Hypothèses 2018/1 21

Couverture de HYP_171

Article de revue

Vin et ivresse au Proche-Orient (ixe-xe siècles)

Normes sociales, normes discursives

Pages 37 à 46

Notes

  • [1]
     Mort en 925. Connu en Occident sous le nom de Rhazès.
  • [2]
     Al-Rāzī, Kitāb manāfiʿ al-aġiya, Le Caire, 1888, p. 16-20, désormais Al-Rāzī (1888).
  • [3]
     Al-Rāzī, Kitāb al-manāfi’ al-aġīyah wa dafʿ maārrihā, ʿĀim ʿAytānī éd., Beyrouth, 1985.
  • [4]
     Al-Rāzī (1888).
  • [5]
     David Waines a fait cette constatation en lisant les deux éditions. Cf. D. Waines, « Abū Zayd al-Balkhī on the nature of forbidden drink : a medieval islamic controversy », dans Patterns of Everyday Life, D. Waines éd., Ashgate, 2002, p. 331.
  • [6]
     Le caractère transgressif de la poésie bachique en Islam a notamment été étudié par Y. Noorani, « Heterotopia and the wine poem in early islamic culture », International Journal of Middle East Studies, 36-3 (2004), p. 345-366.
  • [7]
     Ibn al-Muʿtazz, Fuūl al-tamāīl fī tabāšīr al-surūr, M. al-Sayyid Ǧāsim éd., Bagdad, 1989, désormais cité Ibn al-Muʿtazz.
  • [8]
     Kušāǧī m, Adab al-nadīm, al-Nabawī ʿAbd al-Wāḥid Šaʿlān éd., Le Caire, 1999 (1re éd. 1986), désormais Kušāǧīm (éd.) ; trad. fr. S. Bouhlal, L’Art du commensal : boire dans la culture arabe classique, Arles / Paris, 2009, désormais Kušāǧīm (trad.).
  • [9]
     C. Pellat, « Kushādjim », dans Encyclopédie de l’Islam 2e  édition (désormais EI2), Leyde, vol. 5, 1986, p. 529.
  • [10]
     Dynastie chiite qui a réussi à s’imposer en Syrie du Nord au xe siècle. Cf. M. Canard, Histoire de la dynastie des Hamdânides de Jazîra et de Syrie, Alger, vol. 1, 1951.
  • [11]
     J. Sadan, « Nadīm », dans EI2, vol. 7, 1993, p. 851-853.
  • [12]
     A. G. Chejne, « The boon-companion in early ʿAbbāsid times », Journal of the American Oriental Society, 85 (1965), p. 327-335.
  • [13]
     Nous avons étudié le tafsīr – commentaire exégétique du Coran – d’al- abarī, Ǧāmi ʿ al-bayān ʿan-tā’w īl āy-al-qur’ān, ʿAbdallah b. ʿAbd al-Mu san al-Turkī éd., Le Caire, 2001, désormais al-Ṭabarī.
  • [14]
     Cf. les recueils de hadiths de deux mahab : Abū Yūsuf (m. 798), Kitāb al-āār, Beyrouth, 2010, p. 223-229, pour le mahab hanafite ; al-Šāfi’ī (m. 820), Kitāb al-umm, Beyrouth, 1990, vol. 6, p. 193-195, pour le mahab shaféite.
  • [15]
     Cf. en outre d’Al-Rāzī (1888), voir sur la manière de conserver la bonne santé du corps et de l’âme l’ouvrage d’Al-Balī, Maāli al-abdān wal-anfus, Sustenance for Body and Soul, F. Sezgin, éd. Francfort, 1998 (Institute for the History of Arabic-Islamic Science, Séries C, Facsimile Editions, vol. 2a) (désormais al-Balḫī). Al-Bal ī est un savant iranien mort en 934.
  • [16]
     Cela exclut du propos la poésie bachique, qui n’a pas cette dimension normative. Cf. J. E. Bencheikh, « Khamriyya », dans EI2, vol. 4, 1973, p. 1030-1041 : la poésie bachique qui devient un genre poétique à part entière au viiie siècle, et connaît son apogée avec Abū Nuwās au tournant du ixe siècle, a indéniablement une fonction subversive. Mais au cours des ixe-xe siècles, elle devient davantage un thème littéraire, pratiqué par tous les poètes, et perd sa dimension subversive, l’innovation poétique se déplaçant vers d’autres genres poétiques, pour être réinvestie au xiie siècle dans la poésie mystique.
  • [17]
     Les traductions du Coran sont celles de D. Mason, Le Coran, Paris, 1967.
  • [18]
     J. Sadan, « Khamr », dans EI2, vol. 4, 1973, p. 1027-1030.
  • [19]
     Cf. al-Balḫī, p. 97-124 ; et al-Rāzī (1888), p. 16-20.
  • [20]
     IbnSayyaral-Warrāq, Al-abī wa ilā al-aġiya al-ma’kūlā, K. Öhrnberg et S. Mroueh éd., Helsinki, 1987 ; Annals of the Caliphs’ Kitchens, N. Nasrallah trad., Leyde / Boston, 2007, chap. 114-115 et 119-121. Cf. des recettes de vin nabī (ce terme désigne un vin de dattes, ou un vin de raisins), ou de vin de dattes très sucré comme le ī.
  • [21]
     Kušāǧīm (trad.), p. 24-25 ; Kušāǧīm (éd.), p. 61-62.
  • [22]
     Même idée chez Ibn al-Muʿtazz, p. 22.
  • [23]
     Al-Balḫī, p. 103.
  • [24]
     Al-Rāzī (1888), p. 16.
  • [25]
     Le plus souvent c’est pour expliquer le verset II, 219 : Il comporte, « pour les hommes, un grand péché et un avantage », Coran, II, 219.
  • [26]
     Al-Ṭabarī, vol. 3, p. 678.
  • [27]
     Ibid., p. 669 et suivantes.
  • [28]
     Ibid., p. 679-680.
  • [29]
     Kušāǧīm (trad.), p. 27 ; Kušāǧīm (éd.), p. 67.
  • [30]
    Kušāǧīm (trad.), p. 25 ; Kušāǧīm (éd.), p. 63.
  • [31]
     Al-Ṭabarī, vol. 3, p. 682-683.
  • [32]
     Al-Balḫī, p. 107 et suivantes.
  • [33]
     Il faut toutefois noter qu’il existe un discours valorisant l’ivresse, dans la poésie bachique, mais qu’il est surtout élaboré au viiie siècle par des poètes qui revendiquent une certaine résistance à l’islam, ou du moins à ses aspects les plus restrictifs, et que cette poésie bien qu’elle soit encore très bien connue aux ixe et xe siècles, et abondamment citée par Kušāǧīm ou Ibn al-Muʿtazz, ne se renouvelle plus vraiment à cette époque, cf. J. E. Bencheikh, « Khamriyya », art. cité.
  • [34]
     Cf. J. D. Mc Auliffe, « The wines of earth and paradise : qur’anic proscriptions and promises », dans Logos islamikos : Sutia Islamica in Honorem Georgii M. Wickens, R. M. Savory et D. A. Aegius éd., Toronto, 1984, p. 159-174.
  • [35]
     Al-Ṭabarī, vol. 22, p. 295-297.
  • [36]
     Coran, XLVII, 15.
  • [37]
     Al-Šafi ʿ ī, Kitāb al-umm, op. cit., vol. 6, p. 193.
  • [38]
     Abū Yūsuf, Kitāb al-āār, op. cit., p. 227.
  • [39]
     Al-Balḫī, p. 107-108.
  • [40]
     Ibn al-Muʿtazz, p. 130.
  • [41]
     Kušāǧīm (trad.), p. 27 ; Kušāǧīm (éd.), p. 67-68.
  • [42]
     Ibn al-Muʿtazz, p. 124.
  • [43]
     Al-Balḫī, p. 103-104.
  • [44]
     Sur la sociabilité autour du vin, voir les travaux de S. Barbouchi, « Vin et ivresse dans Qutb al-Surûr Fî Awsâf al-Anbidha wa-l-Khumûr (xexie s.) », Synergies Monde arabe, 6 (2009), p. 249-262, pour l’Ifriqiya ; et de F. Clément, Les Vins d’Orient, 4000 ans d’ivresse, Nantes, 2008, pour al-Andalus.
  • [45]
     F. Clément, « Manières de boire et sociabilité du vin en Andalus », Revue électronique du Centre de Recherches Historiques, 12 (2014) [en ligne : https://acrh.revues.org/5992/]. Il montre que la consommation du vin a trois constantes : sodalité, inclusion dans un triangle avec le plaisir esthétique et le plaisir physique, et ritualisation. On retrouve ces trois éléments dans la littérature proche-orientale.
  • [46]
     Kušāǧīm (trad.), p. 44 ; Kušāǧīm (éd.), p. 87.
  • [47]
     Kušāǧīm (trad.), p. 27 ; Kušāǧīm (éd.), p. 67-68.
  • [48]
     Kušāǧīm (trad.), p. 60 ; Kušāǧīm (éd.), p. 106-107.
  • [49]
     Kušāǧīm (trad.), p. 61 ; Kušāǧīm (éd.), p. 108.
  • [50]
     F. Clément, « Manières de boire… », art. cité, § 18.
  • [51]
     Kušāǧīm (trad.), p. 45 ; Kušāǧīm (éd.), p. 88.
  • [52]
     À cette époque du moins, puisqu’au xiie siècle la poésie mystique réutilise les motifs de la poésie bachique.
English version

1Dans son traité sur Les bienfaits des aliments et les moyens de se prémunir contre leurs effets négatifs, le médecin al-Rāzī [1] consacre une partie aux bienfaits et aux méfaits des boissons enivrantes (al-šarāb al-muskir) [2]. Cela n’a rien d’exceptionnel dans un ouvrage de diététique arabe, puisque le but est de lister les propriétés positives et négatives de chaque aliment. Toutefois, le second éditeur du texte, ʿĀṣim ʿAytānī, a choisi en 1985 de supprimer ce chapitre [3], pourtant présent dans la précédente édition de 1888 [4]. Selon lui, ces boissons n’auraient aucun bienfait médical, ce chapitre n’aurait donc aucune crédibilité scientifique, et il serait surtout contraire à la loi musulmane [5]. À cause de l’interdiction islamique, la consommation du vin (ḫamr), et a fortiori le fait d’y prendre plaisir, serait subversive, en opposition à l’ordre religieux établi [6]. Dès lors, comment expliquer l’existence d’ouvrages écrits par des auteurs musulmans qui, sans aucune dimension subversive, établissent les règles du savoir-boire ? Il s’agit d’ouvrages d’adab qui rassemblent les règles du savoir-vivre ainsi que toutes les traditions ou anecdotes que devait connaître un homme cultivé. Nous nous concentrons ici sur deux ouvrages en particulier. Le premier est le Livre des diverses représentations qu’inspire l’annonciateur de la joie[7], un recueil de poèmes et d’anecdotes plaisantes sur le vin, rédigé par Ibn al-Muʿtazz, un prince abbasside qui fut lui-même calife pendant une brève journée en 908. Le second est le Livre des règles de savoir-vivre du commensal (Kitāb adab al-nadīm[8]) du poète syrien du xe siècle, Kušāǧīm [9]. Rédigé à la cour d’Alep, où l’auteur était lui-même proche de l’émir ḥamdanide Sayf al-Dawla (944-967) [10], ce livre rassemble des conseils sur la fonction de nadīm[11]. Le nadīm – traduit le plus souvent par commensal en français, boon-companion en anglais [12] – est le compagnon de boisson, de repas, de discussion, d’un prince ou d’un calife. Cette figure est liée à la consommation de boissons alcoolisées, et aux plaisirs des princes. Cet ouvrage contient des conseils sur la manière de boire du vin pour y prendre le plus de plaisir possible.

2La comparaison de ces textes avec des ouvrages d’exégèse coranique [13], de droit musulman [14], ou encore de médecine [15], invite à se demander s’il existe bien deux discours islamiques opposés sur la consommation du vin au Proche-Orient aux ixe-xe siècles, à savoir un discours d’interdiction opposé à un discours d’incitation au plaisir, ou si, malgré des conclusions divergentes, tous ces textes relèvent de la même manière de penser le plaisir de boire du vin. Pour comprendre comment ces auteurs concevaient le plaisir de boire du vin, il est pertinent de se demander comment ils comprenaient l’interdiction islamique d’en consommer, et comment ils envisageaient la nature du plaisir provoqué par cette consommation. Il s’agit ici de comparer les discours sur le vin et sur le plaisir légitime ou non de le consommer, élaborés par des auteurs musulmans, et de mettre en regard les discours religieux, médicaux et d’adab. Tous ces discours, bien qu’ils remplissent des objectifs très différents, sont produits dans un même milieu d’hommes cultivés, connaissant parfaitement les sciences religieuses, et souvent proches des pouvoirs islamiques. Ils ont également comme point commun de proposer un discours normatif [16].

L’interdiction islamique de boire du vin : mise en contexte au Proche-Orient, ixe-xe siècles

3 Pour tous les auteurs musulmans, le Coran est l’ouvrage de référence. On y trouve plusieurs versets sur le vin ( amr), dont trois qui, selon les commentateurs du Coran, procéderaient d’une interdiction progressive du vin :

4

  • « Ils t’interrogent au sujet du vin et du jeu de hasard ; dis : Ils comportent tous deux, pour les hommes, un grand péché et un avantage, mais le péché qui s’y trouve est plus grand que leur utilité [17]. » (Coran, sourate II, verset 219)
  • « Ô vous qui croyez ! N’approchez pas de la prière, alors que vous êtes ivres – attendez de savoir ce que vous dites ! » (Coran, IV, 43)
  • « Ô vous qui croyez ! Le vin, le jeu de hasard, les pierres dressées et les flèches divinatoires sont une abomination et une œuvre du Démon. Évitez-le… » (Coran, V,90-91)

5Au ixe siècle, la majorité des savants musulmans considèrent que le amr ne doit pas être consommé. Toutefois, il existe des débats sur la nature de cette interdiction, dans les ouvrages juridiques, et tout particulièrement entre les différentes écoles de droit sunnite en élaboration. L’un des points de débat tient à la nature des boissons interdites. Est-ce seulement le ḫamr, compris au sens de vin de raisin, ou toutes les boissons enivrantes, ou est-ce seulement le fait d’être ivre [18] ? Malgré l’émergence d’un consensus à cette période, il n’est pas encore complétement entériné. Par ailleurs, la consommation des boissons alcoolisées est parfaitement avérée, comme simple médicament [19], mais aussi comme boisson, puisqu’on trouve de nombreuses recettes de boissons alcoolisées dans le premier manuel de cuisine abbasside [20].

L’ivresse comme danger du vin

6Voici ce que le poète Kušāǧīm dit de la consommation du vin :

7

Par ma vie, le vin possède des vertus irréfutables et des qualités que l’on ne peut nier : une force qui concilie les contraires, tempère l’humeur et corrige le caractère. Il est connu pour enhardir le lâche, renforcer l’esprit, délier la langue et desserrer la bourse. Mais à côté de ces vertus d’autres aspects altèrent ses bienfaits et font paraître ses défauts. […] L’ivresse est le plus grand défaut du vin, au point que toutes les traditions s’accordent à l’interdire sans la moindre divergence à son sujet [21].

8Le vin est paré d’un certain nombre de vertus. Ces bienfaits sont d’ordre social et psychologique : il facilite la camaraderie et la bonne entente [22]. On retrouve cette idée dans les ouvrages de médecine : chez al-Balḫī, on peut lire que le vin est source de joie (surūr) et de plaisir (laḏḏa) [23]. Al-Rāzī affirme également que les boissons enivrantes ont un rôle à jouer dans la préservation de la santé [24]. La mise en perspective des effets positifs et négatifs du vin est un lieu commun de la littérature de cette époque [25]. Un exégète comme al-Ṭabarī se demande également quels sont les bienfaits du vin : il s’agit du plaisir (laḏḏa) qu’il procure, et du prix qu’on peut en tirer en le vendant [26]. Toutefois il n’explique pas les raisons de ce plaisir. Les auteurs d’adab sont plus prolixes à ce sujet : effets bénéfiques sur la santé, sur le caractère, vecteur de plaisir (laḏḏa) et de joie (surūr). Par conséquent, tous reconnaissent bien l’existence d’un plaisir à boire du vin. Mais le vin enivre, et l’ivresse est négative.

9En effet, l’ivresse (sukr) est perçue de manière totalement négative ; elle est le défaut majeur du vin, la raison même de son interdiction. Que ce soit chez les exégètes ou chez les juristes, l’interdiction de consommer du vin est comprise au regard de l’ivresse. Al-Ṭabarī rapporte une étymologie largement admise par les lexicographes de cette époque : le mot amr (vin) viendrait de la racine amara qui signifie voiler ; le amr serait donc ce qui voile l’esprit, c’est-à-dire ce qui enivre [27]. L’explication des méfaits de l’ivresse est également commune à tous les types de discours. Son premier défaut est de détourner l’homme pieux de la prière. Al-Ṭabarī donne plusieurs exemples de hadiths qui expliquent que l’ivresse ne permet pas de respecter ses devoirs de prière [28]. De la même manière, on trouve chez Kušāǧīm l’anecdote suivante :

10

Walīd b. ʿUqba, chef de Kūfa alors, dirigeait, ivre, la prière du matin. Il accomplit trois raqa ʿā t et se tourna vers l’assemblée au moment du salut et demanda :
– Cela vous suffit-il ou bien vous en voulez davantage [29] ?

11Les raqʿāt sont les prosternations rituelles que doit effectuer un musulman pendant la prière, or il y a un nombre fixe et spécifique de raqʿāt selon l’heure de la prière, celle du matin (faǧr) n’en comporte que deux. Le lecteur comprend tout de suite que l’imam a failli à ses obligations religieuses. L’ivresse altère également la raison, voici ce que Kušāǧīm rapporte :

12

[Maqīs b. Sabāba] ayant bu se mit à tracer des lignes avec son urine en disant :
– Est-ce une autruche ou un chameau ?
Quand il se réveilla on lui raconta cela, il s’abstint désormais de boire [30].

13Ce qui fait honte au personnage et le pousse à cesser toute consommation d’alcool, c’est le manque de discernement dont il a fait preuve en état d’ivresse. Cette absence de l’esprit peut aussi avoir des conséquences sociales. Kušāǧīm mentionne un compagnon du prophète, Saʿad b. Abī Waqqāṣ, sans plus de précisions. On retrouve ce hadith chez al-Ṭabarī [31], qui rapporte qu’Ibn Abī Waqqāṣ après avoir partagé une soirée conviviale, un bon repas et du bon vin avec des gens de Médine se serait fait agresser par l’un de ses compagnons, ivre. La conclusion de ce hadith est la révélation du verset V, 90-91 où il est recommandé de se tenir éloigné du amr définitivement. Al-Ṭabarī précise que la perte de la raison, due à l’ivresse, peut avoir des conséquences sociales désastreuses, jusqu’au meurtre. Enfin, l’ivresse provoque des effets négatifs sur le corps. Al-Balḫī souligne que l’excès de boisson enivrante est un danger pour le corps et que la modération est de mise [32].

14 Quel que soit le type de discours, qu’il valorise ou interdise le vin, on remarque que l’ivresse est toujours comprise de manière négative [33]. Si l’on supprimait l’ivresse, la consommation de amr deviendrait presque envisageable. À ce titre, al-Ṭabarī propose un commentaire intéressant du verset décrivant les joies du paradis [34] :

15

Des éphèbes immortels circuleront autour d’eux portant des cratères, des aiguières et des coupes remplies d’un breuvage limpide (kā’s min maʿīn) dont ils ne seront ni excédés (lā yuddaʿūn ʿan-h ā), ni enivrés (lā yunzifūn) […]. (Coran, LVI, 17-18)

16Il cite plusieurs hadiths qui affirment que le breuvage en question est bien du amr et qu’il devient consommable car il n’enivre pas (yusakkirū) [35]. Ainsi, au paradis le vin n’a pas d’effet enivrant et devient délice pour ceux qui en boivent (laḏḏ a li-l-mušāribī n) [36].

17C’est donc bien l’ivresse qui est comprise comme étant la cause de l’interdiction du vin par le Coran, et non pas le vin en lui-même. Dans les traités juridiques des hanafites et des shaféites notamment, les auteurs se sont sentis obligés de préciser que « toutes les boissons qui enivrent sont interdites (kul šarāb askara fa-huwa arā m) [37] », ou encore que « tout ce qui enivre est interdit (kul muskir aram) [38] ». La norme religieuse choisit de prémunir le croyant contre tout risque d’ivresse, en interdisant l’accès au vin et par extension au plaisir qu’il pourrait provoquer. Toutefois, dans les ouvrages d’adab, bien que la norme religieuse ne soit ni critiquée ni inconnue, l’accès au plaisir du vin est valorisé, mais au prix d’un encadrement strict du risque de l’ivresse. Car si c’est l’ivresse qui est interdite, il faut définir quand elle commence et dans quel cadre elle devient acceptable. Tout l’équilibre du plaisir se joue entre les effets bénéfiques de la consommation de vin qui apparaissent au début, si la consommation est modérée, et le basculement vers les effets négatifs après l’absorption d’une plus grande quantité. Il existe toute une gradation des effets du vin et des différents degrés d’ébriété et d’ivresse. Al-Balḫī décrit plusieurs états d’ivresse [39] : al-sukr, perte progressive des sens et du contrôle ; puis al-ammār, perte de la raison et du plaisir ; et enfin idmān al-šarāb, c’est-à-dire l’addiction à la boisson, l’ivrognerie. Ibn al-Muʿtazz décrit lui aussi les effets de l’alcool selon la quantité absorbée : les deux premiers ra l ne posent aucun problème, le troisième augmente la joie, le quatrième fait advenir le plaisir (laḏḏa), le cinquième provoque l’extase (arab), et le sixième la somnolence [40]. On remarque alors que le basculement dans l’ivresse est un curseur que les auteurs déplacent plus ou moins selon leurs besoins. Ainsi, dans le cadre d’un discours religieux, le curseur de l’ivresse s’applique presque à la première goutte d’alcool, car elle entraîne le désir de boire de nouveau ce qui entraîne nécessairement l’ivresse. Pour les auteurs comme Ibn al-Muʿtazz ou Kušāǧīm l’ivresse (al-sukr) commence plutôt quand on ne peut plus parler, marcher et préserver son intégrité physique contre un agresseur.

Plaisir de boire du vin et encadrement de l’ivresse

18

Si tel est le vin, certains effets plaident en sa faveur, atténuent ses défauts et l’absolvent. Car l’acte de boire se fonde sur le partage et constitue le moyen de réunir les amis (iǧtimā ʿ), permet l’intimité (‘uns) nécessaire à une bonne compagnie (munādama) et le plaisir de la conversation (‘arīiyya). Ainsi, il apparaît que le compagnon de boisson (nadīm) l’emporte sur le vin lui-même, il en est le véritable intérêt [41].

19Dès lors, ce n’est pas l’ivresse qui provoque le plaisir, mais l’interaction entre les commensaux (al-munādama). Le vin est tout de même très important car sans lui, la compagnie peut être moins agréable. On retrouve la même idée chez Ibn al-Muʿtazz [42] et chez al-Balḫī [43], qui utilise lui la notion d’i ǧtimāʿ (le fait de se rassembler). Il semble que, pour ces auteurs, l’ivresse ne puisse pas réellement être une source de plaisir. Au contraire, elle serait même son ennemi. Par conséquent ces ouvrages d’adab proposent aussi des règles d’encadrement de l’ivresse [44], qui garantissent le plaisir de boire du vin [45]. Puisque le plaisir tient à la convivialité, le nombre des compagnons est essentiel. Pour Kušāǧīm, le nombre idéal varie entre quatre et cinq personnes, pour que la coupe tourne suffisamment et qu’il y ait assez de variété dans la conversation [46]. En revanche, boire seul est très mal vu [47]. Il donne également des conseils sur la manière de boire, la manière de faire tourner la coupe [48], et d’autres règles de bonne conduite qui impliquent surtout le respect de la hiérarchie, et du malik, c’est-à-dire du prince que le commensal (nadīm) sert.

20En outre, il consacre un chapitre à l’art de la conversation, un autre à celui de la musique, et le dernier au jeu d’échec. Le plaisir de boire du vin n’est pas une finalité en soi, c’est le plaisir dans toutes ses manifestations : convivialité, conversation, musique et jeux, qui est ici envisagé. Toutefois le vin y joue un rôle essentiel car il facilite la bonne réception des autres activités, et provoque ainsi le plaisir et le sentiment de joie qui les accompagnent :

21

Il se pourrait aussi que le chanteur de la soirée ne soit pas très doué, ils auront alors plus de patience à l’écouter et plus de plaisir s’ils commencent par la grande coupe. Plus détendus, ils ne verront pas les défauts du chant, alors que dans un autre état cela les aurait indisposés et même découragés de boire encore [49].

22 À travers ces ouvrages d’Ibn al-Muʿtazz et Kušāǧīm on voit se dessiner une sociabilité du plaisir très encadrée. Ces assemblées de commensaux buvant du vin ensemble, conversant, écoutant de la musique, dont la raison d’être est le plaisir du prince, relèvent d’une pratique sociale réservée à un petit nombre. François Clément arrive à la même conclusion pour al-Andalus :

23

On boit, dans la āṣṣa, par convention sociale, on boit par esthétisme, on boit pour que la griserie (et non l’ébriété) ouvre le cœur et délie l’esprit. On boit pour mieux parler, pour mieux aimer, pour mieux s’offrir à la musique. Pour être mieux en soi et mieux avec les autres. On boit pour tout cela, cérémonieusement [50].

24Le plaisir que provoque le vin n’est pas uniquement celui de la convivialité, il est aussi physique et sensoriel. La description de l’odeur et de la couleur joue un rôle essentiel dans la reconnaissance d’un bon vin, c’est-à-dire d’un vin capable de donner du plaisir à ceux qui le boivent. Selon Kušāǧim, voici quelles devaient être les qualités d’un bon vin :

25

Les compagnons de table se désaltèrent et ne supportent pas les boissons épaisses (ġala) et impures (kadar). Une petite quantité d’un bon vin limpide (al-rā’iq al- ǧayyid) cache les défauts de la nourriture et une grande quantité de vin épais (al-kaīr min ġalī) gâte la plus noble nourriture dont on raffole [51].

26Dans cette société islamique, l’opposition entre plaisirs du corps et plaisirs de l’esprit n’est pas un critère pertinent dans la définition de la norme entre plaisir licite et illicite. C’est l’ivresse, c’est-à-dire la perte de contrôle qui se révèle plus pertinent.

27On remarque qu’il existe, dans la société islamique proche-orientale des ixe-xe siècles, un schème commun de compréhension de l’ivresse présentée comme quelque chose de très négatif. Sans doute influencée par le texte coranique et ses commentaires, cette perception de l’ivresse ne se réduit pourtant pas à un discours religieux ou à une opposition à celui-ci. Un auteur musulman peut, semble-t-il, parler du plaisir de boire du vin et chercher à définir ce plaisir, à l’encadrer, à le rendre acceptable. Assurément cela serait totalement impossible dans un discours de type religieux [52], mais il existe une littérature arabe musulmane qui n’est pas religieuse et qui conçoit le plaisir de boire du vin selon une optique sociale, qui normalise une certaine forme de sociabilité des élites partagée autour du plaisir du vin, mais aussi de la conversation et de la musique.

28Les textes analysés dans cet article montrent que le discours normatif sur le plaisir de boire du vin ne se réduit pas à son schème religieux, à une opposition binaire entre respect des principes islamiques et subversion de l’ordre musulman. Au contraire, de nombreux auteurs semblent avoir voulu concilier normes religieuses, et normes de la convivialité, en essayant de réduire le paradoxe entre interdiction et plaisir de la consommation. Leur approche de l’ivresse et du plaisir renvoie à des préoccupations qui touchent à la définition de la nature humaine : l’homme est un être rationnel (d’où le danger de s’abandonner à l’ivresse), mais il est aussi sociable, et jouisseur (d’où l’importance du vin dans la construction d’une sociabilité agréable). Tout l’enjeu consiste alors à concilier ces deux aspects de l’homme.

Notes

  • [1]
     Mort en 925. Connu en Occident sous le nom de Rhazès.
  • [2]
     Al-Rāzī, Kitāb manāfiʿ al-aġiya, Le Caire, 1888, p. 16-20, désormais Al-Rāzī (1888).
  • [3]
     Al-Rāzī, Kitāb al-manāfi’ al-aġīyah wa dafʿ maārrihā, ʿĀim ʿAytānī éd., Beyrouth, 1985.
  • [4]
     Al-Rāzī (1888).
  • [5]
     David Waines a fait cette constatation en lisant les deux éditions. Cf. D. Waines, « Abū Zayd al-Balkhī on the nature of forbidden drink : a medieval islamic controversy », dans Patterns of Everyday Life, D. Waines éd., Ashgate, 2002, p. 331.
  • [6]
     Le caractère transgressif de la poésie bachique en Islam a notamment été étudié par Y. Noorani, « Heterotopia and the wine poem in early islamic culture », International Journal of Middle East Studies, 36-3 (2004), p. 345-366.
  • [7]
     Ibn al-Muʿtazz, Fuūl al-tamāīl fī tabāšīr al-surūr, M. al-Sayyid Ǧāsim éd., Bagdad, 1989, désormais cité Ibn al-Muʿtazz.
  • [8]
     Kušāǧī m, Adab al-nadīm, al-Nabawī ʿAbd al-Wāḥid Šaʿlān éd., Le Caire, 1999 (1re éd. 1986), désormais Kušāǧīm (éd.) ; trad. fr. S. Bouhlal, L’Art du commensal : boire dans la culture arabe classique, Arles / Paris, 2009, désormais Kušāǧīm (trad.).
  • [9]
     C. Pellat, « Kushādjim », dans Encyclopédie de l’Islam 2e  édition (désormais EI2), Leyde, vol. 5, 1986, p. 529.
  • [10]
     Dynastie chiite qui a réussi à s’imposer en Syrie du Nord au xe siècle. Cf. M. Canard, Histoire de la dynastie des Hamdânides de Jazîra et de Syrie, Alger, vol. 1, 1951.
  • [11]
     J. Sadan, « Nadīm », dans EI2, vol. 7, 1993, p. 851-853.
  • [12]
     A. G. Chejne, « The boon-companion in early ʿAbbāsid times », Journal of the American Oriental Society, 85 (1965), p. 327-335.
  • [13]
     Nous avons étudié le tafsīr – commentaire exégétique du Coran – d’al- abarī, Ǧāmi ʿ al-bayān ʿan-tā’w īl āy-al-qur’ān, ʿAbdallah b. ʿAbd al-Mu san al-Turkī éd., Le Caire, 2001, désormais al-Ṭabarī.
  • [14]
     Cf. les recueils de hadiths de deux mahab : Abū Yūsuf (m. 798), Kitāb al-āār, Beyrouth, 2010, p. 223-229, pour le mahab hanafite ; al-Šāfi’ī (m. 820), Kitāb al-umm, Beyrouth, 1990, vol. 6, p. 193-195, pour le mahab shaféite.
  • [15]
     Cf. en outre d’Al-Rāzī (1888), voir sur la manière de conserver la bonne santé du corps et de l’âme l’ouvrage d’Al-Balī, Maāli al-abdān wal-anfus, Sustenance for Body and Soul, F. Sezgin, éd. Francfort, 1998 (Institute for the History of Arabic-Islamic Science, Séries C, Facsimile Editions, vol. 2a) (désormais al-Balḫī). Al-Bal ī est un savant iranien mort en 934.
  • [16]
     Cela exclut du propos la poésie bachique, qui n’a pas cette dimension normative. Cf. J. E. Bencheikh, « Khamriyya », dans EI2, vol. 4, 1973, p. 1030-1041 : la poésie bachique qui devient un genre poétique à part entière au viiie siècle, et connaît son apogée avec Abū Nuwās au tournant du ixe siècle, a indéniablement une fonction subversive. Mais au cours des ixe-xe siècles, elle devient davantage un thème littéraire, pratiqué par tous les poètes, et perd sa dimension subversive, l’innovation poétique se déplaçant vers d’autres genres poétiques, pour être réinvestie au xiie siècle dans la poésie mystique.
  • [17]
     Les traductions du Coran sont celles de D. Mason, Le Coran, Paris, 1967.
  • [18]
     J. Sadan, « Khamr », dans EI2, vol. 4, 1973, p. 1027-1030.
  • [19]
     Cf. al-Balḫī, p. 97-124 ; et al-Rāzī (1888), p. 16-20.
  • [20]
     IbnSayyaral-Warrāq, Al-abī wa ilā al-aġiya al-ma’kūlā, K. Öhrnberg et S. Mroueh éd., Helsinki, 1987 ; Annals of the Caliphs’ Kitchens, N. Nasrallah trad., Leyde / Boston, 2007, chap. 114-115 et 119-121. Cf. des recettes de vin nabī (ce terme désigne un vin de dattes, ou un vin de raisins), ou de vin de dattes très sucré comme le ī.
  • [21]
     Kušāǧīm (trad.), p. 24-25 ; Kušāǧīm (éd.), p. 61-62.
  • [22]
     Même idée chez Ibn al-Muʿtazz, p. 22.
  • [23]
     Al-Balḫī, p. 103.
  • [24]
     Al-Rāzī (1888), p. 16.
  • [25]
     Le plus souvent c’est pour expliquer le verset II, 219 : Il comporte, « pour les hommes, un grand péché et un avantage », Coran, II, 219.
  • [26]
     Al-Ṭabarī, vol. 3, p. 678.
  • [27]
     Ibid., p. 669 et suivantes.
  • [28]
     Ibid., p. 679-680.
  • [29]
     Kušāǧīm (trad.), p. 27 ; Kušāǧīm (éd.), p. 67.
  • [30]
    Kušāǧīm (trad.), p. 25 ; Kušāǧīm (éd.), p. 63.
  • [31]
     Al-Ṭabarī, vol. 3, p. 682-683.
  • [32]
     Al-Balḫī, p. 107 et suivantes.
  • [33]
     Il faut toutefois noter qu’il existe un discours valorisant l’ivresse, dans la poésie bachique, mais qu’il est surtout élaboré au viiie siècle par des poètes qui revendiquent une certaine résistance à l’islam, ou du moins à ses aspects les plus restrictifs, et que cette poésie bien qu’elle soit encore très bien connue aux ixe et xe siècles, et abondamment citée par Kušāǧīm ou Ibn al-Muʿtazz, ne se renouvelle plus vraiment à cette époque, cf. J. E. Bencheikh, « Khamriyya », art. cité.
  • [34]
     Cf. J. D. Mc Auliffe, « The wines of earth and paradise : qur’anic proscriptions and promises », dans Logos islamikos : Sutia Islamica in Honorem Georgii M. Wickens, R. M. Savory et D. A. Aegius éd., Toronto, 1984, p. 159-174.
  • [35]
     Al-Ṭabarī, vol. 22, p. 295-297.
  • [36]
     Coran, XLVII, 15.
  • [37]
     Al-Šafi ʿ ī, Kitāb al-umm, op. cit., vol. 6, p. 193.
  • [38]
     Abū Yūsuf, Kitāb al-āār, op. cit., p. 227.
  • [39]
     Al-Balḫī, p. 107-108.
  • [40]
     Ibn al-Muʿtazz, p. 130.
  • [41]
     Kušāǧīm (trad.), p. 27 ; Kušāǧīm (éd.), p. 67-68.
  • [42]
     Ibn al-Muʿtazz, p. 124.
  • [43]
     Al-Balḫī, p. 103-104.
  • [44]
     Sur la sociabilité autour du vin, voir les travaux de S. Barbouchi, « Vin et ivresse dans Qutb al-Surûr Fî Awsâf al-Anbidha wa-l-Khumûr (xexie s.) », Synergies Monde arabe, 6 (2009), p. 249-262, pour l’Ifriqiya ; et de F. Clément, Les Vins d’Orient, 4000 ans d’ivresse, Nantes, 2008, pour al-Andalus.
  • [45]
     F. Clément, « Manières de boire et sociabilité du vin en Andalus », Revue électronique du Centre de Recherches Historiques, 12 (2014) [en ligne : https://acrh.revues.org/5992/]. Il montre que la consommation du vin a trois constantes : sodalité, inclusion dans un triangle avec le plaisir esthétique et le plaisir physique, et ritualisation. On retrouve ces trois éléments dans la littérature proche-orientale.
  • [46]
     Kušāǧīm (trad.), p. 44 ; Kušāǧīm (éd.), p. 87.
  • [47]
     Kušāǧīm (trad.), p. 27 ; Kušāǧīm (éd.), p. 67-68.
  • [48]
     Kušāǧīm (trad.), p. 60 ; Kušāǧīm (éd.), p. 106-107.
  • [49]
     Kušāǧīm (trad.), p. 61 ; Kušāǧīm (éd.), p. 108.
  • [50]
     F. Clément, « Manières de boire… », art. cité, § 18.
  • [51]
     Kušāǧīm (trad.), p. 45 ; Kušāǧīm (éd.), p. 88.
  • [52]
     À cette époque du moins, puisqu’au xiie siècle la poésie mystique réutilise les motifs de la poésie bachique.
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