Couverture de HUME_290

Article de revue

L'entrepreneur social, un entrepreneur socialisé dans une société entrepreneuriale ?

Pages 41 à 60

Notes

  • [1]
    Ecole Supérieure des Sciences Economiques et Sociales.
  • [2]
    Ces témoignages sont issus du site de l’Agence de valorisation des initiatives socio-économiques.
  • [3]
  • [4]
    Dans les pays où les salaires sont potentiellement élevés pour les femmes, la générosité familiale est moins importante.
  • [5]
    Cette liste a été établie à partir des informations de l’Agence de valorisation des Initiatives socio-économiques (AVISE).
  • [6]
    Fédération des entreprises de services à la personne, décembre 2006.
  • [7]
    PME/TPE en bref, n°26, octobre 2007, Ministère de l’économie, des finances et de l’emploi ; BORNSTEIN, 2005 ; DARNIL, LE ROUX, 2006 ; SEGHERS, ALLEMAND, TRIAY, 2007.

1L’entrepreneuriat constitue depuis ces vingt dernières années un sujet d’actualité très prisé. Le capitalisme managérial (GALBRAITH, 1968) s’est métamorphosé en une société entrepreneuriale (AUDRETSCH, 2007). Les grandes entreprises n’ont pas disparu, mais l’économie des pays industriels se recompose en laissant plus de marge à l’initiative individuelle que ce soit par la création d’entreprises ou en tant que mode de management dans la grande entreprise. D. Audretsch commence son ouvrage sur le société entrepreneuriale en évoquant le célèbre film « le lauréat » sorti en 1968 où Dustin Hoffman joue le rôle d’un jeune étudiant qui vient de terminer ses études dans une prestigieuse université. Il ne sait que faire son diplôme en poche, et discute avec différentes personnes. L’une des voies qui lui est proposée est le plastique, c’est-à-dire les grandes entreprises du plastique qui offrent toutes les garanties d’une carrière de manager prestigieuse. Depuis la réussite spectaculaire de Apple, de Microsoft ou de Yahoo, le discours a bien changé (BOUTILLIER, UZUNIDIS, 1995, 1999, 2006).

2Ce regain de dynamisme en matière de création d’entreprises se traduit tant par la création d’entreprises de hautes technologies (informatique) que dans des secteurs touchant à d’autres domaines de compétences touchant aux services à la personne dans une acceptation très large comme la garde des enfants, les soins aux personnes âgées, l’insertions sociale, etc. Ce domaine d’activité serait celui de l’entrepreneur social. Mais, la définition de l’entrepreneuriat social est imprécise (BORNSTEIN, 2005 ; BONCLER, HLADY RISPAL, 2004 ; STEYAERT, HJORTH, 2006eds) : est-ce un entrepreneur qui développe une activité dont l’utilité sociale l’emporte sur sa rentabilité économique ? ou bien est-ce un individu (un entrepreneur ?) qui crée une association à but non lucratif pour répondre à un besoin social déterminé (sauver des tortues marines en voie d’extinction, secourir les femmes battues, aider les jeunes des quartiers défavorisés à faire leurs devoirs, etc.). L’entrepreneur qui dirige une société de bâtiment qui pratique une politique de responsabilité sociale en utilisant par exemple des matériaux recyclés, est-il un entrepreneur social ? Les entrepreneurs du 19ème siècle qui pratiquent des politiques paternalistes, étaient-ils des entrepreneurs sociaux ? A vouloir appliquer l’adjectif « social » à une large gamme de situations, le concept d’entrepreneur social est vidé de son sens. Un indice important pour notre définition à venir est que l’entrepreneur social investit a priori des secteurs d’activité délaissés aussi bien par le secteur marchand en raison de leur faible rentabilité, que par le secteur public, qui dans un contexte d’austérité budgétaire cherche à réduire ses dépenses. Les secteurs d’activité dans lesquels l’entrepreneur social peut investir sont très variés : services à la personne, insertion professionnelle, commerce équitable, culture, logement social, recyclage des déchets, etc. C’est pour cette raison qu’il est généralement défini comme un entrepreneur qui privilégie des objectifs sociaux sur des objectifs directement lucratifs. D’un autre côté, qu’il soit ou non qualifié de social l’entrepreneur répond aux opportunités du marché (KIRZNER, 1973). De plus, si nous considérons l’innovation comme une activité de résolution de problèmes à l’image de l’analyse évolutionniste, le développement de l’entrepreneuriat social se manifeste comme une réponse à un problème posé (réduction des dépenses de l’Etat, évolution de la famille et des problèmes sociaux en général (exclusion, pauvreté, vieillissement de la population, etc.). Signe manifeste de l’importance de ce phénomène : depuis quelques années, d’abord aux Etats-Unis et au Canada puis dans le reste du monde, les chaires d’entrepreneuriat social se sont multipliées dans les universités et les écoles de commerce. Le même phénomène avait pu être observé au début des années 1990 pour l’entrepreneuriat au sens général du terme.

3Notre objectif est dans un premier temps de définir l’entrepreneur social en essayant de montrer ce qui le distingue de l’entrepreneur dans le sens commun de terme, puis dans un second temps de montrer que l’entrepreneur social se définit non pas tant en fonction de ses motivations, de ses objectifs ou encore de son engagement vis-à-vis de la société, mais en fonction des opportunités nouvelles que lui offre la transformation de l’économie et de la société depuis ces trente dernières années, marquée notamment par le développement de la question environnementale, des marchés financiers, de la précarisation de l’emploi ou encore par l’allongement du la durée de vie. Nous tenterons de montrer que l’entrepreneur social est un entrepreneur socialisé, en d’autres termes un entrepreneur qui se trouve à l’intersection d’une logique publique (Etat) et d’une logique marchande (marché). Au-delà de la réalité économique et sociale actuelle, marquée par le développement de l’initiative individuelle, nous nous attacherons à montrer que l’activité de l’entrepreneur social s’inscrit dans une dynamique économique et sociale donnée.

1 – Qu’est-ce qu’un entrepreneur social ?

1.1 – Eléments de définition historiques : entrepreneuriat social et paternalisme

4Pour cerner l’entrepreneur social d’aujourd’hui, nous devons voir si nous pouvons le rattacher à des catégories sociales existantes ou passées. Les entrepreneurs du 19ème siècle qui pratiquaient des politiques paternalistes étaient-ils des entrepreneurs sociaux ? Nous pouvons le supposer car ils ont construit des écoles, des églises, parfois même des villes entières pour loger leurs ouvriers. A. Citroën, Louis Renault, les frères Michelin, étaient-ils des entrepreneurs sociaux ? La question peut surprendre car l’objectif affiché de ces entrepreneurs était de produire de l’acier, des automobiles, des mètres de toiles, etc. Les objectifs sociaux étaient secondaires, et étaient la contrepartie d’une politique de management des ressources humaines visant à fidéliser et à motiver une main-d’œuvre non encore habituée au travail industriel. A. Citroën déclarait avait fierté qu’il avait pendant la première guerre fait preuve d’œuvre sociale en installant dans son entreprise des chambres d’allaitement pour les ouvrières venues en masse remplacer les hommes.

5Sont-ce les objectifs que se fixe l’entrepreneur social qui le distinguent de l’entrepreneur générique : développer une action sociale répondant aux besoins d’une population déterminée. Ce propos nous conduit à évoquer aussi les écrits et les réalisations des utopistes du 19ème siècle, comme Saint-Simon, mais surtout Charles Fourier et Robert Owen. Charles Fourier avait imaginé une cité idéale, le « phalanstère », où les besoins de chacun seraient satisfaits en fonction de leur appartenance à la communauté, mais également en fonction du travail accompli. R. Owen lutta contre le travail des enfants, à la fois en étant à l’origine d’une loi, mais également en créant au sein de son entreprise une école, afin de permettre aux enfants de son personnel d’apprendre à lire, écrire, compter. Il fut décoré par la reine Victoria pour son œuvre sociale.

6Que dire au regard de ces différentes expériences d’entrepreneurs que l’on qualifie aujourd’hui de sociaux et qui réunissent des fonds pour créer une école dans un village reculé de toute zone urbaine dans un pays en voie de développement ou encore qui développent des actions sociales dans des quartiers difficiles de banlieues délaissées ? Ce qui les distingue au premier abord est que l’activité d’Owen, de Citroën ou des Michelin se présente d’emblée comme une activité économique dont la finalité est le profit. Ce qui n’est pas le cas de l’entrepreneur qui se déclare « social » et qui place (tout au moins dans son discours) l’objectif du profit comme secondaire, voire marginal, au regard des objectifs de bien-être social.

7Mais, l’entrepreneur social est-il un militant-gestionnaire (ROUSSEAU, 2006) ? Est-ce un travailleur social ? P. Verbeeren (VERBEEREN, 2000) a établi une typologie des entrepreneurs sociaux. Il en distingue quatre : (1) le travailleur social (création d’une entreprise d’insertion par exemple autour d’une association ou en son nom propre), (2) entrepreneur importé (porteur d’un projet pensé par d’autres), (3) entrepreneur entrant (est celui qui ne venant pas de l’économie sociale et solidaire crée une entité dans ce secteur), et (4) l’entrepreneur auto-inséré (qui crée son propre emploi). Cette typologie est intéressante, mais elle ne nous permet pas, compte tenu de notre problématique, de distinguer clairement à partir de cela l’entrepreneur social de l’entrepreneur dans un sens général du terme. Dans un article publié dans le quotidien Les Echos, daté du 15 juin 2006, T. Sibieude (SIBIEUDE, 2006) précise que l’entrepreneuriat social et l’économie sociale ne se confondent pas. Il définit l’économie sociale par le statut juridique de ses acteurs (associations, coopératives, mutuelles et fondations) et par quelques caractéristiques majeures : activité non lucrative, liberté d’adhésion et démocratie, un homme / une voix. L’entrepreneur social identifie ce qui ne fonctionne pas dans la société. C’est un innovateur parce que ayant identifié ce qui ne fonctionne pas il cherche des solutions qu’il diffuse. Il cite en exemple le cas célèbre de l’inventeur du micro-crédit : Muhammad Yunus. Il ajoute que l’entrepreneur social ne se rattache ni au secteur public (même si le support de son activité répond à des préoccupations d’intérêt général), ni tout à fait à l’économie de marché, puisque le profit n’est pas sa motivation principale. Son projet vise à concilier initiative privée, utilité sociale et viabilité économique et solidarité, dans le secteur marchand et non marchand. Si l’entrepreneur cherche à maximiser son profit, l’entrepreneur social cherche à générer des ressources pour maximiser la valeur sociale créée, l’impact social de son action. En bref, l’entrepreneuriat social n’est pas un secteur, mais une manière d’entreprendre différente, un état d’esprit, une approche alternative pour traiter les grandes questions sociales. Partant de ces propos, pouvons-nous convenir que l’entrepreneur social exerce son activité dans le secteur marchand tout en privilégiant l’utilité sociale de son activité sur sa rentabilité économique ? Certes, oui, mais certaines causes humanitaires peuvent se révéler très lucratives.

8Le caractère lucratif ou non lucratif de l’activité de l’entrepreneur social ne fait pas l’unanimité. L’entrepreneur social peut exercer une activité à but non lucratif ou à but lucratif selon la définition de l’ESSEC [1]. Dans la première catégorie, on distingue les activités non marchandes (associations non fiscalisées, fondations, etc.) et marchandes (associations fiscalisées, coopératives, mutuelles, etc.). Dans la seconde catégorie (secteur marchand), on distingue d’une part les entreprises pour lesquelles la finalité sociale l’emporte sur la finalité économique (ateliers protégés, entreprises commerciales à forte finalité sociale), d’autre part les entreprises pour lesquelles la finalité économique l’emporte sur la finalité sociale, c’est le cas des entreprises « classiques ». Une mention particulière peut être faite aux entreprises qui pratiquent une politique de responsabilité sociale (BERGER-DOUCE, 2007). Le cas spécifique des entreprises d’insertion (présentées comme un cas emblématiques d’entrepreneurs sociaux), l’entrepreneur social est confronté à une double logique, d’une part la logique marchande, d’autre part la logique administrative des acteurs institutionnels (ZOONEKYND, 2004). Le dirigeant d’une entreprise d’insertion doit non seulement composer avec le secteur marchand (par exemple avec les banques pour trouver les capitaux nécessaires), mais aussi avec des administrations (conventionnement avec les autorités préfectorales, recherche de financements des postes d’insertion gérés au niveau des directions départementales du travail, agrément avec l’ANPE de l’embauche d’une personne en difficulté, etc.), tout en articulant les qualités de médiateur politique et de gestionnaire. S. Zoonekynd reprend l’expression de J.-L. Laville et les qualifient d’« interacteurs » des média favorisant les échanges d’un monde à l’autre. Elle ajoute qu’ « à l’instar des entrepreneurs ‘classiques’, ils ont besoin d’un certain nombre de relations, de la constitution de réseaux sociaux, pour la création et la pérennités de leur projet. L’entrepreneur social favorise une transversalité par rapport aux fonctions, aux rôles auxquels les différents acteurs, les différents partenaires sont habitués. ». Dans le cas particulier des entreprises d’insertion, l’entrepreneur social doit articuler son projet d’une part vers le retour à l’emploi et l’intégration des personnes exclues sur le marché du travail. Mais que dire de l’entrepreneur qui développe une politique de responsabilité sociale, et qui est amené à pratiquer une politique sociale qui va au-delà des obligations que lui impose le code du travail, idem en matière environnementale ? Est-ce un entrepreneur social ?

1.2 – L’entrepreneur social : être socialement utile ?

9En dépit des différentes obligations que nous venons d’évoquer, une espèce de consensus semble s’établir sur l’utilité sociale visée par l’entrepreneur social au travers de son activité. L’objectif premier de l’entrepreneur social est a priori d’avoir une activité socialement utile, souvent parce qu’il a détecté un manque, une lacune que ni le marché, ni le secteur public ne satisfont. Ces différentes expériences sont très largement liées au contexte économique et social propre à chaque époque. Insertion sociale, biodiversité, commerce équitable… ces termes qui sont depuis plusieurs années à l’origine de nombreuses initiatives d’entreprises sociales, étaient absents des préoccupations des entrepreneurs des trente glorieuses, période marquée par un taux de croissance rapide et par une énergie bon marché. La question écologique n’était pas officiellement à l’ordre du jour. Il en va de même pour les entreprises de service à la personne. C’est aussi parfois parce que l’entrepreneur a été confronté à un problème spécifique qu’il est amené à créer une entreprise dans un domaine où il a identifié une demande potentielle. L’objectif, de faire œuvre sociale, est à l’heure actuelle (dans un contexte de croissance économique lente et d’énergie chère) largement palpable lorsque l’on interviewe des entrepreneurs sociaux d’aujourd’hui. En voici quelques exemples [2] :

  • « ma motivation : le refus de considérer l’exclusion comme une fatalité », déclare Jean-Guy Henckel, directeur de « Réseau Cocagne », entreprise d’insertion qui emploie des individus en situation d’exclusion sociale. Ceux-ci travaillent : ils cultivent des produits maraîchers selon les normes de la culture biologique qui sont vendus à un réseau de consommateurs adhérents ;
  • « je souhaitais réaliser un projet d’entreprise intégrant la plus value humaine et sociale comme moteur de développement », déclare Laurent Laïk, gérant de « La varappe développement », SARL qui offre à des personnes en situation d’exclusion sociale d’acquérir des compétences techniques et comportementales leur permettant de réaliser des prestations dans les conditions du marché et trouver un emploi stable dans une entreprise quelconque ou une institution publique.
  • « ma motivation : permettre à des hommes et des femmes handicapés d’accéder au milieu professionnel en tant que salarié », déclare Jean-Louis Ribes, directeur de DSI, SARL dont l’objectif est de permettre à des personnes handicapées de trouver un employeur capable de mettre en place des emplois de moyenne difficulté directement en concurrence avec des emplois ordinaires.
  • « j’avais envie de créer mon entreprise sur mes valeurs. Dès mon entrée à l’école, j’étais intéressée par la solidarité internationale ; alors j’ai décidé de concilier ‘entrepreneuriat ‘ et ‘valeurs personnelles’ en créant Idéo. J’avais besoin de créer un travail qui ait un sens », déclare Rachel Liu, fondatrice d’une entreprise de commerce bio-équitable, Ideo, SARL de commerce équitable de vêtements de mode occidentale créés sur la base de matériaux issus de la culture biologique.
Le Réseau européen EMES [3] qui réunit des centres de recherche universitaires et des chercheurs individuels reconnus sur le thème de l’économie sociale et solidaire définit comme suit l’entrepreneuriat social en distinguant quatre critères économiques et cinq critères sociaux. L’intérêt de cette définition est de combiner à la fois des critères économiques et sociaux, mais elle reste très évasive sur le type d’activités propre à l’entrepreneuriat social :

a) quatre critères économiques :
- une activité continue de production de biens et/ou de services ;
- un degré élevé d’autonomie ;
- un niveau significatif de prise de risqué économique ;
- un niveau minimal d’emplois rémunérés.
b) cinq critères sociaux :
- un objectif explicite de service à la collectivité ;
- une initiative émanant d’un groupe de citoyens ;
- un pouvoir de décision non basé sur la détention du capital ;
- une limitation de la distribution des bénéfices.

10L’entrepreneuriat social, à l’instar de l’entrepreneuriat dans son sens général, prend de multiples formes au regard de la généralité des critères de définition retenus. Un entrepreneur social peut tout aussi bien créer une association, une coopérative, une SARL ou même une société anonyme. Le statut juridique importe peu. Ce qui semble en revanche déterminant, c’est l’objectif de l’entrepreneur, et en particulier, si on se réfère à la définition ci-dessus à «l’objectif explicite de service à la collectivité ». Ce point nous semble tout particulièrement important au regard des déclarations d’entrepreneurs sociaux présentées ci-dessus qui privilégient un discours social plutôt que de managers. Mais, en fondant Kodak, George Eastman déclare qu’il souhaite mettre la photographie à la portée de tous, à la fois sur le plan technique et économique : concevoir et fabriquer un produit facilement utilisable et bon marché. Le discours de Louis Renault, d’André Citroën, d’Henry Ford ou de Bill Gates, pour l’automobile ou l’ordinateur personnel ne diffère guère de ce principe. Et qu’en est-il de T. Edison qui contribua à rendre les villes américaines plus sûres en développant l’éclairage électrique public ? Nombre d’entrepreneurs historiques étaient convaincus d’œuvrer pour le bien de l’humanité en améliorant l’accessibilité des classes populaires au progrès technique. Nous touchons ici à la définition basique de l’entrepreneur tel que J. A. Schumpeter le définit (SCHUMPETER, 1935) : l’entrepreneur a pour fonction d’innover, pour ce faire il réalise de nouvelles combinaisons de facteurs de production, et met à disposition de tous les budgets (pour paraphraser J. A. Schumpeter) (SCHUMPETER, 1979) des produits nouveaux que les monarques les plus puissants d’autrefois ne pouvaient imaginer. L’entrepreneur, pour reprendre la définition de J.-B. Say, est l’intermédiaire entre le savant qui produit la connaissance et l’ouvrier qui l’applique à l’industrie. L’entrepreneur serait-il par définition social, dans le sens où il conçoit son activité dans le cadre du marché lequel est par définition un instrument de socialisation puisqu’il relie des agents économiques par le biais de l’échange marchand et de la division du travail (BOUTILLIER, 2002, 2003, 2005, 2007, 2008) ?

11L’entrepreneur, qu’il soit qualifié de « social » ou non, doit pour développer son activité être en situation de veille informationnelle pour détecter les opportunités d’investissement (KIRZNER, 1973 ; SHANE, 2003). Il doit avoir une bonne connaissance de la société dans laquelle il est inséré. Cette information n’est pas d’emblée disponible (contrairement à l’hypothèse de transparence des marchés propre au modèle de la concurrence pure et parfaite). Pour détecter les opportunités d’investissement, l’entrepreneur (social ou non) doit pouvoir avoir une vision à long terme de son activité. Or, dans le contexte économique actuel, marqué par une forte instabilité, en raison notamment de la domination des marchés financiers, ce qui oppose l’entrepreneur social à l’homme d’affaire d’une manière plus générale, est sa capacité à prévoir sur le long terme les effets des décisions qu’il prend à l’instant « t » (STEYAERT, HJORTH, 2006eds).

1.3 – Trois éléments pour une définition basique de l’entrepreneur social

12Qu’il soit social ou non l’entrepreneur se définit à partir de trois éléments : (1) ses objectifs, (2) les moyens mobilisés et (3) le cadre institutionnel dans lequel il est inséré.

13Nous avons défini trois types de motivations : (1) l’enrichissement personnel ; (2) le désir d’avoir un statut social reconnu, « être un patron », imposer sa marque, son nom. Que dire d’A. Citroën dont le nom fut écrit en lettres de lumière sur la tour Eiffel ? ; (3) agir explicitement en faveur de la collectivité en fondant un hôpital dans une région reculée ou délaissée, sauver des tortues marines en voie de disparition, en installant l’électricité dans une région reculée du Brésil, collecter et valoriser les ordures ménagères d’un bidonville, etc. Nous pourrions multiplier les exemples. Dans tous les cas, c’est l’action sociale ou environnementale qui est privilégiée, les retombées économiques ne sont pas inexistantes (augmentation des revenus d’une population pauvre, développement d’une activité touristique, construction de routes, etc.), mais elles n’apparaissent pas d’emblée comme les objectifs poursuivis par les entrepreneurs sociaux.

14Pour parvenir à son objectif, l’entrepreneur (social ou non) mobilise son potentiel de ressources. Ses ressources sont financières effectives (épargne propre, héritage) ou potentielles (accès au crédit ou à des subventions publiques), mais aussi constituées par ses connaissances (acquises dans le cadre scolaire au sens large du terme, par l’expérience professionnelle en tant qu’employeur ou salarié) et son capital social (ou réseau de relations sociales institutionnelles et informelles). Ce capital social est constitué par l’ensemble des relations que l’individu entretient avec d’autres individus qui se situent dans d’autres entreprises, des organisations professionnelles, des ministères, des banques, etc., mais par un réseau de relations informelles (dans le cadre familial, entre voisins, amis, etc.). Les relations institutionnelles et informelles ne sont pas dissociées, mais étroitement intégrées. Les relations informelles constituent souvent le tremplin indispensable pour atteindre les personnes visées dans une institution quelconque (BOURDIEU, 1985 ; GRANOVETTER, 1973 ; BOUTILLIER, UZUNIDIS, 1999). Ces trois types de ressources sont très étroitement liés les uns avec les autres. L’origine sociale de l’individu est déterminante dans la constitution de ces réseaux sociaux (PIÇON, PINÇON-CHARLOT, 1999). L’entrepreneur est aussi inséré dans une société déterminée qui elle-même se définit par un ensemble de lois régissant le droit de propriété, le droit des affaires, le droit du travail, etc. (SHANE, 2003), et qui constitue une espèce de cadre normatif, voire coercitif, à partir duquel l’activité entrepreneuriale prend forme.

15Nous formulons l’hypothèse selon laquelle l’entrepreneur social se définit par son objectif qui est d’agir explicitement en faveur de la collectivité. Cet objectif l’emporte sur des considérations économiques, même si ces dernières entrent étroitement en compte dans la finalité du projet, car l’entrepreneur social comme l’entrepreneur, doit être à même de générer des ressources nouvelles. Il mobilise les ressources dont il dispose pour parvenir à son objectif, mais la volonté d’enrichissement ou d’esprit de compétition n’en est pas moins présente puisque la société dans laquelle il est inséré est basée plus ou moins explicitement sur la concurrence et le profit.

2 – Repondre a de nouveaux defis sociaux, ecologiques et economiques ?

2.1 – Crise de l’Etat social et développement de l’entreprise réseau : un vivier d’investissements ?

16La réorganisation de la grande entreprise, sous la forme d’une entreprise réseau (CASTELLS, 1998) explique pour une large part le développement de la société entrepreneuriale. Mais, d’autres opportunités en matière de création d’entreprises sont apparues en raison de la redéfinition du rôle de l’Etat social : celui des emplois de services de proximité, généralement de services à la personne (garde d’enfants, de personnes âgées, ménage, jardinage, travaux ménagers, etc.). Dans ce contexte, la création d’entreprises n’est pas seulement la traduction d’une nécessité économique, mais également sociale. Alors que la population des pays industrialisés vieillit et que la famille éclate (augmentation du nombre des divorces et des remariages – la famille dite recomposée remplace la famille nucléaire), de nouveaux problèmes apparaissent : la prise en charge des enfants en bas âge, des malades ou des personnes âgées a été d’abord le fait de la famille élargie. Depuis les années 1950, le rôle de l’Etat s’est étendu, mais pour réduire ses dépenses, celui-ci cherche depuis les années 1980 à se décharger sur la famille d’une partie de ses charges. Dans les faits, nous constatons que la famille et l’Etat jouent un rôle substituable pour la charge des chômeurs même si l’apport familial ne compense pas entièrement les disparités de prise en charge par l’Etat. En France, la combinaison de la prise en charge publique et familiale débouche sur une prise en charge par la famille assez élevée pour compenser les pertes liées au chômage. Ce fort taux de prise en charge s’explique notamment par le faible salaire espéré des conjoints du chef de ménage qui ont connu le chômage [4] (EKERT-JAFFE, TERRAZ, 2005).

17Depuis les années 1980, le rôle de l’Etat consiste paradoxalement à créer les conditions à sa propre disparition, afin d’éliminer toutes les barrières administratives susceptibles de bloquer le développement des affaires. Selon la Commission européenne, les « coûts publics » engendrés par la complexité administrative ont été évalués à 3% du PIB européen (OCDE, 2005).

2.3 – L’entrepreneur socialisé, l’entrepreneur social dans une société entrepreneuriale ?

18L’entrepreneur socialisé se trouve à l’interface de deux logiques : (1) celle de la grande entreprise industrielle et financière qui cherche à favoriser la création d’entreprise pour tester de nouveaux marchés, (2) celle de l’Etat qui par ce moyen cherche à lutter contre le chômage et à favoriser l’innovation.

19Nous définissons l’entrepreneur comme le fondateur, gestionnaire et au moins propriétaire parcellaire de l’entreprise. Il peut être un innovateur (l’innovation peut être à l’origine de la création d’entreprise – Say, Schumpeter). Le chômage est parfois à l’origine de sa décision (CASSON, 1991). Cependant, il reste toujours (sans doute plus que jamais) l’agent économique qui supporte le risque (Cantillon, Knight) en tant que principal bailleur de fonds de son entreprise, avec ses proches.

20L’entrepreneur socialisé est au centre d’un réseau de relations économiques et sociales, situation que nous avons cherché à expliciter en définissant le potentiel de ressources de l’entrepreneur. Le concept du potentiel de ressources est le produit d’une triple interrogation qui s’inscrit dans une volonté de dépasser les concepts de l’homo oeconomicus et de la firme : (1) la formation d’un réseau de relations sociales de l’agent économique : dans la théorie néoclassique, l’individu prend des décisions à partir d’un calcul en termes de coût/bénéfice. C’est un homo oeconomicus. Cette idée a depuis été enrichie (rationalité limitée, anticipations, etc.) par les économistes. Les travaux sur le capital social menés par les sociologues depuis le début des années 1980 (BOURDIEU 1985 ; COLEMAN 1988 ; PUTMAN, 1995) ont amené nombre de chercheurs à enrichir ce concept pour montrer comment l’entrepreneur mobilise son réseau de relations sociales pour mener à bien son projet (TAYLOR, JONES, BOLES, 2004). Le soutien des proches est souvent considéré comme déterminant (GRANOVETTER, 1973 ; JACK, ANDERSON, 2002 ; DAVIDSSON, HOING, 2003). Le réseau de relations sociales est aussi un moyen de collecter les informations (législation, subventions, techniques, etc.) nécessaires au démarrage du projet (SUIRE, 2004) ou encore pour détecter des opportunités d’investissement. Les résultats sont parfois déconcertants car bien souvent les candidats entrepreneurs ne trouvent que ce qu’ils cherchent. Les opportunités que les entrepreneurs découvrent sont souvent liées à l’information et à la connaissance qu’ils détiennent préalablement (SHANE, 2004). (2) l’entreprise en tant qu’ensemble de ressources : à la fin des années 1950, E. Penrose (PENROSE, 1995) définit l’entreprise comme un ensemble de ressources productives organisé dans un cadre administré. La fonction de la firme est d’acquérir et d’organiser ses ressources matérielles, immatérielles et humaines dans le but de vendre avec profit sur le marché des biens et services. L’idée de E. Penrose était d’ouvrir la boîte noire que constitue l’entreprise dans la théorie néoclassique, qui se réduit à une fonction de production. (3) L’entrepreneur en tant qu’allocataire de ressources entre les marchés, mais il peut aussi être considéré comme un input lui-même contribuant ainsi à accélérer la croissance économique.

Le Potentiel de Ressources du créateur d’entreprise : éléments d’une définition générale

Potentiel de RessourcesCaractéristiques majeures
ConnaissancesConnaissances tacites et de toutes natures acquises dans le cadre familial
Connaissances scientifiques et techniques acquises pendant la scolarité
Connaissances acquises par les rapports avec autrui (famille, activité professionnelle)
Ressources financièresEpargne propre
Apports affectifs : parents, proches, etc.
Crédit bancaire
Aides financières institutionnelles (ex. aides directes de l’Etat)
Apports financiers d’un autre entrepreneur
Relations socialesRelations informelles (famille, amis, voisinage, collègues, etc.)
Relations formelles (Etat, banques, autres entreprises, centres de recherche, etc.)

Le Potentiel de Ressources du créateur d’entreprise : éléments d’une définition générale

21Les trois composantes du potentiel de ressources de l’entrepreneur sont déterminées par la place que ce dernier occupe dans l’organigramme social où la famille – en dépit de la socialisation croissante de l’économie – joue un rôle fondamental. La famille donne le goût d’entreprendre, mais aussi elle est source de financement et de réseaux sociaux. La famille aidant, les fonctions de l’entrepreneur actuel tirent, le plus souvent, leur logique des politiques publiques d’atténuation des effets de la crise (politiques d’emploi et d’innovation) et des stratégies de réorganisation productives et financières des grandes entreprises.

2.4 – L’entrepreneur social, un entrepreneur socialisé comme les autres ?

22L’entrepreneur social est souvent un innovateur, non parce qu’il conçoit des technologies de pointe, mais parce qu’il invente des solutions nouvelles à des problèmes anciens (insertion des chômeurs de longue durée, des personnes handicapées, lutte contre les discriminations de toutes natures, soins au personnes âgées, garde des enfants en bas âge…) par des réponses organisationnelles tout en tirant profit des nouvelles technologies de l’information et de la communication (STEYAERT, HJORTH, 2006EDS ; BOUTILLIER, FERREIRA, 2008). Dans ce contexte, le rôle de l’Etat évolue fortement. J. M. Keynes avait, avant la seconde guerre mondiale, imaginé un capitalisme aménagé où l’Etat intervient pour corriger les maux du marché (en cas de chômage notamment). En ce début de 21ème siècle, après plusieurs décennies de keynésianisme, les responsables politiques cherchent, au contraire, à favoriser le retour du marché. Tout se passe comme si l’Etat était amené à créer les conditions de sa propre négation en définissant par la loi un nouveau cadre institutionnel pour donner aux individus une plus grande marge d’initiative. La loi d’initiative économique, qui a été votée en France en 2003, entre dans ce cadre d’analyse : en favorisant la création d’entreprises, l’Etat cherche à réduire le chômage, par conséquent à réduire le poids des dépenses sociales. D’un autre côté, pour aider les entreprises à se financer, il développe les fonds d’investissement au détriment des aides directes aux nouvelles entreprises.

23Quels sont les secteurs d’activité dans lesquels ces entrepreneurs créent des entreprises dans des activités très diversifiées [5] qui couvrent l’ensemble des activités économiques existantes :

  • Agriculture et pêche
  • Bâtiment et travaux publics
  • Commerce équitable
  • Culture
  • Insertion par l’activité économique
  • Environnement, collecte et recyclage de déchets
  • Famille, lien inter générationnel, temps de vie
  • Formation, emploi, services aux entreprises
  • Handicap
  • Internet et utilisation des nouvelles technologies de l’information et de la communication
  • Logement social
  • Reprise d’entreprise
  • Restauration
  • Services à la personne
  • Tourisme
  • Transports.
Ces activités sont créées dans le cadre associatif (association Loi 1901) ou bien il s’agit d’entreprises au sens capitaliste du terme, généralement des SARL. Elles sont aussi étroitement canalisées par la définition de normes de qualité. C’est notamment le cas des services à la personne. L’AFNOR (l’Agence française de normalisation) a créé par exemple une norme de service aux personnes à domicile et un référentiel de marque pour garantir une meilleure qualité de service. En 2008, on estime qu’une centaine d’associations de services à la personne ont été ainsi certifiées. Depuis 1996, la création d’entreprises de services à la personne est autorisée, auparavant cette activité entrait exclusivement dans le cadre associatif. Le nombre de créations d’entreprises dans ce secteur a été extraordinaire depuis en fin des années 1990. En 1998, on comptait 85 entreprises, 238 en 2001, 573 en 2004 et 2000 en 2006 [6].

24Quel est le potentiel de ressources de l’entrepreneur social ?

25(1) L’entrepreneur social peut être à la tête d’une entreprise (SARL ou SA), d’une association, d’une fondation, ou d’une mutuelle. Le statut juridique est donc très variable. Il arrive assez souvent qu’une association devienne une entreprise si l’activité s’avère lucrative. Mais, il existe aussi des associations qui sont gérées comme des multinationales, mais l’humanitaire est devenu un objet de marketing.

26(2) Nombre de ces entrepreneurs sociaux sont hautement diplômés (Bac plus 5, grandes écoles de commerce, etc.). Or, le diplôme n’est pas seulement le signe de la reconnaissance officielle d’un savoir, il est aussi l’assurance d’un capital social. La richesse d’un réseau social est aussi l’assurance de contacts professionnels (souvent par le biais de relations informelles, amicales) susceptibles d’apporter des marchés et des financements. C’est aussi par ce biais que sont recrutés d’une manière générale, les collaborateurs de l’entrepreneur fondateur et qui formeront l’équipe de direction.

27(3) Ils ont pris leur décision d’investir après un examen approfondi du dossier comme ils pouvaient le faire pour n’importe quel marché (vigilance entrepreneuriale). Dans ces conditions, investir pour créer une entreprise pour prendre soin des personnes âgées ou bien pour protéger des tortues marines ou bien pour la garde des jeunes enfants, etc. tout ceci relève du calcul économique. Il doit de la même manière qu’un entrepreneur non social détecter les besoins futurs de la société et par conséquent les opportunités d’investissement, lesquelles sont tout autant déterminées par les besoins sociaux (garde des enfants, vieillissement de la population, soin aux personnes handicapées, soins des animaux de compagnie, etc.) que par la politique publique (lutte contre le chômage, faciliter l’insertion des personnes en difficulté, etc.) que de ceux des grandes entreprises qui vont chercher pour alléger leurs charges à sous-traiter certaines activités.

28(4) L’entrepreneur social cherche certes à satisfaire des objectifs sociaux privilégiant l’intérêt collectif sur sa réussite personnelle, mais il est aussi conscient qu’il ne peut réussir socialement s’il ne réussit pas économiquement. Il doit avoir la tête habituée au calcul selon la formule de Jean-Baptiste Say.

29(5) Ils sont parfois personnellement (ou dans le cadre familial) touchés par le problème auquel ils cherchent à apporter une réponse. Nombre de ces entrepreneurs affirment qu’ils sont poussés par une sorte de besoin de créer en répondant à un problème qu’ils considèrent comme fondamental.

30(6) L’activité des entrepreneurs sociaux s’appuie sans doute plus que celle des entrepreneurs en général sur une relation de confiance. Quel que soit le secteur d’activité dans lequel ils investissent, les entrepreneurs sociaux s’engagent avant tout à « entreprendre autrement ». Cette relation de confiance repose aussi sur la proximité quelle soit géographique ou cognitive. Or, si des réseaux d’entreprises sociales sont créés et émaillent le territoire national, d’un autre côté, la communication est aisée grâce aux nouvelles technologies de l’information et de la communication. Ces entreprises s’appuient sur des sites internet souvent très sophistiqués qui permettent d’obtenir un devis très rapide pour l’emploi d’une aide à domicile.

31(7) L’entrepreneur social met volontiers en avant des valeurs éthiques en montrant que son entreprise n’est pas… comme les autres. Il joue souvent avec adresse avec de grands principes tels que responsabilité sociale, développement durable, éthique, commerce équitable, solidarité, etc.

32La capacité d’insertion de l’entrepreneur générique et de l’entrepreneur social en particulier est fonction de la variété et de la richesse de son potentiel de ressources. La composition de ce potentiel de ressources dépend elle-même de facteurs externes à l’entreprise et à l’entrepreneur. Les politiques publiques d’aides à la création d’entreprises (pour favoriser l’innovation et/ou lutter contre le chômage) détermineront en grande partie les ressources financières auxquelles l’entrepreneur pourra avoir accès pour créer son entreprise et assurer sa survie. L’innovation est à la fois technologique et sociale [7].

L’entrepreneur socialisé : au cœur du carré organique de la création d’entreprise

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L’entrepreneur socialisé : au cœur du carré organique de la création d’entreprise

33L’entrepreneur social est un entrepreneur socialisé. Nous ne cherchons pas à jouer avec les mots, mais à souligner d’une part la position singulière de l’entrepreneur socialisé, à l’intersection de deux logiques, celle de l’Etat et celle des grandes entreprises. L’entrepreneur social se singularise non par le secteur d’activité dans lequel il exerce mais par la façon dont il le fait. L’entrepreneur social peut être à la tête d’une association, d’une mutuelle, d’une fondation, d’une SARL ou bien d’une SA. L’éventail des statuts juridiques est très large. Indépendamment du statut juridique de l’entreprise et de son secteur d’activité, l’entrepreneur social se singularise par les modalités particulières de son mode de management en mettant l’accent sur l’éthique et la solidarité.

34L’entrepreneur social est le produit d’une évolution historique, une tentative de réponse à des problèmes nouveaux : chômage et pauvreté de masse, vieillissement de la population, dispersion géographique de la famille, préoccupations environnementales, etc. L’entrepreneur social développe son activité dans des activités qui ne sont pas rentables pour les entreprises « ordinaires » ou encore qui sont délaissées par l’Etat qui en avait la charge jusqu’à présent. C’est un entrepreneur « classique » qui développe une activité qu’il juge socialement utile parce qu’elle répond à de nouveaux besoins sociaux et économiques du moment. En ce sens, le concept de Kirzner de la vigilance entrepreneuriale nous semble tout à fait opérationnel pour appréhender ce phénomène. C’est indéniablement un champ de recherche à explorer.

Bibliographie

Références bibliographiques

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  • Boutillier S., 2007, La création d’entreprise et rôle des structures d’accompagnement dans la réussite des projets entrepreneuriaux : éléments de réflexion à partir d’une enquête de terrain, 7ème rencontre du réseau interuniversitaire de l’économie sociale et solidaire, Rennes, 24-25 mai.
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Notes

  • [1]
    Ecole Supérieure des Sciences Economiques et Sociales.
  • [2]
    Ces témoignages sont issus du site de l’Agence de valorisation des initiatives socio-économiques.
  • [3]
  • [4]
    Dans les pays où les salaires sont potentiellement élevés pour les femmes, la générosité familiale est moins importante.
  • [5]
    Cette liste a été établie à partir des informations de l’Agence de valorisation des Initiatives socio-économiques (AVISE).
  • [6]
    Fédération des entreprises de services à la personne, décembre 2006.
  • [7]
    PME/TPE en bref, n°26, octobre 2007, Ministère de l’économie, des finances et de l’emploi ; BORNSTEIN, 2005 ; DARNIL, LE ROUX, 2006 ; SEGHERS, ALLEMAND, TRIAY, 2007.
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