1Le monde a tellement changé en quelques années que nous peinons à suivre, alors que ces mêmes progrès sont sensés nous faciliter la vie. Dans le monde professionnel, l’univers de l’emploi s’est transformé également. Les règles ont changé, et il est désormais bien difficile de savoir de quoi sera fait demain.
2Alors qu’il faut investir dans de nombreuses années d’études pour décrocher un métier suffisamment spécialisé, il est maintenant devenu très difficile de savoir quelles filières vont recruter. Par ailleurs, le temps de terminer ces études, certains métiers auront cesser de recruter. Quelle stratégie adopter dans une monde en pleine accélération ?
3Plutôt que scruter les statistiques à la recherche du métier « qui marche », ne vaut-il pas mieux réfléchir sur la nature du monde de demain, pour s’y inscrire plus sûrement ?
4Ne vaut-il pas mieux s’appuyer sur des experts pour estimer les évolutions technologiques qui détermineront le marché de l’emploi ?
5Globalement, les dernières révolutions du monde économique et des emplois seront dues à la démocratisation des automatismes. Dans les années qui viennent, l’intelligence artificielle, puis la robotisation deviendront courantes. Les métiers vont donc se transformer. Et les emplois changeront de nature. Il faut s’y préparer.
Révolutions - progrès
6Avec la révolution industrielle, et l’invention de la machine à vapeur, l’humanité a réalisé une importante transformation. Le développement des emplois ouvrier et l’émergence d’une classe moyenne ont été les premières conséquences de ces progrès. D’une manière générale, le peuple a cessé de mourir de faim et de maladie. On a moins soigné et plus guéri.
7Joseph Schumpeter [1], économiste qu’on redécouvre actuellement, à la faveur du désintérêt grandissant porté aux thèses de Keynes, a théorisé ce type de révolutions. Dans « Le cycle des affaires », publié en 1939, il explique le concept de « destruction créatrice ».
8Chaque innovation porte en elle le germe d’un monde meilleur. Certaines innovations majeures, telles l’invention de la machine à vapeur, mais aussi le moteur à explosion ou le nucléaire, ont le pouvoir de changer le monde. A chaque fois qu’elles sont diffusées, elles permettent de construire un nouvel univers, débarrassé des freins du précédent. Un monde plus rapide, plus performant, plus moderne se propose à chaque fois. Tout le monde économique en profite, et l’ancien monde disparaît, avec ses métiers obsolètes.
9Ainsi le train à vapeur a-t-il fait disparaître le coursier à cheval. Nombre de métiers ont ainsi disparu. Et si les travailleurs n’ont pas disparu, ils ont dû s’adapter, et pour certain suivre les évolutions que leur imposait le monde de l’empoi.
Les révolutions de l’information
10L’arrivée de l’informatique, d’Internet et du Big Data, représentent un nouveau type de révolution, comme le démontre Jeremy Rifkin. Contrairement aux révolutions précédentes, les révolutions de l’information ne produisent pas réellement de valeur. Elles organisent le savoir et rationalisent la production. Elles diffusent comme jamais l’information. Sans rien produire par elles-mêmes.
11Même si les chiffres des capitalisations boursières sont colossaux, il ne sort globalement pas plus de pétrole des pipelines.
12Pour autant, ces révolutions ont bouleversé le monde de l’emploi, et consacré le tertiaire.
13Je me souviens de l’arrivée des premiers ordinateurs dans l’imprimerie dans la quelle je travaillais adolescent. Ces machines électroniques étaient magnifiques. Nous étions intimidés. Elles semblaient tout droit issues du futur. Elles allaient faire disparaître en quelques années le métier d’imprimeur.
14J’ai poursuivi ma carrière dans l’informatique. Mais que sont devenus les autres ?
15Je pense souvent à cette époque. Et je me surprends à regretter l’odeur de l’huile et de l’encre des lourdes machines. Partout, les médias nous préparait à la révolution informatique. Et nous n’avons presque rien vu venir.
16Ce qui m’a sauvé à l’époque, c’est l’envie d’en savoir plus. Je me suis intéressé à la machine qui allait nous broyer. J’ai écrit mes premier textes en cachette. J’ai dissimulé mes premières disquettes. J’ai programmé dans des langages informatiques désormais obsolètes. Il faut apprendre sans cesse.
17La transformation du monde de l’emploi donnait une nouvelle fois raison à Schumpeter. En acceptant le changement, je sauvais mon employabilité.
La révolution Internet
18Plus tard, la révolution Internet nous a encore étonnés. Cantonné à l’époque dans l’étude de gros systèmes bancaires rigides, les informaticiens dont je faisais partie on cru voir leur monde s’écrouler. Nous voulions tous participer à l’aventure. Toute l’économie était en ébullition autour des nouvelles technologies, jusqu’au crack boursier de 2002.
19La numérisation généralisée de toutes les données, l’informatisation de tous les services, et la réduction des coûts a redessiné totalement le paysage économique.
20Le monde informatique, c’est à dire celui-là même qui opérait la transformation de tout notre socité était le grand gagnant. Des fortunes considérables se sont bâties à cette époque à partir de rien. La transformation de l’information était devenu l’Eldorado et de nouvelles structures de type « horizontales » ont fleuri au sein de la Silicon Valley, popularisant de nouveaux modèles d’organisation du travail.
Nouveau monde
21L’ère du tout numérique a nécessité des traitements à grande échelle, seuls capables d’extraire le sens à partir des flots de données. Désormais, ce sont aussi les machines qui produisent des mesures, et qui émettent continuellement des signaux. Le volume des données pourrait atteindre pour le monde 163 milliards de téra-octets en 2025 [2].
22De nouveaux métiers sont apparus en liaison avec ce phénomène. Du data-scientist au chief digital officer, le traitement de la donnée n’est pas non plus avare en rémunération.
23Parallèlement, les automatismes menacent chaque jour un peu plus les métiers répétitifs et administratif, de la caissière au guichetier de banque. L’informatique recrute toujours, mais tout le monde ne souhaite pas forcément se reconvertir dans les métiers du digital. Et le métier reste aussi assez sélectif sur l’âge et le sexe.
24Cette instabilité de l’emploi n’en est malheureusement qu’à ses débuts. L’arrivée de l’intelligence artificielle, de la blockchain ou de la robotisation massive risquent de concurrencer l’humain sur beaucoup de métiers. Et d’une manière générale l’emploi se précarise toujours plus.
La digitalisation des organisations
25Pour les organisations, le monde change également, puisqu’elles doivent s’adapter au exigences croissantes de leurs clients dans un monde concurrentiel. La digitalisation des gros pourvoyeurs d’emplois ne se limite pas à la technologie. La révolution est humaine, avec une transformation en profondeur de l’organisation et de ses relations avec l’extérieur. Elle doit favoriser l’innovation et les interactions interpersonnelles, et aboutit à la disparition des couches managériales intermédiaires, pour gagner en agilité. Il faut des jeunes, qui ne craignent ni le changement ni les réseaux sociaux.
26Les nouvelles générations récemment arrivées sur le marché du travail n’ont plus le même attachement à l’entreprise que leurs aînés. Épris de liberté et de sens, ils sont désormais extrêmement volatiles, et développent une relation beaucoup plus éphémère avec leur employeur.
27Le temps est aux indépendants, aux auto-entrepreneurs, au portage salarial, et beaucoup moins à la sécurité de l’emploi. L’entretien de l’employabilité incombe désormais beaucoup au travailleur. Les réseaux sociaux deviennent la colonne vertébrale de toutes les formes de sociabilisation. Être fâché avec l’informatique, c’est l’assurance d’être marginalisé.
28Nombre de journalistes s’alarment sur notre avenir. Société à deux vitesses ? Fracture générationnelle ? Disparition de l’emploi ?
29Méfions-nous des caricatures. Si l’emploi humain changera d’aspect, il ne disparaîtra pas.
30Les règles ont changé sous nous yeux, et changeront encore.
Les menaces
31La société numérisée a préparé l’usage des données à grande échelle. La blockchain, qui décentralise et sécurise les transactions, menace les métiers des assurances, du notariat, et des fonctions administratives. Des procédures automatisées seront en mesure de s’effectuer sans travail humain. Que deviendront ces emplois disparus ?
32L’intelligence artificielle sera en mesure de mener très rapidement des analyses complexes, y compris dans le domaine médical. Plus besoin d’autant de spécialistes, ou d’analystes ? La démocratisation de la robotique, rendue possible par la baisse du coût des machines, va révolutionner les métiers ouvrier. Pour un coût moindre, les opérations de manutention gagneront en précision et en rapidité. A quoi doivent s’attendre les populations concernées par cette mise en concurrence ?
L’organisation du monde de demain
33Demain, il existera trois principaux types de populations.
34Le premier est déterminé directement par l’évolution technologique.
35Le paysage de l’emploi va offrir de nouvelles opportunités, pour que tous ces automatismes puissent apporter les services attendus. Nombre de petits métiers humains graviteront autour des machines et de leurs usages.
36Dans un monde où l’intelligence sera devenue bon marché, il faudra disposer d’une importance spécialisation pour espérer percer dans les métiers à forte valeur ajoutée, et espérer échapper à la concurrence des automatismes.
37La seconde partie de l’humanité se développera en réaction avec le monde technologique. Les interactions humaines, les métiers sociaux, artistiques ou innovants, seront complémentaires aux automatismes. Dans un monde automatisé, les relation humaines seront à nouveau à la mode ! Cette partie de la population, quoique fortement informatisée, ressemblera beaucoup à notre monde actuel.
38Enfin, il restera tous ceux qui n’auront pas su s’adapter au nouveau monde, ou qui refuseront de la faire. Et l’enjeu de demain est qu’ils ne soient pas suffisamment nombreux pour devenir des révolutionnaires !
De l’intérêt de s’y préparer
39Nous ne pouvons plus préparer l’avenir de nos enfants avec les outils d’hier. Pour naviguer dans cet océan de changements profonds, il est nécessaire de disposer d’une vision claire de ce qui nous attend, pour juger des meilleures décisions à prendre.
40Ni catastrophistes, ni béatement optimistes, nous devons comprendre le monde pour nous y préparer. L’avenir se prépare sous nous yeux dans les grandes entreprises. Les révolutions organisationnelles sont la clef de compréhension de notre futur.
41De nouveau types de comportements sont déjà exigés. Une nouvelle compréhension du collectif devient nécessaire. Il ne sert à rien d’essayer de concurrencer les automatismes. Mais bien au contraire, il est nécessaire de travailler sur leurs manques.
Changer les règles
42J’espère toujours qu’il est possible d’améliorer notre avenir en influençant le futur. Les organisations agiles sont loin d’être idéales. Profitons de notre clairvoyance pour tenter d’humaniser notre avenir. Et c’est précisément en expérimentant sans cesse de nouveaux modèles que nous serons en mesure de proposer de meilleures organisations. La passivité n’est pas notre amie. Et la résistance est inutile. Nous devons donc devancer le monde de demain pour y imposer des choix plus humains.
43Car n’oublions pas que l’humain est la dimension essentielle de l’édifice, parce qu’il en demeurera le client et l’arbitre.