Couverture de I2D_171

Article de revue

« N’oubliez pas pourquoi vous êtes là ! »

Entretien avec Nathalie Clot

Page 35

Notes

  • [1]
    A. Schmidt, A. Etches. Utile, utilisable, désirable : redessiner les bibliothèques pour leurs utilisateurs. Traduction collective sous la direction de N. Clot. Presses de l’Enssib, 2016, www.enssib.fr/presses/catalogue/utile-utilisable-desirable
  • [2]
    Steve Krug. Don’t Make Me Think! a common sense approach to web usability. Sd edition. New Riders Publishing, 2006
  • [3]
    Donald Norman. The Design of Everyday Things. Revised and Expanded Edition. Basic books, 2013
  • [4]
    Un retour sur cette journée est disponible en ligne : http://adbu.fr/adbu2016-jeux

1> Comment avez-vous découvert les approches centrées sur l’utilisateur comme le design UX ?

2J’ai commencé ma vie professionnelle en 1999 comme responsable d’un projet de diffusion en ligne de sources numérisées. N’étant guère familière du domaine, je suis allée chez Eyrolles et je suis tombée sur Don’t Make me Think de Steve Krug [2]. Sa description de la nécessité de faire des tests d’utilisabilité et des allers-retours fréquents entre l’observation et la conception m’ont marquée. En suivant ses conseils, j’ai ensuite lu The Design of Everyday Things de Donald Norman [3], qui a changé mon regard sur les interrupteurs, les poignées de porte et les théières et m’a fait prendre conscience que tous les objets de mon quotidien avaient fait l’objet de choix délibérés, plus ou moins heureux, qui jouaient sur mon confort et mes habitudes. Une fois qu’on a commencé, on ne peut plus s’arrêter de voir les choses de ce point de vue.

3En passant le concours de conservateur, j’avais préparé un petit exposé sur mes motivations et je me souviens avoir dit que j’apporterai aux bibliothèques le fait de ne pas oublier que j’en avais été utilisatrice un jour. Je revois encore le regard froid qui m’a été lancé à l’époque. À travers les blogs de Matthew Reidsma (où il évoque ses expériences de développement itératif de sites web de BU) et celui d’Aron Schmidt (intitulé « Walking paper »), et lors d’un séjour Erasmus à la University of Glasgow Library, j’ai vu ce type d’approches se diffuser en bibliothèque et j’étais prête à me saisir de ces enjeux.

4> Pourquoi les bibliothécaires, et plus largement les professionnels de l’information, ont-ils besoin de telles démarches ?

5Pour ne pas oublier pourquoi et pour qui ils sont là. La technicisation croissante des outils peut entraîner une perte de sens et faire que chacun se positionne plutôt comme un spécialiste d’un outil ou d’un secteur. Les démarches de design permettent de recréer un continuum entre toutes nos activités et de les ramener à l’essentiel de ce que doivent être les métiers de services : l’expérience de l’utilisateur, l’impact positif ou négatif que nous pouvons avoir dans sa vie de tous les jours.

6L’autre aspect important de ces démarches est d’éviter l’abstraction et de ramener les projets et les fonctionnements à une somme de micro-actions sur lesquelles nous pouvons agir. J’entends trop souvent un discours d’impuissance sur les tutelles ou le système qui empêcheraient de faire des choses. Les démarches de design sont porteuses d’un empowerment des professionnels sur le réel à tous les niveaux.

7> De quelle façon ces approches imprègnent-elles votre travail en tant que directrice de la BU d’Angers et au sein de la commission #ADBUMétiers que vous coordonnez ?

8Lentement. C’est une chose d’être convaincue, c’en est une autre de faire partager à une équipe une vision et une démarche qui changent les habitudes. À la BUA, nous avons commencé par les méthodes participatives d’animation, pour faciliter la circulation des idées et la prise de décision en réunion. Le design thinking se nourrit de toutes les méthodes de créativité élaborées depuis les années 40, nous avons un bagage commun en la matière. L’étape à laquelle nous sommes est d’associer les collègues à des opérations d’observation des usages et de renforcer l’empathie pour nos étudiants. La route est encore longue car les habitudes ont la vie dure et maintenir l’énergie de travailler différemment ne va pas toujours de soi.

9Côté #ADBUmétiers, nous avons la chance d’être un groupe de professionnel/les qui réfléchissent à la façon de faire évoluer nos compétences et nos manières de faire en BU : ce groupe est un formidable vecteur de diffusion, comme le montre l’organisation du congrès 2016 de l’ADBU sur le thème « Des bibliothèques vraiment orientées usager ? Méthodes de design UX en bibliothèque? » [4]

Notes

  • [1]
    A. Schmidt, A. Etches. Utile, utilisable, désirable : redessiner les bibliothèques pour leurs utilisateurs. Traduction collective sous la direction de N. Clot. Presses de l’Enssib, 2016, www.enssib.fr/presses/catalogue/utile-utilisable-desirable
  • [2]
    Steve Krug. Don’t Make Me Think! a common sense approach to web usability. Sd edition. New Riders Publishing, 2006
  • [3]
    Donald Norman. The Design of Everyday Things. Revised and Expanded Edition. Basic books, 2013
  • [4]
    Un retour sur cette journée est disponible en ligne : http://adbu.fr/adbu2016-jeux
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