversion au risque pour les gains, attirance au risque pour les pertes
29 Selon la théorie de l’utilité attendue, la fonction d’utilité est définie par rapport aux états finaux de richesse. En revanche, la fonction de valeur dans la théorie des perspectives, est définie par les changements de l’état de richesse initial plutôt que par des états finaux absolus [8]. En d’autres termes, les perspectives sont codées comme des pertes ou des gains par rapport à un point de référence [9], communément l’état initial de richesse du décideur ; il ne s’agit donc pas de gains et de pertes dans l’absolu, mais de gains et de pertes relatifs à cet état initial. La valeur subjective associée aux résultats des différentes perspectives est donc dépendante d’une part, de l’état initial de richesse du décideur et d’autre part, de la valence (positive ou négative) du changement par rapport à cet état.
30 Pour illustrer l’idée de point de référence (dépendance par rapport à l’état initial de richesse), imaginons deux salariés. Le premier a un salaire de 1 000 € et il bénéficie d’une augmentation de salaire de 150 € et le second a un salaire de 5 000 € et bénéficie, lui aussi, d’une augmentation de 150 €. Quel est le plus satisfait de son augmentation ?
31 Alors que l’utilité attendue de ces deux augmentations est identique puisqu’elle correspond dans les deux cas à une augmentation de 150 € de l’état initial de richesse, il est aisé de s’imaginer qu’une différence de 150 € à partir d’un point de référence de 1 000 € est ressentie comme plus importante qu’à partir d’un point de référence de 5 000 €. Ainsi, la valeur subjective de l’augmentation est plus importante pour le salarié A que pour le salarié B.
La fonction de la valeur
Valeur de 1 000
Valeur de 500
0,5 x valeur de 1000
PERTES GAINS
- 1 100 -1 000 -900 -800 -700 -600 -500 -400 -300 -200 -100 100 200 300 400 500 600 700 800 900 1 000 1 100
0,5 x valeur de -1 000
Valeur de -500
Valeur de -1 000
La fonction de la valeur
32 De plus, conformément aux résultats expérimentaux obtenus pour les problèmes 2 et 3, le point de référence place les différentes issues possibles d’un problème de décision soit dans le domaine des pertes, dans lequel l’individu va manifester une attirance pour le risque, soit dans le domaine des gains, dans lequel l’individu va manifester une aversion pour le risque.
33 Pour illustrer maintenant le fait que la réponse aux pertes est plus forte que la réponse aux gains (dépendance par rapport à la valence positive ou négative du changement par rapport au point de référence), considérons deux personnes A et B.A en se promenant trouve 100 €. B en se promenant perd 100 €. A et B ressentent-ils cet événement avec la même intensité ? Selon Kahneman et Tversky [2], la joie éprouvée par A sera plus petite que la contrariété ressentie par B. En effet, selon ces auteurs, la contrariété que l’on éprouve en perdant une somme d’argent est plus grande que le plaisir de gagner la même somme. Ces auteurs appellent cela l’aversion aux pertes.
34 La fonction de la valeur subjective proposée par Kahneman et Tversky [2] pour évaluer des projets risqués traduit les caractéristiques précédentes du comportement face au risque. D’une part, le point de référence détermine la zone des pertes et la zone des gains. D’autre part, la forme de la fonction dans la zone des pertes (en dessous du point de référence) n’est pas identique à celle dans la zone des gains. Plus précisément, la forme de la fonction de la valeur au-dessus du point de référence dans la zone des gains est similaire à celle de la fonction d’utilité attendue, à savoir concave. En revanche, elle est convexe et plus pentue en dessous du point de référence (zone des pertes), traduisant à la fois un comportement de prise risque dans cette zone et une aversion pour la perte (graphique 1).
35 Finissons par une prédiction intéressante de la théorie des perspectives caractérisant un effet de contexte : deux problèmes de décision formellement équivalents peuvent conduire à des choix différents.
36 Problème 4 : en plus des 1 000 $ que l’on vous a déjà donnés, on vous demande de choisir entre deux options. Laquelle choisiriez-vous ?
- L’option A : 50 % de chances de gagner 1 000 $ et 50 % de chances de ne rien perdre ;
- l’option B : un gain certain de 500 $.
38 Problème 5 : en plus des 2 000 $ que l’on vous a déjà donnés, on vous demande de choisir une des deux options suivantes. Laquelle choisiriez-vous ?
- L’option C : 50 % de chances de perdre 1 000 $ et 50 % de chances de ne rien perdre ;
- l’option D : une perte certaine de 500 $.
40 En termes d’états finaux de richesse, les problèmes 4 et 5 sont identiques : l’état final de l’option A est équivalent à celui de l’option C et celui de l’option B à celui de l’option D [10]. Par conséquent, selon la théorie de l’utilité espérée, un individu qui choisit l’option B dans le problème 4 doit également choisir l’option D dans le problème 5. Or, les résultats expérimentaux obtenus par Kahneman et Tversky [2] indiquent que la majorité des participants choisit l’option B dans le problème 4 et l’option C dans le problème 5. Ce profil de choix est prédit par la théorie des perspectives et s’explique de la manière suivante.
41 Dans le problème 4, le participant code les deux options en fonction du changement qu’elles lui offrent par rapport à son état initial de richesse, 1 000 $. Elles sont ainsi évaluées dans le domaine des gains, incitant alors à la préférence pour un gain certain, en vertu de l’aversion pour le risque dans ce domaine.
42 Dans le problème 5, le participant code les deux options en fonction du changement qu’elles lui offrent par rapport à son état initial de richesse, 2 000 $. Elles sont ainsi évaluées dans le domaine des pertes, incitant alors à la préférence pour l’option risquée, en vertu d’un comportement de prise de risque dans ce domaine.
43 Ainsi, ces préférences traduisent d’une part, une négligence du bonus de départ (encore appelée « transgression du principe de ségrégation ») et d’autre part, un choix dicté par un codage des perspectives en fonction d’un point de référence, à savoir l’état initial de richesse du décideur, plutôt que l’état final de richesse. La théorie des perspectives se différencie également de la théorie de l’utilité par l’intégration d’une deuxième fonction : la fonction de pondération des probabilités.
44 Après la fonction de valeur subjective, nous présentons la fonction de pondération des probabilités.
Surpondération des événements à faible probabilité et sous-pondération des événe ments à forte probabilité
45 Dans la théorie de l’utilité attendue, l’utilité d’un résultat risqué est pondérée par sa probabilité p, alors que dans la théorie des perspectives, la valeur d’un résultat risqué est multipliée par le poids de la décision ? (p). Cette fonction de pondération ? (p) permet de capturer les différents poids de décision subjectivement attachés aux perspectives offertes par un jeu, à partir d’une déformation des probabilités. Elle a les propriétés suivantes :
- le poids de décision d’un événement de probabilité nulle est nul (? (0) = 0) et l’échelle est normalisée de sorte que ? (1) = 1 ;
- la fonction ne se comporte pas régulièrement vers les extrêmes. En effet, pour les petites probabilités ? (p) > p, les probabilités faibles ont donc une pondération forte. En revanche, pour les probabilités moyennes ou grandes ? (p) < p, les probabilités moyennes ou grandes ont donc une pondération faible. Concrètement, les petites probabilités sont surestimées alors que les probabilités moyennes ou grandes sont sous-estimées.
47 Les résultats expérimentaux révèlent effectivement une tendance à déformer les probabilités dans le cadre de décisions risquées. Ainsi, nous avons indiqué précédemment que d’après Kahneman et Tversky [2] :
- 84 % des participants préfèrent un gain certain de 500 $ à un pari offrant 50 % de chances de gagner 1 000 $ (choix indiquant une aversion pour le risque) ;
- 69 % des participants préfèrent un pari offrant 50 % de chances de perdre 1 000 $ à une perte certaine de 500 $ (choix indiquant un comportement de prise de risque).
49 Mais, dans le même temps, Kahneman et Tversky [2] révèlent également que :
- 72 % des participants préfèrent un pari offrant 1 % de chances de gagner 5 000 $ à un gain certain de 5 $ (choix indiquant un comportement de prise de risque) ;
- 83 % ont choisi une perte certaine de 5 $ plutôt qu’un pari offrant 1 % de chances de perdre 5 000 $ (choix indiquant une aversion pour le risque).
51 Ces résultats attestent le fait que le comportement envers le risque est non seulement influencé par le cadrage des perspectives soit dans le domaine des gains, soit dans le domaine des pertes, mais aussi par la pondération des probabilités. Ces quatre attitudes envers le risque, en fonction non seulement de la valence (positive ou négative) du changement par rapport à l’état initial de richesse, mais aussi du type de probabilités associées à l’alternative risquée sont résumées dans le tableau 1 [7].
52 Ainsi, selon les résultats de Kahneman et Tversky [2], les décideurs manifestent une aversion pour le risque pour les moyennes et grandes probabilités lorsqu’ils codent les perspectives dans le domaine des gains, et pour les petites probabilités lorsqu’ils codent les perspectives dans le domaine des pertes. En revanche, les décideurs ont un comportement de prise de risque pour les moyennes et grandes probabilités lorsqu’ils codent les perspectives dans le domaine des pertes, et pour les petites probabilités lorsqu’ils codent les perspectives dans le domaine des gains.
53 En résumé, selon la théorie des perspectives, les comportements envers le risque (attirance contre aversion) ne sont pas fixes, mais sont plutôt édifiés au cours du processus décisionnel en fonction du codage des perspectives dans le domaine des gains contre des pertes et/ou en fonction du type de probabilités (petites contre moyennes et grandes).
Les quatre attitudes envers le risque
Domaine de codage | Petites probabilités |
Moyennes et grandes probabilités |
Gains | Recherche de risque | Aversion pour le risque |
Pertes | Aversion pour le risque | Recherche de risque |
Les quatre attitudes envers le risque
Jugement direct de probabilités : le programme « Heuristiques et biais »
54 Ainsi que nous l’avons vu, lorsqu’ils ont à prendre des décisions risquées, les individus ont tendance à reformuler l’information disponible, à la transformer subjectivement selon les caractéristiques spécifiques de la décision qu’ils ont à prendre. Cette tendance à traiter subjectivement l’information se retrouve également hors de tout contexte de décision. Entre l’information comme donnée objective et l’information telle que l’individu se la représente, il y a une différence qui a trait aux processus cognitifs intervenant dans cette représentation.
55 Pour l’analyse des décisions en situation de risque, l’étude de ces processus cognitifs semble essentielle car elle est complémentaire, et parfois indissociable, de celle de la prise de décision. Elle permet de comprendre ce qui peut se jouer en amont de cette prise de décision et, par conséquent, apporter des éléments d’explication relatifs à celle-ci.
56 Daniel Kahneman et Amos Tversky vont à nouveau jouer un rôle important dans cette étude et ouvrir un programme de recherche nommé « Heuristique et biais », appellation tirée du nom de l’ouvrage édité par Daniel Kahneman, Paul Slovic et Amos Tversky [9].
57 Le mot « heuristique » désigne ici le traitement de l’information spécifique de l’intelligence humaine, différent d’un programme informatique fondé uniquement sur des algorithmes. En face d’un problème, un programme fondé sur une démarche algorithmique va procéder à un inventaire systématique de l’information. Le processus demande beaucoup de ressources en temps et en énergie, mais il est infaillible (parfois irréalisable compte tenu du nombre de combinaisons). L’être humain procède quant à lui selon la démarche heuristique, stratégie cognitive qui consomme moins de temps et d’énergie mentale : elle est plus astucieuse mais comporte un risque d’erreur. Les heuristiques sont en effet des stratégies cognitives simplistes, « des raccourcis » mentaux économiques, qui nous autorisent à trouver des solutions acceptables, mais pas toujours correctes.
58 Les heuristiques sont nécessaires mais dangereuses :
- nécessaires car elles facilitent grandement les processus de jugement et, par conséquent, la prise de décision. De ce point de vue, elles peuvent donc apparaître comme efficaces car elles évitent des efforts de réflexion et de calcul ;
- dangereuses car ces raccourcis peuvent nous induire en erreur, nous amener à retenir de mauvaises informations par exemple et donc nous faire prendre de mauvaises décisions… C’est dans ce cas que l’« heuristique » rejoint le « biais », ce dernier conduisant systématiquement à l’erreur.
60 Ces heuristiques concernent tout problème de traitement de l’information. Toutefois, celui qui a retenu davantage l’attention concerne les jugements de probabilité. Sachant que certaines informations concernant les probabilités objectives d’un événement sont disponibles, comment les individus vont-ils former leurs jugements de probabilité ? Ces jugements sont-ils cohérents avec les lois sur le calcul des probabilités ?
61 Parmi la multitude d’heuristiques qui ont été repérées par les chercheurs, les deux plus connues sont l’heuristique de la disponibilité et l’heuristique de la représentativité. La première se traduit par la focalisation sur une partie de l’information et la seconde par la négligence d’une partie de l’information.
62 L’heuristique de la disponibilité a pu être mise en évidence par Tversky et Kahneman [10], notamment à partir d’une expérience qui consistait à demander aux sujets s’il y avait dans la langue française plus de mots commençant par la lettre « r » que de mots ayant cette lettre en troisième position. La majorité des sujets choisissent la première option, mais en réalité, il y a plus de mots ayant la lettre « r » en troisième position. À la source de cette distorsion, on trouve l’heuristique de la disponibilité : les individus privilégient la recherche d’exemples facilement récupérables, ou disponibles en mémoire, pour juger de la probabilité d’un événement ou d’un objet. L’heuristique de la disponibilité s’applique donc dans cette expérience puisqu’il est plus facile de trouver des mots ayant la lettre « r » en première position qu’en troisième. La probabilité qu’un événement se produise est donc souvent estimée en fonction de la facilité avec laquelle des événements semblables reviennent en mémoire.
63 L’heuristique de la représentativité est mise en évidence par Tversky et Kahneman [11]. Il existe plusieurs façons de la repérer. Nous allons donc nous intéresser à celle qui est aujourd’hui l’une des plus connues : l’expérience des avocats et des ingénieurs [11]. Les sujets participant à cette expérience sont informés que l’on a procédé à l’interview d’un échantillon composé de 30 % d’avocats et de 70 % d’ingénieurs. Ces interviews ont permis la rédaction de fiches descriptives succinctes sur chacune de ces personnes. Les sujets reçoivent alors une seule de ces fiches, que l’on a tirée au hasard de l’échantillon, sur laquelle ils peuvent lire : « Jean est un homme de 39 ans. Il est marié et a deux enfants. Il s’occupe activement de politique locale. Son passe-temps préféré est la collection de livres rares. Il aime la compétition, la discussion et s’exprime bien. » La tâche des sujets consiste à estimer la probabilité que Jean soit avocat. La majorité des sujets de cette expérience répond qu’il y a 90 % de chances pour que Jean soit avocat. Ces sujets ont suivi leur intuition première qui les a conduits à donner une réponse biaisée. Le biais évoqué ici se traduit par la négligence des probabilités réelles de l’échantillon, et par la tendance à évaluer les probabilités à partir du degré de ressemblance entre la description de Jean et les caractéristiques généralement attribuées à la catégorie des avocats (stéréotype) : l’heuristique de la représentativité en est à l’origine.
64 Incontestablement, Daniel Kahneman et Amos Tversky ont été au centre d’une rupture dans la théorie de la décision en situation de risque. La théorie économique orthodoxe s’est construite autour de la théorie de l’utilité espérée à laquelle von Neumann et Morgenstern [1] ont donné un statut normatif qui allait faire de celle-ci la théorie dominante dans ce domaine.
65 Daniel Kahneman et Amos Tversky ont non seulement contribué à montrer expérimentalement que les décisions risquées concrètes transgressent de nombreux aspects de la théorie de l’utilité espérée mais, avec la théorie des perspectives, ont également élaboré le modèle de décision en situation risquée dont on peut dire qu’il est devenu le modèle descriptif de référence.
66 Nous pouvons effectivement parler de rupture car, en privilégiant une démarche se voulant incontestablement descriptive, ils ont montré la nécessité d’étudier les processus cognitifs qui caractérisent les comportements humains. Ils rompent ainsi avec la norme qui s’était imposée au XXe siècle dans la théorie économique, norme selon laquelle seuls comptent les choix observables des agents économiques, les aspects psychologiques du comportement humain ne relevant pas du champ de l’analyse économique. Au contraire, selon Daniel Kahneman et Amos Tversky, étudier les décisions risquées c’est étudier à la fois le processus mental de prise de décision et les heuristiques qui interviennent dans le traitement de l’information. Selon une telle démarche, l’outil qui s’impose et dont nos deux auteurs ont favorisé le développement est l’économie expérimentale. L’aversion aux pertes, l’aversion au risque dans le domaine des gains et l’attirance pour le risque dans le domaine des pertes, la surestimation des petites probabilités et la sous-estimation des probabilités moyennes et grandes, les erreurs de jugement dues notamment aux heuristiques de disponibilité et de représentativité sont des phénomènes qui ont tous été révélés dans le cadre d’expériences. //
Bibliographie
- [1]VON NEUMANN J., MORGENSTERN O., Theory of Games and Economic Behaviour, Princeton, NJ, Princeton University Press, 2e édition, 1947.
- [2]KAHNEMAN D., TVERSKY A., « Prospect Theory : An Analysis of Decisions Under Risk », Econometrica, vol. 47, n° 2, p. 313 à 327, 1979.
- [3]ALLAIS M., « Le comportement de l’homme rationnel devant le risque : critiques des postulats et axiomes de l’école américaine », Econometrica, vol. 21, n° 4, p. 503 à 546, 1953.
- [4]KAHNEMAN D., « La psychologie peut éclairer l’économie », La Recherche, n° 365, juin 2003.
- [5]BERNOULLI D., « Specimen theoriae novae de mensura sortis », 1738, traduit in Bernoulli D., « Exposition of a New Theory on the Measurement of Risk », Econometrica, vol. 22, n° 1, p. 23 à 36, 1954.
- [6]KAHNEMAN D., TVERSKY A., « Choices, Values and Frames », American Psychologist, n° 39, p. 341 à 350, 1984.
- [7]TVERSKY A., KAHNEMAN D., « Advances in Prospect Theory : Cumulative Representation of Uncertainty », Journal of Risk and Uncertainty, vol. 5, n° 4, p. 297 à 323, 1992.
- [8]SCHMIDT U., STARMER C., SUGDEN R., « Third-Generation Prospect Theory », Journal of Risk and Uncertainty, vol. 36, n° 3, p. 203 à 223, juin 2008.
- [9]KAHNEMAN D., SLOVIC P., TVERSKY A. (DIR.), Judgment Under Uncertainty : Heuristics and Biases, Cambridge, Cambridge University Press, 1982.
- [10]KAHNEMAN D., TVERSKY A., « On the Psychology of Prediction », Psychological Review, vol. 80, p. 237 à 251, 1973.
- [11]KAHNEMAN D., TVERSKY A., « Subjective Probability : A Judgement of Representativeness », Cognitive Psychology, n° 3, p. 430 à 454, 1972.
Notes
-
[1]
Ces probabilités sont objectives : ce sont des données extérieures à l’individu, issues en particulier des fréquences observées des événements considérés.
-
[2]
Les chiffres entre crochets renvoient à la bibliographie en fin d’article.
-
[3]
Un des premiers apports décisifs a lieu avec Allais [3] et la mise en évidence du paradoxe qui porte son nom.
-
[4]
Amos Tversky décède en 1996. Daniel Kahneman reçoit le Nobel d’économie en 2002. « Le prix a été décerné pour le travail que nous avons réalisé en commun, a-t-il déclaré. Nul doute que, si Amos avait vécu, cela aurait été un prix partagé, et je le considère comme tel [4]. » Dans cette même interview, Daniel Kahneman précise que le pont entre les travaux des psychologues et ceux des économistes a été réalisé grâce à l’économiste Richard Thaler, aujourd’hui chef de file de l’économie comportementale.
-
[5]
(0,30 x 1 000) + (0,20 x (-500)).
-
[6]
(0,25 x 1 500) + (0,22 x (-1000)).
-
[7]
Bien que certains principes à l’œuvre dans cette phase puissent être repris dans ces modèles.
-
[8]
Bernoulli [5] le supposait déjà. Von Neumann et Morgenstern [1] n’ont néanmoins pas tenu compte de cette hypothèse.
-
[9]
Chez Kahneman et Tversky [2], ce point de référence est déterminé au cours de la phase d’édition.
-
[10]
Dans le problème 4, le participant possède 1 000 $. S’il choisit l’option A, son état final de richesse sera soit de 2 000 $ (1 000 $ + 1 000 $) avec une probabilité de 50 %, soit de 1 000 $ (1 000 $ + 0) avec une probabilité de 50 %. S’il choisit l’option B, son état final de richesse sera de 1 500 $ (1 000 $ + 500 $). Dans le problème 5, le participant possède 2 000 $. S’il choisit l’option C, son état final de richesse sera soit de 2 000 $ (2 000 $ - 0) avec une probabilité de 50%, soit de 1 000 $ (2 000 $ - 1 000 $) avec une probabilité de 50 %. S’il choisit l’option D, son état final de richesse sera de 1500 $ (2000 $ - 500 $).