Notes
- (1)Les États-Unis ont ainsi été amenés à modifier leur législation : la durée de la protection est passée de 17 années à partir de la date de dépôt à 20 années à partir de la date de demande (Combe et Pfister, 2001). De son côté, l’Union européenne a, en adoptant la directive 98/44/CE sur la protection juridique des inventions biotechnologiques, fait évoluer sa législation vers les positions américaines (CAS, 2007).
- (2)« Ou plutôt d’oligopole car le plus souvent des recherches parallèles ou des processus d’imitation aboutissent à la mise sur le marché de molécules différentes mais ayant des effets thérapeutiques similaires, les "me-too" » (Bras, 2004, p. 60).
- (3)Plusieurs stratégies ont été développées par les firmes afin de prolonger leur monopole. L’une d’entre elles consiste à breveter leurs nouvelles molécules partiellement et en plusieurs étapes successives.
- (4)Les médicaments dont le CA est supérieur à 1 milliard de dollars sont qualifiés de blockbusters.
- (5)Certains laboratoires précurseurs ont appuyé leur développement sur la recherche scientifique avant 1945. C’est le cas, par exemple, de l’Institut Mérieux qui développe et valorise les techniques de Pasteur dès 1897. C’est aussi le cas, à la fin des années 1920, des Usines chimiques du Rhône et des entreprises Poulenc (devenues Rhône-Poulenc après leur fusion de 1928), ou des UCLAF (Usines chimiques des laboratoires français), issues d’une association informelle de laboratoires spécialisés.
- (6)En 2005, le paiement minimal requis pour un accord avec une firme génomique était de 100 millions de dollars et pouvait atteindre 300 millions de dollars.
- (7)Même si le marché des médicaments issus de la biologie moléculaire est en forte croissance (le taux de croissance en valeur est, en moyenne, deux fois supérieur à celui de l’ensemble du marché), les ventes restent faibles : ce marché représente 3,7 % du total des ventes de médicaments en 1994 et 8,1 % en 2004.
- (8)Dans les années 1960, à la suite des affaires du Stalinon®, de la Thalidomide® et du Distilbène® qui ont fait scandale auprès des patients, les contrôles publics se sont renforcés et les autorisations de mise sur le marché (AMM) ont été créées. Les États-Unis ont ainsi instauré leur première procédure AMM en 1962. En France, les contrôles en « double aveugle » ont été établis dans les années 1970, la commission AMM a été créée en 1978 et l’Agence française du médicament, devenue AFSSAPS en 1998, a vu le jour en 1993. L’Union européenne s’est, quant à elle, dotée de l’Agence européenne du médicament (EMEA) en 1995.
- (9)Bien que postérieure à la commercialisation du médicament, la phase IV, de pharmacovigilance, fait l’objet d’une attention particulière de la part des patients et des autorités sanitaires qui y voient un moyen d’accéder à de nouvelles molécules tout en prévenant les risques sanitaires. Ce type d’études reste encore peu pratiqué en France. L’accord de juin 2003 entre les laboratoires et le Comité économique des produits de santé (CEPS) par lequel les firmes s’engagent à développer ce type d’évaluation devrait permettre de rattraper ce retard.
- (10)Sur la même période, le nombre de sites médicaux francophones est estimé à 10 000. (CISMeF, hhhhttp:// wwwww. chu-rouen. fr/ cismef/ ).
- (11)Le deuxième site français le plus visité, e-santé.fr, a reçu 767 000 visiteurs en décembre 2006 (Le Monde, 21 février 2007).
- (12)Les enquêtes de ces deux organismes sont disponibles sur leur site Internet : hhhhhttp:// wwwww. hon. ch/ (Heath On the Net Foundation) ; hhhhhttp:// wwwww. pewinternet. org/ (Pew Internet & American Life Project).
- (13)EURORDIS (European Organization for Rare Disorders) est une association créée en 1997 qui regroupe une centaine d’associations de patients de douze pays. EAGS (European Alliance of Patient and Parents Organisation for Genetic Science) est une fédération de patients et de parents dont la Fédération française des maladies orphelines, la FMO, fait partie.
- (14)Le Généthon est une entreprise de biotechnologie qui a contribué au séquençage du génome humain. Cette entreprise développe des médicaments de thérapie génique qui sont, pour quatre maladies rares, au stade des essais cliniques.
- (15)En 2002, la loi crée les Conseils régionaux de santé (devenus « Comités régionaux de l’organisation sanitaire » en septembre 2003) ayant pour objectif initial de développer la démocratie sanitaire au niveau régional. Cette responsabilité accrue du patient est inscrite dans la loi du 9 août 2004 sur le droit des patients qui renforce le rôle des Comités régionaux de santé et de la Conférence nationale de santé.
- (16)En France, les remboursements de médicaments versés par les trois principaux régimes de sécurité sociale (CNAMTS, MSA, CAANAM) représentent, en 2006, 14,7 % des dépenses totales et 37,6 % des remboursements de soins de santé ambulatoires (composés des prescriptions et des honoraires médicaux). Ce poste ne représentait que 13 % des dépenses totales en 1990 et 14,6 % en 2000.
- (17)Les marges des pharmaciens étaient de 53,17 % du prix fabricant hors taxes (PFHT) avant 1988. Tout en restant proportionnelles, elles ont été réduites à 48,46 % du PFHT en 1988. La proportionnalité stricte a été remplacée en 1990 par une marge dégressive allant de 90 % à 10 % du PFHT (en 6 tranches) puis par une marge dégressive de 66,05 % à 5,28 % du PFHT en 1997 (en 3 tranches). Enfin, à partir de 1999, un forfait de 0,53 euro apparaît et les marges ne vont plus que de 26,1 % à 6 % du PFHT (2 tranches de 1999 à 2004, 3 tranches ensuite). Les marges des grossistes étaient de 10,74 % du PFHT avant 1999. La proportionnalité stricte a été remplacée en 1999 avec la création d’une tranche à 6 % du PFHT pour les médicaments de plus de 150 francs (22,87 euros). En 2004, le taux maximal est passé à 10,3 % du PFHT et une troisième tranche à 2 % du PFHT a été créée.
- (18)D’autres mesures ont affecté les taux de remboursement, notamment les conditions de prise en charge des médicaments dans le cadre des affections de longue durée (ALD).
- (19)Une analyse des conditions d’émergence de ces marchés est présentée par Abecassis et Coutinet (2007b).
- (20)Les critères de qualité habituels, SMR et ASMR en France, ne sont pas adaptés aux OTC car ils sont conçus dans l’objectif d’établir une liste des molécules ou médicaments remboursables dans un contexte de rationnement budgétaire (voir Coulomb et Baumelou, 2007, ou Abecassis et Coutinet, 2007a).
- (21)Traditionnellement, les industries chimiques étaient divisées en trois secteurs : la chimie de base (ou chimie lourde), la chimie fine qui développe des produits issus de la chimie de base et la chimie de spécialité destinée à la mise sur le marché des produits finaux et elle-même divisée en deux sous-secteurs, la parachimie et la pharmacie.
- (22)Les codes SIC (Standard Industrial Classification) présents ici correspondent aux activités suivantes : 181 : produits de pépinière ornementaux ; 207 : extraction d’huiles ; 208 : liqueurs, boissons et arômes naturels ; 281 : fabrication de produits chimiques (pigments, alcalis, chlores?) ; 283 : activités liées à la préparation de produits pharmaceutiques ; 284 : fabrication de savons, détergents et parfums ; 349 : produits métalliques manufacturés ; 384 : activités d’appareillage et instruments médicaux ; 483 : stations de radio et de télédiffusion ; 504 et 512 : grossistes en biens d’équipement médicaux et pharmacie ; 679 : brevets et licences ; 806 : services médicaux aux particuliers ; 873 : services de recherche ; 965 : réglementation de divers secteurs commerciaux.
- (23)Les big pharmaceutical companies, appelées big pharma, sont de grandes firmes pharmaceutiques multinationales spécialisées dans la découverte, le développement et la commercialisation de nouvelles molécules chimiques (Pfeffer, 2005).
- (24)Les phases les plus fréquemment externalisées sont les phases II et III (Sahoo, 2006).
- (25)Afin de contrer ces baisses de CA liées à l’expiration des brevets, les firmes ont aussi mis en œuvre d’autres stratégies. Par exemple, certaines ont développé les génériques issus de leurs propres molécules (Glucophage® de Merck-Lipha, par exemple, a été développé en générique par Merck Generics sous le nom Metformine Merck®).
- (26)Le brevet expirait fin novembre 2002. Le laboratoire Schering-Plough a lancé un médicament OTC (Claritin OTC® aux États-Unis) pour lequel l’autorisation de mise sur le marché a été obtenue en novembre 2002, alors que les premiers génériques n’ont été commercialisés qu’en janvier 2003, pour certains en collaboration avec Schering-Plough (Claritin D24 hour®).
- (27)Ce chiffre est sous-estimé, selon Bras et al. (2007), car il ne tient pas compte des frais de gestion et d’encadrement des visiteurs médicaux.
- (28)Le contrôle affecte principalement les visites médicales.
- (29)La publicité est aussi possible dans le cadre de certaines campagnes de prévention (vaccins, etc.).
- (30)Même si Pfizer n’a évidemment pas orchestré la déferlante médiatique présentant le Viagra® comme « la pilule du plaisir », la firme a dû lancer une campagne d’information, avec l’accord des autorités, afin de faire savoir que son produit était un « vrai » médicament.
- (31)Les programmes d’aide à l’observance ont été supprimés de la loi transposant la directive européenne sur les médicaments (art. 29) par le Sénat le 24 janvier 2007.
- (32)L’utilisation de ces marques, bien que peu appréciée des professionnels de santé et des instances de sécurité sanitaire, a été récemment autorisée par l’AFSSAPS.
1En dépit d’une croissance régulière du marché mondial du médicament, les firmes pharmaceutiques ont vécu, dans les années 1990, des bouleversements importants qui ont modifié leur rentabilité et les ont conduites à changer leurs stratégies de croissance. Le marché mondial du médicament connaît, en effet, une croissance régulière malgré une légère diminution de son rythme annuel de croissance (passant de 14,5 % en 1999 à 10,4 % 2003 pour atteindre 7 % en 2006). Les ventes mondiales de médicaments ont représenté plus de 643 milliards de dollars en 2006. Le marché est dominé par les États-Unis, qui représentent 47,7 % des ventes, suivis de l’Europe (30 %) et du Japon (9,3 %) selon les données IMS Health (2006). Le vieillissement général de la population, l’amélioration du niveau de vie dans les pays émergents et les progrès thérapeutiques à venir (sur les 18 000 pathologies recensées par l’Organisation mondiale de la santé, 12 000 n’auraient pas encore de traitement satisfaisant) permettent de supposer que la tendance à la croissance du marché est durable.
2Ce secteur a comme caractéristique d’être très réglementé par les pouvoirs publics. Il existe des mesures de contrôle de la fabrication, la mise sur le marché d’un produit nécessite une autorisation, les produits sont protégés par des brevets, la publicité est très encadrée et les prix sont réglementés. De la réglementation découle la classification des molécules en trois segments de marché : les princeps qui regroupent les médicaments de prescription et généralement remboursés, les génériques qui sont les copies légales des médicaments princeps remboursés et dont le brevet est terminé, et les OTC (over-the-counter) qui sont les produits d’automédication en vente libre et non remboursables. Ces trois segments de marché répondent à des contraintes différentes (dépenses de R & D élevées pour les princeps, frais de publicité pour les OTC par exemple) et font l’objet de stratégies différentes de la part des firmes. Les princeps (parfois qualifiés d’éthiques) représentent la part de marché la plus élevée (78 %) et la plus rentable. Viennent ensuite les OTC (12 %) et les génériques (10 %) dont la part est amenée à croître dans les prochaines années compte tenu du nombre de médicaments dont la protection va se terminer (annexe 1).
3Le travail présenté ici a pour objectif, d’une part, de montrer que les différentes modifications subies par le secteur pharmaceutique et le marché du médicament ont eu des répercussions importantes sur les déterminants de la compétitivité des firmes et sur leurs profits ; d’autre part, d’analyser comment ces modifications environnementales remettent en question le modèle de croissance de la firme pharmaceutique intégrée. Dans ce but, la première partie de cet article sera consacrée aux modifications environnementales survenues dans les années 1990, du côté de l’offre et de la demande de médicaments. La seconde partie portera sur les deux grands types de stratégies développées par les firmes : les stratégies industrielles qui ont profondément transformé l’organisation des firmes pharmaceutiques et les stratégies commerciales qui constituent une réponse en termes de choix et de positionnement de produits.
1. Un environnement économique en total bouleversement
4L’environnement dans lequel opèrent les firmes influence profondément leurs stratégies. Or le secteur pharmaceutique a été marqué, depuis le début des années 1990, par deux événements majeurs. Parallèlement, du côté de la demande, les patients, mieux informés et plus responsables, ont acquis de nouveaux pouvoirs et les systèmes de santé, confrontés à une contrainte budgétaire plus forte, ont durci les procédures de négociation de prix et favorisé le développement des génériques.
1.1. Les nouveaux défis de l’offre de médicaments
5L’offre de médicaments a dû s’adapter à la fois à un renforcement de la législation sur les brevets ainsi qu’à une révolution technologique ayant profondément transformé les méthodes de recherche des médicaments.
6Les accords ADPIC (accords sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce), signés à l’OMC en 1994, fixent un niveau minimal commun de normes de protection de propriété intellectuelle ainsi que les mécanismes d’application et les sanctions que chaque État doit incorporer dans son droit interne (Coriat et al., 2006). Ces accords ont considérablement modifié le marché des médicaments. Ils ont, dans les pays les plus développés, renforcé et étendu le système de protection existant [1], tandis que pour les pays où il n’existait pas de législation, les ADPIC ont conduit à l’instauration d’un système de protection pour une large gamme de produits qui en étaient auparavant dépourvus. Ce système de brevets confère aux firmes une situation de monopole [2] dans la mesure où chaque nouvelle molécule bénéficie d’un brevet d’une durée de vingt ans pouvant être prolongée par un certificat complémentaire de protection d’une durée maximale de cinq ans [3]. Ce n’est qu’au terme de cette période de vingt-cinq ans que le médicament peut être décliné sous forme de génériques.
7L’application de ces législations sur les brevets, qui débute dans les années 1980, a produit ses premiers effets au début des années 2000. À partir de cette date, les premiers brevets arrivant à expiration, les firmes ont progressivement perdu les rentes de monopole dont elles disposaient. Les baisses de chiffre d’affaires (CA) ont alors été particulièrement importantes pour les blockbusters [4].
8Les estimations des conséquences de la perte de brevets sur les profits des firmes pharmaceutiques sont nombreuses. Sahoo (2006) estime par exemple que 40 % des blockbusters de 2002 perdront leur brevet d’ici à 2008. De la même façon, Moses (2002) estime que les pertes de brevet sur les blockbusters exposent à la concurrence 67 milliards de dollars de revenus des princeps. En 2006, environ 18 milliards de dollars de CA des firmes pharmaceutiques sont, selon IMS Health (2006), tombés dans le domaine public.
9Ces pertes sont dues au développement des médicaments génériques qui remplacent progressivement les princeps. Au niveau européen, c’est en Allemagne que la part de marché des génériques est la plus forte. Ceux-ci représentent 22,7 % du CA des firmes pharmaceutiques contre 12 % en moyenne sur les cinq pays présentés dans le tableau n? 1.
Part de marché des génériques en 2004
10L’industrie pharmaceutique a fait face ces dernières années à un second bouleversement majeur : le passage de technologies issues de l’industrie chimique à des technologies nouvelles fondées sur le développement des biotechnologies modifiant les méthodes de recherche et de développement de nouveaux médicaments.
11L’industrie du médicament, issue de l’activité officinale dans les dernières décennies du XIXe siècle, s’est fondée sur le principe de la chimiothérapie, c’est-à-dire l’idée selon laquelle chaque composé chimique d’une préparation a une action thérapeutique spécifique (Chauveau, 1995). Ce principe joue un rôle fondamental dans le développement du secteur qui voit naître, jusqu’à la fin des années 1930, une multitude de petites et moyennes entreprises spécialisées et peu innovantes, chargées de fabriquer en grande quantité des spécialités médicales autrefois réalisées en officine. C’est le même principe, allié aux méthodes de l’industrie chimique, qui a permis à l’industrie, à partir des années 1950-1960, de fonder sa forte croissance sur la R & D [5]. Au cours de cette période, la chimie est prépondérante car elle est à la fois la source de l’innovation, en vertu du principe de chimiothérapie, et le principal outil d’expertise et de validation du médicament.
12Les développements des biotechnologies à partir des années 1960 remettent en cause le principe de chimiothérapie en montrant que la chimie n’est ni le seul procédé thérapeutique ni la seule source d’innovation. Sans pour autant abandonner ses activités fondées sur la chimie, l’industrie, motivée par la diminution du nombre de nouvelles molécules arrivant effectivement sur le marché au terme du processus de R & D, s’ouvre alors, d’abord timidement puis plus massivement, à cette nouvelle source d’innovation et aux méthodes et procédures de recherche associées. Ainsi, le nombre de médicaments issus de la biologie moléculaire (ou bio-médicaments) représentait 18 % du pipeline mondial des médicaments en 2004 et 25 % en 2006. L’adoption des biotechnologies renforce les besoins en connaissances, savoir-faire et intensité technologique nécessaires au développement de nouvelles molécules. L’intensification technologique et informationnelle est telle qu’aucune firme ne réussit seule à maîtriser complètement une technologie de recherche : l’innovation est très fortement liée aux activités scientifiques et aux relations que les firmes peuvent avoir entre elles et avec les institutions de recherche.
13Ces évolutions ont directement contribué à augmenter très fortement les coûts de R & D. Cette hausse est expliquée presque exclusivement par des facteurs liés à l’évolution récente de la R & D. Deux types de facteurs peuvent être distingués. D’une part, ceux liés aux activités chimiques tels que l’adoption de nouvelles techniques de recherche, comme le criblage à haut débit (high-throughput screening) et le profilage préclinique in vivo et in vitro, ou aux forts taux d’échec de la recherche chimique. D’autre part, des facteurs résultant de la course aux nouvelles technologies [6] telles que la biologie moléculaire, dont les résultats ne sont pas encore totalement valorisables [7], ou le recours aux techniques de la génomique (comme le séquençage et la recherche de bio-marqueurs).
14Associé à l’allongement des phases de développement (tableau n? 2), ces nouvelles techniques ont fortement accru les coûts de développement d’un médicament. Ceux-ci sont ainsi passés, en moyenne, de 318 millions de dollars en 1987 à 802 millions en 2003 (DiMasi et al., 2003).
15Enfin, l’industrie a aussi dû se plier aux exigences sanitaires de plus en plus strictes, qui se sont traduites par un renforcement des procédures d’autorisation de mise sur le marché (AMM) [8]. Pour prétendre à une telle autorisation, une nouvelle molécule doit passer un processus de développement strictement réglementé et découpé en quatre phases successives (phases précliniques I à III et phase IV de pharmacovigilance [9]). Une des conséquences de ces réglementations est un accroissement du coût et de la durée d’accès au marché pour les firmes. Le coût des procédures s’élève puisque le dossier d’approbation à remettre à la FDA, composé des résultats des nombreux tests cliniques requis (tableau n? 2), comporte aujourd’hui en moyenne 100 000 pages contre 38 000 dans les années 1970 (Sahoo, 2006). La densité de ces dossiers entraîne une augmentation du délai d’évaluation par les autorités et allonge l’attente des firmes disposant d’une nouvelle molécule. Celle-ci est d’environ un an et demi aux États-Unis, entre deux et trois ans en France.
16Les firmes pharmaceutiques ont donc subi un double choc affectant leurs profits. D’une part, l’augmentation de la protection des produits a été contrebalancée par le développement des médicaments génériques qui se substituent progressivement aux produits protégés par les brevets. D’autre part, l’essoufflement de découvertes issues de la chimie traditionnelle et les retards dans les innovations issues de la biologie moléculaire ont entraîné un fort ralentissement de la productivité de la R & D, mesurée par la quantité et la qualité des produits sortant des pipelines en fonction du temps et des sommes investis pour leur développement. En effet, à la complexité technologique accrue et à l’allongement des phases de développement s’ajoute la diminution constante du nombre de produits réellement nouveaux qui sortent des processus de R & D.
Phases de recherche et développement d’une molécule
1.2. Les nouvelles exigences de la demande
17La demande de médicaments a aussi connu des transformations importantes qui obligent les firmes à modifier leurs stratégies et affectent leurs profits. Les deux grands acteurs de la demande ont ajusté leur comportement. Le patient, disposant d’une information plus importante et plus accessible, est davantage impliqué dans le choix thérapeutique ; les systèmes de santé, face à l’augmentation des dépenses liée à la fois au vieillissement de la population et à l’augmentation du prix des nouveaux médicaments, ont renforcé le contrôle de leurs dépenses.
Des patients mieux informés et plus actifs
18Les utilisateurs de soins, et de médicaments en particulier, disposent depuis le début des années 1990 d’une quantité d’informations de plus en plus importante et de plus en plus précise. Le principal vecteur de la vague d’information à laquelle ont été soumis les patients est Internet. Selon The New Scientist (24 février 2001), il y avait en 2001 environ 20 000 sites médicaux aux États-Unis [10]. Dans la plupart des cas, les sites sont tenus par les firmes et les pouvoirs publics mais aussi par les associations de patients ou par les patients eux-mêmes. Leur fréquentation a explosé puisque, sur la période allant de l’été 1998 au printemps 2002, 110 millions d’adultes américains et 14 millions d’adultes français les ont consultés. La progression de la fréquentation du site français doctissimo.fr illustre le phénomène. Depuis sa création en 2000, il a vu son nombre de visiteurs doubler chaque année et atteindre plus de 4 millions pour le seul mois de décembre 2006 [11]. Ce premier constat est confirmé par les résultats de deux enquêtes périodiques, celles de la Health On the Net Foundation (HON) et celles du Pew Internet and American Life Project (Pew/Internet) [12]. Selon ce dernier organisme, la part de la population américaine adulte ayant consulté un site Internet de santé est passée de 51 % en 2002 à 79 % en 2004, ce qui représente un peu plus de 93 millions de personnes. Cette évolution générale s’est accompagnée d’une double évolution structurelle. On observe d’une part des changements progressifs dans les motivations des consultations de sites et, d’autre part, une plus grande précision des requêtes. Les principales recherches sont effectuées par deux groupes de patients. Le premier rassemble ceux qui s’informent en complément d’une visite chez un praticien. Le second regroupe des malades chroniques désireux d’en savoir plus sur les évolutions de leur maladie ou sur les traitements alternatifs et/ou expérimentaux.
19Cette double évolution, en termes quantitatifs (nombre de consultations de sites) et en termes qualitatifs (motivations des consultations), révèle une véritable maturation des comportements. De plus en plus ciblée et précise, l’information acquise sur les sites permet aux patients de mieux comprendre la maladie et le système de santé, et contribue à modifier leur comportement face aux prescripteurs.
20Les associations de patients constituent la seconde source d’information. Créées pour la plupart par des médecins, des professionnels de santé ou des firmes pharmaceutiques pour soutenir et informer les malades, ces associations, rassemblant principalement des usagers des systèmes de soins, ont toutes pour objectif d’informer les patients ou leurs familles sur la maladie et ses traitements. Ainsi, l’association Actions Traitements s’est fixé pour mission « de décrypter et de transmettre l’information scientifique sur les traitements du VIH/SIDA et la co-infection » et le Collectif inter-associatif sur la santé (CISS) place en tête de ses objectifs « l’information des usagers du système de santé par la mise en commun de [leurs] informations sur les besoins des usagers, les projets réglementaires, les innovations intéressantes ». Cet objectif est complété par des missions de diffusion d’information en direction des firmes pharmaceutiques et des pouvoirs publics. Une bonne illustration de ces actions est donnée par les associations qui militent en faveur des personnes atteintes de maladies orphelines et qui, organisées en réseaux internationaux (EURORDIS, EAGS [13]), entendent exercer une influence directe sur le secteur pharmaceutique. Ainsi, l’Association française contre les myopathies (AFM) a créé le Généthon [14] et le finance grâce au Téléthon.
21L’information supplémentaire à la disposition du patient modifie son rôle et celui du médecin lors de leur rencontre au sein du « colloque singulier » (Domin, 2006 ; Le Pen, 2005). Ainsi, le praticien n’est plus un simple prescripteur, sa prescription est délivrée dans le cadre d’une décision « partagée ». Cette évolution est entérinée, en France, par la loi du 4 mars 2002 (art. L. 1111-4) qui énonce que « toute personne prend, avec le professionnel de santé et compte tenu des informations et des préconisations qu’il lui fournit, les décisions concernant sa santé ». De façon plus générale, le patient est de plus en plus souvent appelé à intervenir dans le champ de la politique de santé et de ce fait à contribuer à la réflexion et à la construction du système de soins.
22Cette participation active du patient est, en France, renforcée par le mouvement de démocratisation sanitaire qui entraîne une responsabilisation du patient. Ce mouvement a débuté avec les différentes expériences de démocratie sanitaire telles que les états généraux « Vivre le sida » (17 et 18 mars 1990) chargés de recueillir les attentes des citoyens en matière de santé et d’organisation des soins. Puis de nouvelles institutions sont apparues pour que le patient prenne progressivement et durablement part au débat public et, ce faisant, co-définisse le système de soins [15].
Une régulation plus fine des systèmes de santé
23Les difficultés de financement de la protection sociale dans les pays occidentaux conduisent les acteurs des systèmes de santé à mieux maîtriser les dépenses de santé. Or les médicaments représentent souvent le plus gros poste de dépenses d’assurance-maladie et leur poids ne cesse de s’accroître [16]. Les mesures qui en découlent portent sur les procédures de négociation des prix, la fixation des taux de remboursement ainsi que le contrôle direct ou indirect, via le développement des médicaments génériques et des médicaments OTC, des volumes des ventes.
24Le principal mode d’intervention des autorités publiques passe par l’administration des prix du médicament et la détermination de son éventuel taux de prise en charge par le système d’assurance-santé. Si les modalités diffèrent selon les pays, le contrôle des prix des médicaments est généralisé et de plus en plus fréquent (Brouwers et al., 2004). Schématiquement, il peut prendre la forme d’un contrôle direct du prix, d’un contrôle du volume ou d’un contrôle de la dépense. Le mécanisme le plus couramment mis en œuvre (Hassett, 2004) consiste cependant en une négociation prix/volume. Le prix est alors négocié pour un volume donné de ventes, calculé en fonction des prévisions de vente des firmes. Si les ventes effectives dépassent ces prévisions, le prix est réduit afin de compenser la dépense supplémentaire générée par ces excédents (annexe 2).
25Les critères retenus pour fixer le prix sont issus soit d’une évaluation thérapeutique, soit d’une évaluation économique des médicaments, soit des deux (Sermet, 2007). En France, où seule l’évaluation thérapeutique est retenue, la négociation entre les laboratoires pharmaceutiques et les institutions publiques repose sur deux éléments principaux, l’amélioration du service médical rendu (ASMR) et la comparaison des prix proposés par les laboratoires à ceux des traitements existants (appelés « comparateurs »). Dans le cas ou l’ASMR est nulle, le prix est fixé de façon à apporter une économie dans le coût du traitement. Cependant, pour certains médicaments, en particulier pour les nouvelles molécules, l’ASMR est incalculable en raison du manque d’éléments comparatifs. Les institutions publiques sont alors contraintes à retenir le prix proposé par les firmes.
26Les mécanismes de régulation fondés sur l’évaluation ainsi mis en place au cours des deux dernières décennies ont amené les systèmes de santé à multiplier les baisses administratives de prix et les mesures de réduction de taux de remboursement ou de déclassement des médicaments les moins innovants. Au niveau des prix producteurs, les baisses passent principalement, en France, par la prise en compte des médicaments génériques dans la négociation conventionnelle. Leur prix, inférieur de 30 % à 40 % à celui du princeps, sert en outre de référence au tarif forfaitaire de responsabilité (TFR). C’est donc sur ce tarif que se base le remboursement du médicament (princeps ou générique) par l’assurance-maladie. Ces mesures ont permis, pour 70 % des produits de référence concernés, des baisses du prix au niveau du TFR. En ce qui concerne les marges des grossistes ou des détaillants, la proportionnalité par rapport au prix producteur, qui dominait jusqu’au début des années 1990, a été réformée au profit d’une formule dégressive par tranche de prix (Lancry, 2007) [17].
27Les taux de remboursement ont quant à eux été régulièrement réduits depuis l’apparition, en 1977, de la « vignette bleue » correspondant à un taux de remboursement de 40 %. Ainsi, les taux ont été réduits de 5 points en 1993 (les taux de remboursement en vigueur passant à 35 % et 65 %) et une tranche à 15 % a été créée en 2006 [18]. Parallèlement, de nombreux médicaments dont le SMR était jugé insuffisant ont été déremboursés ou déclassés sur la période. Ainsi, depuis 2003, trois vagues de déremboursement-déclassement ont touché 1 597 médicaments.
28Ces évolutions environnementales ont affecté les stratégies des firmes et leurs profits. L’augmentation du savoir des patients les incite à intervenir dans le choix des médicaments. Les firmes sont alors amenées à réorienter les stratégies marketing et à développer des campagnes de publicité en direction des patients. Les contraintes financières accrues des systèmes de santé ont entraîné des baisses de prix et des déremboursements à l’origine d’une diminution des ventes et du CA des firmes. Celles-ci ont vu enfin leurs difficultés renforcées par la baisse de la productivité de la R & D.
1.3. Des marchés émergents
29La législation sur les brevets, le type de prescriptions et le mode de prise en charge par l’assurance-maladie constituent autant de critères qui segmentent le marché des médicaments en trois, le marché des princeps, celui des génériques et celui des OTC. Cependant, les évolutions de l’offre et de la demande contribuent à renouveler le fonctionnement de ces marchés [19].
Le marché des princeps
30Le marché des princeps présente une double originalité. D’une part, la demande y est ambiguë puisque les trois aspects de cette demande (choix, paiement et consommation) sont distincts : le prescripteur est le médecin, le payeur est l’assurance-maladie et le consommateur le patient. D’autre part, l’offre est caractérisée par une forte concurrence pendant la longue phase de R & D puis par une situation de monopole une fois le princeps sur le marché.
31Les évolutions de la demande ont particulièrement affecté les règles qui prévalent sur ce marché. L’augmentation du pouvoir de décision du patient fondé sur l’amélioration de son savoir (Abecassis et Coutinet, 2006) a bousculé le rôle de chaque acteur (patient, médecin, et système de santé). Si les médecins restent les prescripteurs des princeps, leur pouvoir de prescription est atténué par le savoir des patients. Ceux-ci disposent d’un droit à l’information et d’un pouvoir croissant susceptible d’influencer la prescription. Par ailleurs, le paiement n’est plus entièrement du ressort de l’assurance-maladie puisque les patients assument une part croissante de la dépense de médicaments. In fine, le patient hérite d’une partie des fonctions de choix et de paiement qui lui échappaient. Enfin, le pharmacien dispose maintenant d’un pouvoir de prescription. Il peut en effet, sauf refus du patient, substituer un générique au princeps prescrit par le médecin.
32De son côté, l’offre sur ce marché s’est adaptée au renforcement des critères d’obtention de l’AMM en standardisant les méthodes et les procédures de tests cliniques. Elle a aussi accepté les nouvelles institutions de contrôle et de qualité des médicaments telles que le SMR et l’ASMR en France.
33Les évolutions du marché des princeps ne s’arrêtent donc pas à de simples aménagements techniques. La définition et le rôle de chacun des acteurs se modifient, de nouvelles relations entre agents émergent et de nouvelles règles de fonctionnement en découlent, affectant profondément l’organisation du marché pour le rapprocher un peu plus d’une organisation concurrentielle dont le marché des princeps présente de plus en plus de caractéristiques.
Le marché des génériques
34Le marché des génériques est comparable sur bien des points au marché des princeps. Pourtant, deux caractéristiques les opposent. La première concerne l’organisation de l’offre qui, par structure, n’est plus monopolistique mais concurrentielle. Toutefois, puisque les molécules vendues en génériques sont « anciennes », la concurrence entre firmes ne porte pas sur le développement de nouveaux produits mais sur leur capacité à les produire à un coût faible. En second lieu, les médicaments génériques sont par nature peu innovants, ce qui se traduit, en France, par une ASMR faible (de niveau IV ou V) et, en conséquence, un prix de vente inférieur d’au moins 40 % à celui du princeps associé.
35C’est donc principalement sur les mécanismes de détermination des prix que le marché des génériques diffère de celui des princeps. Si, à l’instar des princeps, le prix des génériques pris en charge par l’assurance-maladie est négocié avec les pouvoirs publics, les mécanismes de marché, exacerbés par la concurrence, s’y superposent.
Le marché des OTC
36Le marché des médicaments OTC hérite partiellement de caractéristiques des marchés des princeps ou des génériques. Selon que le médicament est ou non protégé par des droits de propriété, l’offre y est alors monopolistique ou concurrentielle. De son côté, la demande, comme dans le cas des génériques, y est mal définie puisqu’elle émane soit directement des patients, soit des praticiens (pharmaciens comme médecins prescripteurs) en tant que conseillers des patients. En effet, si les médicaments OTC peuvent être achetés librement, les patients délèguent souvent ce pouvoir aux pharmaciens, qui sont alors investis d’un rôle de conseiller-prescripteur, ou aux médecins qui peuvent toujours prescrire des OTC.
37Longtemps marginaux en termes de consommation, les médicaments OTC n’ont jamais été considérés comme une catégorie homogène. À ce titre, ils n’ont jamais bénéficié d’institutions marchandes propres mais ont été envisagés selon leur situation vis-à-vis des droits de propriété, soit sur le marché des princeps, soit sur celui des génériques. Les perspectives d’évolution de ces deux marchés, le développement du savoir des patients et la nécessité de réduire les déficits de l’assurance-maladie contribuent cependant à identifier les médicaments OTC comme une catégorie indépendante, dotée d’un marché spécifique que chaque type d’acteurs s’emploie à intégrer dans ses stratégies (Abecassis et Coutinet, 2007a ; 2007b). Le marché des OTC n’en est toutefois qu’à ses débuts, puisque, outre la difficulté d’en délimiter parfaitement les contours, de nombreux freins, comme l’absence de véritable critère de qualité [20] ou la concurrence de médicaments remboursables, en ralentissent la croissance (Pharmaceutiques, 2006).
38Au total, le marché du médicament évolue vers une nouvelle organisation. À côté du marché traditionnel des princeps où se côtoient des firmes détenant des positions de monopole, le marché des génériques s’est progressivement développé à la faveur des pertes de brevets et l’on voit émerger le nouveau marché des OTC. Deux caractéristiques fondamentales distinguent ces différents marchés.
- En premier lieu, le niveau et la nature de l’intervention publique, motivés par le risque sanitaire et le droit à la santé, modifient considérablement les règles de l’échange. Du côté de l’offre, si elle se limite à la détermination de normes minimales de sécurité sanitaire pour les OTC (au moyen des AMM), l’intervention publique peut aller jusqu’à l’administration totale (des prix et des quantités) dans le cas des médicaments remboursables. Du côté de la demande, l’intervention publique apparaît sous forme incitative. Ainsi, la demande de médicaments listés est encadrée par diverses procédures de régulation telles que les politiques de (dé)remboursement. De la même manière, certains segments de marchés (comme celui des princeps remboursables) sont « doublement » administrés, au niveau de l’offre et de la demande alors que d’autres (les OTC) ne le sont que très faiblement.
- En second lieu, les marchés se distinguent par l’origine et les mécanismes de demande qui les régissent. Selon le cas, la demande de médicaments émane soit du couple médecin-patient, dans le cadre de la « décision partagée » (pour les princeps et les génériques), soit du couple pharmacien-patient, lorsque le pharmacien substitue un générique au princeps prescrit (pour les génériques), soit enfin des patients, seuls ou sur le conseil d’un tiers tel que le pharmacien (pour les OTC). À chaque cas correspond un ensemble de règles et de mécanismes différents suffisants à distinguer les marchés les uns des autres. Le cas des médicaments génériques, par exemple, pour lequel le prescripteur peut être le médecin, le pharmacien ou le patient, amène les firmes à envisager des stratégies de développement, de publicité et d’information spécifiques, ciblées sur les pharmaciens et les patients, et à développer et entretenir des marques dans ce but alors qu’elles prônent la prescription en DCI (dénomination commune internationale) auprès des médecins.
Caractéristiques des marchés du médicament ambulatoire
39En croisant ces deux caractéristiques avec la position des molécules vis-à-vis des droits de propriété, six situations distinctes de marchés peuvent être mises en évidence (voir tableau n? 3). Le marché des princeps y apparaît assez proche de celui des génériques puisque seule la forme monopolistique ou concurrentielle de l’offre, liée aux DPI, les distingue. À l’inverse, le marché des OTC se différencie de celui des princeps sur les deux critères retenus. Le prix y est défini librement et, même s’il peut agir sur conseil, le patient est le demandeur final.
2. Un renouvellement complet des stratégies des firmes
40Les différentes évolutions décrites précédemment ont progressivement conduit à l’émergence de trois segments distincts du marché des médicaments. Les firmes ont modifié leurs stratégies en termes à la fois d’organisation et de choix de produits. Elles ont alors élaboré, d’une part, des stratégies industrielles conduisant progressivement à l’émergence d’un « nouveau modèle » de firmes pharmaceutiques et, d’autre part, des stratégies commerciales plus directement axées sur les patients.
2.1. De nouvelles stratégies industrielles
41Les transformations de l’organisation industrielle conduisant à un nouveau modèle de firmes pharmaceutiques résultent d’un triple processus : un mouvement de désintégration et de recentrage, une augmentation de la concentration du secteur et une externalisation croissante de certaines activités. Ces phénomènes constituent une réponse adaptative des firmes aux évolutions qu’elles ont subies.
Un processus de désintégration et de recentrage
42Au début des années 1970 les activités pharmaceutiques trouvaient place au sein des industries chimiques. Ces firmes intégrées prenaient la forme de groupes de taille importante qui réalisaient des activités de chimie [21], de pharmacie et d’agrochimie. Le groupe allemand BASF illustre ce type de firmes. Au début des années 1990, ces grands groupes intégrés verticalement ont commencé une phase de désintégration et donc de cession de certaines de leurs activités. En 1993, par exemple, le groupe britannique ICI a scindé ses activités entre la chimie (ICI) et la pharmacie (Zeneca). La firme a ensuite été imitée par la plupart de ses concurrents (Depret et Hamdouch, 2002). Ainsi, la fusion entre le français Rhône-Poulenc et l’allemand Hoechst a entraîné la séparation des activités chimiques (création de Rhodia) et des sciences de la vie (création d’Aventis regroupant les activités de pharmacie et d’agrochimie). Ce mouvement de recentrage de firmes intégrées s’est poursuivi par la séparation des activités de pharmacie et d’agrochimie. Si de nombreuses firmes ont scindé leurs activités, ces opérations de cession ont été accompagnées d’opérations de fusion. Ainsi, la création de la firme agrochimique Syngenta résulte de la cession-fusion des activités « protection des cultures et semences » de Novartis et d’AstraZeneca (née de la fusion en 1999 d’Astra et de Zeneca). De la même manière, la firme BASF a vendu ses activités pharmaceutiques à Norvatis et à Abott.
43Au début des années 2000, ce processus de cession-fusion s’est poursuivi et a conduit à un recentrage des activités et à une forte spécialisation des firmes sur certaines classes thérapeutiques ou sur certaines étapes du processus de production, en particulier la recherche et développement. Le groupe AstraZeneca illustre bien ce processus. Son recentrage sur les médicaments princeps l’a amené à céder les activités ne faisant pas partie de son cœur de métier (la division de spécialité et les produits anesthésiques dentaires). Le groupe est aujourd’hui spécialisé sur certaines classes thérapeutiques porteuses telles que les cardiovasculaires, le système nerveux central, la pneumologie et les anticancéreux. La firme américaine Bristol-Myers Squibb a, quant à elle, développé une stratégie basée sur le développement et la commercialisation de produits dans des domaines thérapeutiques où il existe un besoin vital non satisfait (Weinmann, 2005).
Une augmentation de la concentration du secteur
44Le secteur pharmaceutique connaissait, au début des années 1990, un niveau de concentration moyen plus faible que des industries au CA comparable (le secteur automobile par exemple). Les années suivantes ont été marquées par une vague de fusions et acquisitions (F & A) d’ampleur inégalée qui a fortement augmenté le degré de concentration dans la pharmacie (Coutinet et Sagot-Duvauroux, 2003). Depuis 1994, les quinze premiers laboratoires pharmaceutiques ont été engagés dans au moins une opération de fusion et acquisition. Les plus grandes firmes du secteur sont toutes le résultat de rapprochements successifs. Ainsi, le numéro un mondial Pfizer a été constitué, entre autres, par l’acquisition de Pharmacia et de Warner-Lambert. Le graphique n? 1 présente les F & A et alliances (alliances stratégiques et joint ventures) du groupe Pfizer sur la période 1985-2007. Il met en évidence le mouvement de concentration-recentrage de la firme sur son cœur de métier (opérations associées au code 283) ainsi que l’externalisation de certaines activités grâce à des alliances dont le nombre s’accroît fortement. Les alliances portant sur les activités de R & D (code 873) sont particulièrement nombreuses en fin de période.
Opérations de F & A et d’alliances de Pfizer par code SIC [22]
45Ces différentes opérations ont permis de créer des firmes de grande taille et présentes sur les marchés mondiaux. Le tableau n? 4 rassemble les plus grandes opérations du secteur depuis 1996.
Les principales F & A entre 1996 et 2007
46Le secteur pharmaceutique est aujourd’hui composé de très grosses firmes leaders, les big pharma [23], parmi lesquelles se trouvent Pfizer et GlaxoSmithKline qui ont, sur la période, très fortement accru leur taille et leur part de marché. Ces firmes coexistent avec des firmes telles que Sanofi-Synthélabo ou Roche, de taille plus réduite mais qui sont très actives sur le marché mondial. Ces big pharma fondent leur stratégie sur leur présence dans toutes les classes thérapeutiques porteuses et privilégient donc des médicaments « de masse » prescrits par les généralistes (voir tableau n? 5).
Ventes des plus grandes firmes en 1996 et en 2006
47À côté de ces big pharma existent des firmes spécialisées qui se focalisent sur un créneau thérapeutique ou sur une zone géographique et ne sont pas toujours présentes sur toutes les étapes de production (par exemple la R & D, le marketing ou la fabrication). En outre, ces firmes sont caractérisées par leur mode de développement qui s’effectue au moyen d’opérations de F & A. Parmi ce type de firmes, certaines se développent en délivrant des médicaments princeps, comme Elan ou Bioval, des génériques, comme Watson ou Teva, ou encore des little big pharma, comme Forest ou Allergan. Ces firmes de taille moyenne adoptent des stratégies de niche : elles choisissent des classes thérapeutiques dans lesquelles les big pharma sont peu présentes, pour lesquelles il existe un grand nombre de besoins insatisfaits et qui touchent une population importante.
48Les firmes biotechnologiques constituent le troisième type de firmes. Elles sont plus récentes et subissent une forte concurrence sur un marché changeant. En effet, leur croissance, après avoir été très forte sur la période 1992-2000, s’est affaiblie en 2001 en raison du ralentissement boursier mais aussi après l’échec, en phases de développement, de certaines molécules (comme l’anticancéreux Cetuximab®). Les contraintes auxquelles sont soumises ces firmes, en termes de réduction des coûts de R & D et d’augmentation des profits, tout comme la forte concurrence des autres firmes du secteur, influencent considérablement leurs stratégies de croissance. Parmi ces firmes se trouvent par exemple Amgen, créée en 1980, qui est une firme biotechnologique intégrée, ou Human Genome Sciences, qui est une firme de développement.
Une externalisation de certaines activités
49Le processus de spécialisation décrit précédemment s’accompagne d’un mouvement important d’externalisation par les firmes de certaines de leurs activités traditionnelles. Ce processus amorcé pour les activités de R & D (en particulier de développement) touche aujourd’hui toutes les étapes de fabrication, notamment celles de production et de commercialisation.
50La phase de R & D est composée d’activités de recherche et d’activités de développement. Cette distinction implique, pour les firmes, de mobiliser des compétences différentes selon le type d’activités. La phase de développement a subi de nombreuses modifications qui en ont augmenté la complexité. Trois dimensions expliquent cette évolution : l’augmentation du nombre d’études cliniques exigées pour obtenir une autorisation, du nombre de patients sur lesquels ces essais cliniques sont réalisés ainsi que du nombre de tests effectués sur chaque patient. Pour faire face à cette complexification, les firmes pharmaceutiques, présentes sur de nombreuses pistes de recherches, sont donc amenées à externaliser le développement de certaines molécules. Toutefois, compte tenu du caractère stratégique de cette phase, ceci concerne seulement le développement des molécules qui n’appartiennent pas à leur cœur de compétences. Les firmes ont donc développé des collaborations prenant la forme d’accords de licence de co-développement ou, plus fréquemment, de Contract Research Organizations (CRO), qui sont des organisations offrant à leurs clients un éventail de services de recherche. Ces services portent principalement sur l’organisation des phases de développement et comprennent des activités telles que le management d’essais cliniques, toutes phases confondues, le traitement et l’analyse des données ou la gestion des dossiers de demandes d’AMM. Ces collaborations permettent aux firmes de réduire leurs coûts et d’accéder plus rapidement au marché, de faire face aux exigences croissantes des autorités et d’accéder à des capacités n’appartenant pas à leur cœur de compétences. En 2005, environ 30 % des phases cliniques de I à IV étaient externalisés dans des CRO selon l’Association des Clinical Research Organizations [24]. Le marché des contrats de services de recherche, dominé par Quintiles (10,7 % de part de marché) et Covance (8,7 %) est estimé à 14 milliards de dollars en 2005 (Sahoo, 2006).
51L’externalisation des activités de fabrication et de commercialisation n’est pas un phénomène nouveau mais son importance a crû au cours des dernières années. Une telle organisation de la production est un moyen pour les firmes de réduire leurs coûts et d’acquérir des compétences complémentaires. Certaines firmes comme les start-up ou les laboratoires de biotechnologies ont fréquemment recours à des Contract Manufacturing Organizations (CMO) qui offrent plusieurs types de services tels que développement, production ou packaging (Sahoo, 2006). En effet, ces petites structures ne disposent pas des infrastructures de production ni des compétences nécessaires pour faire connaître et vendre un médicament pour lequel les dépenses publicitaires sont très réglementées, voire interdites (en particulier dans le cas des princeps). Les firmes pharmaceutiques offrant des services de CMO sont souvent des big pharma telles qu’Abbott, BASF, GlaxoSmithKline ou Pfizer dont les capacités de production ont été fortement accrues par les opérations de F & A.
52Enfin, la phase de distribution est elle aussi touchée par le processus d’externalisation. Elle prend la forme de Contract Sales Organizations (CSO). Ce sont des contrats de sous-traitance qui permettent aux firmes d’optimiser la commercialisation des blockbusters en offrant des services comme la distribution auprès des grossistes ou la distribution directe.
53Les évolutions décrites ici – recentrage-spécialisation des firmes et concentration – permettent de définir un nouveau modèle de firme pharmaceutique (voir tableau n? 6). Ce modèle diffère du modèle antérieur de la firme chimique verticalement intégrée (type A). Dans la période récente, les firmes externalisent certaines phases du processus de production. Cette externalisation peut concerner une phase complète (la recherche dans le modèle de type D) ou seulement des portions de celle-ci (modèles de type B et C). En conséquence, le secteur s’est réorganisé en réseaux de firmes biotechnologiques d’une part (qui manquaient d’expérience dans les tests cliniques) et de firmes « établies » qui ont adopté les technologies moléculaires.
Différents modèles d’organisation du processus de production pharmaceutique
54Finalement, l’archétype actuel de la firme pharmaceutique est une firme de très grande taille, présente sur les marchés mondiaux et entretenant de nombreuses relations avec d’autres firmes, plus petites et spécialisées dans une étape du processus de fabrication et avec des institutions de recherche. Cette nouvelle forme organisationnelle permet de qualifier ces firmes de « firmes réseau » (Coutinet et Abecassis, 2008). Issues de l’éclatement des connaissances et des compétences nécessaires à la production, ces firmes réseau ont pour seule alternative de partager une partie, si possible non stratégique, de leur connaissance en contrepartie de l’accès à la connaissance des autres acteurs du réseau tels que les autres firmes, les institutions publiques à caractère technique (comme les laboratoires de recherche publique), ou politique (Abecassis et Coutinet, 2006).
2.2. Des stratégies commerciales modernes
55Aux stratégies industrielles nouvelles se sont superposées des stratégies commerciales visant les praticiens mais aussi plus directement les patients. Celles-ci sont de trois types. D’une part, les firmes procèdent à des repositionnements de leurs produits sur les différents marchés (switch). Elles ont, d’autre part, considérablement augmenté leurs actions d’information, de formation et de publicité. Enfin, elles développent des stratégies de marques, comme les « marques ombrelles ».
Les politiques de switch « Rx-to-OTC »
56Le switch « Rx-to-OTC » est une stratégie définie comme le transfert volontaire de statut d’une molécule à prescription médicale obligatoire (Rx) à celui de molécule à prescription facultative (OTC) (Hester, 2005). Les politiques de switch présentent de nombreux avantages pour les firmes. Elles permettent de prolonger le cycle de vie du produit. Pour cela elles doivent être accompagnées de nouvelles décisions en matière de prix en relation avec le marché sur lequel entre le produit. En effet, contrairement au marché des princeps, celui des OTC n’est pas complètement régulé et le produit est payé par les patients. Le prolongement de la durée de vie du produit grâce à son changement de statut est également un moyen pour les firmes de compenser le faible taux de production de nouveaux blockbusters.
57Par ailleurs, les stratégies de switch constituent une réponse à la concurrence nouvelle à laquelle est confrontée une molécule à l’expiration de son brevet (Grandfils et al., 2004) [25]. Dans ce cadre, et afin de mieux capitaliser les bénéfices de la protection, la période la plus appropriée pour lancer un switch est l’année précédant l’expiration du brevet du médicament de prescription. C’est bien l’argument qui a prévalu lors du switch de la Clarityne® (Loratadine). De 1998 à 2002, Schering-Plough, la firme détentrice du brevet de la Loratadine avant son expiration, s’opposait à la procédure de switch demandée par l’assureur américain WellPoint Health Networks, prétextant que le switch favoriserait l’automédication, dangereuse pour les patients. Pourtant, le switch a bien été effectué en 2002, année de l’expiration du brevet de la Loratadine [26].
58Ainsi, et de façon générale, deux critères semblent essentiels au succès des politiques de switch : la différenciation des produits et le timing du switch. En conséquence, lorsque la pharmacopée de la molécule ne peut être facilement modifiée, des éléments de diversification pouvant porter sur le dosage, les ingrédients ajoutés, les formes de dosage ou les nouvelles indications possibles conditionnent la réussite du projet.
59Le passage d’un princeps au statut d’OTC est encouragé par les organismes de régulation (Abecassis et Coutinet, 2007a). Parallèlement, ces politiques répondent aux évolutions du comportement des patients-consommateurs qui, d’une part, souhaitent un accès facile et à faible coût à des produits efficaces et, d’autre part, ont une connaissance croissante des médicaments qui leur permet d’éclairer leurs décisions. Cependant, ces politiques comportent des risques pour les firmes et les patients. Elles peuvent, pour les premières, entraîner des baisses de revenus importantes dans la mesure où le switch est souvent accompagné d’une baisse des ventes et/ou des prix. Pour les consommateurs, les risques sont ceux liés à l’automédication (erreurs d’autodiagnostic, mauvaise posologie, interaction médicamenteuse).
Information, formation et publicité
60Compte tenu de la pression concurrentielle et du raccourcissement du cycle de vie des produits sur le marché du médicament, le succès d’un nouveau médicament dépend de plus en plus de la capacité des firmes à le lancer rapidement sur le marché. Le succès suppose alors de réaliser des études de marché et de positionnement concurrentiel ainsi que des campagnes de promotion (Seget, 2007). Si l’information à l’intention des prescripteurs est traditionnelle, les firmes pharmaceutiques ont infléchi ces stratégies au cours des dernières années et élargi leurs cibles.
61La promotion et la publicité effectuées par l’industrie pharmaceutique à l’attention des prescripteurs est ancienne et représente une proportion assez stable, de l’ordre de 12 % à 15 % [27] du CA des firmes contre 10 % à 11 % (11,2 % en France en 2005) pour l’ensemble de l’industrie, tous secteurs confondus, y compris l’énergie. Mais cette stabilité en structure correspond, à l’instar de ce que l’on observe pour le CA, à un taux de croissance important en valeur. Celui-ci est estimé en France, selon Bras et al. (2007) à 48 % entre 1999 et 2005. Le nombre de visites médicales promotionnelles constitue le plus gros poste de ces dépenses puisqu’il en représente 60 % aux États-Unis et 68 % en Europe (73,1 % en France).
62Les modifications de l’environnement et le développement de limitations autoritaires ou consensuelles (développement de chartes de qualité, de codes de bonne pratique, etc.) poussent cependant les firmes à envisager d’autres stratégies, moins coûteuses et plus efficaces que la visite médicale. D’autant que toutes les études d’impact montrent que les visites médicales seules, c’est-à-dire non accompagnées d’un ou plusieurs autres modes d’actions envers les médecins, s’avèrent peu efficaces (Grimshaw et al., 2004). Les firmes tendent ainsi à diminuer le nombre de visiteurs médicaux : déjà entamée aux États-Unis, en Allemagne et au Royaume-Uni, cette diminution devrait être d’au moins 4 000 à 5 000 personnes, soit de 17 % à 21 % des effectifs de 2006, d’ici à 2012 en France. Elle s’accompagne d’une série d’outils permettant d’améliorer la productivité des visiteurs médicaux. Les firmes affinent par exemple leurs techniques de ciblage et d’optimisation, privilégiant les gros prescripteurs, les spécialistes de niches ou certains hospitaliers. Elles multiplient aussi les visites par téléphone et exploitent, lorsque c’est possible, les visites par Internet ou par vidéoconférence.
63Parallèlement, les firmes augmentent leurs investissements promotionnels dans l’information hors visites médicales. Bien que faibles dans le budget promotionnel, les actions de formation continue, de séminaires et de congrès ne cessent de s’accroître. Selon Charrondière (2006), le taux de croissance des dépenses de ce type était, aux États-Unis, de 17 % par an en moyenne entre 1996 et 2004. Par ailleurs, les firmes multiplient les actions qui font connaître leurs produits par les médecins : financement et interventions dans les revues médicales, création ou participation à des sites d’information médicale à l’usage des praticiens, marketing relationnel avec les leaders d’opinion, les assurances (assurance-maladie et assurances privées, etc.) et les institutions publiques. De telles stratégies, mises en œuvre à moindre coût, sont bénéfiques à trois niveaux. En premier lieu, elles utilisent le levier de la répétition afin de rendre automatique, sinon naturelle, la prescription de leurs produits. En deuxième lieu, elles crédibilisent le message en multipliant et en croisant les sources d’information. Enfin, elles permettent aux firmes d’échapper partiellement à l’encadrement et aux limitations des autorités sur la promotion [28].
64Les perspectives de développement des OTC associées à l’augmentation du pouvoir de décision du patient ont amené les firmes à élargir leurs activités de promotion aux patients. Les dépenses des firmes en DTCA (direct to consumer advertising) ont été multipliées par trois entre 1997 et 2005 (Duhamel et al., 2007). Les firmes ont alors mis en œuvre des stratégies marketing axées notamment sur la publicité et la diffusion d’information à destination des patients. Deux types d’actions peuvent être distingués :
- les campagnes de promotion et de publicité. Autorisée à partir des années 1990, la publicité à destination des patients est très contrôlée. Elle n’est possible que pour les médicaments non soumis à prescription médicale, non remboursables par l’assurance-maladie et dont l’AMM ne comporte pas de restriction en matière de publicité en raison d’un risque pour la santé publique (Siwek, 1999) [29]. L’interdiction de publicité sur les médicaments prescrits est souvent détournée par des campagnes sur les pathologies. Si l’exemple précurseur du Viagra® est le plus connu [30], d’autres médicaments (ou firmes) sont habilement présentés à l’occasion de campagnes d’information. Ainsi, le laboratoire Merck, fabricant de Propecia®, médicament luttant contre la chute des cheveux, a diffusé en 2000 en France un spot radiophonique sur l’alopécie (Perrier de La Bâthie, 2000) ;
- la diffusion d’information afin de fidéliser les consommateurs. Cette diffusion passe par différents canaux tels que les sites Internet, l’ouverture de hot-lines pour les patients ou la participation à des associations de patients. Les firmes développent aussi des actions innovantes, comme les programmes « d’aide à l’observance » qui leur permettent, par l’intermédiaire des médecins, de mettre en place des dispositifs individualisés pour les patients afin de les inciter à suivre correctement leur traitement. Ces programmes, autorisés aux États-Unis, ont été récemment interdits en France [31] car soupçonnés d’être des stratégies de promotion déguisées pour des firmes estimant perdre 30 milliards de dollars de ventes en raison des arrêts de traitement par les patients (Prescrire, 2006).
L’utilisation croissante des stratégies de marque
65L’utilisation des effets de marque est une des stratégies mises en œuvre par les firmes pour prolonger le cycle de vie d’un médicament dont le brevet arrive à échéance ou qui fait l’objet d’un switch. Ces stratégies s’appuient soit sur la réputation du princeps auprès des prescripteurs et des patients, soit sur la réputation du laboratoire qui commercialise les produits. Quatre stratégies de marque sont classiques. Elles consistent à proposer, sous le même nom que le produit original, un médicament comportant soit un nouveau dosage, soit une nouvelle formulation, soit une nouvelle variation moléculaire (sels, ether, esthers, etc.), soit une nouvelle association (Peny, 2007). Toute combinaison de ces quatre stratégies est bien sûr possible.
66Plus récente, la stratégie des « marques ombrelles » (ou marques globales) se développe rapidement. Les marques ombrelles sont des noms de fantaisie communs à plusieurs médicaments et assortis d’une allégation distinctive à chaque produit. Par exemple, la firme Aventis utilise son produit phare, le Doliprane®, pour développer de nouveaux produits tels que le Dolirhume® ou le Dolitabs®. De son côté, la firme Urgo, propriétaire de la marque Humex®, la décline en 16 produits différents comme Humex Mal de gorge menthe® ou Humex TS Pholcodine®, appartenant à des classes thérapeutiques différentes [32]. Cette pratique d’utilisation des marques ombrelles est souvent choisie lorsqu’un produit fait l’objet d’un switch.
67Les stratégies de marque semblent efficaces au regard de l’analyse des conséquences des déremboursements de mars 2006 en France. En effet, alors que cette vague de déremboursements a entraîné une perte de 61 % en volume de ventes et de 50 % en CA tous médicaments confondus, certains produits, comme ceux présentés dans la figure n? 1, ont mieux résisté. Ces produits sont des marques connues des consommateurs, des produits leaders sur leur marché et pour lesquels les firmes ont mis en œuvre des politiques de prix et adapté leur gamme.
Quelques produits ayant limité la baisse de leur chiffre d’ affaires entre mars 2006 et février 2007
68Au-delà de leur nombre et de leur technicité, les stratégies business des firmes suivent une double tendance. Elles s’intègrent, en premier lieu, dans une stratégie globale cohérente. Ainsi, la stratégie de switch de la Clarityne® (Loratadine) était associée à plusieurs stratégies de marque (comme le développement des génériques qui en a découlé) et une innovation, celle de la mise sur le marché d’une molécule de remplacement sous forme d’un nouveau princeps, l’Aerius® (Desloratadine). En second lieu, les firmes ne s’intéressent plus qu’aux prescripteurs, mais modifient leurs stratégies afin d’atteindre directement les véritables consommateurs de leurs produits. Ceci est illustré par le développement des campagnes publicitaires auprès des patients et l’utilisation de nouveaux médias.
Conclusion
69Les réorganisations identifiées au sein du secteur s’expliquent non seulement par la révolution biotechnologique et l’évolution de la législation sur les brevets mais aussi, concernant la demande, par l’évolution du comportement des patients et le durcissement des contraintes financières imposé aux organismes de régulation. Les firmes ont développé différentes stratégies pour augmenter leurs ventes et maintenir leur CA.
70Sur un plan industriel, le secteur a été marqué par une forte concentration associée à une externalisation croissante des différentes phases de production et à un recentrage sur le « cœur de métier ». Ce processus a permis aux firmes de diminuer leurs coûts de production, par exemple en réalisant des économies d’échelle lors des phases de recherche ou en partageant des compétences.
71Sur le plan commercial, les stratégies ont aussi évolué. Jusqu’aux années récentes, elles étaient presque exclusivement limitées à l’information et à la publicité envers les prescripteurs. Le développement de produits d’automédication et le nouveau pouvoir des patients, de façon directe ou par des procédures de switch, ont conduit les firmes à modifier leurs cibles marketing et à s’adresser plus souvent aux patients. Parallèlement, la multiplication du nombre de génériques les incite à mettre en œuvre des politiques de marques (marques ombrelles par exemple).
72Ces nouvelles stratégies ont entraîné une forte transformation du secteur et contribuent à rapprocher le marché du médicament de celui des biens de consommation, et ceci malgré l’existence de barrières à l’entrée (AMM) ou la régulation des prix des médicaments remboursés.
Annexe 1: Définition des médicaments PMF et PMO en France
La prescription médicale d’un médicament est obligatoire lorsqu’une ou plusieurs des substances actives qui le composent sont inscrites sur une liste (Liste I ou Liste II) des substances vénéneuses. L’inscription des principes actifs se fait sur arrêté du ministre chargé de la Santé sur proposition de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS).
Les médicaments d’automédication – ou médicaments à prescription médicale facultative (PMF) – sont des médicaments prévus et conçus pour être utilisés sans l’intervention d’un médecin, pour le traitement symptomatique de pathologies bénignes faciles à diagnostiquer par le patient mais ne dispensant pas du recours à un avis médical si les troubles persistent. Ces médicaments disponibles sans ordonnance peuvent toutefois être prescrits par un médecin. Le plus souvent les substances ou le dosage entrant dans la composition d’un PMF présentent des caractéristiques garantissant son utilisation en toute sécurité. Par exemple, les substances sont depuis longtemps sur le marché et n’ont pas d’effets secondaires fréquents ou graves, la dose efficace est très inférieure à la dose toxique et elles n’interfèrent que très peu avec d’autres médicaments.
La définition des PMF diffère légèrement de celle des OTC. Les OTC (over-the-counter) sont décrits dans le Federal Food Drug and Cosmetics Act comme « tout produit vendu hors prescription et utilisé pour le diagnostic, le soin, le traitement ou la prévention d’une maladie dont l’action affecte la structure ou le fonctionnement du corps humain » (Huriet, 1996). La définition des OTC est donc plus large que celle des PMF.
Quelques produits ayant limité la baisse de leur chiffre d’ affaires entre mars 2006 et février 2007
Annexe 2 : Fixation des prix fabricants des médicaments selon leur nature en France
Quelques produits ayant limité la baisse de leur chiffre d’ affaires entre mars 2006 et février 2007
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Mots-clés éditeurs : Industrie pharmaceutique, stratégies industrielles, marché du médicament, stratégies commerciales, droits de propriété intellectuelle
Date de mise en ligne : 25/09/2008
https://doi.org/10.3917/hori.007.0111Notes
- (1)Les États-Unis ont ainsi été amenés à modifier leur législation : la durée de la protection est passée de 17 années à partir de la date de dépôt à 20 années à partir de la date de demande (Combe et Pfister, 2001). De son côté, l’Union européenne a, en adoptant la directive 98/44/CE sur la protection juridique des inventions biotechnologiques, fait évoluer sa législation vers les positions américaines (CAS, 2007).
- (2)« Ou plutôt d’oligopole car le plus souvent des recherches parallèles ou des processus d’imitation aboutissent à la mise sur le marché de molécules différentes mais ayant des effets thérapeutiques similaires, les "me-too" » (Bras, 2004, p. 60).
- (3)Plusieurs stratégies ont été développées par les firmes afin de prolonger leur monopole. L’une d’entre elles consiste à breveter leurs nouvelles molécules partiellement et en plusieurs étapes successives.
- (4)Les médicaments dont le CA est supérieur à 1 milliard de dollars sont qualifiés de blockbusters.
- (5)Certains laboratoires précurseurs ont appuyé leur développement sur la recherche scientifique avant 1945. C’est le cas, par exemple, de l’Institut Mérieux qui développe et valorise les techniques de Pasteur dès 1897. C’est aussi le cas, à la fin des années 1920, des Usines chimiques du Rhône et des entreprises Poulenc (devenues Rhône-Poulenc après leur fusion de 1928), ou des UCLAF (Usines chimiques des laboratoires français), issues d’une association informelle de laboratoires spécialisés.
- (6)En 2005, le paiement minimal requis pour un accord avec une firme génomique était de 100 millions de dollars et pouvait atteindre 300 millions de dollars.
- (7)Même si le marché des médicaments issus de la biologie moléculaire est en forte croissance (le taux de croissance en valeur est, en moyenne, deux fois supérieur à celui de l’ensemble du marché), les ventes restent faibles : ce marché représente 3,7 % du total des ventes de médicaments en 1994 et 8,1 % en 2004.
- (8)Dans les années 1960, à la suite des affaires du Stalinon®, de la Thalidomide® et du Distilbène® qui ont fait scandale auprès des patients, les contrôles publics se sont renforcés et les autorisations de mise sur le marché (AMM) ont été créées. Les États-Unis ont ainsi instauré leur première procédure AMM en 1962. En France, les contrôles en « double aveugle » ont été établis dans les années 1970, la commission AMM a été créée en 1978 et l’Agence française du médicament, devenue AFSSAPS en 1998, a vu le jour en 1993. L’Union européenne s’est, quant à elle, dotée de l’Agence européenne du médicament (EMEA) en 1995.
- (9)Bien que postérieure à la commercialisation du médicament, la phase IV, de pharmacovigilance, fait l’objet d’une attention particulière de la part des patients et des autorités sanitaires qui y voient un moyen d’accéder à de nouvelles molécules tout en prévenant les risques sanitaires. Ce type d’études reste encore peu pratiqué en France. L’accord de juin 2003 entre les laboratoires et le Comité économique des produits de santé (CEPS) par lequel les firmes s’engagent à développer ce type d’évaluation devrait permettre de rattraper ce retard.
- (10)Sur la même période, le nombre de sites médicaux francophones est estimé à 10 000. (CISMeF, hhhhttp:// wwwww. chu-rouen. fr/ cismef/ ).
- (11)Le deuxième site français le plus visité, e-santé.fr, a reçu 767 000 visiteurs en décembre 2006 (Le Monde, 21 février 2007).
- (12)Les enquêtes de ces deux organismes sont disponibles sur leur site Internet : hhhhhttp:// wwwww. hon. ch/ (Heath On the Net Foundation) ; hhhhhttp:// wwwww. pewinternet. org/ (Pew Internet & American Life Project).
- (13)EURORDIS (European Organization for Rare Disorders) est une association créée en 1997 qui regroupe une centaine d’associations de patients de douze pays. EAGS (European Alliance of Patient and Parents Organisation for Genetic Science) est une fédération de patients et de parents dont la Fédération française des maladies orphelines, la FMO, fait partie.
- (14)Le Généthon est une entreprise de biotechnologie qui a contribué au séquençage du génome humain. Cette entreprise développe des médicaments de thérapie génique qui sont, pour quatre maladies rares, au stade des essais cliniques.
- (15)En 2002, la loi crée les Conseils régionaux de santé (devenus « Comités régionaux de l’organisation sanitaire » en septembre 2003) ayant pour objectif initial de développer la démocratie sanitaire au niveau régional. Cette responsabilité accrue du patient est inscrite dans la loi du 9 août 2004 sur le droit des patients qui renforce le rôle des Comités régionaux de santé et de la Conférence nationale de santé.
- (16)En France, les remboursements de médicaments versés par les trois principaux régimes de sécurité sociale (CNAMTS, MSA, CAANAM) représentent, en 2006, 14,7 % des dépenses totales et 37,6 % des remboursements de soins de santé ambulatoires (composés des prescriptions et des honoraires médicaux). Ce poste ne représentait que 13 % des dépenses totales en 1990 et 14,6 % en 2000.
- (17)Les marges des pharmaciens étaient de 53,17 % du prix fabricant hors taxes (PFHT) avant 1988. Tout en restant proportionnelles, elles ont été réduites à 48,46 % du PFHT en 1988. La proportionnalité stricte a été remplacée en 1990 par une marge dégressive allant de 90 % à 10 % du PFHT (en 6 tranches) puis par une marge dégressive de 66,05 % à 5,28 % du PFHT en 1997 (en 3 tranches). Enfin, à partir de 1999, un forfait de 0,53 euro apparaît et les marges ne vont plus que de 26,1 % à 6 % du PFHT (2 tranches de 1999 à 2004, 3 tranches ensuite). Les marges des grossistes étaient de 10,74 % du PFHT avant 1999. La proportionnalité stricte a été remplacée en 1999 avec la création d’une tranche à 6 % du PFHT pour les médicaments de plus de 150 francs (22,87 euros). En 2004, le taux maximal est passé à 10,3 % du PFHT et une troisième tranche à 2 % du PFHT a été créée.
- (18)D’autres mesures ont affecté les taux de remboursement, notamment les conditions de prise en charge des médicaments dans le cadre des affections de longue durée (ALD).
- (19)Une analyse des conditions d’émergence de ces marchés est présentée par Abecassis et Coutinet (2007b).
- (20)Les critères de qualité habituels, SMR et ASMR en France, ne sont pas adaptés aux OTC car ils sont conçus dans l’objectif d’établir une liste des molécules ou médicaments remboursables dans un contexte de rationnement budgétaire (voir Coulomb et Baumelou, 2007, ou Abecassis et Coutinet, 2007a).
- (21)Traditionnellement, les industries chimiques étaient divisées en trois secteurs : la chimie de base (ou chimie lourde), la chimie fine qui développe des produits issus de la chimie de base et la chimie de spécialité destinée à la mise sur le marché des produits finaux et elle-même divisée en deux sous-secteurs, la parachimie et la pharmacie.
- (22)Les codes SIC (Standard Industrial Classification) présents ici correspondent aux activités suivantes : 181 : produits de pépinière ornementaux ; 207 : extraction d’huiles ; 208 : liqueurs, boissons et arômes naturels ; 281 : fabrication de produits chimiques (pigments, alcalis, chlores?) ; 283 : activités liées à la préparation de produits pharmaceutiques ; 284 : fabrication de savons, détergents et parfums ; 349 : produits métalliques manufacturés ; 384 : activités d’appareillage et instruments médicaux ; 483 : stations de radio et de télédiffusion ; 504 et 512 : grossistes en biens d’équipement médicaux et pharmacie ; 679 : brevets et licences ; 806 : services médicaux aux particuliers ; 873 : services de recherche ; 965 : réglementation de divers secteurs commerciaux.
- (23)Les big pharmaceutical companies, appelées big pharma, sont de grandes firmes pharmaceutiques multinationales spécialisées dans la découverte, le développement et la commercialisation de nouvelles molécules chimiques (Pfeffer, 2005).
- (24)Les phases les plus fréquemment externalisées sont les phases II et III (Sahoo, 2006).
- (25)Afin de contrer ces baisses de CA liées à l’expiration des brevets, les firmes ont aussi mis en œuvre d’autres stratégies. Par exemple, certaines ont développé les génériques issus de leurs propres molécules (Glucophage® de Merck-Lipha, par exemple, a été développé en générique par Merck Generics sous le nom Metformine Merck®).
- (26)Le brevet expirait fin novembre 2002. Le laboratoire Schering-Plough a lancé un médicament OTC (Claritin OTC® aux États-Unis) pour lequel l’autorisation de mise sur le marché a été obtenue en novembre 2002, alors que les premiers génériques n’ont été commercialisés qu’en janvier 2003, pour certains en collaboration avec Schering-Plough (Claritin D24 hour®).
- (27)Ce chiffre est sous-estimé, selon Bras et al. (2007), car il ne tient pas compte des frais de gestion et d’encadrement des visiteurs médicaux.
- (28)Le contrôle affecte principalement les visites médicales.
- (29)La publicité est aussi possible dans le cadre de certaines campagnes de prévention (vaccins, etc.).
- (30)Même si Pfizer n’a évidemment pas orchestré la déferlante médiatique présentant le Viagra® comme « la pilule du plaisir », la firme a dû lancer une campagne d’information, avec l’accord des autorités, afin de faire savoir que son produit était un « vrai » médicament.
- (31)Les programmes d’aide à l’observance ont été supprimés de la loi transposant la directive européenne sur les médicaments (art. 29) par le Sénat le 24 janvier 2007.
- (32)L’utilisation de ces marques, bien que peu appréciée des professionnels de santé et des instances de sécurité sanitaire, a été récemment autorisée par l’AFSSAPS.