Notes
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MCF HDR, IUT Saint Denis, LARGEPA Paris II - leroux_erick@hotmail.com.
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MCF associé, IUT Saint Denis - mvpconseil@orange.fr.
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Nous citerons pour mémoire les cas les plus marquants des entreprises France Télecom et Renault.
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directives 89/391/CEE ; 87/391/CEE ; 93/104/CEE. 2ème Plan français relatif à la santé au travail (2010).
1La prise en compte de la problématique du management de la santé et sécurité au travail -SST- demeure toujours d’actualité pour prévenir des risques psychosociaux au sein de l’entreprise puisque, par exemple, le stress au travail occasionne toujours (fréquemment) des dommages parmi les salariés [3]. À cet égard, l’approche livresque -Lhuillier et Litime (2009), Sahler (2007), Neboit et Vezima (2002), Grenier-Peze et Bouaziz (2003)- met en évidence une certaine corrélation entre l’évolution des exigences de l’entreprise en termes de performances et l’augmentation du stress au travail. En cela, l’évolution du management de la SST s’est traduite par la mise en place d’une meilleure gestion des accidents et des maladies professionnelles et d’ailleurs le renforcement du cadre juridique [4] a contraint la fonction ressources humaines à évoluer afin d’assurer le bien-être au travail des salariés. L’inscription de l’entreprise dans une logique de responsabilité sociale ou RSE a également favorisé la prise en compte de cette problématique du management de la SST puisque que l’Homme est placé au cœur des préoccupations de l’entreprise dans sa logique de développement durable. Néanmoins, face au phénomène de la globalisation, tout manager se trouve confronter à des paradoxes selon le niveau de performance imposé par sa hiérarchie ou les actionnaires, étant dans l’obligation de gérer et de faire cohabiter l’individu et le collectif, l’économique et le social. L’objectif de notre recherche est d’apprécier le rôle de la GRH face aux risques psychosociaux et souligner les pratiques de prévention qu’elles mettent en place. Dans une première partie sont présentés la GRH et les risques psychosociaux en précisant les missions de la GRH dans la prévention des risques. La seconde partie est consacrée à la présentation de résultats suite à une étude quantitative réalisée sur la base d’un échantillon composé de 148 salariés au sein d’une trentaine d’entreprises, suivie d’une discussion détaillant les actions mises en place par celles-ci dans le cadre des risques psychosociaux, en réponses aux demandes des salariés.
1 – Les Gestion des Ressources Humaines et les risques psychosociaux
2Dans cette partie seront abordées l’approche des risques psychosociaux puis les missions de la GRH dans la prévention des risques.
1.1 – Approche des risques psychosociaux
3Les effets du travail sur la santé constituent, depuis longtemps, une des préoccupations majeures des médecins. Ainsi, la perception du lien entre la santé et le travail a été construite historiquement à travers le prisme maladie et travail (Lhuillier et Litime, 2009). À cet égard, comme le soulignent Grenier-Peze et Bouaziz (2003), nous pouvons observer qu’au cours du dernier siècle, les modifications de l’organisation au travail n’ont pas manqué d’entraîner des conséquences sur la santé des travailleurs et générer des risques psychosociaux. Ces modifications apparaissent être la résultante d’une évolution plurielle des conditions de travail, techniques, organisationnelles, sociales et économiques qui traversent l’entreprise (Neboit et Vezima, 2002), et ce, dans le but ultime de la recherche de la performance dans un espace de plus en plus concurrentiel. Ces conséquences se traduisent notamment par du stress, un mal-être au travail, des formes différenciées en termes d’harcèlement ou des pathologies d’ordre somatique. Ainsi, toujours selon Neboit et Vezima (2002), l’organisme s’impose un plan de mobilisation en vue d’apporter une réponse à des agressions en provenance de l’environnement, dont celui du travail. Or, lorsque l’environnement ne fournit aucune réponse adaptée, l’organisme va engendrer progressivement une usure et une dégradation des organes et fonctions concernés. Cependant, il s’avère que les risques psychosociaux sont un phénomène encore mal défini. Dans ce registre, le rapport de Nasse et Légéron (2008) témoigne d’une grande variété des thèmes développés sous ce vocable, source d’une grande confusion. Cette confusion tient d’une part à la diversité de ces risques et, d’autre part, à la diversité des liens qui les unissent. À cet égard, la complexité est due notamment au fait que ces risques interagissent entre eux et relèvent d’une approche de type systémique telle que peut la décrire Arlette Yatchinovsky (1999). L’observation doit donc être conduite au niveau des relations individuelles et collectives, à la fois sur le plan personnel et sur le plan professionnel. Dans le cadre de notre étude nous retiendrons l’approche de Benjamin Sahler (2007) qui définit le stress comme étant « le terme générique le plus couramment employé pour décrire, de façon souvent vague, un ensemble très disparate de mécanismes biologiques, d’états de santé, de ressentis individuels, d’explications d’une situation de travail, de description d’une relation... et ce, dans des contextes extrêmement variés ». En effet, la perception des salariés au regard des risques psychosociaux et du stress, revêt un caractère polymorphe et doit être abordée de manière exhaustive.
4Par ailleurs, la part importante de la dimension subjective des risques psychosociaux en font un phénomène difficile à définir, à identifier et à prévenir (EUROGIP, 2010). Bien que les différentes études conduites sur cette problématique aient pu circonscrire les facteurs pouvant générer ce type de risques, la mesure de leur impact sur la personne s’avère être complexe, puisqu’elle relève de la part consciente et inconsciente du sujet (Renault, 1979). Ainsi, les nouvelles formes de contrat de travail, l’insécurité de l’emploi, l’intensification du travail et les contraintes émotionnelles sont souvent mises en exergue comme étant des facteurs potentiels de risques. À cet égard, le Collège d’expertise sur le suivi statistique des risques psychosociaux au travail (2009) détermine de manière objective six catégories de facteurs de risques pouvant impacter sur la santé des salariés. Il s’agit des exigences au travail, des exigences émotionnelles, de l’autonomie et des marges de manœuvre dans le cadre de l’exercice des fonctions, des rapports sociaux et des relations au travail, des conflits de valeur et de l’insécurité relative à l’emploi. Force est de constater, que la résultante de ces risques est souvent évoquée sous le vocable du stress, vocable utilisé pour désigner l’ensemble des risques psychosociaux et qui permet d’aborder plus facilement le sujet. Cependant, il apparaît plus difficile de déterminer dans quelle mesure, un trouble psychosocial est uniquement causé par le travail.
5Aujourd’hui, compte tenu de l’importance de cette problématique, plusieurs stratégies se dessinent tant au niveau national qu’au niveau de la communauté européenne. À cet égard, la directive 89/391/CEE précise que les employeurs sont dans l’obligation d’assurer la santé et la sécurité des travailleurs dans tous les aspects liés à leur travail. Les risques psychosociaux sont également abordés par la communauté européenne au niveau d’une part, de l’obligation des entreprises à analyser les postes de travail en tenant compte du stress mental (Dir : 87/391/CEE) et, d’autre part, de la nécessité d’éviter le travail monotone (Dir : 93/104/CEE). Ainsi, nous pouvons souligner que la prévention des risques psychosociaux était une des priorités du plan 2002-2006 de l’Union Européenne. Au niveau national, le 2ème Plan santé au travail (2010) donne la priorité à la lutte contre les risques psychosociaux et lance un plan d’urgence pour la prévention du risque au travail. Enfin, depuis Mai 2008, le législateur impose aux entreprises françaises de plus de 250 salariés la mise en place d’une structure sociale et médicale. La mission de cette structure se situe autour de trois axes principaux que sont l’écoute, l’aide et le soutien à l’endroit des collaborateurs qui vont la solliciter dans le cadre de problématique personnelle ou professionnelle.
1.2 – Les missions de la GRH dans la prévention des risques
6La prévention des risques psychosociaux semble constituer un axe essentiel d’intervention pour l’entreprise, quels que soient sa taille et son secteur d’activité. Cette démarche correspond à deux niveaux d’exigences qui loin de s’opposer apparaissent complémentaires. D’une part, l’effet de ces risques peut impacter le capital humain d’une organisation (Chaminade, 2005) et se traduire par une dégradation ou une stagnation de ses compétences. Comme le souligne Donnadieu (1997), c’est la qualité individuelle et collective des ressources humaines qui renforce la stratégie de l’efficacité de l’entreprise dans le sens où ce sont les hommes qui vont faire émerger sa différence. Il est donc nécessaire de mettre en œuvre des actions susceptibles de préserver ces ressources afin de rester concurrentiel sur son secteur d’activité. D’autre part, cette démarche convoque directement la responsabilité sociale de l’organisation (Pesqueux, 2009). Elle repose sur un engagement volontaire qui ne peut cependant se passer d’un cadre réglementaire (Capron et Quairel, 2004). Elle introduit de nouveaux enjeux et de nouvelles valeurs au sein de l’entreprise qui oblige à repenser l’économique, le social et le politique. Mettre l’accent sur le facteur humain dans l’entreprise influence directement la gestion des Ressources Humaines et les stratégies qui lui sont dédiées (Hellriegel et Slocum, 2006). Ainsi, la prévention des risques psychosociaux conduit tout naturellement l’organisation à questionner ses formes de management afin d’effectuer une transition d’un cadre traditionnel à un autre plus adapté favorisant l’accompagnement des salariés. À cet égard, deux approches nous semblent particulièrement adaptées à la prévention des risques. Loin de se juxtaposer, elles se complètent et reposent sur un dénominateur commun : l’intérêt à l’endroit du collaborateur au sein d’une dynamique collective. La première forme, le management de proximité, constitue une modalité de gestion intéressante en termes de prévention des risques. Il est souvent décrit comme un management de premier niveau, en contact direct avec les salariés. Force est de constater que cette forme de management est souvent utilisée dans le cadre des TPE et PME où la faiblesse des effectifs et leur taille organisationnelle réduite favorisent la proximité entre le manager et les professionnels (Mahé De Boislandelle, 1988). Il se caractérise par la prise en compte du salarié en tant qu’individu, c’est-à-dire en tant que sujet, entouré d’une sphère économique, mais également d’une sphère sociale et d’une sphère psychologique et des problématiques qui peuvent y être liées. Par ailleurs, selon Garibian (2008), il y a management de proximité si les objectifs opérationnels tiennent compte des leviers opérationnels prioritaires spécifiques à chacun, et si ils sont en cohérence avec ses potentiels d’amélioration de la performance. La seconde forme, le management par la sécurité, consiste à gérer les risques relatifs à la santé et la sécurité au travail. Il correspond à l’organisation et la planification de la politique de l’entreprise en matière de santé et de sécurité au travail. Cette forme de management se positionne sur un plan préventif et est souvent mis en place au sein des grandes entreprises. En effet, le management par la sécurité doit, avant tout, anticiper par le biais d’une évaluation des risques. Il s’agit d’une part, de repérer les facteurs de risque et se prononcer sur l’exposition des salariés à ces facteurs et d’autre part, d’opérer une classification de ces risques afin de débattre des priorités en termes d’actions à partir d’un plan de prévention. À partir de notre étude, nous développerons l’idée que la gestion des Ressources Humaines est un élément clef dans l’approche des risques psychosociaux. En effet, comme le soulignent Martory et Crozet (2001), la mission de cette fonction « support » est une mission stratégique au service du changement social. Il s’agit, pour elle, d’effectuer des choix en lien avec la spécificité de l’entreprise, la qualité de l’accompagnement des salariés, les exigences de l’environnement et les orientations du législateur. À travers le pilotage social qu’elle met en œuvre, la GRH peut proposer aux salariés une aide, un soutien et une écoute individualisés dans une dimension collective. Dans le cadre des risques psychosociaux, ce type de pilotage doit être en capacité de prendre en compte les problématiques professionnelles, mais également personnelles des collaborateurs de l’entreprise. Enfin, il nous apparaîssait important d’observer comment les salariés percevaient cette fonction « support » au regard des situations de stress auxquelles ils pouvaient être confrontés.
2 – Résultats de l’étude et discussion
7La perception des salariés du rôle de la GRH dans l’approche des risques psychosociaux peut constituer un matériel intéressant au regard de la complexité de cet objet d’étude. Notre propos ne réside pas à mettre en relief un sentiment de victimisation de la part des professionnels, mais d’observer l’appréciation des salariés dans le cadre du rôle que peut assurer la gestion des Ressources Humaines afin d’agir sur ces risques. Après avoir présenté les résultats de notre étude, nous analyserons les données que nous avons pu recueillir au sein de cette enquête.
2.1 – Présentation de l’étude
8Cette étude, conduite pendant le premier semestre 2010, est réalisée auprès d’un échantillon composé de 30 entreprises dont la taille et le secteur relève d’activité diversifiée (tableau 1). Sur le plan méthodologique nous nous sommes inscrits dans une logique exploratoire et non pas confirmatoire, et nous nous sommes limités à des statistiques descriptives et non inférentielles. Par ailleurs, des entretiens ont permis d’illustrer les éléments de contenu de nos résultats (Roussel et Wacheux, 2005). Notre questionnaire est orienté autour de 3 thèmes. Le premier cherche à définir les facteurs de stress au sein de l’entreprise, le second permet d’investiguer les actions mises en œuvre au sein de l’organisation et le troisième observe dans quelles mesures ces actions sont perceptibles et constituent une réponse aux problématiques rencontrées par les salariés. À partir de ce questionnaire, nous avons testé l’hypothèse selon laquelle les salariés peuvent considérer la fonction RH comme un des principaux acteurs dans la prévention des risques psychosociaux.
Descriptif de l’échantillon
Descriptif de l’échantillon
9Au sein de chaque entreprise, nous avons administré un questionnaire en direction de salariés qualifiés et non qualifiés représentant les différents services de l’entreprise (tableau 2). Les réponses étaient anonymes et ont été données sur la base du volontariat. L’administration de ce questionnaire a été réalisée en 3 étapes. La première fût constituée par la présentation de notre démarche auprès des responsables des différentes structures, la seconde résida dans la réalisation d’un pré-test en direction d’un salarié qualifié et d’un salarié non qualifié dans une PME et dans une grande entreprise, la troisième étape fût celle relative à l’administration du questionnaire.
Protocole d’étude
Protocole d’étude
2.2 – Résultats de l’étude
10Les résultats de notre étude représentent la synthèse des réponses correspondant aux 3 thèmes d’investigation de départ. Le taux de réponses aux questions relatives aux deux premiers thèmes, la définition des facteurs de stress et les actions mises en œuvre est de 100 %. A contrario, le taux de réponse aux questions concernant la lisibilité des actions et leur cohérence face aux problématiques des salariés n’est que de 55 %.
La définition des facteurs de stress
11Au vu de nos résultats, la notion de stress est palpable pour l’ensemble des professionnels. Il apparaît cependant que cette notion est à nuancer. En effet, globalement, le stress est qualifié de permanent au niveau des professionnels appartenant aux entreprises de plus de 250 salariés. A contrario, il est apprécié de manière conjoncturelle dans le cadre des TPE/PME. Dans ce registre le stress est assimilé aux périodes de fortes activités ou de baisse des effectifs notamment pendant les périodes de congés. La taille de l’entreprise est donc mise en exergue dans le cadre de la notion de stress. En effet, pour les PME, la proximité du dirigeant et sa réactivité face aux fluctuations de l’activité et des effectifs (Louart et Vilette, 2010), peuvent être corrélées avec ce résultat. Enfin, dans le cadre des entreprises de plus de 250 salariés, les enjeux stratégiques et les évolutions organisationnelles de la structure sont difficilement palpables au niveau des professionnels interrogés. Cet état de fait peut générer de l’incompréhension et de l’incertitude quant aux exigences des dirigeants et à la pérennité de l’employabilité. Concernant la définition du stress, deux principaux facteurs ont été évoqués ; ils concernent d’une part, la pression hiérarchique et, d’autre part, les activités à risques. À cet égard, la répartition des réponses est également significative au regard de la taille de l’entreprise.
Synthèse des résultats / définition des facteurs de stress
Synthèse des résultats / définition des facteurs de stress
12Ainsi, nous pouvons observer que la pression hiérarchique est surtout palpable par les professionnels appartenant aux entreprises de plus de 250 salariés. Dans ce registre, à la première question ouverte, demandant aux salariés de décrire les situations de stress auxquelles ils pouvaient être confrontés, certaines réponses apparaissent significatives dans le cadre des grandes entreprises.
Enfin, les personnes interrogées qualifient majoritairement à 88 % les manifestations liées au stress comme étant psychiques. Seulement 12 % les considèrent comme étant physiques. Cependant, il n’existe pas de différences significatives au regard de la taille et de l’activité de l’entreprise.« Comme je travaille en équipe le matin ou l’après-midi, je ne connais mes horaires qu’au dernier moment ou les horaires changent car les collègues sont malades. Moi, cela me stresse car je suis seule avec mes enfants, et je ne sais jamais si je vais pouvoir les faire garder ou aller les chercher à l’école. Souvent, cela m’empêche de dormir et je pars travailler complètement épuisée. »
« Dans mon service, certains collègues partent du jour au lendemain et on ne sait pas pourquoi. Comme je suis seul à travailler chez moi, j’ai toujours peur qu’un jour il m’arrive la même chose et de me retrouver au chômage. Je m’accroche à mon travail, mais du coup, j’ai toujours peur de mal faire et suis stressé en permanence. »
Les actions mises en œuvre dans le cadre des risques psychosociaux
1385 % des salariés considèrent que l’entreprise prend en compte la notion du stress. À cet égard, ces professionnels ont été amenés à définir à quel niveau de l’organisation, le stress était-il pris en compte. Plusieurs niveaux ont été évoqués avec certaines nuances en fonction de la taille de la structure. (Tableau 4).
Synthèse des résultats / définition des niveaux de prise en compte du stress
Synthèse des résultats / définition des niveaux de prise en compte du stress
14Au vu de nos résultats, il apparaît indéniable que la majorité des personnes interrogées considèrent le service des Ressources Humaines, où le responsable du personnel pour les TPE/PME, comme l’interlocuteur privilégié dans le cadre des risques psychosociaux. A contrario, la médecine du travail et le CHSCT ne sont que peu évoqués, alors que la prévention des risques constitue une de leurs principales missions. Notre première hypothèse selon laquelle « Les salariés considèrent la fonction RH comme un des principaux acteurs dans la prévention des risques psychosociaux » peut donc être retenue.
15Par ailleurs, concernant les raisons de ce choix, les réponses sous forme de mots clefs qualifient le service des ressources Humaines comme étant accessible, disponible, force de proposition en termes de mobilité et d’aménagement du temps de travail, d’intégration et d’accompagnement en cas de difficulté. Par ailleurs, toujours selon les personnes interrogées, le service RH peut apporter des solutions dans le cadre de problématiques personnelles en termes d’assistance juridique, financière et sociale. Ce dernier peut mettre à disposition des salariés un « numéro d’écoute » ou les coordonnées de personnes ressources : psychologue, assistante sociale.
16Enfin, à la seconde question ouverte, demandant aux salariés comment le service des Ressources Humaines pouvait les aider dans le cadre du stress, l’action de la GRH est palpable à différents niveaux d’intervention.
« Lorsque cela ne va pas dans l’équipe et que je ne me sens pas bien, je préfère aller en parler au service du personnel, car je sais que la personne qui s’occupe de mon dossier prend le temps de m’écouter et me conseiller. Si j’en parle à mon chef d’équipe, je sais qu’il va mal le prendre et ça va me retomber dessus ».
« Tous les ans, on a un entretien avec le responsable de mon service et une personne des Ressources Humaines. Pendant cet entretien, je peux parler de mes difficultés dans le travail. L’année dernière, j’étais très mal dans mon service et j’étais souvent en maladie. La personne des ressources Humaines m’a aidé et a trouvé une solution en me cherchant un autre poste. Maintenant, ça va mieux. »
« Lorsque je me suis retrouvée seule avec mes enfants, j’avais beaucoup de mal à aller travailler, j’avais trop de problème à régler. La personne des ressources Humaines m’a aidée à trouver un nouveau logement et a demandé à mon responsable de changer mes horaires pour mes enfants ».
La lisibilité des actions et leur cohérence face aux problématiques des salariés
18Dans ce registre les réponses apportées par une partie de l’échantillon 55 % sont contrastées. En effet, les ¾ des salariés ayant exprimé leur avis sur ces questions, considèrent que l’entreprise ne favorise pas la consultation en interne des professionnels susceptibles d’agir dans le cadre des risques psychosociaux. Ce frein serait dû notamment aux horaires souvent incompatibles avec ceux du service du personnel ou des délégués du personnel, à l’éloignement des services dans le cadre des grandes entreprises et au fait de devoir justifier d’une consultation. Par ailleurs, 82 % des personnes interrogées estiment que les effets des actions mises en œuvre ne font pas l’objet d’une mesure a posteriori. A contrario, les réponses apportées par le service RH apparaissent lisibles et en cohérence avec les problématiques rencontrées par les salariés. Les réponses apportées par les délégués du personnel et la médecine du travail sont relatives et parfois incohérentes au regard des besoins exprimés par les professionnels.
2.3 – Discussion
19Au vu de nos résultats, nous pouvons confirmer l’hypothèse selon laquelle les salariés considèrent la fonction RH comme un des principaux acteurs dans la prévention des risques psychosociaux. En effet, si le stress a une origine collective et organisationnelle (EUROGIP, 2010), il se manifeste cependant de manière individuelle. Ainsi, pour une même cause, les conséquences pour les individus sont variables et s’expriment différemment. Parce qu’elle est décentrée du schéma principal bilatéral « manager-salarié », et parce que à travers son pilotage social, elle peut être force de proposition pour le professionnel, la fonction Ressources Humaines peut être appréciée comme un acteur connu et reconnu par les salariés en termes de prévention des risques.
20Comme nous pouvons le constater au regard des réponses à notre questionnaire, plusieurs acteurs sont désignés comme pouvant apporter leur contribution dans le cadre de la prévention des risques psychosociaux. Néanmoins, nous pouvons observer une absence d’interaction entre ces instances qui conduit à limiter les effets en termes d’action. Or, compte tenu de la problématique complexe relative aux risques, il apparaît qu’une coopération entre les acteurs semble nécessaire puisque chacun peut, à partir de ses missions et de ses compétences, répondre aux attentes des professionnels. À cet égard, nous rejoignons Trontin et Béjean (2001), qui soulignent que la relation d’agence peut constituer une approche intéressante en termes de prévention et peut favoriser les interactions nécessaires entre les différentes parties prenantes. Or, dans le cas de notre étude, s’il s’avère que l’entreprise prend en compte les situations de stress pour 85 % des personnes interrogées, les 4 instances : Ressources Humaines, médecine du travail, délégués du personnel et CHSCT- pouvant être sollicitées proposent une juxtaposition de réponses et non une réponse globale où chacun apporterait sa contribution. Compte tenu du fait que le service des Ressources Humaines est fréquemment sollicité, il peut constituer une clef de voûte particulièrement intéressante dans un processus de prévention des risques. Par ailleurs, nos résultats témoignent que les Ressources Humaines ne peuvent plus être considérées comme une simple variable d’ajustement en cas de difficultés de l’entreprise. Ainsi, comme le souligne Ménechet (2006), les missions de cette fonction « support » correspondent également à des missions d’écoute, d’accompagnement et de valorisation du salarié. Ainsi, à travers différents axes d’intervention, la fonction RH peut proposer des réponses singulières en direction des professionnels au regard de leurs besoins et de leurs attentes. Penser a priori l’intégration d’un salarié, aménager le temps de travail, organiser la mobilité, accompagner un départ ou bien planifier des actions de formation relatives à la sécurité sont autant d’outils efficaces et efficients dans le cadre de la prévention des risques psychosociaux. Pour les salariés ayant répondu à notre questionnaire, la notion de stress est perceptible au sein de l’organisation. À cet égard, il apparaît donc indispensable de proposer un accompagnement adapté qui sache prendre en compte les singularités du capital humain de l’entreprise. (Beckert, 1964). Dans cette perspective, depuis Mai 2008, le législateur impose aux entreprises françaises de plus de 250 salariés la mise en place d’une structure sociale et médicale. La mission de cette structure se situe autour de trois axes principaux que sont l’écoute, l’aide et le soutien à l’endroit des collaborateurs qui vont la solliciter dans le cadre de problématique personnelle ou professionnelle. Cette mission est réalisée par des professionnels diplômés soumis au respect du code de déontologie régissant le cadre de leur intervention, et principalement le respect de la confidentialité. Ainsi, le champ social et médical devient omniprésent en entreprise et peut jouer un rôle significatif d’intermédiaire et de facilitateur. Or, nous pouvons observer que dans ce registre, la mise en place de ce dispositif est confiée au service des ressources Humaines (auteurs, 2010). Cette délégation souligne, là aussi, le rôle prépondérant du service RH dans le cadre de la prévention des risques psychosociaux.
21Dans le cadre de la prévention des risques, l’absence de mesure des effets relatifs aux actions mises en œuvre constitue un frein majeur pour l’entreprise. Force est de constater que la structure qui s’inscrit dans une démarche volontariste de progrès à travers une planification des actions à mener, doit également vérifier les effets de ces actions et agir afin d’améliorer l’architecture de son dispositif (Chaminade, 2005). En effet, au-delà de la réponse aux obligations du législateur, la finalité première est d’une part, de répondre aux besoins et aux attentes des professionnels en situation de stress et, d’autre part, d’élaborer des actions préventives au regard des risques potentiels pouvant générer des situations de stress. Enfin, il nous semble particulièrement intéressant le fait que le service des Ressources Humaines prolonge sa mission à travers un certain nombre de mesures s’inscrivant tout naturellement dans le cadre de la prévention des risques. Ainsi, la formation des managers dédiée à la recherche de la cohérence entre les fonctions attribuées et les compétences des professionnels ainsi que la formation à une meilleure gestion des plannings sont des axes prioritaires dont les effets sont palpables au niveau du stress des salariés. Par ailleurs, créer des espaces de réflexion permettant aux employés de participer aux décisions et aux changements qui affecteront leur travail représente une démarche participative qui place les professionnels comme acteur des projets et non comme des salariés contraints de subir les orientations stratégiques et organisationnelles de l’entreprise. Ces actions peuvent être complétées par un travail autour de l’ergonomie afin d’appréhender la globalité des situations de travail et tendre vers la qualité en termes de confort et d’aménagement des espaces et des moyens utilisés.
Conclusion
22Cette étude portant sur les risques psychosociaux a démontré le rôle de la GRH et les pratiques d’entreprise soulignant par la même leurs limites. Un questionnaire a été administré auprès de salariés qualifiés et non qualifiés appartenant à 30 entreprises de taille différentes et de secteurs d’activité diversifiés. Nos résultats montrent, d’une part, que la notion de stress est largement perçue par l’ensemble des professionnels d’autant plus le stress est ressenti en permanence parmi ceux appartenant aux entreprises de plus de 250 salariés. D’autre part, Ils précisent que pour de nombreux salariés interrogés, leurs entreprises prennent en considération la notion du stress et mettent en place des actions pour y remédier et pour limiter les risques psychosociaux. Enfin ils révèlent que les trois quart des salariés considèrent que l’entreprise ne favorise pas la consultation en interne des professionnels susceptibles d’agir dans le cadre des risques psychosociaux. L’étude menée sur les entreprises françaises mériterait d’être étendue avec un échantillon plus grand et, ce, dans une logique confirmatoire. Il nous paraît aussi pertinent de s’intéresser à l’adoption d’une logique d’audit social qui peut alors se révéler pertinente pour élaborer et maîtriser une politique de prévention de la santé au travail. Pour un manager, s’inscrire dans une démarche de RSE, et donc de management de la SST ne signifie pas pour autant qu’il sache comment réaliser cette mission. Cependant, s’il emprunte une démarche d’audit social alors le résultat peut être immédiat et satisfaisant à long terme (Igalens et Gond, 2005 ; 2003). En matière de politique de prévention de la santé au travail, l’utilisation d’un audit social peut insuffler une démarche progressiste en prenant davantage en compte les souffrances des salariés et leurs besoins, et en favorisant la prise de conscience de la GRH et des services audités de l’entreprise de certaines lacunes, profitant par la même des conseils de ou des auditeur(s) (Igalens et Peretti, 2007). Par voie de conséquence, l’introduction de nouvel instrument de gestion centré sur la SST peut procurer à la GRH la possibilité de revisiter ses pratiques managériales en matière de prévention au travail et de revoir, selon le cas, le management des Ressources Humaines de son entreprise.
Bibliographie
Références
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Notes
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MCF HDR, IUT Saint Denis, LARGEPA Paris II - leroux_erick@hotmail.com.
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MCF associé, IUT Saint Denis - mvpconseil@orange.fr.
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Nous citerons pour mémoire les cas les plus marquants des entreprises France Télecom et Renault.
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directives 89/391/CEE ; 87/391/CEE ; 93/104/CEE. 2ème Plan français relatif à la santé au travail (2010).